Poésie

LE GUET DU FACTEUR

Ethiopiques n°48-49

revue trimestrielle

de culture négro-africaine

Hommage à Léopold Sédar Senghor

Spécial les métiers du livres

1e et 2e trimestre 1988

– volume 5 n°1-2

Que m’apportes-tu là facteur aux pieds enflés ?

Quel avenir me toise au fond de ta sacoche ?

Je me suis levé tôt pour peindre ma journée

Et dégager ma vie de sa vilaine roche

Cela fait si longtemps que j’attends ta criée

Assis sur ce trottoir comme un cocher sans fiacre

Qui erre dans un rêve hanté d’ânes triés

Quelle est donc la nouvelle à quoi tu me prépares ?

Le coffre-fort des jours résiste sous mes mains

Tremblantes d’insister autour de sa serrure

J’ai bu trop de café pour bâtir mon chemin

Sans avoir à buter du front contre les murs

Le Bon Dieu m’a donné l’âme du rossignol

Et la tête d’un monstre amoureux de cascades

L’arc-en-ciel a été ma plus chère babiole

Et j’ai toujours été l’enfant de mes foucades

Mais hélas ! la vie vole et trente ans c’est déjà

En comptant les nuits-jours ma folle soixantaine

Mon visage a connu le calvaire des chas

Et ma conscience flotte accrochée aux antennes

Holà ! Holà ! Moussa aux semelles de feu

Toute la cité brûle au bord de ta visière

Dis-moi pour qui ton cœur fut un cheval de vœoeux

Toi qui sait t’esquiver quand tombent les rosières