Poésie

ROCOLLER LES MORCEAUX

Ethiopiques n°48-49

revue trimestrielle

de culture négro-africaine

Hommage à Léopold Sédar Senghor

Spécial les métiers du livres

1e et 2e trimestre 1988

– volume 5 n°1-2

Qu’écrirais-je de toi, avec, ou sans moi.

Que tu n’as pas d’âme ?

Confidence de saltimbanques ou de criminels

Deux choses t’en donnent

Dieu et

La déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

A laquelle il faudrait ajouter les Droits de l’Esprit…

L’âme, le nom ?

Je ne t’en ai pas trouvé d’autre,

J’eus bien trop peur en te voyant la première fois.

La solitude, la nouveauté, les maladies ne m’avaient pas encouragé,

Enfin, je me suis évertué,

Moi, le souvenir, la culpabilité,

L’acteur, le témoin, le colon, j’ai commencé par te déposséder en vrac,

Comme tu possédais, en vrac, – Laisse-moi parler snack sans m’interrompre, le poète –

Puis le fusil pointé sur ton ventre, je t’ai posé une question

Et tu m’as fait signe que tu étais d’accord.

Du moins je l’ai cru…

J’effaçais ta guerre, ta blessure et me blessais moi-même,

Pour longtemps et pour toujours.

Tes chants, tes danses ne voulaient rien dire et j’applaudissais.

Je ne pouvais entrer dans la transe, me noyer dans tes effusions :

Ta gloire, je la niais tout simplement :

J’avais à dominer comme partout ailleurs,

Et ta danse me dominait.

J’aurais voulu y entrer, prendre mes couteaux

Et m’en fiche en chair, mais ce n’était pas ton habitude.

J’aurais pu m’amuser aussi à mimer le phacochère, et la girafe.

J’ai toujours été trop sérieux.

Ce n’est pas pour rien qu’on m’appelle Monsieur, et

que tout les après-midi, j’ôte une cravate qui me nargue.

Je parlais en termes de culture et tu nageais dedans.

Ton dieu ne te posait pas de question comme le mien

Je t’ai appris ce poème du Notre Père que tu récites maintenant

à ta manière y mêlant quelqu’accent suave,

dont je n’ai pas le mot de passe.

Si aujourd’hui tu dois répondre cela te sert-il que

mon expérience fut contre toute attente totalement explicable.

Même chez nous, verbeux,

beaucoup demeure caché que nous accomplissons par devoir,

Mais je suis un peu pareil à toi,

J’ai perdu le fil des événements, et je suis courageusement, moins catholique…

Qui es-tu ?

Moi même !

Moi autre d’un autre moi,

Y-avait-il entre nous des millénaires à recoller, comme en moi-même désormais ?

N’yen avait-il pas autant qu’à ce jour même ?

Quelle est leur importance, comme un chagrin d’amour ?

Contre toute attente, je t’ai pris pour un enfant.

D’où vient ma méprise ? Des apparences ?

Inutile aveu.

Et si en raison de ma portée passée et différemment

présente, tu occupais le centre du monde… ?

Avec tout, le nouveau et l’ancien, maigre Ptah, tu crées enfin

Avec le dessein impossible de rassembler la planète.

Recoller les morceaux d’un irréversible monde nouveau,

décollé par moi de toutes pièces, en moi.

Dans mon élan formidable et passé…

Regard entre les fils tressés les mots ébahis, capture de la source

Du regard : invente seulement, évite de dominer,

piège qui en dit long, d’un contingent de pendus.

De minces quadrilatères d’hommes te guidaient

impunément qui furent rapidement disloqués

Dans l’entonnoir de la violence.

Le plan rompu de la vieille cacochyme, la métropole,

Quand rien n’est achevé, tout existant, isolément,

Tu abordes la dislocation continue de l’avidité internationale.