Jean ierre Hoss
Notes

EMMAUS OU VENGER L’HOMME l’Abbé PIERRE (EDITIONS « LE CENTURION »)

Ethiopiques numéro 27 revue socialiste

de culture

négro-africaine juillet 1981

 

Henri Noguès, dit l’Abbé Pierre interrogé par Bernard Chevalier, raconte sa vie et livre son message.

Les étapes de sa vie sont retracées dans le style fougueux et spontané qui est le sien. On y découvre ainsi, successivement, l’enfant, qu’éclaire la générosité du milieu familial, puis le collégien et l’adolescent, habité bientôt par le désir d’être prêtre. La foi de l’adolescent est exigeante.

Elle n’exclut pas le doute, et n’atteint sa plénitude qu’après la découverte de la philosophie, la tentation rationaliste, puis la fascination panthéiste. Vient le temps du séminaire, qui est aussi celui de la rencontre avec Saint François d’Assise. Le jeune Henri Noguès choisit la voie franciscaine, difficile entre toutes.

Mais la santé fragile du jeune homme le fait renoncer aux contraintes de la vie monacale. Il sera prêtre séculier, d’abord dans le diocèse de Grenoble. Mais la guerre éclate. Henri Noguès prend une part active à la Résistance. Il fonde le journal « l’UPI », « Union patriotique indépendante », « cahiers clandestins pour une France libre, juste et forte, fière devant l’étranger, indépendante devant les partis, fidèle à la plénitude de son passé ».

C’est dans le maquis qu’il prend le pseudonyme de l’Abbé Pierre, qu’il gardera ensuite. Arrêté dans le Pays Basque par les autorités de Vichy, il réussit à s’enfuir, rejoint Alger, y rencontre le général de Gaulle, intervient à la radio des Nations Unies.

Après le temps de la Résistance, vient celui de la politique. Poussé par ses anciens compagnons de lutte, l’Abbé Pierre est élu député. Il adhère, quelques mois plus tard, au Mouvement républicain populaire (MRP) avant de le quitter un peu plus tard avec fracas, estimant que le parti de la démocratie chrétienne était devenu « la doublure bien pensante du Parti radical ».

L’exercice de ce mandat parlementaire, le contact avec le monde politique sont, pour l’Abbé Pierre, source de désillusion et de malaise : « Les experts au pouvoir si vite perdent la connaissance des vraies nécessités primordiales… Le pouvoir est aveugle, les détresses les plus accablantes sont muettes… Comment faire se rejoindre ceux qui savent et ceux qui peuvent ? »

Délaissant une carrière politique pour laquelle il ne se sent pas fait, l’Abbé Pierre se consacre alors, progressivement puis, totalement, à ce qui sera l’œuvre de sa vie : Emmaüs. « Le temps avait commencé à venir pour moi où (…) l’on peut être en droit de créer le nécessaire, bien que l’on ne sache pas les moyens politiques de le réaliser à l’échelle de toute une société. Cette autre forme de vie, c’était l’engagement avec les plus désespérés, qui avait commencé à me faire chercher à créer avec eux quelque société, réduite bien sûr, mais de quelque façon exemplaire, une communauté de travail, de vie, et de service dans le partage ». Né de la rencontre entre un ancien condamné rescapé du suicide, et la charité brûlante de l’Abbé Pierre, tout entier animé par sa foi, la communauté d’Emmaüs – qui tire son nom de l’Evangile des disciples d’Emmaüs – devient vite le lieu de rencontre et de vie des désespérés. On vient chercher à Emmaüs non pas seulement de quoi vivre, mais des raisons de vivre. Et, pour cela les compagnons d’Emmaüs se lancent à cœur perdu dans le soulagement des détresses humaines.

Vivant d’abord grâce à l’indemnité de parlementaire de l’Abbé Pierre, les compagnons d’Emmaüs doivent ensuite, pour survivre, tels les disciples de Saint François se faire mendiants, puis chiffonniers.

Leur effort se porte vers les sans lois et les mal logés, nombreux dans la France de l’après guerre.

L’opinion publique, acquise à la cause d’Emmaüs au cours du rude hiver 1954, apporte son soutien. Les communautés Emmaüs se multiplient, en France et dans le monde.

L’Abbé Pierre, sollicité de toutes parts, prend son bâton de pèlerin et, inlassablement, installe de nouvelles communautés et répète son message : partage, entraide, charité, amour.

C’est au cours d’un de ces voyages, en 1963, qu’il manque d’être emporté dans le naufrage du « Cuidad de Asuncion », Dans le Rio de la Plata.

Cette proximité de la mort ne fait pas peur. La mort n’a-t-elle pas été présente et proche, tout au long de la vie, chez cet homme souvent malade, mais constamment animé par une énergie et une foi farouches ? « Depuis l’âge de huit ans, je vis dans l’impatience de la mort.

Ce n’est pas par goût de la nuit, mais du jour. Impatience du plein soleil et de l’eau claire ». Tel est l’ultime message de l’Abbé Pierre, dans cette autobiographie toute pleine de l’enthousiasme du croyant.