Littérature

RACONTER L’IRRACONTABLE : LE GENOCIDE RWANDAIS, UN ENGAGEMENT PERSONNEL ENTRE FICTION ET ECRITURE JOURNALISTIQUE

Ethiopiques n°71.

Littérature, philosophie, art et conflits

2ème semestre 2003

Les livres consacrés à la tragédie rwandaise s’inscrivent dans un contexte particulier : ce sont des textes de commande et de dénonciation. A la demande de Nocky Djedanoum, organisateur du Fest’Africa de Lille, une dizaine d’écrivains africains est partie au Rwanda en 1998 pour écrire sur le génocide tutsi et raconter au reste du monde ce qui s’était passé quatre années auparavant. Quelques écrivains que nous évoquerons ici comme Boubacar Boris Diop, Véronique Tadjo, Tierno Monénembo, Addourahman Waberi ou Koulsy Lamko faisaient partie de cette initiative. Il y avait également deux auteurs rwandais Jean-Marie Rurangwa et Venuste Kayimahe, une écrivaine burkinabe Monique Ilboudo ainsi qu’un auteur kenyan Meja Mwangi. Pour la première fois, des écrivains africains ont été invités à réfléchir, ensemble, sur un sujet complexe et douloureux qui a fait couler beaucoup d’encre dans les journaux ! Comment des textes à revendication littéraire, comme ceux écrits dans le cadre du projet Fest’Africa, entrent-ils dans la constitution de ce que nous pourrions appeler une mémoire de l’événement génocidaire ? N’oublions pas en effet que le projet Fest’Africa était motivé par ce « devoir de mémoire » qui a fait l’objet de nombreux débats : les textes produits à cette occasion s’inscrivaient dans une nécessité de témoigner pour ne pas oublier. Or, la représentation du génocide n’est pas sans poser des problèmes éthiques : sa mise en mots ne permet-elle pas d’accepter un événement qui devrait rester de l’ordre de l’inacceptable ? Les victimes du génocide rwandais ont d’ailleurs opté pour un refus complet du fictionnel comme nous l’ont appris les auteurs africains qui sont partis au Rwanda. Comment dès lors raconter l’irracontable ? Comment écrire un événement qui se situe hors de toute humanité, comme l’affirme Philippe Bouchereau [2] :

« La distinction entre penser et comprendre implique une séparation entre la logique et le sens. Il y a bien une logique génocidaire, elle est cependant sans sens. En revanche, le sens du témoignage donné par le rescapé nous pouvons et nous devons le comprendre. C’est le seul sens pour nous ».

Nous nous pencherons, dans le cadre de cette réflexion, sur les stratégies d’écriture mises en œuvre par certains auteurs africains pour raconter l’irracontable. Ces stratégies d’écriture passent par une utilisation particulière des « effets de réel » – pour reprendre une expression familière de Roland Barthes – et s’inspirent de l’écriture journalistique. Enfin, la part faite aux témoignages est un aspect important de cette écriture génocidaire que nous aborderons dans un dernier point.

  1. LE ROLE DES « EFFETS DE REEL » : LA REALITE DES LIEUX, LA PRECISION DES DATES ET L’IMPORTANCE DES NOMBRES

Ces textes possèdent des thématiques communes : il n’est qu’à voir les lieux ou les personnages évoqués. Tous les récits sur le Rwanda s’inscrivent dans des toponymes réels, comme autant de points de repère qui nous permettent, au fil de la lecture, de reconstruire la géographie du pays. Le tristement célèbre fleuve Nyabarongo revient comme un leitmotiv lancinant rappelant les massacres perpétrés :

 

« Lui, qui avait toujours porté la vie, charrie, depuis l’avril fatidique, la mémoire de l’horreur. Contre son gré. L’eau a été surprise par d’abondantes menstrues violentes qui lui ont arraché les ovaires [3] ».

Les allusions à des toponymes existants continuent d’affleurer à la lecture. Abdourahman Waberi visite, par exemple, la prison de Rilima :

« Les sept mille détenus de la prison de Rilima, tous génocideurs, selon les quatre catégories juridiquement reconnues par le Tribunal pénal international d’Arusha, de l’exécutant au planificateur, ont l’air tout à fait normaux. (…) Les suicides se comptent en nombre parmi les geôliers, dont certains proviennent des rangs du Front patriotique, mais demeurent rares parmi la population captive. (…) J’ai pu m’introduire sans trop de problèmes dans le périmètre des condamnés à mort en compagnie de Véronique Tadjo » (…). p.86-87

Ce même épisode de la prison se retrouve relaté dans le livre de Véronique Tadjo, sous une orthographe différente : la prison de Rilissa (p.110-111)

Les sites de génocide sont également référencés. Véronique Tadjo choisit le style télégraphique pour évoquer l’église de Nyamata, théâtre de milliers de morts :

« Eglise de Nyamata »

« Site de génocide

+ ou – 35 000 morts »

Elle utilise la même stratégie pour dépeindre l’église de Ntarama : style froid et dépouillé, qui ne se fonde que sur les faits afin de rappeler au lecteur l’ampleur du massacre. L’emploi volontaire des signes typographiques « + ou – » réduit les hommes à de simples numéros anonymes. Derrière ces chiffres exorbitants présentés comme s’ils étaient un détail insignifiant de l’histoire rwandaise, nous ne pouvons nous empêcher de voir éclater toute l’ironie de l’auteur qui fait ainsi référence au traitement du génocide par les journalistes. Les chiffres veulent prouver que le génocide, transformé pour l’occasion en une sorte de catalogue de statistiques, a bien eu lieu. Mais cette dénonciation peut laisser amer si nous gardons à l’esprit ce qu’écrivait Boubacar Boris Diop dans Le Cavalier et son ombre :

« Des tueries si vastes et si furieuses que les mots, au Rwanda comme au Burundi, ont fini par perdre tout sens. Une centaine de morts : un incident ; cent mille : on commence à armer les caméras et à parler de massacres. Je me souviens de Dieudonné, un de nos amis rwandais, nous disant : « A la télé ils ont parlé de la mort d’Ayrton Senna et des événements dans mon pays. Une minute pour notre million de morts et treize minutes pour le coureur automobile » (p.74).

Ce n’est pas la surenchère des morts qui va intéresser le reste du monde à ce qui se passe au Rwanda en 1994 ! Et, cette inflation rétrospective des chiffres ne va pas sans mettre hors d’elle la phalène des collines qui ne peut s’empêcher de souligner, avec force ironie, l’inanité d’un tel décompte :

« L’affreux Musungu avec son arithmétique et son doute ! J’entrais en ébullition quand les visiteurs s’attardaient sur le bilan numérique et s’amusaient à compter du regard les… une tête, deux têtes ; trois crânes ; cent péronés, mille fémurs, dix-neuf mille neuf cent quatre vingt-neuf omoplates, des sacs poubelle à remplir… comme si nos tibias étaient des bâtonnets d’écoliers de la maternelle ! Pis encore, les remises en cause me démangeaient atrocement ! » (p.19)

 

L’ironie provient ici de la multiplicité des chiffres qui réduisent le corps humain à une accumulation d’os et de crânes. Ces squelettes anonymes exhibés pour l’exemple en guise de preuve ont perdu toute leur humanité, ils font désormais partie de ces nombreuses statistiques dont se nourrissent avidement tous les journalistes abordant la question rwandaise. Et Véronique Tadjo va encore plus loin dans l’utilisation des « effets de réel » en inscrivant le massacre de Nyamata dans la chronologie détaillée des événements – elle nous rappelle par là-même que rien ici n’est fictif :

« C’est le 15 avril 1994 de 7h30 du matin à 14 heures que le massacre s’est déroulé à Nyamata. Plusieurs milliers de personnes avaient trouvé refuge dans l’église et ses annexes ». (…)

Les autorités avaient demandé à la population de se regrouper : « Rassemblez-vous dans les églises et les lieux publics, on va vous protéger » (p.23).

Les chiffres – qu’ils correspondent à un nombre de morts déterminé ou qu’ils représentent le décompte des mois, des jours et des heures – viennent également étayer les propos de Boubacar Boris Diop dans Murambi, lorsque Cornelius visite les églises de Nyamata et de Ntarama :

« Le gardien donnait les détails de sa voix monocorde :

– Les miliciens Interahamwe sont arrivés vers onze heures du matin, un jour d’avril. Les Tutsi étaient venus se réfugier dans leur paroisse, mais le curé n’était plus là. Moi, je me suis caché dans les marécages, parmi les papyrus. Pendant plusieurs jours je n’ai entendu que les aboiements des chiens.

Il dit aussi que sur cent vingt mille Tutsi de cette commune, soixante-cinq mille avaient été tués. (…)

De Ntamara ils se rendirent à l’église de Nyamata.

Entre vingt-cinq mille et trente mille cadavres étaient exposés dans le majestueux bâtiment en briques rouges » (p.95).

La fiction est passée au scalpel de l’Histoire par le recours aux dates et aux lieux qui inscrivent le récit dans l’Histoire événementielle ou le « docuroman » dont parlait Boniface Mongo Mboussa. Il note à propos du dernier livre d’Ahmadou Kourouma Allah n’est pas obligé que la « narration linéaire du récit fait davantage penser à un reportage journalistique qu’à un roman [4] ». Boris Diop, mû par ce désir d’informer ses lecteurs, rappelle que les massacres au Rwanda ont été déclenchés par la mort du président Habyarimana [5].

– Tierno Monénembo se remémore lui aussi, dans L’Aîné des orphelins, la chronologie des événements depuis la mort du président Habyarimana jusqu’au massacre de Nyamata :

« Donc l’avion du président fut abattu le 6. En tombant du ciel, il ramena avec lui toute une pluie de mauvais augures. On vit un troupeau de topis traverser le village, des aspics et des caméléons sortir de partout et, en plein jour, une volée de hiboux se percher sur le toit de l’église. Les gourdes de vin de palme se remplirent de sang et des colonnes de fourmis-magnans envahirent les domiciles et les puits. Et alors ! pesta Théoneste, mon père. En 1972 aussi, on avait vu une marée de grenouilles se répandre dans la cour de l’école et même un couple d’albinos venus d’on ne sait où batifoler sous les grévéhias. N’empêche que, cette année-là encore, les tueries n’avaient point dépassé le pont du Nyabarongo ! On est à Nyamata ici ! ». On pensa qu’il était devenu devin car il ne se passa rien le lendemain. Cependant, le 12, les premiers rescapés couverts de blessures vinrent demander refuge et, entre comas et râles, nous racontèrent ce qui se passait à Rutongo ou à Kazenzé. On y empalait les femmes enceintes et dépeçait les agonisants (…).

Le 13 à l’aube, pour la première fois, des Jeep et des camions-bennes remplis de miliciens Interahamwe, drogués et soûls, franchirent le pont de Nyabarongo (…).

La nuit du 14, les prêtres belges s’enfuirent vers le Burundi.

Le 15, nous nous levâmes à l’aube comme de coutume (…) » (p.142-145).

Une fois encore les dates affleurent dans le récit, elles constituent autant de points de repères lancés au lecteur pour appréhender le cours des événements. Mais à la différence de Boubacar Boris Diop ou de Véronique Tadjo, les dates sont tronquées – pas de mois, ni d’année -, comme si finalement elles n’avaient plus autant d’importance et se perdaient dans l’intemporalité de la fiction. L’auteur prend ici ses distances avec « l’effet de réel », en convoquant, en fin de récit seulement, des dates qui ont perdu tout lien avec la réalité. Seules comptent la rapidité de l’enchaînement des faits et la gradation dans l’horreur. Volonté de prendre ses distances avec la réalité ? Tierno Monénembo semble ici nous offrir sa manière personnelle de « paraphraser » l’Histoire – pour reprendre les propos de Koulsy Lamko – puisque cette indétermination temporelle vient se heurter à la précision des lieux cités. Et malgré ce flottement temporel, un point de repère constant ramène le lecteur de plain-pied dans la chronologie bien réelle des meurtres : les massacres de 1972. Cette incursion dans le passé inscrit la fiction dans l’Histoire rwandaise.

Boubacar Boris Diop prend soin, lui aussi, de souligner que les massacres de1994 ne sont pas les premiers, comme si l’écrivain devenait finalement un porte-parole et avait pour « mission » de rétablir toutes les vérités occultées par l’Histoire officielle :

« Le génocide n’a pas commencé le 6 avril 1994 mais en 1959 par de petits massacres auxquels personne ne faisait attention. S’il y a des meurtres politiques aujourd’hui, il faut châtier très vite les coupables. Sinon tout ce sang nous retombera sur la tête un jour ou l’autre » (p.66).

Les écrivains ont eu du mal à prendre leurs distances avec les événements qui ont jalonné l’actualité rwandaise. Leurs romans pourraient-ils se comprendre comme « une tentative de réparation envers les morts, à l’usage des vivants » pour reprendre le titre du spectacle organisé par le Groupov, Rwanda 94 [6] ? Ces romans auraient-ils une volonté morale, voire thérapeutique au regard des différentes significations que revêt le mot « réparation [7] » ? Les écrivains participant à ce projet ont été incapables de faire abstraction de la commande initiale qui les avait menés « jusqu’au bout du Rwanda ». N’oublions pas en effet que la réflexion lancée par Nocky Djedanoum et Maïmouna Coulibaly au Fest’Africa de novembre 2000 s’intitulait « Rwanda, écrire par devoir de mémoire ». Une problématique éthique sous-tendait le projet littéraire originel, dans une nécessité de rester au plus près du réel : il ne fallait pas travestir l’Histoire derrière les fards de la fiction, trop mensongère au goût des victimes, comme le rappelait Abdourahman Waberi, dans la préface de son livre Moisson de crânes. Paraphrasant les propos de Paul Celan sur l’Holocauste juif, il pose cette réflexion cruciale qui va le hanter tout au long de l’écriture de son livre : Comment écrire après le Rwanda ? Il n’a pas de solution à donner. Pas de recette toute faite qui pourrait résoudre le dilemme qu’il pose dans sa préface en ces termes :

« On se dit que la littérature, cette fabrique d’illusions, avec ses suspensions d’incrédulité, reste bien dérisoire. On se dit que peut la fiction dans une telle situation. On se dit que le témoignage journalistique n’est pas autrement plus efficace dans ce monde globalisé, rongé par l’indifférence, certes bien informé et pourtant peu enclin à réagir promptement et efficacement » (p.16).

 

Abdourahman Waberi souligne toute la contradiction du langage et des mots, « ces pauvres béquilles malhabiles » (p.14), qui apparaissent comme des armes bien dérisoires pour « rendre conte [8] » de l’horreur d’une telle situation. Et pourtant, ce sont les seules qui existent, « si l’on veut qu’un peu d’espoir vienne au monde » (p.14) ! Forts de cette approche, les écrivains ont voulu « laisser fleurir la vérité [9] » pour crier au reste du monde les injustices et les meurtres qui se sont déroulés en avril 1994 :

« Notre humanité exige de donner, ne serait-ce que pour quelques instants, visage, nom, voix et, partant, mémoire vive aux centaines de milliers de victimes pour qu’elles ne soient pas simplement synonymes de chiffres, au pire, précipitées dans les caveaux de l’oubli et, au mieux, dormant dans les colonnes de quelques tableaux plus ou moins officiellement reconnus par la conscience qu’on dit collective et qu’il faut raffermir de jour en jour (…) [10] ».

N’y a-t-il pas dès lors un risque de paraphraser les textes journalistiques et de faire du « docuroman » plutôt que du roman ?

A ce sujet, il est intéressant de noter le nombre assez important de textes – oscillant entre fiction, histoire, journalisme et témoignage – écrits par les journalistes occidentaux sur le thème du Rwanda. Ces journalistes semblent avoir eu la même démarche que les auteurs que nous étudions car, comme le dit justement Daniel Delas dans un article de Notre Librairie [11] :

« La situation d’écriture de ces écrivains est bien différente de celle des rescapés du massacre : il ne s’agit pas pour eux de trouver la force de revivre par le souvenir les événements traumatisants qu’ils ont vécus en quelque sorte mais de hisser leur écriture à la hauteur de la souffrance qu’ont endurée les victimes et du choc qu’eux-mêmes ont ressenti en visitant les charniers conservés en l’état par le gouvernement du général Kagamé après la reconquête du pays par le Front Patriotique Rwandais (FPR). (…) Ainsi affronté au monstrueux, la première réaction de l’écrivain est celle de tout le monde (…). Attitude de journaliste se plaçant en quelque sorte à l’extérieur, dans la situation de celui qui pose les questions et qui note les réponses ».

Gil Courtemanche qui a publié au Canada Un dimanche à la piscine de Kigali [12], s’est par exemple essayé à la fiction : il nous prévient dès son préambule que le reportage qu’il a mené au Rwanda a été revisité par la fiction :

« Ce roman est un roman. Mais c’est aussi une chronique et un reportage. Les personnages ont tous existé et dans presque tous les cas j’ai utilisé leur véritable nom. Le romancier leur a donné une vie, des gestes et des paroles qui résument ou symbolisent ce que le journaliste a constaté en les fréquentant ».

Philip Gourevitch a, pour sa part, préféré recueillir des témoignages et mener son enquête avec un style qu’il connaît bien puisqu’il est journaliste au New Yorker : dans son texte, WE WISH TO INFORM YOU THAT TOMORROW WE WILL BE KILLED WITH OUR FAMILIES, Stories from Rwanda [13], il se lance à la recherche des génocideurs qui ont commandité les meurtres. Le journaliste Emmanuel Goujon, avec Espérance et autres nouvelles [14], nous offre des nouvelles qui fictionnalisent elles aussi le génocide, dans un style très réaliste. Quant à Jean Hatzfeld, Dans le nu de la vie, récit des marais rwandais [15], il propose une collection de témoignages qu’il a recueilli parmi les rescapés de Nyamata ; or le problème que posent à nos yeux ces récits de Jean Hatzfeld, c’est qu’ils sont publiés dans une collection dédiée à la fiction alors qu’ils sont des témoignages on ne peut plus véridiques sur la manière dont ont survécu les victimes du génocide. Une fois encore, la fiction voudrait se mélanger aux faits réels.

Comme nous le voyons ici, le Rwanda a été l’enjeu de bien des écrits : journalistes occidentaux, écrivains africains et rescapés se sont essayés à l’explication et à l’interprétation. Les victimes, comme Yolande Mukagasana ou Vénuste Kahimahé, ont voulu, pour leur part, raconter l’enfer qu’elles avaient vécu, sans le couvrir du voile de la fiction [16].

Afin de mieux appréhender la logique génocidaire, les écrivains travaillant sur le génocide rwandais par le biais d’un récit plus ou moins fictionnel ont donc voulu donner la parole à ceux qui étaient forcés de se taire. Mais nous pouvons nous demander si la volonté de comprendre et d’informer à tout prix le lecteur n’a pas été un frein à l’imaginaire des auteurs que nous étudions. Pour notre part, nous pensons que le recours systématique aux chiffres qui permettent de mieux appréhender le réel au travers de la fiction a pu rendre parfois ces textes un peu trop démonstratifs. Seuls Tierno Monénembo et Koulsy Lamko ont pris le parti de s’éloigner un peu de l’actualité. Tierno Monénembo refuse, jusqu’à la fin de son récit, de raconter la réalité des massacres : Faustin veut seulement oublier le carnage de Nyamata et il se moque bien d’expliquer quoi que ce soit, comme le souligne Daniel Delas [17] :

« Et les massacres, et les charniers, et les tortures ? C’est la force du récit de Monénembo de ne pas les raconter, de ne pas les décrire mais d’en faire ce dont tout découle mais qu’on ne peut ni dire ni expliquer ».

Faustin est un enfant de quinze ans qui survit tant bien que mal dans le marasme économique de l’après génocide, sans se poser de questions :

« Pourquoi en est-on arrivé là » ?

L’horrible et inévitable question ! Je crois qu’elle me l’a posée chaque fois que nous nous sommes rencontrés : sur le perron de la poste, sur le trottoir de la rue de la Récolte et sur les terrains vagues bordant la prison (…). Je me souviens bien que, excédé, je lui avais répondu une fois :

« Ben parce que nous aimons ça ! C’est pas la première fois que je sache ! (…) Le Rwanda, je m’en fous ! On m’aurait demandé, je serais né ailleurs » (p.31-32).

La dénonciation du génocide se décline sur des registres différents propres à la sensibilité de chaque auteur. Il est par exemple intéressant de voir que l’approche très journalistique de Véronique Tadjo – du moins au début de son livre ! – contraste avec la vision plus onirique de Koulsy Lamko qui a décidé de faire revivre le personnage d’une femme momifiée. Pour la première fois, l’auteur prend pour narratrice principale une morte qui a décidé de raconter son calvaire de vivante :

« L’enjeu était monumental et mon histoire ne pouvait supporter d’être travestie. J’avais donc décidé de pousser instantanément une tête, un thorax, un abdomen, des yeux composés, trois paires de pattes, et… des ailes de papillon. Je choisis d’habiter le corps d’une belle et grande phalène rousse avec des stries foncées, couleur sol brûlé. Simple opération de métamorphose pour passer de l’invisible au visible, du corps aphysique à l’incarné » (p.20).

Les événements de Nyamata sont perçus de l’intérieur, ce qui permet à l’auteur de faire entrer dans cette réflexion sur le « cadavre en série [18] » la démarche éthique du visiteur/lecteur. Quel angle d’approche ce dernier peut-il adopter face à un tel déferlement de haine ? Le roman, à la manière des sites-mausolées, ne peut dénoncer l’horreur du génocide à coup d’effets de réel, sans poser l’inéluctable question morale du voyeurisme. Dans La phalène des collines, les morts se révoltent contre les innombrables visites guidées qui proposent un voyage au pays de l’horreur et du mal :

 

« Ces mufles, ces clowns de tout acabit qui avaient fini par me prendre pour une pièce de musée, qui me visitaient, reniflaient ma carcasse, se bouchaient les narines ou se laissaient surprendre par la nausée, tous m’irritaient profondément.(…).

Ah le siècle cul-de-jatte, irrésistiblement avide de sensationnel et qui adore se gaver de virtualité ; le siècle friand des misères de l’homme à déguster par procuration d’écrans et d’objectifs de caméra. Cannibalisme non avoué ! Et encore plus tendre, plus onctueux quand c’est du nègre qu’on bouffe, la succulente négraille en steak tartare… ! (p.15-17).

Le ton volontairement incisif de la phalène dérange nos convictions de lecteur attentif. Notre intérêt ne serait-il motivé que par notre avidité de sensations fortes, comme l’affirme la phalène ? Nous pouvons aussi nous demander si ce voyeurisme n’est pas, d’une certaine manière, le résultat de notre cécité face à ce qui est advenu au Rwanda. Ne serait-il pas l’autre facette de notre bonne conscience ? Nous sommes pareils à cette photographe, Pelouse, venue sur les sites du génocide, dans La phalène des collines, pour prendre conscience de la réalité des événements. Nous avons besoin de voir pour savoir, en nous attachant rétrospectivement aux traces les plus visibles de cette haine « interethnique ». Mais ce geste n’est pas sans poser un sentiment de culpabilité, né de notre impuissance (ou incapacité ?) à comprendre l’ampleur d’un tel massacre au moment des faits. Cette incompréhension a motivé bon nombre d’écrivains africains qui se sont intéressés au projet Fest’Africa, à écrire sur le génocide, comme le rappelle Romuald Fonkua. Il s’est créé autour du Rwanda « un lieu de reconnaissance et un sentiment d’appartenance » [19]. Les textes écrits dans le cadre de ce projet ont placé les écrivains face à leur engagement et à ce sentiment d’impuissance dans lequel leur situation les mettait car :

« Les écrivains africains de par cette notion de l’engagement qui était censé leur conférer la science infuse, pourrait-on dire, auraient dû prévoir ce qui s’est passé au Rwanda. On voit bien que devant cette sorte d’impuissance et d’impossibilité à rendre compte de ce qui s’est passé, les écrivains – en particulier Boubacar Boris Diop ou Nocky Djedanoum – en viennent à remettre en cause la littérature elle-même, c’est-à-dire cette littérature qui se chargeait,avant 1994, de dénoncer les différentes dictatures [20]  ».

Ces textes sur le Rwanda ont permis d’examiner en profondeur les causes et les conséquences d’un tel génocide : les auteurs, grâce à ce projet, ont pris le temps de réfléchir aux raisons premières de ces massacres. Entre Murambi et Le Cavalier et son ombre, l’opinion de Boubacar Boris Diop a considérablement évolué. Alors que son dernier roman s’intéresse aux causes du génocide et essaie d’en appréhender les contours encore très flous, Le Cavalier et son ombre nous maintient plutôt à l’extérieur des tueries :

« Les journaux sont actuellement remplis de chiffres incroyables et de récits d’horreur. J’ai lu quelque part qu’on en est à huit cent mille morts : tout cela est arrivé en quelques semaines et personne ne trouve encore le moyen de nommer ce qui se passe là-bas ; on parle de drame, de « tragédie » ou de « génocide », indécision qui montre bien à quel point tout le monde, à commencer par les Africains eux-mêmes, s’enfout ; à mon humble avis, quand on ne s’en fout pas, on donne aux choses leur nom et on s’y tient. Il y a quelques articles dans les journaux, des cris de douleur lors de certaines réunions internationales et puis c’est tout » (p.73).

C’est pour éviter que la « tragédie » ne se recouvre d’un voile trop opaque que les auteurs ont choisi d’évoquer le Rwanda dans toute l’horreur que représentait un tel massacre, à travers une multitude de chiffres bien réels et de lieux tristement célèbres. Ils ont voulu que la douleur ne se perde pas dans l’oubli des mémoires et que le génocide revête le nom que les journalistes et les politiques s’évertuaient à effacer derrière des dénominations assez vagues de « massacres interethnique » ou de « guerre civile ». L’écriture, par le recours aux « effets de réel », doit à tout prix imposer la réalité de ce massacre, incroyable en soi, et qu’une bonne partie de la population tente de remettre en cause par des discours édulcorés – voire négationnistes – souvent encouragés par la presse [21].

  1. L’ECRITURE ROMANESQUE FERTILISEE PAR L’ECRITURE JOURNALISTIQUE

Dans le corpus de textes relatifs au Rwanda, seuls Véronique Tadjo et Abdourahman Waberi ont eu recours à des textes secondaires qui se dégagent clairement du texte premier par des guillemets ou des notes en bas de page. Véronique Tadjo, dans Imana, puise dans plusieurs textes : le journal est une référence dont la source n’est pas toujours précisée, comme c’est le cas dans la première allusion intertextuelle sur des touristes assassinés en Ouganda [22]. Rien ne distingue le texte journalistique du récit autobiographique de Véronique Tadjo. Au cours de son récit, les références se feront plus distinctes : le nom du magazine est souligné en italique et ses propos retranscrits par des guillemets :

« La Nouvelle Revue, un bimensuel de Kigali écrit :

A l’aube du lundi 1er mars, environ cent cinquante hommes armés de machettes, de lances et de fusils AK 47, repérés comme étant des rebelles hutus rwandais – des Interahamwe, responsables du génocide rwandais de 1994 -, ont attaqué trois campements dans l’impénétrable forêt de Bwindi au Sud-ouest de l’Ouganda. Ils ont tenté d’enlever une trentaine d’étrangers, mais n’en ont finalement emmené que quatorze, ayant fait le tri entre Anglo-Saxons et Francophones, ces derniers ayant été relâchés » (p.95).

L’auteur fait aussi allusion à un essai traitant de la question rwandaise [23]. Enfin, la dernière référence intertextuelle est la liste faite par le Hutu Power sur les dix commandements que les Bahutus [24] ne doivent pas enfreindre pour rester Hutus. Une note en bas de page précise que ces commandements ont été publiés dans « le journal des extrémistes pro-hutus, Kangura, 10 décembre 1990 ».

L’intertexte est aussi très présent dans Moisson de crânes d’Abdouhaman Waberi qui cite à deux reprises Wole Soyinka : il reprend les propos que l’écrivain nigérian a tenus dans un récent essai, The Open Sores of a Continent : « Un mort est une tragédie, un million de morts une simple statistique » (p.17). Il reprend aussi la déclaration de Wole Soyinka que le quotidien espagnol El País a repris dans son édition du 23 mai 1994 :

« Tout le monde s’était ému du sort des gorilles au Rwanda. Mais on laisse se perpétuer le massacre. Aujourd’hui, nous devons parler de l’extermination d’êtres humains. Parler d’une espèce menacée, parler des Tutsis. L’Afrique du Sud est notre rêve, le Rwanda notre cauchemar » (p.79).

Les guillemets et l’italique, comme chez Véronique Tadjo, sont la forme de l’emprunt. Abdourahman Waberi ajoute : « Il faut découvrir un pays par sa presse aussi » (p.89).

Suite à cette déclaration, il se mettra à noter les faits divers qu’il lit dans différents journaux comme The New Times du 26 juin 1999 ou le Daily Mail [25]. L’auteur reprend également une citation d’un des responsables du génocide, Joseph Nsengimana, tirée d’un texte intitulé Tous pour la nation : « Et coule sans répit le sang de Kanyarwanda ». (p.41)

Le fait divers côtoie l’écriture du journal de voyage comme pour nous signifier un peu plus que nous sommes dans la réalité, dans la vie de tous les jours où la mort est partout présente, d’une banalité à faire frémir les lecteurs de journal !

 

  1. TEMOIGNER SUR L’HORREUR GENOCIDAIRE

Beaucoup des textes publiés dans le cadre du projet Fest’Africa sont écrits à la première personne du singulier : L’ombre d’Imana, La phalène des collines, Moisson de crânes, L’aîné des orphelins, etc. Certes, ce n’est pas le « je » du rescapé qui a vécu directement l’expérience de la mort et qui la relate dans un livre, mais c’est une autre forme de témoignage que nous pourrions qualifier de « témoignage du dehors » par opposition au « témoignage du dedans [26] », qui désigne le récit des victimes. La réappropriation de l’Histoire passe toujours, chez l’écrivain qui veut écrire sur le génocide rwandais, par une réflexion sur l’événement génocidaire et sa signification, et par un travail d’intégration sélective des témoignages ou de certaines expériences vécues dont d’autres ont témoigné. Car le génocide n’est pas compréhensible en tant que tel, il se situe hors de toute humanité, comme l’affirme Philippe Bouchereau [27], et ne peut s’appréhender que par le témoignage :

« Ce n’est que dans le récit, et à partir du récit, que l’événement de la désappartenance apparaît. Il devient, par le retour de la parole, un phénomène. L’événement n’apparaît qu’au travers du témoignage. Au travers du témoignage, l’événement devient phénomène, c’est-à-dire du sens. Le rescapé, par le langage, rend manifeste l’événement non compréhensible en le faisant, pour lui et pour nous, phénomène, phénomène de sens. Le phénomène se manifeste donc pour le rescapé et pour nous à partir du récit parce que le récit est communication de l’événement non compréhensible. En s’adressant à nous par la parole, le rescapé transforme le mutisme forcé qu’impose l’événement en langage ».

Par le biais du témoignage qu’ils vont réinsérer dans la fiction de leur texte, les auteurs qui ont participé au Fest’Africa réécrivent ainsi l’événement sur lequel ils s’interrogent.

Pour questionner le témoignage à l’œuvre dans les textes sur le Rwanda nous confronterons la vision de Paul Ricœur à celle, radicalement opposée de Catherine Coquio. Paul Ricœur écrit, dans La mémoire, l’histoire et l’oubli [28] :

« Il est demandé au témoignage de faire preuve. C’est alors le témoignage qui porte secours et assistance à l’orateur ou à l’historien qui l’invoque. En ce qui concerne plus spécifiquement l’histoire, l’élévation du témoignage au rang de preuve documentaire marquera ce temps fort du renversement dans le rapport d’assistance que l’écrit exerce à l’égard de cette ‘mémoire par béquille’ ».

Paul Ricœur ajoute plus loin que dans cette « crise du témoignage » « il s’agit de lutter contre l’incrédulité et la volonté d’oublier [29] ».

D’un autre côté, Catherine Coquio écrit que le génocide

« Est un événement avec témoin et sans preuve. (…) En d’autres termes, un génocide ne peut pas relever du seul fait. Il relève de l’événement, qui suppose un système de subjectivations. Et pour saisir un événement qui se nie, il faut que l’historien se retourne sur ses procédures d’affirmation. Pour que la validation d’un fait génocidaire ait lieu, il faut que l’historien interroge la relation qu’il établit entre le fait et sa signification, c’est-à-dire qu’il mette sa pratique interprétative à l’épreuve d’un événement dont l’horizon de pensée est, quels que soient ses déguisements idéologiques, l’anéantissement pensable et réalisable [30] ».

L’écrivain doit lui aussi rendre cet anéantissement pensable, et reconstituer différemment sa signification, en revenant sur sa pratique ordinaire, mise à l’épreuve d’une réalité nouvelle. Mais qu’il soit ou non rescapé, son témoignage ne constituera jamais une preuve. Pourtant, l’écriture doit à tout prix imposer la réalité de ce massacre, incroyable en soi, et qu’une bonne partie de la population tente de remettre en cause, par des discours édulcorés, voire franchement négationnistes, souvent relayés et même suscités par la presse. Face à cette négation qui renvoie aux implications politiques directes de ceux qui l’alimentent, les romanciers peuvent opter pour la dénonciation, comme l’a fait Boubacar Boris Diop, dont la fiction narrative, par son caractère démonstratif et symbolique, par la récurrence et la violence des images, oblige à accepter le génocide comme un fait réel, irréfutable, en partie explicable, ainsi qu’à réfléchir sur la possibilité de sa réalisation.

Véronique Tadjo et Abdourahman Waberi, en se mettant directement en scène dans leur récit de voyage, nous amènent à nous interroger sur la subjectivité qui nourrit les témoignages. En effet, le journal est une référence dont la source n’est pas toujours précisée dans l’œuvre de Véronique Tadjo [31]. Par cette technique, l’auteur nous rappelle ce qu’écrivaient Jean-Marie Volet et Hélène Jaccomard dans un article sur l’autobiographie africaine [32] où ils faisaient référence au « pacte autobiographique » selon Philippe Lejeune : « Le lecteur jouit d’une liberté totale : sa signature, c’est-à-dire son adhésion au pacte, n’est qu’un acte de foi ».

L’utilisation du récit de voyage pourrait alors se comprendre comme une sorte de mise en abyme du témoignage du rescapé, où seule la confiance qu’elle établit avec le lecteur est garante de la véracité de ses propos. Catherine Coquio [33] affirme que le témoignage

« Est à envisager, non comme manifestation de mémoire, selon la formule consacrée, mais comme activité de pensée appliquée à une compréhension de l’inhumain comme production politique et humaine. »

Le témoignage est donc un moyen d’appréhender la négation de l’humain pour essayer d’en comprendre les mécanismes. Les fictions du « je » qui se réclament de ce qu’ont entendu les auteurs sont une forme de subjectivité qui clament leurs vérités intrinsèques. Car comme le dit Philippe Bouchereau,

la « spécificité du génocide tient en ce que les victimes sont impliquées directement dans le processus de leur désintégration. (…) Témoins et acteurs de la désappartenance, tel est le sort immonde, réellement anti-humain, réservé aux victimes [34] ».

Dans son journal, Véronique Tadjo parle des gens qu’elle rencontre et retranscrit quelques conversations, comme lorsqu’elle rend visite à la famille Kubwimama (p.33). C’est par ce mélange de discours directs et indirects que nous apprenons l’histoire de Consolate, qui rend visite à sa mère emprisonnée (p.39), celle de Nelly (p.46) ou de Joséphine (p.120). De nombreux anonymes viennent faire part de leurs réflexions ou de ce qu’ils ont vécu pendant le drame, comme l’avocat de Kigali (p.34), l’homme renversé, l’écrivain, l’homme au masque, le chef de projet, le journaliste, ou encore cette « jeune Zaïroise qui ressemblait à une Tutsie » (p.100). À ces récits de vie dont certains ne sont pas sans rappeler les témoignages recueillis par Jean Hatzfeld dans son livre Dans le nu de la vie [35], viennent également s’ajouter d’autres histoires en forme de nouvelles plus ou moins réalistes, comme le texte des Morts mentionné plus haut. L’auteur imagine aussi des histoires entre bourreaux et victimes. Véronique Tadjo nous fait ici partager des bribes d’existence : celle d’Isaro, hanté par le suicide de son mari accusé de génocide, celle d’Anastasie détruite par le viol, celle des morts qui veulent sortir de l’oubli où les enferment les vivants, celle de Karl qui n’a pu aider sa famille. La focalisation dans ces textes est toujours externe, excepté dans le dernier texte qui conclut cet entre-deux du voyage, « Seth et Valentine », où l’auteur nous replonge dans la narration intradiégétique et homodiégétique du voyage. La narratrice – qu’on pourrait assimiler à l’auteur – s’efface, la plupart du temps, de l’histoire qu’elle raconte. Les personnages qu’elle décrit n’ont aucun lien entre eux, si ce n’est leur propre relation à la mort. Dans « Sa voix », nous ne savons rien d’Isaro ou de son mystérieux interlocuteur. Dans « Anastase et Anastasie », nous ne savons plus rien de ce « il » qui « a perdu Anastasie » (p.73). Toutes ces questions vont trouver leur résolution au fil de la lecture. Les données journalistiques ou factuelles sont exclues de ces textes qui s’intercalent entre les deux voyages, et qui s’apparentent à une plongée dans l’esprit des rescapés – et parfois des bourreaux. Ce recours à des récits brefs et cohérents, qui fonctionnent comme des unités indépendantes s’emboîtant dans la diégèse, est la stratégie trouvée par bon nombre d’auteurs pour écrire l’événement génocidaire de l’intérieur, du point de vue des victimes ou des bourreaux. Les témoignages des victimes comme ceux de Jessica Kamensi, Gérard Nayinzira, Rosa Karemera, Marina Nkusi, etc. – et même des bourreaux (Aloys Ndasingwa ou le Docteur Joseph Karekesi) – affleurent dans Murambi. Abdourahman Waberi va même plus loin dans Moissons de crânes puisqu’il joue avec la focalisation en nous donnant à voir la perception d’un génocideur :

« Des cargaisons de machettes rutilantes, achetées à bas prix en Chine, arrivent chaque jour à l’aéroport de Kanombé. On va les décharger en promettant aux cancrelats des torridités jamais ouïes en Afrique. Cul sec, on descend des bouteilles de bière Mützig et de rhum cubain. Muscles dehors, on s’épanche le visage en écoutant les paroles stimulantes de Simon Bikindi, destinées exclusivement au cœur réceptif du peuple cultivateur, avant de recharger les caissons dans des camions qui sillonneront les sept collines de la capitale et toutes les préfectures. (…) Nous nous rongeons les ongles en attendant de déferler sur les serpents à deux têtes, les lépreux à bannir de la vie » (p.36).

Ce changement de focalisation rompt avec l’écriture du récit de voyage qui nous fait généralement appréhender les choses de l’extérieur et non de l’intérieur, comme le fait habilement Abdourahman Waberi par ce changement de style. Le roman de Koulsy Lamko intercale aussi des textes courts qui relatent l’histoire de Fred R : ce dernier n’est autre que le combattant Fred Rwigyema qui a participé à la libération du pays au côté du FPR [36], après avoir vécu en exil en Ouganda. Ces textes sont l’occasion de poser quelques questions sur le fait d’être Rwandais (p.37), sur le retour des exilés au pays (p.90), ou sur le rôle que les intellectuels peuvent jouer (p.104), etc.

À travers les multiples monologues de la phalène, le roman comporte également de nombreuses réflexions sur la difficulté d’écrire l’histoire rwandaise : la phalène s’interroge, par exemple, sur la déontologie du visiteur/lecteur/voyeur face aux sites mausolées (p.17), elle questionne la nature profonde de l’homme (p.73), etc. A ces questionnements viennent se greffer des témoignages externes de rescapés que rencontre Pelouse : l’histoire de Muyango ou d’Epiphanie. Ce mélange des genres – l’onirisme, l’allégorie et la réflexion-essai – est le moyen qu’a trouvé Kously Lamko pour dire le Rwanda de l’après génocide.

Le texte déborde donc à tout moment le seul genre du roman ou du récit de voyage. Philippe Lejeune disait à ce sujet dans Le pacte autobiographique [37] :

« Les genres littéraires ne sont pas des êtres en soi : ils constituent à chaque époque une sorte de code implicite à travers lequel, et grâce auquel, les œuvres du passé et les œuvres du présent peuvent être reçues et classées par les lecteurs. C’est par rapport à des modèles, à des « horizons d’attente », à toute une géographie variable, que les textes littéraires sont produits puis reçus, qu’ils satisfassent cette attente ou qu’ils la transgressent et la forcent à se renouveler ».

C’est bien dans la « transgression » des genres que se situent certains des auteurs du projet Fest’Africa pour dire l’indicible : ils ont choisi un texte aux formes hybrides qui traduit l’ambiguïté de leur statut d’écrivain appelé à témoigner d’un « Mal Absolu [38] » sans l’avoir vécu directement. Ce procédé n’est pas foncièrement nouveau si nous regardons l’écriture de Véronique Tadjo, puisque dans ses textes précédents, le roman côtoyait le conte et la poésie. La nouveauté vient ici de la place accordée à une écriture plus journalistique, plus à l’écoute de témoignages et que les écrivains intercalent dans la diégèse de leurs œuvres. La place de l’imaginaire, dans ces textes, inégale, mais toujours primordiale pour étayer la réflexion sur l’événement réel. Comme le souligne Elizabeth Nardou-Lafarge dans une réflexion sur les enjeux des textes littéraires dans la constitution d’une mémoire de la guerre :

« Le récit de guerre ne se laisse pas, tant s’en faut, circonscrire dans le roman de guerre, souvent davantage roman du combat, catégorie générique par ailleurs assez floue, construite tantôt sur un repérage thématique dont on voit bien les difficultés, tantôt sur le lien synchronique des textes et des événements, voire même sur la vie des auteurs. En sont investis tout autant le reportage, les biographies, les correspondances, l’ensemble du champ de l’autobiographique, des journaux intimes aux mémoires, mais aussi toute cette zone de l’écriture, où se côtoient le témoignage, le récit de voyage, le récit de vie, etc., qui non seulement échappe aux classifications génériques institutionnelles, mais fait vaciller les limites du littéraire [39] ».

CONCLUSION

Certains écrivains de notre corpus ont trouvé un moyen, à travers la littérature, de réécrire leur propre version des événements pour que le lecteur n’oublie pas ce qui s’est véritablement passé.

A propos de ce rôle que l’écrivain peut jouer dans ce monde détruit de l’Après-Rwanda, Véronique Tadjo écrit dans Imana :

« Que mes yeux voient, que mes oreilles entendent, que ma bouche parle. Je n’ai pas peur de savoir. Mais que mon esprit, au grand jamais, ne perde de vue ce qui doit grandir en nous : l’espoir et le respect de la vie.

Oui, porter aussi son attention à la vie qui coule : gestes quotidiens, mots ordinaires. La vie de tous les jours telle qu’elle est » (p.20).

Dans un pays qui, selon Muyango-le crâne fêlé, est devenu « un océan de vide, un énorme gouffre dans la mémoire » (p.56), il n’y a plus que « les mots [qui] tissent et confectionnent la vie » (p.40), comme le dit la phalène. L’écrivain est semblable à ce crâne fêlé qui écrit ses « poèmes regardants » (p.56) pour redonner une cohésion au monde des vivants : la petite communauté du Café de la Muse reprend vie à l’écoute de ses poèmes qui ravivent le souvenir. Et Pelouse ne dit pas autre chose quand elle décide de vivre au Rwanda pour soigner ce pays malade :

« Ce sera la chirurgie esthétique des âmes. Epiphanie, il faut corriger la nature lorsqu’elle s’est trompée. La laideur est une maladie aussi grave que les autres. (…) Nous serons miroir pour rendre aux gens leur image, concave ou convexe lorsqu’ils sont désespérés, mais harmonieux et équilibrés lorsqu’ils ont envie de dépasser les marques du chaos » (p.141).

Les mots soignent parce qu’ils regardent le monde. Et l’auteur d’ajouter :

« Je ne pouvais plus garder le Rwanda enfoui en moi. Il fallait crever l’abcès, dénuder la plaie et la panser. Je ne suis pas médecin mais je pouvais quand même essayer de m’administrer les premiers soins » (p.13).

L’écrivain voudrait ressembler à ce médecin qui apaise les blessures en essayant de les comprendre, sans pour autant donner de réponses aux malheurs de l’humanité. D’ailleurs, les questions sans réponse ne cessent d’affleurer dans l’œuvre de Véronique Tadjo : Comment rendre la justice ? Comment pardonner ? Etc. Abdourahman Waberi laisse aussi bon nombre de questions en suspens, quand il étaye son texte de citations empruntées à la poésie et au théâtre d’Aimé Césaire et au roman de Primo Levi, Si c’est un homme [40]. Cette incursion dans la fiction au profit de l’écriture journalistique ouvre une réflexion sur la manière d’écrire l’indicible que représente « le cadavre en série ». En quelques lignes, il esquisse les grandes lignes du malheur rwandais, mais il n’ira pas plus loin, nous laissant méditer sur cette opinion. Il fait des observations, soulève des questions, mais se garde bien de donner des réponses. Il préfère alors donner la parole à d’autres dans les citations qui se juxtaposent à sa vision des événements. C’est ainsi qu’Aimé Césaire, Mia Couto, Wole Soyinka, Primo Levi et bien d’autres prennent la parole et apportent des éléments qui viennent nourrir notre réflexion. Après avoir visité le quartier des condamnés à mort, Abdourahman Waberi laisse la conclusion à Primo Levi, par l’entremise d’une citation :

« Les exécuteurs zélés d’ordres inhumains n’étaient pas des bourreaux-nés (…) Ceux qui sont les plus dangereux ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter [41] ».

Ainsi les citations, au-delà de la donnée historique et factuelle qu’elles introduisent, sont aussi un moyen de faire passer de la fiction, là où elle semble avoir perdu tous ses droits. Par l’entremise de la parole de Césaire, l’auteur fait coexister au sein de la nouvelle Terminus différents types de paroles, différents types de narrations, sans transition explicite ! Il les juxtapose et les relie par la seule force du verbe césairien dont les mots sont les plus puissants à dire le monde, comme il le souligne lui-même au cours d’un entretien qu’il nous a accordé [42] :

« C’est peut-être là la force de la poésie où on arrive à une espèce non pas d’universalité de la douleur, mais à une espèce de douleur partagée et à un rendu de cette douleur qui soit partageable (…). C’est peut-être Césaire qui a dit de la façon la plus simple ce que je cherchais, moi, à exprimer. En même tant, ce n’est pas très étonnant, outre la puissance du dire poétique, il a écrit, par exemple, Une tempête à la suite de la mort de Lumumba. C’est le dire poétique de Césaire qui peut s’appliquer, je ne sais pas, au génocide arménien comme au génocide cambodgien ».

Une fois encore, Abdourahman Waberi laisse la parole à un autre écrivain. La poésie semble donc pour lui l’ultime recours pour dire l’indicible de l’Histoire, dans ces temps de « l’après fable » (p.29) ou « Plus jamais on ne brodera une histoire à partir d’un « il était une fois » naïf ou arrogant » (p.37).

C’est peut-être cela l’écriture de l’Après-Rwanda : des mots qui questionnent, qui fouillent, qui réécrivent l’Histoire officielle pour trouver du sens. Ainsi que le dit justement Josias Semujanga [43] :

« Fini le discours affirmatif et monologique des décennies précédentes. Le doute s’est installé chez le sujet africain. (…) Ainsi le jugement du lecteur est directement visé. En effet, la société romanesque n’offre plus de modèles de comportement à éviter ni de héros à suivre. C’est au peuple pris comme lecteur collectif que revient la possibilité d’assumer son destin puisqu’il n’y a plus de Messie à venir ».

L’engagement de l’écrivain pourrait bien être dans cette revendication totalement subjective de l’Histoire : devant l’impensable, devant l’incroyable, il ne lui reste que le pouvoir de ses propres mots pour qu’un peu d’espoir renaisse au monde. Au lecteur de savoir en faire bon usage. D’où cette propension de la narration à la première personne dans les romans consacrés au génocide rwandais. Le combat n’est plus dans le militantisme exacerbé. Il n’y a plus de modèle à suivre, plus de discours unitaires, seulement des voix éparpillées qui, avec leurs questions, font le triste constat d’une Afrique à la dérive où l’Histoire devient personnelle comme l’écrit Pierre Nora :

 

« Déplacement décisif que ce transfert de la mémoire de l’historique au psychologique, du social à l’individuel, du transmissif au subjectif, de la répétition à la remémoration. Il inaugure un nouveau régime de la mémoire, affaire désormais privée » [44].

BIBLIOGRAPHIE

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HATZFELD, Jean, Dans le nu de la vie, récit des marais rwandais. Paris, Seuil, 2000, Collection Fiction et Cie.

[1] Doctorante, Paris III- Sorbonne Nouvelle.

[2] BOUCHEREAU, Philippe, « La désappartenance, Penser et méditer le génocide », p.165-211, In BOUCHEREAU, Philippe (éd.). L’intranquille, nº4-5, Notre-Dame-de-Bondeville, 1999. p. 183.

[3] LAMKO, Koulsy, La phalène des collines. Kigali, Kuljaama, 2000. p. 47. (réédité au Serpent à plumes), collection Motifs, Paris, 2001.

[4] MONGO-MBOUSSA, Boniface. « Ou est passé le Kourouma d’antan ? » in Africultures, nº30, septembre 2000, p. 107.

[5] DIOP, Boubacar Boris, Murambi, le livre des ossements. Paris, Stock, 2000. p. 16 et 21.

 

[6] « Rwanda 94 » – spectacle du Groupov qui a nécessité quatre années de recherche et d’élaboration ; mise en scène : Philippe Delcuvellerie, Paris, les 9, 10 et 11 novembre 2002 à La Grande Halle de la Villette.6 D’après le Robert 2001, réparation est la remise en état de ce qui a été endommagé ou détérioré. Au sens biologique du terme, c’est aussi la cicatrisation des tissus après une blessure.

[7] D’après le Robert 2001, réparation est la remise en état de ce qui a été endommagé ou détérioré. Au sens biologique du terme, c’est aussi la cicatrisation des tissus après une blessure.

[8] WABERI, Abdourahman. Balbala, Paris, Le Serpent à plumes, 1997. Collection Fiction française, p.22 (expression empruntée à Tchicaya U Tam’si).

[9] LAMKO, Koulsy, La phalène des collines, op. cit., p. 44.

[10] WABERI, Abdourahman, Moisson de crânes, textes pour le Rwanda., op. cit., p. 18.

[11] DELAS, Daniel, « Écrits du génocide rwandais » (p.21-29), In Notre Librairie nº142, octobre décembre 2000, p. 21-22.

[12] COURTEMANCHE, Gil. Un dimanche à la piscine de Kigali, Montréal, Editions Boréal, 2002.

[13] GOUREVITCH, Philip. WE WISH TO INFORM YOU THAT TOMORROW WE WILL BE KILLED WITH OUR FAMILIES, Stories from Rwanda, New York, Farrar Straus and Giroux, 1998.

Il existe une traduction française de Philippe Delamarre publiée sous le titre : Nous avons le plaisir de vous informer que, demain, nous serons tués avec nos familles : chroniques rwandaises, Paris, Denoël, 1999.

[14] GOUJON, Emmanuel, Espérance et autres nouvelles du génocide rwandais, Paris, Hatier international, 2002, Collection Monde Noir.

[15] HATZFELD, Jean, Dans le nu de la vie, récit des marais rwandais, Paris, Seuil, 2000, Collection Fiction et Cie.

[16] Nous n’aborderons pas ici le témoignage direct, bien qu’il soit nouveau dans le champ des littératures africaines d’expression française, car il ne relève pas de notre entreprise initiale qui est d’explorer les rapports entre fiction et réalité. Le propre du témoignage, c’est au contraire de décrire dans ses moindres détails l’expérience vécue et non moins extraordinaire du génocide et non sa réécriture par la fiction. Il est à noter qu’avant le génocide rwandais, la littérature africaine comptait très peu de témoignages directs et ceux-ci étaient pour la majorité des récits de prison, dont les plus connus sont ceux de Ngugi Wa Thiongo : Detained : a writer’s prison diary (Heinemann, Londres, 1981) ou de Wole Soyinka : The man Died. Prison notes of Wole Soyinka (Heinemann, Londres, 1972).

[17] DELAS, Daniel, “Ecrits du génocide rwandais”, op. cit., p.29.

[18] MONGO MBOUSSA, Boniface, Désir d’Afrique, Paris, Gallimard, 2002, Collection Continents noirs, p.180. Cette expression est empruntée à Catherine Coquio qui réfléchit à la possibilité d’un langage capable de dire l’humanité niée par le génocide.

 

[19] FONKUA, Romuald, « Témoignage du dedans, témoignage du dehors », propos tirés de sa conférence prononcée le 19/01/02 au colloque d’Aircrige, Université de Paris IV, portant sur le thème : « Rwanda : le discours de la justice et la parole du témoin ». Les actes de ce colloque sont à paraître prochainement.

[20] Ibid.

[21] Voir la couverture médiatique qu’en ont fait des journaux comme Le Monde dont le « Bilan économique » de 1994 parlait de « terrible guerre civile » ! Ces propos sont analysés avec rigueur dans l’ouvrage de Jean-Paul GOUTEUX, Le Monde, un contre-pouvoir ? Désinformation et manipulation sur le génocide rwandais, Paris, L’Esprit frappeur, 1999.

[22] TADJO, Véronique, L’ombre d’Imana, voyages jusqu’au bout du Rwanda, Paris, Actes Sud, 2000, Collection “Afrique”, p.17.

[23] TADJO, Véronique, L’ombre d’Imana, op. cit., p. 96-97. Un astérisque renvoie aux références bibliographiques de l’essai : Human Watch, Fédération internationale des ligue des droits de l’homme, Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda, Editions Karthala, Paris, 1999, p.892.

[24] TADJO, Véronique, L’ombre d’Iman, op. cit., p.128-129.

[25] WABERI, Abdourahman, Moisson de crânes, op. cit., p.89

[26] FONKUA, Romuald, « Témoignage du dedans, témoignage du dehors », op. cit.

[27] BOUCHEREAU, Philippe, « La désappartenance, Penser et méditer le génocide », in Philippe Bouchereau, p. 165-211, op. cit., p.197.

[28] RICŒUR, Paul, La mémoire, l’histoire et l’oubli, Paris, Éditions du Seuil, 2000, Collection Points Essais, p. 213.

[29] Idem., p. 223.

[30] COQUIO, Catherine, Génocide : une vérité sans autorité : la négation, la preuve et le témoignage, in PTAH, « Limites-transgressions-politique », 11/12/1999, 163-182. P.176-177. En libre accès sur le site d’Aircrige : www.aircrige.org

[31] TADJO, Veronique, L’ombre d’Imana, op. cit., p.17.

[32] VOLET, Jean-Marie et JACCOMARD, Hélène, « Pacte autobiographique et écrivaines francophones d’Afrique noire », in Présence Francophone, 41(1992), p. 9-26, p.11.

[33] Texte prononcé à l’Université de Sienne au colloque « Soria, verita, giustizia. I crimini del XX secol », 16-20 mars 2000. Actes publiés par Marcello Flores, Paravia Bruno Mondadori Editori, 2001. Et en français dans la revue PTAH, « Limites-transgressions-politique », colloque de l’ARAPS, 11/12, 1999.

[34] BOUCHEREAU, Philippe, « Penser et méditer le génocide », op. cit., p.180.

[35] HATZFELD, Jean. Dans le nu de la vie, récit des marais rwandais, op. cit.

[36] Il s’agit des troupes du Front Patriotique Rwandais, commandées par Paul Kagamé, qui combattaient les troupes gouvernementales.

 

[37] LEJEUNE, Philippe, Le pacte autobiographique. Paris, Seuil, 1975, p.311.

[38] TADJO, Véronique, L’ombre d’Imana, op. cit., p.38.

[39] Nous trouvons que ces propos pourraient également s’appliquer à l’écriture de l’événement génocidaire, tout en gardant à l’esprit que le génocide n’est en aucun cas similaire à l’acte de guerre. Sur ces différences entre guerre et génocide, voir les réflexions de Philippe _ BOUCHEREAU, « Discours sur la violence » (p.7-79), in BOUCHEREAU, Philippe, (éd.). L’intranquille nº2-3, Notre-Dame-de-Bondeville, 1994. p.7.

[40] Cf. Moisson de crânes, p.88.

[41] LEVI, Primo, Si c’est un homme, op. cit., p.88.

[42] Cf. Africultures n°34, p.99.

[43] SEMUJANGA, Josias, « La littérature africaine des années quatre-vingt : les tendances nouvelles du roman », in Présence francophone, 1992. p.41-56, p.47-48.

[44] NORA, Pierre, « Entre mémoire et histoire : La problématique des lieux », in NORA, Pierre (éd.), Les lieux de mémoires, Paris, Gallimard, Coll. Quarto, 1997 [1984-1992], p.33.