Littérature

FICTIONS LITTERAIRES, CONFLITS ET POUVOIRS EN AFRIQUE

Ethiopiques n°71.

Littérature, philosophie, art et conflits

2ème semestre 2003

La philosophe écrivain ivoirienne Tanella Boni, s’interrogeant sur l’univers des nouveaux récits, les savoirs inscrits dans les œuvres des écrivains contemporains, sur ce que l’on peut considérer comme une ouverture de l’écriture à la vie, à l’environnement immédiat des Africains, écrit :

« Les écrivains parlent-ils d’autre chose que de la vie ? Ces dernières années, il est vrai, les guerres et les violences de toutes sortes ont envahi aussi l’espace de l’écriture, faisant partie intégrante désormais des univers imagés. La mort, la souffrance et le chaos ont donc fait irruption sur la page blanche, venant de très près de la vie réelle. Mais écrire est-il autre chose qu’une lutte incessante contre la mort ambiante ? [2] ».

L’analyse du champ littéraire africain et des préoccupations des écrivains contemporains évoquées par Tanella Boni résume parfaitement l’attitude des écrivains face à l’évolution de leur monde et de la vie. Mais en réalité, le fait n’est pas si nouveau. Un regard panoramique sur l’historiographie littéraire africaine amène à se demander si pour les écrivains, l’acte d’écriture ne se résume pas en une mise en scène de la vie réelle. A cette interrogation justement, Tanella Boni apporte une réponse sans équivoque :

« Ecrire, aujourd’hui, est cette ouverture sur le monde, cet essai d’appréhension des êtres et des choses. Mais que peut la saisie du monde par les mots devant tant de bruits et de fureur dans la vie réelle ? Peut-être rien d’autre que la recherche d’un sens [3] ».

Ces appréhensions se confirment bien à la lecture des œuvres africaines. Les écrivains, dans leur majorité, consacrent leurs énergies à relater les tourments qui agitent l’Afrique, pour témoigner de leur époque, de leur temps et par devoir de mémoire pour les générations futures. A cet égard, à travers cette mise en scène de l’exister du monde, la représentation de l’Afrique face à son destin, les crispations, les frustrations auxquelles toutes les formes de conflits obligent, les décloisonnements sociaux, les martyrs infligés aux plus faibles et aux démunis ont influencé de nombreux créateurs.

Régulièrement, les écrivains ont été très sensibles et attentifs à l’évolution de leurs sociétés, aux graves crises sociopolitiques qui les ont jalonnées et détournées de leur propre logique. En ce sens, les contenus des œuvres dans lesquelles sont dénoncées les violences nées des conflits, souvent le fait des hommes au pouvoir ou même de simples gens, constituent des problématiques très présentes dans les littératures contemporaines. Cette inscription ou résurgence du contexte sociopolitique dans l’univers des œuvres est la preuve des responsabilités réaffirmées des écrivains devant les urgences du continent, les catastrophes humains ; leur engagement à rendre compte, à relater et plus souvent, à dénoncer les conflits ayant bouleversé les grands moments de l’histoire de l’Afrique.

En dehors des récits dits réalistes, il faut aussi souligner la part prépondérante de l’imaginaire chez certains auteurs qui traitent des situations de conflits sans forcément situer leurs textes dans des sociétés de référence. A partir des œuvres (romans et nouvelles) que nous convoquerons pour les besoins de l’analyse, notre préoccupation sera de vérifier la distance que prennent les écrivains vis-à-vis des faits qu’ils relatent. A partir de quels discours ces écrivains dénoncent-ils les conflits dont ils s’inspirent ? Existent-ils des liens entre ces différents types de récits ? Enfin quelle est la forme de l’engagement exprimé par les écrivains face à des événements qui hantent encore les mémoires communes ? Autrement dit, comment par l’écriture ou la mise en fiction des conflits, se confirme la représentation littéraire des écrivains.

Pour mener jusqu’à son terme notre étude à partir des questionnements ci-dessus énoncés, notre démarche s’appuiera sur différents types d’approches de l’analyse du récit en général, les modes de lecture qui conçoivent l’œuvre littéraire à la fois comme fait de langage, reflet d’un univers socioculturel ou politique et donc dispose le texte comme un espace où se dévoile dans une certaine mesure la réalité. Envisagée dans ce sens, notre étude nous rendra sensible aux points de vue des auteurs que l’on peut appréhender à partir du discours des personnages ou du regard qu’ils projettent sur les faits en vue de leur signification.

Dans notre parcours, nous verrons d’abord la manière dont les différents récits évoquent les conflits nés après les premiers soubresauts des indépendances. Nous montrerons comment l’écriture prend en charge certains conflits nouveaux, le travail des écrivains au niveau de la situation de discours et leur engagement qui confirment une certaine ouverture sur le monde.

  1. TEMOIGNER OU RACONTER

Les critiques des littératures africaines, quel que soit leur espace de production, insistent presque toujours sur l’importance des fonctions référentielles dans les œuvres. Ces perceptions se confirment dans les analyses : les fonds de crises sociopolitiques dans le discours des écrivains. Leurs œuvres sont ainsi abordées, du point de vue de leur fonctionnalité (au plan sémantique), par rapport à des projets ayant pour assise l’histoire africaine depuis les luttes de résistance menées par les autochtones contre les envahisseurs qu’ils soient Portugais ou Français dans des romans comme Le devoir de violence [4], Wirriyamu [5], Monnè, outrages et défis [6] pour nous limiter à ces exemples.

Dans les œuvres plus récentes, les écrivains face à une Afrique en proie à toutes sortes de conflits violents et de tragédies humaines en tout genre essaient de représenter dans leurs fictions ces mondes de tension, de belligérance. L’écriture chez la plupart d’entre eux, selon Pius Ngandu Nkashama, se fonde sur ces graves crises qui font des sociétés africaines contemporaines des espaces de violences irrationnelles :

« Les sociétés contemporaines, telles qu’elles apparaissent dans l’écriture actuelle, sont principalement des espaces de violences plus irrationnelles que celles installées par les systèmes coloniaux, parce qu’elles se sont constituées une logique particulière [7] ».

De nombreux récits témoignent en ce sens de situations d’extrême violence qui entravent l’évolution des Etats et hypothèquent l’avenir de leurs peuples. Dans ce contexte, des nouvelles et des romans font état des nombreuses crises sociopolitiques survenues dans les pays après les indépendances. Les nouvelles « L’étonnante et dialectique déchéance du camarade Kali Tchikati [8] », les recueils : Nouvelles chroniques congolaises [9], Longue est la nuit [10], L’Exil ou la Tombe [11], évoquent, par endroits dans certaines nouvelles, les périodes troubles au Congo jusqu’à la proclamation de la République populaire, sept ans après les indépendances. Cette période mouvementée de l’histoire congolaise en mutation est relatée à travers les révoltes, les émeutes populaires, les répressions militaires et les coups d’Etat par J. B. Tati Loutard :

« Le pays vivait une période de mutation, le peuple se débarrassait de sa livrée coloniale, tel un couple qui se déshabille sous la pression du désir. La liberté, c’est comme l’eau salée aux heures de canicule. Les partisans de l’ordre asservissant voulaient briser l’élan populaire. Plusieurs coups d’état, ourdis dans l’ombre, échouèrent [12] ».

Dans les textes, cependant, ces conflits nés presque toujours sur fond politique, ne font pas l’objet de développements expansifs. En les évoquant, les écrivains veulent dans une certaine mesure interpeller les consciences populaires sur des événements violents, sanglants, souvent tragiques. Conséquemment, les dysfonctionnements de systèmes politiques, les oppositions armées, les coups d’Etat, les appartenances ethniques ou tribales, conduisent à l’anarchie dans les Etats, à des divisions régionales (d’où l’image de l’Afrique en morceaux régulièrement évoquée), à des fractures sociales ; tous les hommes jouant des circonstances pour accéder ou se maintenir au pouvoir.

L’histoire tourmentée de l’Ouganda des années 1960-1970, l’insurrection malgache du 29 mars 1947 sont respectivement évoquées dans Choniques abyssiniennes [13] et Nour, 1947 [14]. La guerre civile du Tchad retient l’attention au détour d’autres problématiques dans le roman de Nimrod, Les jambes d’Alice [15]. Elle constitue le principal motif, sert de toile de fond à la nouvelle de N. N. Ndjekery « La descente aux enfers [16] ». Dans ces récits, les écrivains rendent compte des ravages de cette guerre, des turbulences politiques, du ballet folklorique des dictateurs à la tête du Tchad depuis son accession à l’indépendance. Ndjekery, notamment, décrit l’amertume des populations, la fuite des habitants de la capitale Ndjaména, lieu d’affrontements entre les factions rivales vers des terres d’exil comme Koussery, à l’autre rive du fleuve Chari au Cameroun, l’intensité des combats et le nombre important de morts :

« Au détour d’une ruelle, l’enfer ! D’un balcon donnant sur un carrefour, un tireur caché commença à mitrailler une colonne de combattants juste devant eux. Les agressés répliquèrent au bazooka. Bientôt au même balcon, ils virent deux doigts se détendre puis des grenades explosèrent sur la place…Un obus tomba en plein sur ce qui restait de la colonne des combattants. Les cadavres furent déchiquetés… [17] ».

Dans « A l’école de la vie » [18], J. B .Tati Loutard rappelle à travers les journées des 13, 14, 15 août, les mouvements insurrectionnels, la révolution au Congo. Les événements de la nouvelle se déroulent dans des espaces référentiels tels que Pointe-noire, Brazzavile, notamment son quartier Poto-Poto où débutent les manifestations de contestation. Tati Loutard, qui veut coller au plus près de la réalité, fait référence à la figure politique de Patrice Lumumba, son arrestation puis son assassinat, les troubles nés de ces événements et marqués par la rupture entre les deux Congo.

Sur un mode plus fictionnel, de nombreuses nouvelles du recueil de Tchichelle Tchivela L’Exil ou la Tombe contrairement à J. B. Tati Loutard campent le récit et les personnages dans des espaces fictifs comme Mabaya, Mbakabato, Bucuvinda. A la lecture, cependant, on se rend compte que les événements et les situations sont analogues à ceux de l’espace réel même si T. Tchivela transpose les dates des journées insurrectionnelles aux 21,22,23 et 24 avril. Toujours est-il que, les conséquences des conflits nés des troubles profonds, des émeutes populaires ou des révoltes créent une atmosphère de tension dans le pays imaginaire que décrit le nouvelliste.

Dans des orientations différentes, Sony Labou Tansi dans La vie et demie [19] et Tierno Monénembo dans Les écailles du ciel [20] dénoncent les conflits guerriers après les indépendances dans des pays fictifs. Dans le dénouement de son premier roman, l’écrivain congolais raconte sur le mode d’une fiction politique un conflit violent entre les acteurs politiques : les Guides Providentiels et les Chaïdanisés leurs descendants dans la chaîne des généalogies pour la conquête du pouvoir. Particulièrement, Sony L. Tansi met en avant dans son roman tous les dérapages, la folie des leaders politiques qui s’acharnent à la destruction de l’homme en inventant toutes sortes d’armes ou de stratégies aussi meurtrières les unes que les autres.

Les dernières séquences du roman de Tierno Monénembo décrivent une série de coups d’Etat, de meurtres politiques à un rythme vertigineux : « Les péripéties de règne hebdomadaire [21] » et une guerre civile particulièrement meurtrière dans les affrontements sauvages entre les chefs politiques du pays.

Un rapprochement à ce niveau des deux romans montre les incohérences et la violence dans la gestion du pouvoir. Cependant, si le premier pratique avec bonheur la carnavalisation littéraire [22], parodie de manière grotesque la réalité politique congolaise, le second, par des stratégies littéraires tenant de la fable, de la légende, du mythe s’écarte de la réalité immédiate que constitue l’histoire politique de la Guinée. Ces perspectives bien évidemment et volontairement projettent le lecteur dans des mondes imaginaires contrairement aux nouvelles et romans inspirés de conflits réels à l’exemple du génocide rwandais ou de la guerre civile du Libéria et de la Sierra Leone.

  1. DU LIBERIA AU RWANDA : CONFLITS ET NARRATION

S’interrogeant sur le pourquoi des génocides, Yves Chemla remarque :

« Chacun de ces massacres à sa propre histoire, son caractère singulier qui bouleverse les catégories de notre entendement. Nous tentons quand même d’en reconnaître les linéaments, ainsi que les principes, par un effort redoublé de la raison. Nous distinguons d’abord cette volonté d’exterminer l’autre, ne lui accordant même pas le droit au souvenir [23] ».

Si chacune des horreurs que le monde a connues obéit à sa propre logique, les raisons ayant rendu possibles les génocides procèdent des mêmes principes, parce que toujours liées à un ordre de discours fondé sur les exclusivismes, l’effort intellectuel des hommes dans leur ardent désir de hiérarchiser les différents types humains, les préjugés de races et de couleurs.

Frantz Fanon dans Peau noire masque blanc [24] à la suite de Jean Paul Sartre dans Réflexions sur la question juive [25], invalide et démontre que la thèse de la prétendue supériorité de la race blanche sur le Juif ou le Noir est en réalité fondée sur un « ensemble complexuel » et « un arsenal stéréotypique raciste », donc sur des raisons extérieures pour justifier le droit des uns et les procédures de sujétion jusqu’à l’extermination des autres. En réalité, tous les discours sur l’origine de l’inégalité entre les hommes et les races qu’ils relèvent de théories génétiques, scientifiques, philosophiques ou anthropologiques veulent convaincre d’une évidence difficilement vérifiable et convaincante. L’imposture de ces discours malheureusement a soutenu des massacres, validé des expansions coloniales, justifié les immigrations européennes. C’est en ce sens que, selon Sir Alain Burns, l’intention d’assujettir l’autre relève plutôt de préjugés, du mépris à son égard, du peu de considération qu’on lui accorde :

« Le préjugé de couleur n’est rien d’autre qu’une haine irraisonnée d’une race pour une autre, le mépris des peuples forts et riches pour ceux qu’ils considèrent comme inférieurs à eux-mêmes, puis l’amer ressentiment de ceux contraints à la sujétion et auxquels il est souvent fait injure. Comme la couleur est le signe extérieur le mieux visible de la race, elle est devenue le critère sous l’angle duquel on juge les hommes sans tenir compte de leurs acquis éducatifs et sociaux [26] ».

Ces discours, inscrits sans défiance dans ce que Yves Chemla nomme « le paradigme de l’extermination de races prétendument inférieures [27] », se vérifient. On les retrouve dans les romans Allah n’est pas obligé [28], L’Aîné des orphelins [29], Murambi le livre des ossements [30] dans lesquels les écrivains dénoncent les conséquences tragiques de ces discours stérilisants et « la force des préjugés [31] ». Pour ces écrivains, des individus s’acharnent sur d’autres, décident de les exterminer ou de les faire disparaître en raison d’appréhensions subjectives.

Dans le roman de A. Kourouma, les cheminements argumentatifs et une certaine phraséologie justifient les inégalités latentes, la haine sourde et sournoise entre les différents groupes ethniques composés de Yacous et de Gyos d’une part et de l’autre de Guérés et de Krahns. Par ailleurs, le roman relate les antagonismes entre les Noirs indigènes autochtones et les Noirs afro-américains (les Congos descendants d’esclaves libérés) débarqués d’Amérique, surtout que les premiers considèrent les seconds comme des usurpateurs, des colons arrogants qui veulent seuls tenir les rênes du pouvoir dans le pays.

Dans les récits consacrés au génocide rwandais, l’extermination des Tutsis par des civils, des miliciens Hutus et le massacre des Hutus modérés, Siméon Habineza dans le roman de Boubacar Boris Diop montre comment insidieusement le discours occidental a voulu tenir les Tutsis éloignés en les invitant à prendre conscience des traits biologiques ou morphologiques qui les distinguent par rapport aux autres, perçus pour le besoin de la cause ou des raisons inavouées comme des « sauvages » :

« Dans le passé, les étrangers avaient dit aux Tutsi : vous êtes si merveilleux, votre nez est long et vos lèvres sont minces, vous ne pouvez pas être des Noirs, seul un mauvais hasard vous a conduit parmi ces sauvages. Vous venez d’ailleurs. De quoi fallait-il s’étonner le plus ? De l’audace des étrangers ou de l’incroyable stupidité des hommes de ce temps [32] ».

Il ne fait aucun doute. Cette hypocrisie dans l’appréhension de l’autre à partir de signaux identitaires extérieurs, comme « le représentant typique de sa race [33] », tend à le piéger, à le figer dans la différence. Au moment même où en effet, on tend à faire prendre conscience à l’autre de ce qui il est ou de sa valeur, qu’il constitue une entité intrinsèque, on l’isole des autres. Principalement dans le cas rwandais, ce regard particularisant attire les soupçons, attise les convoitises, supprime entre les Tutsis et les autres tout jeu social, risque finalement de confronter les uns contre les autres membres du corps social, crée une absence de communication avec les autres si, comme l’écrit Bernard H. Levy : « On fait de l’Autre un bloc homogène et on immole à cette entité les « autres » dans leur réalité individuelle [34] ». En tout état de cause, un tel jeu s’il peut séduire les uns pour un temps, dans le même moment et selon un autre angle de vue, ne peut que provoquer des tensions dans les relations sociales.

La lecture de Murambi le livre des ossements] et de L’Aîné des orphelins confirme notre analyse ci-dessus développée. La haine contre les Tutsis, les menaces constantes que l’on fait peser sur eux et le projet macabre de les exterminer tous dans les propos des personnages, repris sous diverses formulations ou modulations (dans le ton ou dans les intentions) renforcent les sentiments largement partagés par tous les Hutus. Ceux-ci ne considèrent même plus les Tutsis comme des humains, leurs semblables ayant droit à la vie. Désignés impersonnellement « ils », pour ne pas se souiller à prononcer le mot Tutsi, ils sont négligemment appelés « inyensi » : littéralement « cancrelats ». En conséquence, de façon récurrente, les deux textes relèvent la volonté farouche des Hutus d’éliminer physiquement les Tutsis jusqu’au dernier.

« Ils ont prononcé les mots terribles : « muhere iruhande. » Littéralement : « Commencez par un côté. » Quartier par quartier. Maison par maison. Ne dispersez pas vos forces dans des tueries désordonnées. Ils doivent tous mourir. Des listes avaient été préparées… [35] ».

On s’aperçoit donc dans les récits que cette aversion qu’ont les Hutus pour leurs compatriotes Tutsis remonte finalement bien loin, plonge ses racines dans l’histoire du pays, même si les premiers massacres débutent en 1959. Par ailleurs et régulièrement, ces fictions littéraires, cadres d’exposition de ces conflits, ne manquent pas de situer la responsabilité des pouvoirs politiques qui, presque toujours, servent d’alibi dans ces logiques destructrices comme l’attentat contre le président Juvenal Habyarimana. La politique agit dans ces situations comme le catalyseur, ou la force qui conduit aux conséquences tragiques aussi bien pour ceux qui manipulent les appareils d’Etat que pour les populations sans défense. En ce sens, les trames de ces romans et les situations décrites dénoncent toutes les aberrations causées par la haine, le refus de saisir l’autre à partir de ses acquis sociaux et culturels.

Manifestement, dans ces romans de la guerre, de la haine irraisonnée des uns contre les autres, les particularismes et les intolérances ravivés affectent les systèmes sociaux et politiques. Pis, les cellules familiales comme celles des héros dans les romans et les tabous éclatent et conséquemment déchaînent les passions absurdes, déclenchent les folies meurtrières quand plus rien ne fait office de loi. Tout logiquement, les conséquences de ces situations conflictuelles sont tragiquement désastreuses, affectent ou marquent le corps et l’esprit après les viols, les mutilations en tout genre et confirment la fascination de l’homme pour l’horreur.

Le comble de ces atrocités est atteint dans les œuvres, dans la description d’images atroces de femmes enceintes éventrées, de cadavres aux yeux hors des orbites, des membres sectionnés mais surtout de ces crânes humains hissés sur des pieux, servant de bordures ou de limites aux camps et casernements de guerre à travers tout le pays dans le roman de Kourouma. Dans Murambi le livre des ossements et L’Aîné des orphelins, entre autres images insoutenables, apparaît celle d’un corps profané d’une femme violée, à la limite de l’abomination dont on peut encore voir dans le squelette un énorme pieu resté enfoncé dans ses parties intimes. Il se dévoile ainsi à tous les niveaux dans ces œuvres des images atroces, inimaginables au-delà de tout entendement. Comment peut-on comprendre en effet que des persécutés pressés de mourir supplient leurs bourreaux de vite les achever, espérant par la mort retrouver leurs parents déjà disparus ? Et à l’inverse, quelle raison humaine peut admettre que des bourreaux soient si heureux de voir souffrir leurs victimes et pis, leur demandent de se livrer en pâture pour leur éviter des efforts inutiles :

« A Ruhengueri, ils couraient après leurs victimes qu’ils connaissaient bien d’ailleurs, en les suppliant de s’arrêter pour qu’ils puissent les tuer plus facilement [36] ».

Quelle loi autorise à sacrifier sa fiancée, à liquider sa femme pour mériter de sa race ? Inscrits dans une logique inhumaine, les bourreaux, sans pitié, n’hésitent pas à accéder à la requête de leurs victimes et à leur porter l’estocade. Mieux, heureux de leurs forfaits, ils se délectent à boire de la bière sur les cadavres entassés de leurs victimes. Dans cette logique d’extermination de l’autre et paradoxalement, le Tutsi idéal se perçoit dans l’attitude de cet homme qui, dès les premières heures des opérations, mit ses habits de fête et attendit tranquillement la mort dans son salon, les portes grandes ouvertes. (Murambi, p.143)

En tout état de cause, ces romans reformulent les irresponsabilités, les bêtises de nos modernités qui ont fait sombrer des pays dans le chaos, conduit inexorablement des mondes dans l’apocalypse. Que peuvent espérer dans ces conditions des hommes qui ne trouvent plus aucun salut, aucun refuge ni dans la mort ni dans la vie ? Dans ces livres en tout cas, les personnages traqués, perpétuellement en errance, blessés dans le tréfonds de leur cœur, dans l’abîme de leur conscience ne peuvent le plus logiquement du monde rien attendre de la vie. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, tout génocide ou conflit guerrier laisse des sillons dans les mémoires, des fissures dans le système organique social. C’est pourquoi un sentiment général se dégage dans ces récits. Les personnages, victimes, bourreaux ou rescapés souffrent atrocement, étouffent dans un monde où se dégagent encore des odeurs pestilentielles de cadavres. Ils ont presque tous la mémoire hantée par le sang de leurs victimes ou de leurs disparus. De cette manière, ces conflits patiemment programmés, minutieusement préparés, n’offrent aucun refuge aux victimes et à leurs bourreaux. Ces haines sans frontière ignorent tout jusqu’aux liens de famille ou entre les ethnies. Pourtant, ceux qui s’acharnent à exterminer, à faire périr les autres appartiennent au même territoire qu’eux, côtoient quotidiennement leurs victimes et dans de nombreux cas se sont unis par le mariage.

Le caractère récurrent des atrocités dans les textes est à la mesure du mal incurable et innommable. Sous l’apparence de l’humanité, tout en réalité exprime l’inhumanité. Les récits n’hésitent pas à diaboliser les personnages en raison de leurs participations aux tueries, leurs particulières cruautés. Ainsi à « l’évocation horrifiée de l’horreur [37] », pour reprendre les propos de C. Burgelin dans son étude de l’œuvre de Georges Perec, les écrivains invitent à s’accorder sur l’idée que toute société est capable des pires déchaînements meurtriers dès lors qu’elle se fonde sur la haine qui ne connaît comme loi de régulation que l’exclusion.

Envisagé dans ce sens et plus spécifiquement, le génocide rwandais est un couteau sans cesse remué dans une plaie qui a du mal à cicatriser au point où certains personnages n’hésitent pas à faire remonter l’aversion des Hutus contre les Tutsis à des temps immémoriaux ou à trouver des explications dans les légendes. A cet égard, le souci des écrivains de témoigner du génocide rwandais vise à rechercher l’image d’un pays ou de peuples dans leurs vérités historiques, sociales, politiques, spirituelles. Le souci de briser les murs du silence, de collecter des témoignages de survivants relève d’une expérience enrichissante pour les écrivains dans la mesure où leurs productions individuelles ont le plus souvent pour fondement leur propre univers imaginaire. Certes, Boubacar Boris Diop confie avoir été influencé pendant l’écriture de son roman Le cavalier et son ombre [38] par le génocide au Rwanda en 1994, malgré tous les ingrédients de l’imaginaire présents dans les dispositifs de la narration et qui constituent à la lecture le socle du roman. Chez lui, la distance spatio-temporelle reste éloquente, convaincante pour ne prêter à aucune confusion et la référence à la tragédie à travers les acteurs désignés Twis et Mwas reste discrète, lointaine.

Ce qu’il faut peut-être souligner ici, si on peut se risquer à une comparaison entre les textes, c’est que les différences entre les récits se découvrent dans les points de vue adoptés par chacun. Au versant réaliste de Boubacar B. Diop dont le récit est proche du reportage et dans lequel il recueille à travers Cornélius les souvenirs et les témoignages de rescapés, répond l’effort d’imagination de Tierno Monénembo. Chez l’écrivain guinéen en effet, la codification de l’histoire s’effectue par la transfiguration du réel. Dans sa mise en fiction du génocide, le détour par l’imaginaire, très fructueux pour la créativité littéraire, lui permet par moment de s’éloigner, de ne pas trop coller à la réalité quasi insoutenable. Par ce biais, par des histoires transfigurées, la médiation par l’écriture sur le mode fictif donne un tout autre relief à la réalité même du génocide. On peut donc dire en fin de compte que l’enjeu dans les diverses orientations se mesure à l’intérêt, à l’efficacité des voies qu’empruntent les différents projets d’écriture et qu’on peut formuler en ce questionnement : comment ces écrivains ont-ils pu rendre par l’écriture, en représentations fictionnelles, des aventures profondément enracinées dans le quotidien de la vie des hommes ? La lecture de Daniel Delas des récits de Boubacar Boris Diop et Tierno Monénembo souligne cette difficulté :

« Tierno Monénembo et Boubacar Boris Diop ont l’un et l’autre choisi la fiction pour se mettre à la hauteur du génocide rwandais. Pari difficile puisqu’un roman est censé alterner les moments descriptifs et les moments narratifs, les scènes d’action et celles « sentimentales », le sérieux et l’humour, alors que la violence du réel, constamment paroxystique, semble dans le cas rwandais interdire cette alternative [39] ».

Ainsi lorsque le destin des Nations se lie et se confond aux tragédies humaines, le souci d’exactitude se révèle un défi à la fiction. Dans les deux productions de l’écrivain sénégalais et de son homologue guinéen, à l’écriture « sage » du premier, « au style volontairement dépouillée, d’une sobriété au plus près de la réalité, pour rendre compte de la vérité des massacres [40] » selon le point de vue d’Héloïse Brezault, se situe en contrepoint l’effort de créativité de Tierno Monénembo. C’est sans doute pour répondre aux impératifs de la narration que l’écrivain guinéen essaie d’éloigner le lecteur par des artifices, des procédés de brouillage ou par dérision, d’un réel cynique, forcément traumatisant pour l’esprit humain.

En divers endroits de L’Aîné des orphelins en effet, le romancier n’hésite pas à détourner le lecteur de la réalité du génocide rwandais. Mêmes si les personnages s’éprouvent dans des situations dramatiques, leur passé et les événements de leur vie ne sont plus toujours exposés suivant la logique de la vérité historique mais subjectivés, au-delà de la réalité dont veut s’imprégner le récit. Dans le roman, les catastrophes humaines et naturelles trouvent leur justification selon le vieux sorcier Funga dans la légende : le déplacement d’une roche sacrée de la Kagera par les Blancs qui favorisa la pénétration européenne et donc constitue le point de départ des futurs événements dans le pays. Dans le procès de l’écriture, chaque fois que la parole est cédée au vieux sorcier, celui-ci se cache derrière des explications transcendantales. Pour ce dernier en effet, ce qui arrive au pays est la conséquence de la colère des dieux envers les anciens qui leur ont tourné le dos pour suivre le dieu des autres. (p.146-14. _ Dans ses imprécations, il a la manie de voir le diable partout. (p.15) Pour lui, « en quittant la terre, l’âme du président Habyarimana aurait maudit le Rwanda » (p.15), qu’il compare en définitive à l’enfer (p.15)

La substance du roman de Monénembo tient par ailleurs à sa force de dérision. Abandonnant un moment le vrai motif du récit, il s’attarde à suivre le héros Faustin dans son errance à travers Kigali, une capitale fantôme où les ossements humains s’offrent encore à la vue du premier venu. Dans une séquence d’une trentaine de pages (p.94-110), il raconte les expériences de cet enfant solitaire, sans repère, menant une vie de camelot pour survivre. Il se proclame une espèce de guide touristique et accompagne un cameraman anglais Rodney, travaillant pour les organes de presses occidentaux. Jouant à perfection son rôle dans des scénarios où l’imagerie l’emporte sur la vérité, il n’hésite pas à l’image d’un acteur de cinéma à improviser des rôles, à inventer des histoires comme celle de la disparition de ses parents dont il n’a aucune idée :

« Dans des endroits où je n’avais jamais mis les pieds, je reconnaissais tout de suite la masure calcinée d’où l’on avait extrait mes parents ; la cour entourée d’hibiscus où l’on leur avait coupé les jarrets ; le préau de l’église où on les avait éventrés ; la vieille brasserie de bois où l’on avait fait de la bière de banane avec leur sang ; le fourneau où l’on avait grillé leur cœur et leurs intestins avant de les assaisonner de piment pour le déjeuner des assaillants qui s’étaient montrés les plus braves [41] ».

Le personnage s’implique ainsi volontairement dans des scénarios pour mériter des billets de dollars mais surtout pour satisfaire la curiosité d’une certaine presse trop encline à se délecter du malheur des autres, et toujours si promptement présente comme le reconnaît Rodney lui-même sur toutes les terres de misères épouvantables, d’horreurs et de carnages (p.78). Monénembo, ironiquement, veut par cette séquence montrer comment par des manipulations, des montages d’images, des événements d’extrême gravité peuvent être vus à travers un prisme, orientés dans un sens pour satisfaire une certaine opinion.

D’un autre abord, parallèlement au roman de Tierno Monénembo, Ahmadou Kourouma joue sur tous les registres qu’offrent la narration et la langue et rend burlesques des aventures prétendument sérieuses, dramatiques voire tragiques. Son roman se constitue de « ce décalage dramatisé entre la langue et la réalité qu’elle désigne [42] » selon les conclusions de la lecture de T. Chanda du roman.

On a la nette impression, en effet, que le romancier ivoirien dont on connaît les capacités de fabulation se sert du texte et de la guerre comme prétextes pour exprimer le ridicule des acteurs de ces dérives de consciences. S’étant donné pour ambition de décrire les guerres civiles ou tribales dans l’Afrique de l’Ouest, par le récit de Birahima, un insouciant enfant soldat, il plonge le lecteur dans un monde de folie, de toutes les déviations dans lequel les seigneurs de guerre et les combattants agissent sous les volutes de l’alcool et des drogues les plus dures. Kourouma ne manque pas l’occasion pour tourner en ridicule ces chefs de factions aux attitudes théâtrales qui n’hésitent pas à tuer sans remords (« alors qu’eux-mêmes ont trop peur de la mort » (p.39), mais pleurent à la moindre disparition du plus petit soldat dans leur rang. Par ailleurs, par des comportements licencieux, au-delà de toute raison raisonnable, ces personnages presque névrosés se livrent éperdument à toutes sortes d’abus sur les femmes de ceux qu’ils faisaient prisonniers. Naïfs cependant, ils se font grugés par des marchands de rêves en voulant confier leur sort à des féticheurs. Ils se passionnent pour des amulettes vendues au prix fort et qui se révèlent malheureusement inefficaces à leur protection pour l’image du colonel Papa le bon, victime de ses inconduites :

« Faforo ! Les balles ont traversé le colonel Papa le bon malgré les fétiches de Yacouba. Yacouba a expliqué : le colonel avait toujours transgressé des interdits attachés aux fétiches. D’abord, on fait pas l’amour avec un grigri. Secundo, après avoir fait l’amour, on se lave avant de nouer des grigris. Alors que le colonel Papa le bon faisait l’amour en pagaille et dans tous les sens sans avoir le temps de se laver [43] ».

Dans ce passage, l’usage affecté à la langue qui tient volontairement compte de la situation linguistique, du faible niveau d’instruction de Birahima « petit nègre qui s’exprime mal en français » comme dans le reste du texte d’ailleurs, ajoute à la trivialité des situations. Et c’est dans la logique de ce qui se vit et se fait dans cette partie de l’Afrique devenue une terre désolée, en folie, de marchandages en tout genre, où errent de petits maraudeurs et pilleurs, de grands gangsters trafiquants de tout acabit, que Kourouma désigne le Libéria et la Sierra Leone comme des bordels : le Libéria étant le « bordel au simple » et la Sierra Leone le « bordel au carré ».

Cependant, les textes évitent adroitement de s’enliser dans ces détours et il faut se garder de voir en ces textes des aventures nées de la seule imagination créatrice des écrivains, de penser que les romanciers décrivent des mondes sans repère malgré le désordre apparent. Dans ces romans précisément, quelles que soient les organisations narratives, les écrivains orientent leurs récits de sorte qu’ils ne s’éloignent pas fondamentalement de la structure ou du sens du monde. La réalité, si cruelle soit-elle, est exposée dans des intrigues où apparaissent les états d’âmes de personnages désespérés, confrontés aux conflits souvent créés par les autres et la condition tragique des hommes dans un monde complètement en déréliction, forcément en perte de vitesse que les écrivains s’efforcent de représenter en trouvant des formes et des formulations adaptées à leurs visions de ces situations traumatisantes.

  1. DES MOTS ET DES VOIX POUR DIRE L’INDICIBLE

Dans une note de lecture qu’il consacre à l’ouvrage de Raharimanana, Rêves sous le linceul, Jean Louis Joubert s’interroge sur la capacité réelle d’un créateur de rapporter efficacement les soubresauts d’un monde en dérive. Il se demande à cet effet :

« Mais comment raconter l’horreur absolue ? Est-ce que les mots peuvent donner à entendre ce qui est proprement l’innommable ? Comment refuser toute complaisance pour le spectacle du mal ? Fau-il rester au plus près de la plainte psalmodiée ou faut-il chercher dans une certaine mise à distance la possibilité de prendre un point de vue critique et le début d’une attitude de résistance ? [44] ».

Ces interrogations de J. L. Joubert, mises en exergue, nous situent au cœur du débat sur le génocide. Selon Daniel Delas, tous les intellectuels, les commentateurs et créateurs qui abordent les génocides soulignent la difficulté d’écrire ou de rapporter à la mémoire les désastres, les crimes monstrueux de l’histoire humaine : « Ceux qui ont entrepris de le faire…, ont tous dit la difficulté de vivre ce dédoublement mémoriel qu’implique le fait d’écrire après des événements qui, le temps passant, deviennent littéralement incroyables [45] ». Pour Charlotte Delbo, dans « ce dédoublement mémoriel », au-delà de l’intellectualisation, la difficulté de faire resurgir les faits chez ceux qui ont été marqués dans leur chair, vécu physiquement et psychologiquement ces horreurs se situe dans ce qu’elle nomme la mémoire des sens :

« Ce ne sont pas les mots qui sont gonflés de mémoire émotionnelle. Sinon quelqu’un qui a été torturé par la soif pendant des semaines ne pourrait plus jamais dire : j’ai soif…Le mot aussi s’est dédoublé. Soif est redevenu un mot d’usage courant. Par contre, si je rêve de la soif dont j’ai souffert à Birkenau, je revois celle que j’étais, hagarde, perdant la raison, titubante ; je ressens physiquement cette vraie soif et c’est un cauchemar atroce [46] ».

Comment en effet pouvoir et où trouver la force de témoigner ? Comment dire par les mots en revisitant la mémoire ce qui a été vécu dans la douleur ? Comment rendre compte des pires tragédies alors que comme dans le cas du Rwanda selon Boubacar B. Diop : « Tout cela est absolument incroyable. Même les mots n’en peuvent plus. Même les mots ne savent plus quoi dire ! [47] ».

Ces questionnements suggèrent les enjeux et difficultés auxquels furent confrontés les créateurs. Pour les écrivains ayant effectué le voyage au Rwanda et visité les sites où s’entassent encore les ossements après les massacres, le défi était de parvenir à raconter un passé douloureux trop récent, encore trop présent dans les esprits et les consciences meurtris. Œuvrant contre l’oubli qui risquait de maintenir dans le silence ces terribles événements, l’une des catastrophes les plus meurtrières de la fin du siècle dernier, les écrivains, chacun à sa manière, selon sa verve, son souffle et son style essaya de dénouer les nœuds de la plus grave fracture du peuple rwandais. Pour Kously Lamko, écrire dans ces conditions devient un parcours intérieur. L’écriture n’étant rendue possible ici qu’à la condition d’un dépassement ou d’un surpassement de soi, un effort pour contenir ses émotions, une quête dans l’inconnu, un engagement personnel soutenu par le désir d’insuffler des espoirs nouveaux :

« Ecrire devient un parcours intérieur, une recomposition de soi-même au travers des mots, une quête initiatique qui se construit comme une conquête, faite de combat avec les spectres, des moments de troubles, d’intenses émotions, de colère et de larmes mais aussi de ruptures fondamentales et d’exigences d’espoirs à insuffler [48] ».

Ainsi les écrivains veulent se servir des mots pour exprimer leurs émotions, porter témoignage et à leur façon, porter le deuil. Les mots n’étant pas des armes pour détruire, ils se sont consacrés à relater ce conflit du Rwanda qui les a bouleversés et les a interpellés dans une certaine mesure. Dans ces conditions, on peut supposer que leur rapport aux mots ne peut être qu’un parti pris manifeste devant les événements. A l’analyse cependant et paradoxalement, on se rend compte que ces écrivains n’engagent pas de front leur écriture, prennent de la distance. Leurs récits sont pris en charge par des voix, la plupart du temps des personnes ou des jeunes, leur porte-parole ou porte-voix, en tant que victimes, acteurs, rescapés ou simples témoins des événements.

Dans les trames narratives, les conflits créés par des adultes sont racontés par des adolescents, plus conscients peut-être de ce qui est arrivé car selon Rodney, reprenant un vieil adage de l’opinion commune : « La vérité sort de la bouche de l’enfant » ( L’Aîné… p.107). Ainsi dans L’Aîné des orphelins, récit homodiégétique, Faustin Nsenghimana ressasse ses souvenirs, ses mésaventures depuis le déclenchement des tueries. Pour lui cependant, les repères semblent plutôt brouillés, lointains, les images se dérobent presque dès qu’il prend la parole pour retracer son parcours, l’aventure de sa famille et de celle du pays, comme il le reconnaît lui-même à la fin du roman :

« Mes souvenirs du génocide s’arrêtent là. Le reste, on me l’a raconté par la suite ou alors cela a jailli tout seul dans ma mémoire en lambeaux, par à-coups, comme des jets d’eau boueuse jaillissent d’une pompe obstruée. Je ne sais pas qui, de mon père ou de ma mère, succomba le premier. Sont-ils morts foudroyés par une grenade ou achevés à coup de machette ou de marteau ?… [49] ».

Dans le récit, l’auteur semble complètement s’effacer, se détacher de son texte. La voix de Faustin rapporte les faits, évoque les événements sans presque jamais se livrer à des jeux d’interprétations. Cet adolescent n’existe que par la mémoire par laquelle il s’attache, s’accroche résolument à la vie, dans un espace réduit (prison), près d’adultes sans scrupules, impudiques. Ne vivant plus que par la seule volonté de survie, sans famille en dehors de l’assistance que lui porte une amie rencontrée au hasard, il lui revient à l’esprit des images fortes, insoutenables. Par son récit cependant, Monénembo veut donner tout un autre relief au génocide rwandais. C’est donc cet enfant enfermé dans une illusion tragique, évoquant dans l’amertume et de façon pathétique les barbaries d’une société plongée dans l’euphorie de la destruction, dans une frénésie de sanguinaire, qui lui sert de guide.

Le roman de Boubacar Boris Diop s’élabore à partir de regards croisés de deux jeunes amis d’enfance Jessica et Cornelius Uvimana. Il intègre par ailleurs les témoignages des acteurs du conflit : bourreaux, victimes ou rescapés des événements qui ont plongé le Rwanda dans l’abîme. Pour l’essentiel cependant, son fil narratif se concentre autour du jeune Cornelius qui rentre au pays et découvre sa terre meurtrie à travers les témoignages de ceux qui ont par miracle échappé aux massacres car : « Dans les pires tragédies humaines, il y a toujours des survivants [50] », fort heureusement. Ayant ainsi vécu les faits hors du Rwanda, Cornelius ne peut que s’en tenir aux aveux des survivants dont son oncle Siméon Habineza la seule conscience vivante pour lui, le seul membre honnête de sa famille par qui il peut avoir des témoignages authentiques. Coupable et victime à la fois comme tout Rwandais idéal, à cause de son père, jusqu’alors intellectuel Hutu modéré, qui tourna casaque et n’hésita pas à faire tuer des milliers de personnes y compris sa femme Tutsi et ses enfants. Il souffre d’être le fils de celui que l’on désigne comme le monstre de Kigali, d’un père dont il était loin de s’imaginer qu’il puisse participer aux tueries, organiser des massacres à une si vaste échelle, se rendre coupable devant l’histoire et les mémoires.

En dehors des récits du génocide, Ahmadou Kourouma adopte la même perspective que T. Monénembo en confiant son récit à un enfant, Birahima. Il décide presque innocemment et de manière paradoxale, dans l’euphorie, de faire partager son expérience de l’horreur dans les deux guerres survenues en Afrique de l’Ouest, son errance à travers les différents camps des belligérants et sa propre participation aux combats.

Dans ces différents romans, il ne s’agit plus de simples narrateurs ou d’énonciateurs créateurs traversés par une quelconque parole, jouant sur les mots pour leur beauté mais de personnages ayant fait l’expérience de situations qu’ils veulent faire partager. Ils sont en ce sens les sources de la mémoire vaine, saturée, embrumée dans les effluves de l’alcool et de la drogue. Leur prise de parole n’est plus spontanée comme l’ardent désir de Birahima de faire vivre ses « blablas ». Elle devient conscience lucide par rapport à l’histoire. Ces enfants, à l’image de Faustin ou de Birahima, sont des témoins privilégiés des émotions qu’ils ont vécues, des peurs qui les ont traversés, acteurs ou victimes des événements ou tragédies qui ont fait irruption dans leur vie et bouleversé tous les ordres sociaux et politiques. En conséquence, la violence du ton de Faustin à la fin du récit, qui crie sa haine du monde des adultes, confirme la perte de son innocence ; cette acuité de son regard se révèle plutôt une mise en accusation du monde. Aussi par la prise de parole et par l’usage du mot, ces enfants font-ils dans leur parcours des découvertes bouleversantes même pour les adultes.

De ces voix d’enfants, d’où découlent les récits, de l’importance des souvenirs qui agitent leurs esprits, de leur déchiffrement du monde, le lecteur découvre les raisons de ces descentes au fonds de l’abîme. C’est pourquoi, ces enfants consciemment ou inconsciemment, impliqués ou happés par les événements, accèdent à la vérité de la vie et du monde dont les adultes trop souvent les ont tenu éloignés. En conséquence, l’enfance n’est plus un refuge, un royaume préservé. Elle est une curiosité insatiable, une période d’interrogation du et sur le monde.

Dans les textes, les jeunes héros innocents sont confrontés à la dialectique de la vie et de la mort, dans un monde où paradoxalement et inversement à toute logique existentielle, « …le temps, ivre de haine, titubait à reculons. La mort précédait la vie [51] ». Ainsi dans ces mondes en délire, tout fonctionne de manière presque illogique et irraisonnée. Boubacar B Diop montre à cet égard que les personnages bien que vivants sont un peu morts car ils ne savent même plus distinguer entre la mort et la vie, tellement ils sont plongés dans des traumatismes profonds, à l’image de cette dame toujours en noir qui ne se laisse jamais dévisager, dévoiler que le narrateur appelle l’inconnue :

« Elle-même, était-elle morte ou vivante ?…C’était pourtant si facile à comprendre : après une histoire pareille, tout le monde était, de toute façon, un peu mort. Il restait peut-être moins de vie dans les veines de l’inconnue que parmi les ossements de Murambi ».

La mort n’étant plus ici l’inverse de la vie, une inconnue ou une donnée nouvelle, le paradoxe de la vie se confirme dans la mesure où la mort vécue au quotidien devient un aspect de la raison d’exister, une dimension de l’Etre. Il en est ainsi de Faustin Nsenghimana, dans L’Aîné des orphelins, qui apparaît tout au long du récit comme un résistant à la mort (à la menace de la mort), dans un espace où la machine de mort rôde partout, revêt tous les aspects, étend toutes ses tentacules lui qui, finalement, sera rattrapé par son destin, condamné à mort, à l’issue d’un procès fantoche, expéditif.

Dans leur défi de la mort, leur découverte des atrocités les plus innommables ces enfants sont devenus des Etres heurtés, hantés qui, malgré tout, ont pris de l’envergure. Et on peut affirmer que par la parole et leur découverte des pires barbaries humaines, les fictions créés à partir des génocides et des guerres tribales deviennent des cheminements vers la conscience, vers une certaine conscience du monde. En cela, ces enfants, par la perte de leur innocence, sont le prolongement de la voix des adultes et des écrivains eux-mêmes. Ces écrivains ayant pour ambition d’écrire par devoir de mémoire, contre l’oubli du temps et du silence, se servent des paroles des enfants pour rapporter la déchirure du monde. C’est pourquoi, après leurs recueillements sur les sites des charniers (Tierno Monénembo et Boubacar Boris Diop), ou les témoignages des enfants d’Ethiopie rencontrés par Ahmadou Kourouma [52], l’intensité du drame et l’affectation émotionnelle individuelle n’ont pas empêché l’activité intellectuelle créatrice. En lisant les uns et les autres, on a la nette impression que l’abcès crevé, le mal étant fait, les points de vue exposés ne peuvent que s’exprimer librement sans qu’aucune censure ne vienne les détourner de leur vrai sens, les orienter dans une direction autre. Les écrivains peuvent alors défoncer les portes déjà ouvertes pour dire l’horreur avec des mots appropriés.

 

En ce sens, le travail opéré au niveau de la situation de discours se révèle d’envergure. Abordant la question des génocides, les écrivains n’hésitent pas à explorer tous les registres de la langue comme le justifient les mutations du langage chez Tierno Monénembo où les événements et tous les mécanismes ayant conduit à la tragédie sont désignés des « avènements ». Chez l’écrivain ivoirien, l’usage par son héros de quatre dictionnaires en raison de son faible niveau d’étude pour se faire comprendre de ses multiples interlocuteurs, et rendre à la mémoire historique une réalité sociopolitique ambiguë, renforce ce souci de tenir une distance entre le réel et sa forme dramatisée. Ainsi, quelles que soient les perspectives adoptées, les stratégies discursives ou narratives, les écrivains, face à la folie des hommes, ont pris la plume non par souci de vérité historique. Leur engagement à ce niveau consiste à interroger tout en s’interrogeant, à dénoncer les ambitions irraisonnées, les orgueils, les vanités, les absurdités et en dernier ressort indexer les pouvoirs qui, selon Boubacar B. Diop, règlent en Afrique les problèmes avec une extrême cruauté (p.60).

On comprend alors mieux le défi auquel furent confrontés les écrivains. Avec le recul dans le temps, il leur était difficile de rendre compte des faits avec neutralité. N’ayant pas été témoins, il leur importait de rassembler les fragments de certitudes à travers les témoignages, leurs découvertes personnelles, désormais des repères infaillibles ou les seules références face au tort du silence et à l’indifférence que dénonce Boubacar B. Diop dans son roman. C’est pourquoi selon Kously Lamko :

« Lorsque l’on a eu un contact charnel avec le théâtre d’une tragédie, on ne peut plus spéculer et se complaire dans des sophismes éclectiques et des débats de salon. Parce que l’on a vu, senti, entendu l’horreur, rencontré une veuve inconsolable, un orphelin traumatisé, un corps de femme violée et gardant encore un énorme pieu dans son intimité, un charnier dans une église…c’est la peau qui se hérisse, le corps qui se dresse, se vide complètement en faisant trembler les jambes. L’on perd ses « outils les mots ». Alors, chercher à les retrouver pour écrire un livre, témoigner, tenter d’exprimer ce que l’on a ressenti ne peut plus être un exercice de style [53] ».

A la vérité donc, ces romans se situent dans la logique de ce que veulent faire découvrir les écrivains. On a l’impression de disposer en ces livres de témoignages des auteurs, même si la raison d’écrire ici ne relève pas d’un acte spontané. En ce sens, leurs appréhensions des situations nécessitent un regard lucide, appellent leur sens de la responsabilité face aux dérives de l’Afrique ; d’où leur engagement que souligne Ludovic E. Obiang :

« Alors que l’on croyait l’engagement des écrivains africains enterré dans les consciences, supplanté par des problématiques nouvelles, voilà que la succession des catastrophes en Afrique remet au goût du jour le militantisme littéraire. L’écrivain africain à qui les instances les plus prestigieuses (étonnants voyageurs) réclament désormais du rêve, de la magie, voilà qu’il doit de nouveau s’encombrer d’une « cause », celle d’un continent « travaillé » jusque dans son agonie… [54] ».

En tous les cas, quel que soit le mode de narration choisi, l’engagement et l’ambition des écrivains se révèlent décisifs. La médiation par l’écriture leur permet de mettre en parallèle les destins croisés des peuples africains dans le malheur et donc de s’ouvrir au monde. Dans ce contexte, ils veulent prendre une part essentielle dans tous les défis de la vie, dans l’avenir, dans les menaces qui pèsent sur leur peuple chaque fois que le monde restera sourd aux cris de détresse de leurs victimes.

Selon cette optique, que dans leurs récits les écrivains confient cette responsabilité aux jeunes ne doit pas surprendre. Ces options ne relèvent en rien d’une fuite de responsabilité ni d’une fuite en avant. Bien au contraire, les jeunes, en tant que catégorie sociale, sont souvent associés à la prise de conscience dans les œuvres africaines et leurs regards faussement naïfs aident les adultes à prendre conscience d’eux-mêmes. D’une certaine manière, ce qui s’offre à la vue des enfants interpelle la responsabilité des adultes. C’est pourquoi à leur naïveté feinte répondent en écho, dans les romans, des voix d’adultes par qui les écrivains peuvent porter des messages d’espoirs à l’image du père du héros de L’Aîné des orphelins qui veut abolir les différences entre les ethnies en faisant remarquer à son fils que « Hutu ou Tutsi, c’est comme si tu perdais ton temps à comparer l’eau à l’eau [55] ». De même, face à la haine irascible des uns à l’encontre des autres, il conseille à son fils pour une meilleure cohésion sociale, en vue d’épargner et conserver la vie humaine que : « Si tu hais un homme, laisse le vivre [56] ».

Ainsi, on ne peut que se convaincre de l’idée que le regard de l’enfant instruit d’une certaine façon le monde des adultes. C’est dans cette vision que se profilent au cœur des fictions révélatrices des expériences des enfants, des signes qui, en définitive, ne peuvent que révéler l’être intérieur d’adultes, notamment dans les convictions de Cornelius dans Murambi le livre des ossements, lorsque celui-ci, au terme de sa quête de la vérité, conçoit comme son oncle Siméon Habineza qu’il faut pouvoir assumer son passé pour sa propre survie et garantir son avenir. Il est donc pour lui un impératif de recoller les morceaux épars pour ne plus engager le monde dans de nouveaux naufrages :

« Cornelius rangea plusieurs documents dans un classeur…Tout cela lui permettrait de renouer les fils brisés ou distendus de son existence. Il savait : accepter son passé était le prix à payer pour commencer à retrouver la sérénité et le sens de l’avenir [57] ».

Dans sa logique d’assumer son passé, dans sa décision de ne se tenir désormais qu’au plus près des douleurs des autres, les dernières réflexions du jeune Cornelius, à la fin du texte de Boubacar B. Diop, renferment un message d’espoir en ce qu’elles se fondent sur le sens du pardon, comme cela n’apparaît malheureusement que trop peu souvent dans le cœur des adultes :

« Il voulait dire à la jeune fille en noir – comme plus tard aux enfants de Zakya – que les morts de Murambi faisaient des rêves, eux aussi, et que leur plus ardent désir était la résurrection des vivants [58] ».

On se rend compte, en définitive, que ces textes, quels qu’en soient les motifs thématiques ou les dispositifs de la narration, sont orientés vers une finalité, sont porteurs de sens, sinon de messages et donc leur pertinence ou originalité sont consubstantiellement liées au privilège que les écrivains accordent à leur enjeu social qui subordonne et oriente leur projet esthétique.

Pour conclure notre parcours, quelques remarques s’imposent. Un regard sur l’évolution des littératures africaines démontre et confirme que de nombreuses œuvres ont en commun de s’inspirer ou de s’imprégner de situations conflictuelles dès les premiers heurts des indépendances. Dans les univers décrits, sont mis en scène les dérapages et les crises sociopolitiques comme des moments d’arrêts dans l’évolution de certains peuples africains. Dès lors, en évoquant les heures de désordre, il ne s’agit plus pour les écrivains de raconter des histoires mais de contribuer par « devoir de compréhension existen- tielle [59] », selon l’expression de Yves Chemla, à attirer l’attention sur les traumatismes de l’Afrique après les indépendances.

Se situant à distance de ces écrivains passionnés de l’histoire dont on saisit les reliefs à travers des marques ou des situations historiques, certains créateurs se font plus discrets et s’écartent de toute perspective réaliste en brouillant volontairement les pistes ou repères qui entretiendraient une quelconque relation de leurs récits avec une certaine réalité ou le monde alentour.

Mais plus spécifiquement, ces dernières années, les écrivains s’attachent à décrire de nombreuses catastrophes humaines qui font ainsi irruption dans l’imaginaire africain. Prenant leur responsabilité, comme si les différents désastres humains interpellaient leur conscience, les écrivains par la médiation de l’écriture font resurgir à la mémoire des hommes les hontes éprouvées face à des mondes devenus complètement fous, en délire. Par leurs engagements, quels que soient le contexte et les motifs, l’écriture se subordonne aux motivations et aux exigences existentielles qui poussent à la création. Cependant, si à travers les thématiques attachées aux catastrophes humaines en tout genre, les textes ne donnent pas dans des brouillages systématiques capables d’entraver leur localisation et leur lisibilité, ils ne sacrifient en rien (malgré les projections sémantiques) les exigences formelles et esthétiques auxquelles aucune création artistique ne saurait se dérober. En cela, l’enjeu social des textes ne devrait pas amener à conclure de l’inefficacité d’autres approches que toute analyse avisée révélerait suivant bien d’autres intérêts.

[1] Université de Cocody, Abidjan, Côte d’Ivoire.

[2] TANELLA, Boni, « Vivre, apprendre et comprendre », in Notre Librairie, no 144, avril juin, 2001, p. 7.

[3] TANELLA, Boni, op. cit., p. 6.

[4] OUOLOGUEM, Yambo, Le devoir de violence, Paris, Seuil, 1967.

[5] SASSINE, Williams, Wirriyamu, Paris, Présence Africaine, 1976.

[6] KOUROUMA, Ahmadou, Monnè, outrages et défis, Paris, Seuil, 1990.

[7] NKASHAMA, Pius Ngandu, Ecritures et discours littéraires, Paris, L’Harmattan, 1989, p.161.

[8] DONGALA, Emmanuel B., « L’étonnante et dialectique déchéance du camarade Kali Tchikati », Jazz et vin de palme, Paris, Ceda/Hatier, 1982.

[9] TATI LOUTARD, Jean Baptiste, Nouvelles chroniques congolaises, Paris, Présence Africaine, 1982.

[10] TCHIVELA, Tchichelle, Longue est la nuit, Paris, Ceda/Hatier, 1980.

[11] Idem., L’Exil ou la Tombe, Paris, Présence africaine, 1986.

[12] TATI LOUTARD, J. B., Nouvelles chroniques congolaises, op.cit, p.105.

[13] ISEGAWA, Moses, Chroniques abyssiniennes, Paris, Albin Michel, 2000.

[14] RAHARIMANANA, Jean Luc, Nour, 1947, Paris, Le serpent à Plumes, 2001.

[15] NIMROD, Les jambes d’Alice, Paris, Actes du Sud, 2001.

[16] NDJEKERY, Noël N., « La descente aux enfers », La descente aux enfers, Paris, Ceda/Hatier, 1984.

[17] NDJEKERY, Noël N., op. cit., p.10.

[18] TATI LOUTARD, J.B., « A l’école de la vie », Nouvelles chroniques congolaises, op. cit., p.172.

[19] TANSI, Sony Labou, La vie et demie, Paris, seuil, 1979.

[20] MONENEMBO, Tierno, Les écailles du ciel, Paris, Seuil, 1986.

[21] MONENEMBO, Tierno, Les écailles du ciel, op. cit., p.175.

[22] WYNCHANK, Anny, « Réponse de Sony Labou Tansi aux dictatures : une satire ménippée. L’univers carnavalesque de Sony Labou Tansi », Présence Francophone, no 45, 1984.

 

[23] CHEMLA, Yves, « Le pourquoi des génocides », Notre Librairie, no 142, octobre décembre, 1999-2000, p.14.

[24] FANON, Frantz, Peau noire masque blanc, Paris, Seuil, 1952.

[25] SARTRE, Jean Paul, Réflexions sur la question juive, Paris, Gallimard, 1954.

[26] BURNS, Sir Alain, cité par Frantz Fanon, op. cit., p.95.

[27] CHEMLA, Yves, op. cit., p.15.

[28] KOUROUMA, Ahmadou, Allah n’est pas obligé, Paris, Seuil, 2000.

[29] MONENEMBO, Tierno, L’Aîné des orphelins, Paris, Seuil, 2000.

[30] DIOP, Boubacar, B., Murambi le livre des ossements, Abidjan, N.E.I, 2001.

[31] TAGUIEFF, Pierre, A., La force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles, Paris, La découverte, 1987.

[32] DIOP, Boubacar, B., Murambi…op. cit., p.204.

[33] TODOROV, Tzvetan, Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité humaine, Paris, Seuil, 1989.

[34] LEVY, Bernard Henri, Eloge des intellectuels, Paris, Grasset, Livre de poche, 1987

[35] DIOP, Boubacar B., op. cit., p.37.

[36] DIOP, Boubacar B., op. cit., p.143.

[37] BURGELIN, C., Georges Perec, Paris, Seuil/Les contemporains, 1988, p.160.

[38] DIOP, Boubacar B., Le cavalier et son ombre, Abidjan, N.E.I, 1999.

[39] DELAS, Daniel, « Ecrits du génocide rwandais », Notre Librairie, no 142, p.27.

[40] BREZAULT, Eloise, « Note de lecture », Murambi le livre des ossements, Notre librairie, no142, octobre décembre, 1999-2000, p.30.

[41] MONENEMBO, Tierno, L’Aîné des orphelins, op. cit., p.109.

[42] CHANDA, Tirthancar, « Note de lecture », Allah n’est pas obligé, in Notre Librairie, no142, octobre décembre, 1999-2000, p.126.

[43] KOUROUMA, Ahmadou, Allah n ‘est pas obligé, op. cit., p. 90.

[44] JOUBERT, Jean-Louis, « Note de lecture », Rêves sous le Linceul », in Notre Librairie, no136, janvier avril, 1999, p.153.

[45] DELAS, Daniel, « Ecrits du génocide rwandais », op. cit., p. 20.

[46] DELBO, Charlotte, cité par Daniel Delas, op. cit., p. 20.

[47] DIOP, Boubacar, B., Murambi…, op. cit., p.116.

[48] LAMKO, Kously, « Les mots…en escalade sur les mille collines », Notre Librairie, nos 138-139, septembre 1999, mars 2000, p.127.

[49] MONÉNEMBO, Tierno, op. cit., p.156.

[50] DIOP, Boubacar B., Murambi…, op. cit., p.113.

[51] DIOP, Boubacar B., op. cit., p. 164.

[52] Ahmadou Kourouma, affirme avoir écrit son roman après sa rencontre avec des enfants somaliens à Djibouti, Notre Librairie, no142, octobre décembre, 2000, p.125.

[53] LAMKO, Kously, op. cit., p.139.

[54] OBIANG, Ludovic, E., « Fiction littéraire et représentation du monde dans le roman francophone subsaharien », Notre Librairie, no 144, avril juin, 2001, p. 39.

[55] MONÉNEMBO, Tierno, op. cit., p. 139.

[56] Idem., p. 142.

[57] MONÉNEMBO, Tierno, op., cit.,p. 139.

[58] Id. ibid.

[59] CHEMLA, Yves, op. cit., p.15.