Poèmes

POUR LES ALINES-ASSIMILES- COLONISES

Ethiopiques n°15

revue socialiste

de culture négro-africaine

 

Ceux qui ne connaissent point la pudeur du soleil à l’estuaire déchiré des nuages, irrités qu’ils sont par les démangeaisons de l’Avoir, la tête courbée vers les sillons d’extases vaginales aussi vaines qu’un regard d’aveugle.

Et ceux qui ayant peur du miroir fuient toute source, et leurs voyages toujours les échouent au port d’eux-mêmes, livrés au poli des squelettes de mer lors des saisons cannibales, témoin d’eux, terreur d’eux. La coulpe pacotilleuse à jamais frappée comme un tambour humide.

Et ceux encore au maquillage fébrile comme un mensonge de plus oublieux du roucou, lavés de leur peste ancestrale par un toucher aux écrouelles, empalés au pointu de leurs intonations… Ceux-là sont de lune et non de soleil.

Et encore ceux qui n’explosent plus leur feu de juron aussi vieux nègre qu’une ruée du rut aux heures indécentes d’une fouka, muets de retenue, qu’ils ne pétrissent point le pain des mots, ils ont la langue plus longue qu’une sonde d’avorteur.

Ah oui… ! Pour une dispersion d’eux qui du pollen n’ont que l’éparpillement, pour une salaison d’eux qui n’ont du sel que le saumâtre, eux pour qui l’hivernage givre son haleine.

Ceux qui défont les mailles de leur vannerie, aussi rouillés qu’un carême, murés en froide armure, et leur heaume est d’emprunt, qu’ils n’aient la peau aussi élastique que les marées lunaires huilées de fraternité.

Pour eux point de répit de repentance… Le lasso du soleil à leur cou rétif enlacera sa corde.

SALINES

Les tables de sel comme un sceau sur la lagune et comme une caravane à jamais fourbue dorment les arbres fossilisés ; le tibia des arbres et mon branchage ramifié nouent d’impérissables sculptures…

SALINES

Salines où s’ébroue dans la tiède fornication des vagues le coq bleu de la mer. Sainte-Lucie au delà roule ses bosses dans l’ébriété des marées. Salines oh ! Tes sanglots de sel secouant la vase liquide que le vent froisse d’éclats de verre… C’est comme une pluie de pièces métalliques sur le rivage.

SALINES

Les madrépores régentent une furie de calcaire à maquiller d’effluves sonores babillage de la mer avec sa langue d’écume…

A même la baie, à même la cuve marine, le pansement bleu sur le message de la terre énonce le ronronnement des gommiers… La cavalerie des gommiers au creuset de la mer éventrant les vagues.

SALINES

Le cumul de rumeur dans la crinière des coraux essorés. Rumeur chue, rumeur plus rouée aux portes du sable, où frappent les mancenilles, rumeur rectiligne des cocotiers…Oh la trouée des cocotiers hissant leurs palmes ! Elan palmé des cocotiers vers le clavier du ciel !

SALINES

Je redis salines comme un tabernacle du Sud ! Quand la lagune fume sa paille de lunaisons ensanglantées par les limites du soir. …C’est alors que le pourpre de midi trame sa ferveur de mica lesté de coquillages plus téméraires que le soleil.

De viol en viol

lavée à toutes les eaux usées de la civilisation

ma terre trop baptisée, trop maudite

catholique adventiste témoin de Jéhovah

ma terre

pagayant à petits coups de religion vers un impossible salut.

De viol en viol

aussi usée qu’un galet de rivière ma terre lavée.

De grandes pluies d’allocations

décrochent les racines à flanc d’oubli.

De viol en viol

dans l’air vert le flamboyant tend ses doigts coupés

et il saigne sur l’asphalte

et la mer saigne ses coraux rouges

et le couchant n’en finit pas…

Ah peuple de grand chômage

dans le jour égorgé tes mains oisives faisant veille

dans le jour égorgé l’éclaboussure du rhum

dans le jour égorgé l’insomnie d’un tam-tam.

De viol en viol

Une terre de carte postale

une terre à crédit

une terre en maraude

L’étoile plus terne que l’étain

L’étoile aveugle naviguant dans les eaux taries

Ah grande soif

de fleuves, d’effleuves

la pluie lapée et sa sagaie d’eau contre le métal de la terre

et sa sagaie d’eau guérissant demain la terre terrassée.