Karambakine
Ethiopiques n°15
revue socialiste
de culture négro-africaine
Adam Loga COLY [1], Casamançais, est un poète sous l’uniforme. Ce n’est sans doute pas nouveau dans le monde, c’est nouveau au Sénégal. Nous publions ici Karambakine et Nénuphar de Camanar, où l’expression poétique trouve sa voie en deux langues, le français et le joola.
Je m’en souviens… fraîcheur des joies oubliées… étroit sentier jalonné de mils révérencieux, d’herbes sauvages, d’arachides étales, de buissons suspects… ivresse de ma terre soudanaise, la pluie de septembre…
A l’heure où le soleil hésite à percer la brume matinale,
que susurre, puis dévale la source d’opulence
aux portes de Karambakine ! Karambakine,
ma forêt aux fétiches, baignée de silence humide
des palmeraies bourdonnantes de solitude creuse !
Je m’en souviens
C’était à Diourou je ne connaissais pas mon âge ;
Le temps était sans âge
Et le jour et la nuit,
La ronde du temps !
Sur le chantier, j’étais… comme « les oiseaux du ciel »…
nboire la goutte d’eau au creux généreux de la feuille…
m’abriter sous le manteau des arbres, jusqu’à la césure de la pluie…
Et le ruisseau et la rivière m’apprirent la grandeur insoupçonnée
des trois dimensions de l’Univers !
j’ignorais la faim, la misère, la soif
mais, je connus le goût amer des mots
qui m’apprirent à méditer dès lors ;
je compris que vivre c’était souffrir
et souffrir du bonheur de vivre !
Je m’en souviens
C’était à Diourou
je ne connaissais pas mon âge ;
Le temps était sans âge
Et le jour et la nuit,
La ronde du temps !
Karambakine, tabernacle des confidences
Ourdies, précédant les débâcles tribales
Jadis ! Aujourd’hui creuset du temps-éternel
Dans la communion des êtres et des choses.
Aiguisés mes sens virent
dans l’élixir des temps nouveaux
à l’embrasure de tes nymphes !
Et mon cantique d’Amour à toi dédié
Et la « sonnerie aux champs » à moi clamée
Seigneur dans mon terroir inviolé
Je vais par le monde porter le message
De mon peuple !
[1] Auteur de KAHOTENOR, Collection Woï, N.E.A. 1977.