Philosophie, sociologie, anthropologie

LES JOURNALISTES ET LA DEMOCRATISATION EN AFRIQUE

Ethiopiques n°89.

Littérature, philosophie et art

2ème semestre 2012

« … le savoir doit être secret » ! Ainsi s’exprime Djéli Mamadou Kouyaté, griot du village de Djéliba Koro, dans la circonscription de Siguiri en Guinée. Sous sa dictée, Djibril Tamsir Niane, historien, a écrit son merveilleux livre : Soundjata ou l’épopée mandingue [2].Tout en s’insurgeant contre une telle opinion qu’il sait particulièrement répandue chez les griots traditionalistes et plus largement chez les dépositaires des savoirs en Afrique de l’Ouest, Djibril Tamsir Niane l’explicite ainsi en note : « Selon eux – les griots traditionalistes – les Blancs ont rendu la science vulgaire ; quand un Blanc sait quelque chose tout le monde le sait » [3]. En paraphrasant D.T. Niane, nous pourrions dire : « Quand un journaliste sait quelque chose, tout le monde le sait ! » Quoique toute information ne soit pas bonne à diffuser et ne doive point être portée aux quatre vents par lui, le journaliste a pour vocation naturelle d’informer, de faire savoir, en exprimant ou en ré-exprimant ce qui a été entendu, vu ou vécu — dans un idéal de fidélité — et dans une démarche d’amplification. Cette vocation est bien rendue par sa dénomination en wolof : taskatu xibaar : éparpilleur de choses entendues, de nouvelles.

L’éparpilleur de choses entendues rapporte à d’autres qui étaient absents — pour quelque raison — des faits vécus ou des paroles proférées dans un contexte précis et pour un public qui en constitue la référence, l’aune de dimensionnement. Ce faisant, il risque de déformer, d’escamoter, d’en rajouter, d’en fausser d’une manière ou d’une autre l’esprit, tout en les partageant avec d’autres qui n’en étaient peut-être pas les destinataires et ne devraient peut-être pas les entendre. Consciente de ces risques, la tradition assujettit la fonction de reportage à la présence de témoins, qui infirment, complètent ou confirment. A défaut, elle limite sinon interdit le reportage. Conséquemment, elle tend à assimiler le reporter au rapporteur et ce dernier à un menteur, en désignant l’un et l’autre du même nom. Elle incite à s’en défier, à s’en méfier, à le redouter. A preuve, ce chant-poème traditionnel du pays sérère, qui date des années 1960/70 :

« O mère, plutôt habiter

Avec le sorcier mangeur d’âme

Qu’on fuit dans la contrée

Qu’avec un rapporteur !

La mauvaise parole est un tam-tam

Qu’on bat dans la contrée ! ».

Le reportage s’inscrit effectivement dans le registre de la mauvaise parole car, en plus des risques de travestir la vérité, il trahit potentiellement la confiance témoignée, ou manifeste l’incapacité de garder pour soi un secret dont on aura été jugé digne. Ces quelques faits indiquent le contexte problématique de la diffusion de l’information, et de la pratique du métier de journaliste dans des sociétés comme les nôtres, qui placent au premier plan de leurs valeurs de référence la discrétion (sutura), et la retenue (kersa) ; qui valorisent le secret comme modalité de gestion du savoir et d’une certaine façon de l’information, et érigent la démarche initiatique comme la voie la plus appropriée pour l’acquisition du savoir. Certes il n’y a pas de société sans diffusion de l’information et les nôtres ne sauraient faire exception à cette règle. Il reste cependant à les interroger pour savoir comment, dans le contexte que voilà, elles ont abordé et réglé cette question, au plan des règles déontologiques, des structures sociales qu’elles ont secrétées, comme des institutions politiques qu’elles ont mises en place.

Par ailleurs la fonction d’informer est en corrélation avec celle d’éveiller les consciences, notamment par l’analyse et la critique saine et objective. Sous ce rapport, le journaliste a le redoutable rôle de dire la « voie droite » sinon de la suggérer et de fustiger les « sentiers obliques ». Son rôle dans la démocratisation en Afrique — comme ailleurs — nous semble découler largement dans cette dimension de sa fonction. Il reste dès lors à savoir de quel lieu il s’exprime, et au nom de quelles valeurs de référence, comment le situent ses qualités propres au regard de l’idéal qu’il trace ou qu’il pointe de l’index, quel rôle il a joué ou devrait jouer dans la démocratisation en Afrique ?

  1. LE CONTEXTE DE LA PROFESSION : CONTRAINTES ET ENTRAVES AU METIER DE JOURNALISTE

Malgré le formidable développement que connaissent les moyens d’expression écrite aujourd’hui, et l’existence de plus de 50 systèmes d’écriture en usage en Afrique au cours des siècles [4], nos pays demeurent fondamentalement encore des pays d’expression orale. C’est dire que le corps social, dans sa grande majorité, continue de réagir en référence à la parole, à ses catégorisations et aux règles déontologiques liées à son usage. En s’alimentant très largement dans ce registre, même pour rapporter le produit de sa collecte d’informations dans le domaine de l’écrit, le journaliste inscrit très largement sa fonction dans ce mode d’expression. On peut, dès lors, apprécier cette fonction à travers la conception de la parole et les attitudes et comportements définis à partir de celle-ci.

La parole est traitée différemment en raison de la diversité de ses contenus, et des enjeux variables, attachés à ces derniers. On peut en faire la lecture à partir de ses lieux d’expression, en distinguant notamment une parole publique, énoncée à la place du quartier, du village, ou sous l’arbre à palabres. Ceux qui ont accès à ces lieux sont connus : il s’agit généralement des hommes adultes et des jeunes circoncis et initiés. Quelquefois, pendant les assemblées villageoises qui se tiennent dans ces lieux, les femmes peuvent être conviées. Les fêtes populaires se passent également en ces lieux, avec le déploiement d’une parole poético-musicale qui, selon les cas, sélectionne les âges et les sexes ou les rassemblent tous. En général, la parole qui se développe ici est de réjouissance et de communion. En ces lieux, s’exprime aussi la parole d’information, délivrée au nom de l’autorité, qu’il s’agisse des chefs de village, des chefs de contrée, ou d’une quelconque autre autorité traditionnelle. Peu de contraintes frappent la diffusion de ce type de parole.

Au contraire, toute parole permettant d’accéder à un savoir significatif et organisé est gérée autrement. Sa diffusion se fait dans la pénombre d’une case, d’une chambre ou dans un enclos d’initiation, à l’abri des oreilles auxquelles elle n’est pas destinée. C’est cette parole qui donne accès à la vraie connaissance. Abraha Pokou, nièce du grand roi Osei Tutu, lorsque celui-ci était sur le trône d’or du royaume ashanti, est initiée par sa grand-mère qui commence par

« … lui rappeler les strictes conditions du savoir : « Ce que je vais te dire, je le dis à tes oreilles, non à ta bouche ! Comprends-moi bien, mais ne divulgue jamais mes paroles avec négligence. Si tu sais être patiente, je te ferais de nombreuses révélations. Elles viendront l’une après l’autre car personne ne dit tout le même jour » [5].

Le détenteur potentiel de ce type de parole se doit d’être capable de porter celle-ci sans qu’elle lui tourne la tête ou lui fasse encourir d’autres dangers. En effet, disent les Bambara, la parole est à l’image de l’enfant qui, dans le sein de sa mère, lui ronge les côtes de l’intérieur (Dominique Zahan, 1960). Il s’agit d’une parole-patrimoine, dont le détenteur est dépositaire, non pas à son nom exclusif, mais généralement à celui d’une collectivité. Qui plus est, il se doit d’obéir aux règles attachées à sa détention et à sa délivrance.

Conscient de ce fait, le vieux chasseur dogon, Ogotemmêli, usera d’un subterfuge pour faire savoir à l’ethnologue Marcel Griaule — et à l’insu des témoins présents — qu’il veut lui délivrer un message essentiel. Les faits se passent en 1947 dans le village d’Ogol-du-bas, en pays dogon. Depuis 15 ans, Marcel Griaule se rend régulièrement dans ce pays. Pendant 15 ans, le vieux chasseur dogon a pris la précaution de s’informer sur lui pour mieux le connaître et savoir s’il est digne d’être initié à la cosmogonie dogon, tout en permettant à celle-ci, par la médiation de l’écriture, d’être fixée et sauvée. A t-il eu la certitude, à l’issue de cet examen, que Griaule peut recevoir sa parole essentielle ? Ogotommêli le fait mander pour, dit-il, lui vendre une amulette. Que peut faire Griaule d’une amulette dogon ? Certes l’objet peut présenter quelque intérêt en raison notamment de sa formule d’utilisation et des pistes de recherche qui seraient ainsi ouvertes ! Mais l’ethnologue n’a pas été demandeur de ce produit comme le laisse entendre le message transmis au nom d’Ogotommêli :

« – Un vieux chasseur veut vous voir…

– Il est malade ?

– Non il veut vous vendre une amulette.

– Laquelle ?

– Une amulette que vous aviez commandée il y a dix ans, contre les balles.

– Je n’ai pas souvenir de cette… » [6] (1966 : 9).

Griaule se mord les lèvres, saisit rapidement le caractère insolite de la démarche et conclut qu’il s’agissait d’un message codé. Il acquiesce en décidant d’aller voir le vieux chasseur.

Ogotommêli met beaucoup d’attentions à choisir l’emplacement d’où il compte parler à Griaule : celui-ci doit garantir au maximum la discrétion sur les révélations qu’il compte faire. La parole à délivrer à l’ethnologue est d’une dimension exceptionnelle et cette délivrance comporte un grand risque de sanction : « Si l’on m’entendait, j’aurais un bœuf d’amende ! » (1966 : 16), dit-il [7] !

Au contraire d’Ogotommêli qui fait les premiers pas après 15 ans d’observations, Wa Kamissoko du village de Kéla au Mali résiste pendant 15 ans aux assauts du chercheur malien Youssouf Tata Cissé, qui veut le décider à délivrer la parole essentielle dont il partage la détention avec les membres de sa caste. Il appartient à la communauté des griots attachés à la famille des Kéita au cœur du Mandé, et il est dépositaire, au même titre que les autres, des traditions essentielles de ces territoires historiques. Il se décide à parler avec Youssouf Tata Cissé, en prenant part au premier colloque organisé par la Fondation SCOA sur les traditions orales de l’empire de Ghana, en janvier 1975, puis à celui consacré aux traditions orales de l’empire du Mali en février 1976, les deux rencontres ayant eu lieu à Bamako. Il paye de sa vie ces deux prises de parole, après une première maladie intervenue entre les deux en guise d’avertissement, et une seconde qui l’emporte en 1976. Son hospitalisation à Paris n’a pu le délivrer de la sanction des membres de sa communauté.

Le vrai savoir doit être un secret ! Ce point de vue de l’opinion, l’Afrique d’hier et d’aujourd’hui le partagent avec l’Egypte pharaonique, tout au moins dans la gestion des cosmogonies. Les prêtres égyptiens avaient des connaissances scientifiques indiscutables mais veillèrent à les entourer de mysticisme et à imposer la démarche initiatique pour y accéder : « L’initié s’engage à garder le secret de l’enseignement reçu, s’habille avec des vêtements de lin à l’exclusion de tissus en laine et doit se garder de manger des fèves » (Cheikh Anta Diop, 1967 : 222). Parmi les anciens Grecs initiés en Egypte, Pythagore est de ceux que les Egyptiens préféraient, parce qu’il respectait et mettait en œuvre cet esprit initiatique dans la secte qu’il avait fondée et qu’il dirigeait dans son pays. Pour l’auteur de Nations nègres et culture, cette attitude des prêtres égyptiens ne traduit pas un « manque de logique ou de maturité scientifique mais parce que leur prestige et les intérêts mêmes de leur caste sacerdotale militaient pour ce maintien, pour cette coexistence du divin et du profane dans la théorie » (1967 : 218).

Initiée aux acquis en matière de sciences et de philosophie de l’Egypte pharaonique, la Grèce antique les extrait de leurs cercles initiatiques pour les porter à l’Agora, la place publique où se tiennent les assemblées du peuple, et en fait une matière commune, traitée publiquement sous le contrôle de chacun, et passée sous le seul crible de la raison discursive.

A ce qu’il nous semble, la démarche du journaliste, qui porte à la place publique par l’information, l’analyse et la critique des faits jugés d’intérêt commun, s’apparente bien plus à celle de l’Agora grecque qu’à celle des cercles initiatiques à laquelle sa société d’origine demeure encore attachée, peu ou prou. Cette situation n’est pas sans conséquences sur la prise en charge de sa profession au quotidien.

Bien entendu, nos sociétés ont largement évolué. Elles ont aujourd’hui accès aux moyens modernes de communication. Elles ont mis en place d’autres moyens d’accès au savoir par l’école moderne et tous ses accompagnements, dont les structures documentaires, les démarches d’expérimentation, etc. Les lecteurs de la presse écrite, du fait de l’éducation dont ils ont bénéficié, se reconnaîtront moins dans l’approche initiatique. Il en va de même des journalistes qu’ils lisent. Cependant, les auditeurs de la radio et de la télévision en sont plus proches, en raison de leurs références culturelles, de leur nombre, de leur diversité, des lieux où ils se trouvent et où les messages émis peuvent leur parvenir ; en raison par ailleurs du canal oral emprunté par ces médias, et qui s’inscrit en droite ligne dans leurs traditions culturelles, dont les valeurs discrétion (sutura) et retenue (kersa), déjà relevées.

Qui que nous soyons, dit la tradition sérère, nous avons quelque laideur à dérober à la vue des autres. Le coton en tire une symbolique de la discrétion en ce qu’il vêt l’homme et dérobe la nudité de son corps au regard des autres. C’est également au regard de telles valeurs que la structure de nos habitats dérobe à la vue du passant, la cour intérieure des maisons ou concessions traditionnelles — véritable salle de séjour — par ce petit panneau qui empêche de voir, depuis la rue, ce qui se passe dans cet espace, tout en permettant, en le contournant, de pouvoir y accéder. Le nom de ce panneau en langue wolof est symptomatique : mbañ gacce — refus de la honte — car ce que pourrait voir le passant, depuis la rue, ne serait peut être pas à l’honneur de ceux de la maisonnée.

Le métier de journaliste est très largement d’indiscrétion. Certes il y a une déontologie qui commande d’opérer un tri de ce qu’on peut divulguer, révéler, à partir des indiscrétions dont on a bénéficié. Il n’est pas sûr cependant que les références déontologiques du journaliste coïncident avec les normes du corps social au service et au nom duquel il œuvre. Il n’est pas sûr que de part et d’autre, on convienne de la matière à porter à la place publique et qui, d’une manière ou d’une autre, dénude et livre à autrui ce qu’on aurait aimé cacher, parce que quelque part cela signe notre vilénie.

A côté de ces contraintes et entraves de type socioculturel, il y a toutes celles conçues et mises en œuvre dans le cadre de nos Etats modernes. Au nom de la protection du citoyen, de l’Etat et de ses moyens de fonctionnement, ainsi que du respect de la déontologie, le législateur a été mobilisé pour concevoir des lois et des règlements, qui représentent de réelles contraintes à l’exercice du métier de journaliste. En réalité les pouvoirs publics ont une conscience aiguë de la portée du travail du journaliste « détenteur du quatrième pouvoir », et adulent celui-ci autant qu’ils le craignent.

  1. LA DEMOCRATIE ET SES REPERES TRADITIONNELS EN AFRIQUE

Bien curieuse période que la nôtre, qui semble gommer toutes les différences de conception et d’approche, pour ériger, dans la gestion de la cité, la démocratie en modèle unique ! Ce modèle renvoie à la définition qu’en a donnée Périclès au Ve siècle avant notre ère, au cours d’un discours célèbre [8]. Aujourd’hui, dans son acception courante, le modèle démocratique confère la souveraineté à l’ensemble des citoyens, libres et égaux en droits. Il définit la voie élective pour la désignation, parmi eux, de leurs représentants, appelés à siéger dans des institutions organisées en trois secteurs principaux : l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire. A ces trois échelles, le modèle ambitionne de garantir la prise en compte des attentes des citoyens électeurs dans l’égalité, l’équité et la justice.

Ainsi comprise, la démocratie est devenue un critère pour jauger et juger les régimes politiques, la cohésion sociale au sein des nations, et pour accompagner et favoriser le développement, posée comme une condition sine qua non. Sans engager le débat sur la légitimité d’une prétention universaliste du modèle, interrogeons-nous pour savoir quelles bases démocratiques ou quelles prédispositions à la démocratie nos sociétés africaines offrent, de la période précoloniale à l’avènement de ce système. Il importe également de savoir si nos Etats modernes, en s’inscrivant dans la mouvance démocratique, prolongent les prédispositions des institutions politiques traditionnelles ou s’ils les ignorent ; et si l’organisation du corps social, de même la perception de l’individu et du groupe, constituent un potentiel dynamique pour l’avènement et la pérennisation de la démocratie dans nos pays.

Les institutions politiques traditionnelles en Afrique

Pour appréhender le phénomène démocratique dans la société africaine traditionnelle, nous avons fait appel à l’analyse de quelques auteurs, aux fins d’alimenter la réflexion et le débat, et sans prétention à quelque exhaustivité que ce soit. Le premier auteur que nous interrogeons est Maurice Fifatin, alors maître-assistant à l’Université du Bénin [9]. Celui-ci préconise de se référer à la triade : divinité-ancêtres/monarque/peuple, émanation d’une société apparemment inégalitaire, en réalité composée de cercles concentriques, qui s’imbriquent les uns dans les autres. Et l’auteur de citer Senghor :

« La famille, la tribu et le royaume ne sont pas les seuls organismes communautaires qui lient et sous-tendent, en même temps, le nègre. Il existe, à côté d’eux, tout un réseau d’organismes, dont les plans interfèrent avec les leurs. Ce sont les fraternités d’âge, sortes de mutuelles entre lesquelles se répartissent les générations, les corporations de métiers et les confréries à rites secrets. Celles-ci ont un rôle social, voire politique, surtout religieux, chez des peuples où la séparation du profane et du sacré, du politique et du social est un fait rare et tardif ».

Puis Fifatin se demande si l’on peut qualifier de démocratiques les pratiques institutionnelles dans la société traditionnelle africaine. A cette interrogation, il apporte des éléments de réponse dont voici quelques-uns :

– il existe un « contexte démocratique spécifique », un fait démocratique découlant des pratiques institutionnelles, une démocratie « naturelle » et non originelle. Pour l’auteur, le peuple est présent à toutes les manifestations de souveraineté à travers ses représentants, les oligarques, qui élisent et contrôlent le souverain avec le pouvoir essentiel de le destituer. De son côté, le souverain a le devoir d’informer le peuple ainsi que les oligarques de toutes les décisions qu’il prend. L’auteur estime que la liberté d’expression du peuple est également garantie. Il caractérise la démocratie « naturelle » en notant :

– qu’elle fait disparaître la lutte des classes telle qu’on la rencontre dans les démocraties parlementaires en Europe ;

– qu’elle se manifeste au niveau de toutes les fonctions sociales ;

– qu’elle se fonde sur la croyance en l’égalité fondamentale des individus et leur droit légal à l’expression ;

– qu’elle ne connaît pas le principe majoritaire, mais celui du consensus ;

– que le sacré en est la clef au contraire de la démocratie occidentale qui s’appuie sur l’élection.

Au regard de tous ces faits, l’auteur conclut que : « … la démocratie « naturelle » en Afrique noire trouve sa place dans la typologie des démocraties contemporaines […] et engendre une démocratie fonctionnelle et une démocratie économique ».

Analysant les institutions politiques de l’Afrique de l’Ouest précoloniale et la démocratie traditionnelle, Pathé Diagne — chercheur sénégalais — classe les sociétés de cette région en deux grandes catégories :

– celles qui présentent un caractère hiérarchisé, inégalitaire et ségrégatif ;

– celles à faible hiérarchie, constituées principalement des lamanats [10], des Etats et confédérations de l’Ouest-atlantique, et des sociétés pré-islamisées du Soudan-nigérien.

Arrêtons-nous sur les premières, de loin les plus nombreuses. Pour Pathé Diagne, celles-ci répartissent les membres de la communauté dans des catégories sociales qui relèvent de différents statuts et auxquelles on reconnaît des prééminences et des privilèges précis. L’auteur en distingue quatre :

– les classes d’âge qui renvoient à une distinction de séniorité, illustrée en particulier par la place faite à la gérontocratie africaine, une réalité toujours vivante ;

– les distinctions d’ordre qui opposent hommes libres et hommes de condition servile (l’esclave étant à l’époque et au départ une prise de guerre et n’appartenant pas à l’ethnie du vainqueur) ;

– les hiérarchies de castes et de corporations, les premières étant particulièrement illustrées par la société tékrourienne — à partir de laquelle, selon l’auteur, les castes ont largement investi les royaumes de la zone, wolof et sérère en particulier — alors que les hiérarchies de corporations, fondées sur des critères socioprofessionnels, impliquent une mobilité sociale interne, au contraire des castes ;

– les distinctions de souveraineté (statut conféré à certaines grandes familles et à leurs chefs).

Les sociétés qui ont secrété et consolidé ces structures sociales ont fait émerger des régimes et systèmes politiques qui se sont appuyés sur elles, tout en confirmant et en consolidant leur parti pris inégalitaire (lignée royale, lignée servile, lignée de castes, gens de corporations). S’il y a eu des autocraties parmi ces régimes et systèmes politiques, la plupart d’entre eux sont de type oligarchique. La souveraineté des strates sociales secrétées est assurée par des oligarques qui portent au pouvoir un souverain, lequel les associe à son tour à l’exercice du pouvoir. Souverain et oligarques se contrôlent mutuellement, les seconds pouvant destituer le premier « s’il cesse d’agir dans le cadre de la légalité traditionnelle » ce, par l’intermédiaire du premier d’entre eux qui investit le souverain : Ihashorun yoruba, Galadima hausa, Laman jamtil kayorien, Karamoxo de Fugumba du Futa Djalon [11], etc. Le système illustre, d’après l’auteur, une démocratie limitée et de caractère horizontal plutôt que vertical. Celle-ci s’exprime au sein des communautés et des strates sociales reconnues, avec l’érection par celles-ci de règles propres, de procédures d’identification et de désignation du ou de leurs représentants.

Les fonctions de représentation ne sont pas toujours héréditaires ; bien au contraire, elles sont « renouvelables le plus souvent et à durée limitée », avec des pratiques d’alternance entre branches et quelquefois la nécessité d’un concurrent pour valider le fonctionnement du système. L’auteur cite à ce titre le cas du pays mossi où « tout candidat, pour être élu, doit avoir un concurrent. Si personne ne se présente, on suscite un opposant formel » [12] (1976 ; 32). A une autre échelle, c’est la démocratie indirecte qui s’exprime à travers les oligarques et le contrôle qu’ils effectuent du souverain, ainsi que la possibilité qu’ils ont de le destituer [13].

D’après Pathé Diagne, le système assure l’autonomie des strates concernées, leur possible recours à l’arbitrage, ainsi que le respect du statut de l’individu, qui s’exprime notamment par le droit essentiel d’émigrer ou d’agir en justice, en particulier contre toute décision ou autorité jugée arbitraire (1976 : 25). Le système reconnaît même l’existence d’une opposition de substitution ou oligarchie de rechange, souvent réfugiée dans les pays limitrophes. Malgré tout, il reste légaliste : il s’attache à l’ordre et proscrit l’anarchie [14].

L’entrée de l’Islam sur la scène politique ouest-africaine a souvent contesté et proscrit l’inégalitarisme des sociétés qui viennent d’être décrites, en affirmant notamment l’égalité des êtres humains devant Dieu et l’unité des croyants, ce, d’autant, d’après l’auteur, que ses promoteurs sont généralement d’extraction sociale modeste. Bien vite toutefois, c’est pour remplacer les distinctions d’ordre et de castes par « une hiérarchie du savoir, de la compétence religieuse et de l’adhésion à la foi » (1976 : 34).

Le devoir d’informer dans la tradition

Autant dans les systèmes décrits par Fifatin que ceux analysés par P. Diagne, le devoir d’informer reste une constante et se traduit par un dispositif précis. En effet, la désignation de chefs à partir des strates sociales reconnues, n’est envisageable et ne devient possible que par des démarches élargies d’information des membres de celles-ci. Le choix du mode d’approbation — le consensus — implique également de telles démarches d’information. En retour et pour demeurer porteur de la souveraineté de leurs mandants, les chefs oligarques doivent informer régulièrement ces derniers.

Les oligarques doivent également informer le souverain, en portant à son échelle les préoccupations de leurs mandants, pour lui garantir notamment de rester proche de son peuple et de demeurer dans l’esprit et le cadre de la légalité traditionnelle. Le souverain, de son côté, se doit d’informer régulièrement les oligarques, pour s’assurer de leur adhésion et, partant, de celle des strates dont ils sont dépositaires de la souveraineté. Il a un intérêt évident à être bien informé de ce qui se passe dans les territoires placés sous son autorité, par des dispositifs divers, dont l’exemple suivant donne une idée : « A la cour de Diakhao – capitale du royaume du Sine – il existait une case à proximité de l’Arbre du Conseil, où le roi incognito se glissait pour écouter les opinions de la population » [15].

Le devoir d’informer constitue, par ailleurs, une garantie d’ordre et de prévention de l’anarchie que le système abhorre. Il y a donc une nécessité d’informer du bas vers le haut, comme du haut par le bas. Au bas de l’échelle, l’information passe par des assemblées villageoises des collectivités concernées, dans une démarche horizontale et en accompagnement de la démocratie horizontale. A cette échelle se traitent autant les messages ascendants que descendants. Cette démocratie horizontale s’exprime à travers la palabre traditionnelle, construite et structurée peu ou prou, à laquelle prennent part, en l’ayant préparée au sein des familles, les « chefs de clans » ou « chefs de maisons ». A ce titre, la tradition bamanan proclame : « Dunya te dla ni korfo tè » : « Le monde ne s’arrange que par le débat critique ! » (Ki-Zerbo, 2007 : 117).

« Dans la plénière des mandataires, le doyen est chargé de gérer les interventions avec équité, patience et réserve, pendant des heures, des jours des mois si nécessaire. La parole passe des groupes de jeunes aux mandataires de plus en plus âgés, allant de bas en haut, jusqu’à ce que par une sorte de décantation, elle soit mûre pour la proclamation par le doyen […]. Ce dernier ne fait que restituer à l’assemblée la quintessence de ses propres discours » (Ki-Zerbo 2007 : 117) [16].

Le dispositif d’information dans la tradition

Pour fonctionner, le système suppose un dispositif adapté. Celui-ci se traduit :

– par des espaces de rencontre dans les villages et aux alentours de ces derniers, selon la nature de la question à traiter et du public à y convier ;

– des fonctions sociales spécifiques avec des agents reconnus socialement, recourant à une technologie et à un code d’information précis.

Ainsi chaque chef de collectivité dispose, pour l’exécution de sa charge et en particulier le devoir d’informer, d’un tambourinaire désigné, détenant un tambour particulier — ou tout autre instrument adapté — utilisé exclusivement à cette fin. Ce tambourinaire recourt à une rythmique spécifique selon un code accessible aux membres de la collectivité, et quelquefois se mue en crieur public pour multiplier les lieux d’émission du message, en élargir la perception et en compléter au besoin le contenu.

Les rythmiques utilisées sont d’une complexité variable, introduisant des messages verbaux libres et ouverts ; traduisant des messages verbaux en formules simples et en nombre limité dont elles imitent l’expression orale ; ou constituant de véritables langages tambourinés avec lesquels il est pratiquement possible de tout dire en demeurant dans le contexte culturel concerné et ses codes. Cette dernière possibilité est généralement offerte par les langues à tons, et s’illustre dans des dispositifs dont certains permettaient — et ce, encore aujourd’hui mais à une moindre échelle — de faire partir une information de la capitale vers les frontières du royaume en quelques heures. C’était grâce à l’existence de tambourinaires attitrés et assermentés, installés dans des villages-relais situés tous les 5 à 10 km. En pays Akan, par exemple, le tambourinaire ouvrait la transmission des messages reçus en commençant par décliner son identité. Lorsqu’il survenait une erreur dans la transmission du message reçu, il devait indiquer s’être trompé, annoncer la reprise du message et le reprendre effectivement. Par ailleurs la fin du message était signifiée au récepteur, de même lui était certifiée la fidélité de la transmission. Lorsque le message était volontairement falsifié, le tambourinaire subissait une sanction grave qui pouvait aller jusqu’à la peine capitale. Le message était ainsi repris fidèlement jusqu’aux frontières du royaume. A ce propos, on se référera ici aux travaux du chercheur ivoirien Georges Niangoran-Bouah, créateur du concept de la drummologie et à ceux de l’avocat et chercheur burkinabé Me Frédéric Pacéré Titinga, créateur du concept de bendrologie — un néologisme construit à partir du mot bendre qui désigne un tambour de messages mossi [17].

Le système prend en charge une information essentiellement politique mais qui peut également être sociale. Les messages délivrés peuvent ainsi se rapporter à des séances de réjouissances, à des décès, à des dangers, à des situations de détresse comme celle d’un homme mordu par un serpent, avec dans ce cas, obligation à toute personne compétente dans ce domaine, de se rendre, toutes affaires cessantes, vers le lieu d’émission du message, afin d’apporter réparation à la situation créée, etc.

L’orientation du système d’information s’inscrit très largement dans celle des institutions mises sur pied. Il est supposé exister une concordance entre les messages délivrés, leur contenu et leur orientation, avec le système politique institutionnalisé. Il en est d’autant plus ainsi que la démarche consensuelle a été érigée en règle, et qu’elle suppose l’adhésion de tous, en tous les cas, de la très grande majorité. On peut s’interroger toutefois sur l’existence d’une information alternative : le système s’en accommoderait-il et une telle information a-t-elle existé ?

On pourrait avancer ici la fonction des conteurs itinérants — allant de village en village et généralement libres de toute obédience — qui développaient en toute liberté une critique souvent acerbe, certes sociale et morale, mais politique également. Cette fonction critique est essentielle en ce qu’elle garde en éveil les membres des collectivités et les préparent à une meilleure participation dans leurs assemblées. Cependant elle n’est pas de nature à modifier le système ou à l’inquiéter.

Une autre forme d’approche critique est celle développée par et à travers le bouffon du roi — biset [18] en sérère — et que de nombreuses sociétés ont instauré. Le bouffon du roi avait toute liberté de critiquer publiquement ce dernier sans le moindre risque, et constituait également une base d’éveil de l’esprit critique des membres de la collectivité. Avantage ou handicap : il fallait qu’il se travestisse en bouffon ! De leur côté, certaines catégories de griots pouvaient critiquer l’autorité avec sévérité au nom de son ascendance et de valeurs socioculturelles et politiques largement partagées ; au nom également de la légalité traditionnelle, pour l’aider à rester dans la ligne des institutions. Ces indications non exhaustives sont intéressantes, en ce qu’elles pourraient fonder, d’une manière ou d’une autre — au moins partiellement — le développement de médias d’opinion, indépendants des pouvoirs en place.

  1. L’APPEL AUX MUTATIONS

Les institutions politiques traditionnelles ont connu bien évidemment de nombreuses distorsions, quoiqu’elles demeurent encore largement inscrites — au moins à travers leur esprit — dans notre période contemporaine. Ces distorsions sont intervenues durant la période coloniale d’abord, ensuite avec l’érection de républiques indépendantes, principalement à partir des années 1960. Si le colonisateur a combattu ces institutions et surtout ceux qui en étaient les porteurs, il a également, par la suite, mobilisé quelquefois ces derniers pour leur faire jouer des fonctions d’alliés, ce qui a largement coupé ces représentants des strates sociales de leurs mandants d’hier. A ce titre, on sait le rôle assuré par la chefferie traditionnelle dans la collecte des impôts et les recrutements militaires forcés, pour le bénéfice du colonisateur.

Dès la période coloniale, la bataille engagée par les cadres africains patriotes associés à la gestion des affaires, a été la reconnaissance du colonisé en qualité de citoyen à part entière et non plus de sujet. Quelques rares élus avaient eu ce privilège de la citoyenneté, qui conférait beaucoup de droits, dont celui de vote. C’était notamment, pour ne prendre que l’exemple du Sénégal, le cas des ressortissants des quatre communes : Dakar, Gorée, Rufisque et Saint-Louis. En systématisant la reconnaissance à tous du principe de la citoyenneté, nos nouvelles républiques ont, entre autres, conféré à chacun le droit de vote, même si dans le même temps, elles ont bloqué pendant longtemps, les possibilités de libre choix, par l’instauration généralisée du parti unique et du candidat unique.

En guise de réponse, les peuples bâillonnés ont progressivement développé des formes subtiles de résistance et de désobéissance. Ces faits, alliés aux échecs répétés, enregistrés dans de nombreux domaines de la vie des pays, ont conduit à la conclusion que la liberté devait leur être restituée, et que seul un système démocratique qui leur donne la parole, les associe dans la définition et la gestion des affaires de la cité, est le mieux indiqué pour se sortir du marasme dans lequel les pays se sont retrouvés [19]. Les alliés extérieurs de ces pays — l’Occident en particulier — ont largement appuyé ces derniers à travers des formes contestables de coopération, en fermant les yeux sur de nombreux exemples de malgouvernance [20]. Ne pouvant les abandonner de façon brutale à leur sort dont ils sont malgré tout solidaires, ils leur ont préconisé l’ouverture démocratique, jugée à même de les sortir de l’ornière [21]. Voilà donc que du dedans comme du dehors tout appelle à la démocratisation. Cet appel a été renforcé par la liberté recouvrée en Europe de l’Est, à partir de 1989, avec la chute du Mur de Berlin, après un long bâillonnement des peuples de cette région par les régimes communistes.

Cet appel a même revêtu les formes d’une injonction avec de multiples conditionnalités [22]. Alors, nombre de pouvoirs africains se sont mis à ruser avec l’histoire, en organisant au cours des années 90, un état des lieux de la gestion de la cité, par l’instauration de Conférences nationales, présentées comme des gages véritables de volonté de démocratisation. Des représentants de diverses couches sociales se penchent sur les institutions républicaines et leur définissent les missions et les modes de fonctionnement garants d’une démocratie véritable. Celle-ci inclut naturellement des consultations électorales régulières et crédibles, qui permettent, entre autres, d’obtenir légalement du peuple souverain des responsabilités définies ; la limitation du nombre des mandats électifs aux fins d’assurer le renouvellement des personnels et des idées. Mais dans nombre de pays, ces dispositions sont revêtues d’un vernis démocratique formel, grâce auquel des Chefs d’Etat déjà en place depuis des décennies, restent encore au pouvoir. Les Constitutions sont révisées de façon répétée, les processus électoraux sont manipulés, les verrous limitant le nombre des mandats supprimés [23]. On peut s’interroger également sur la préparation des structures sociales africaines aux mutations qu’exige la situation, et sur l’adaptation du modèle démocratique proposé, à l’héritage socioculturel des pays et à leurs formes d’organisation. Le nouveau citoyen a-t-il pris la pleine mesure de son statut ? N’a-t-il pas continué à s’identifier très largement à sa collectivité, et à se référer aux points de vue de son autorité — l’ancien oligarque ou ce qu’il est devenu — et, à ce titre, assume t-il entièrement ses responsabilités citoyennes ?

Analysant ce fait, Kalala Bwabo stigmatise les mécanismes de report de responsabilité sur les chefs de clans — ou ce qu’ils sont devenus — et conclut que ce processus conduit à une irresponsabilité collective, incompatible avec la démocratie. Cet état de fait, de l’avis de l’auteur, a de nombreuses conséquences dans la vie quotidienne. Par exemple, les causes d’échec sont considérées comme extérieures à l’agent concerné (échec à un examen, renvoi d’un service, maladie et même décès, chômage, échec dans la conduite d’initiatives ou de projets…). « Puisque l’Afrique naît à la démocratie, les Africains doivent naître à la responsabilité personnelle, individuelle ». Telle est la conviction profonde de l’auteur face aux mutations qu’il faut conduire car, pense-t-il, une véritable démocratie ne fonctionne qu’à certaines conditions : « Elle suppose une bonne dose de liberté, d’instruction, d’information, de culture, de dignité, de morale et de responsabilité [24] ».

Sans suivre l’auteur dans la systématisation de son point de vue, il faut convenir que certains faits semblent lui donner raison. Ainsi, on a assisté, au Sénégal notamment, à la mutation du citoyen en disciple confrérique installé dans l’expectative, principalement au cours des années 80 et 90, pour recevoir les consignes de vote de son guide religieux. Que celui-ci ait compétence pour lui dire la voie droite en vue du salut de son âme est dans l’ordre naturel des choses. Qu’il glisse du champ du salut à celui du choix politique, sort de cet ordre et fausse assurément les règles du jeu démocratique [25]. Il n’y a pas eu que les religieux à illustrer ce type de glissement. Des fraternités ethniques, d’âge et de corporations ont fortement subi ce genre de tentations [26].

De leur côté, les Etats majors des partis politiques ou des regroupements syndicaux de par le monde, au nom de leurs capacités d’analyse et de leurs options stratégiques, estiment de leur ressort de donner des consignes de vote à leurs militants et non moins citoyens. Les militants, insuffisamment éclairés peut-être, et soumis suivant les règlements en vigueur à la discipline interne, doivent obéir sous peine de sanctions. Ces quelques données qu’on peut multiplier à loisir, indiquent la nécessité de mutations fondamentales dans les sociétés africaines — et ailleurs —pour une plus grande conformité aux valeurs de la démocratie nouvelle à laquelle nos Etats ont adhéré, au moins en théorie.

L’une de ces valeurs essentielles est probablement l’affirmation de l’égalité, à leur naissance, de tous les êtres humains, déjà proclamée par la Charte des chasseurs du Manden en 1222 [27] : « Les chasseurs déclarent : toute vie (humaine) est une vie. Une vie ne vaut pas plus qu’une autre ». Il faut abattre, assurément, les inégalités institutionnalisées par nos sociétés traditionnelles et modernes, à travers les hiérarchies d’ordre, de castes et de corporations ; à travers la sécrétion de nouvelles inégalités socio-spatiales, illustrées dans de nombreux espaces sociaux, et l’élargissement inquiétant de la pauvreté qui frappe des couches de plus en plus importantes de populations. C’est dire tout le travail d’éducation et d’éveil qui reste à conduire et à promouvoir, et dont la prise en charge sollicite tout un chacun, les journalistes en particulier, à travers leur devoir d’informer et leur fonction d’éveilleurs des consciences.

  1. SUR LES SENTIERS DE LA DEMOCRATISATION EN AFRIQUE

Les figures de la démocratie

La démocratisation offre dans nos pays un visage dominant : le multipartisme. Plus le nombre de partis que compte un pays est élevé, plus celui-ci prétend donner des gages de la diversité des opinions qui s’expriment, et de la qualité de la représentation des membres du corps social qui se réalise. Or le multipartisme apparaît comme un masque, un leurre véritable qui sonne creux. Nombre de partis ne représentent presque rien, en dehors des personnes qui les ont constitués. Manipulateurs des citoyens et de l’opinion, ils sont à leur tour souvent manipulés par les pouvoirs en place avec lesquels, périodiquement, ils opèrent des ententes sur le dos du citoyen. Parce qu’ils existent, ils monopolisent la parole et les possibilités de représentation aux fonctions électives. Nombreux sont ceux qui n’y trouvent pas les conditions satisfaisantes à leur participation à la vie collective.

La démocratie continue d’être un idéal dans les domaines de l’expression politique, de l’accès aux moyens de production et dans la répartition équitable des richesses ; dans l’accès aux loisirs, à la santé, à l’éducation ; dans la gestion des terroirs par la responsabilisation des collectivités de base, etc. Bien heureusement, ces dernières années, la Société civile — une véritable majorité silencieuse — a opéré une prise de parole qui l’a rendue audible et crédible, et s’est constituée en un contre-pouvoir face aux partis et aux gouvernements. A ce titre, on assiste dans nombre de pays, au moins depuis la fin des années 90, à l’émergence d’une opinion publique et d’une conscience citoyenne à large échelle. La naissance de la société civile, avec en point de mire celle d’organisations de défense des droits humains, des consommateurs, de veille sur l’éthique de gestion des affaires publiques, d’observatoires et d’accompagnement des processus démocratiques, etc., ainsi que le développement fulgurant des médias y ont, entre autres, largement contribué [28]. Les journalistes ont joué sur ces différents terrains un rôle de pionnier [29].

Les repères axiologiques

L’idéal démocratique doit se nourrir de la promotion et de l’affirmation de valeurs de référence, susceptibles de se fondre toutes dans ce qu’on pourrait dénommer Bien commun, entendu comme le commun dénominateur des intérêts des personnes qui composent une société, élargie aux générations présentes, passées et à venir. Il comporte un idéal de vérité, d’égalité, de justice, de respect de la personne humaine et de ses droits imprescriptibles, ainsi qu’une éthique véritable. Le Bien commun, nous semble t-il, se situe au cœur de l’idéal démocratique et postule une démocratie sans rivage que Taoufik Ben Abdallah et Philippe Engelhard estiment caractéristique d’une « société d’hommes ou de groupes aux cultures variées, mais respectueuses de l’autonomie de chacun, reconnaissant dans chaque femme et chaque homme un véritable acteur, responsable de son destin et de celui des autres… » (1992, p. 157).

Peut-être n’est-ce là qu’une vision du Bien commun. Le croyant peut définir celui-ci par la référence essentielle et prioritaire aux enseignements de sa foi, notamment à la vision de la personne humaine et de la société à travers cette foi. Pour d’autres, et en dehors de la foi, il peut s’agir de l’orientation politique, syndicale, des références axiologiques moins nettement formulés, quoiqu’elles guident et connotent l’analyse et l’appréciation des faits, et déterminent les prises de position à travers une ligne spécifique.

CONCLUSION

Dans la conception du Bien commun, riche d’un potentiel notable d’approches, il n’est pas simple de dire le rôle que le journaliste devrait jouer pour la démocratisation en Afrique. La différence des points de vue et des positions se lit — malgré la déontologie de la profession — dans la mise en pratique du devoir d’informer, et surtout dans celui d’éveiller les consciences. Ainsi les journalistes se sont-ils retrouvés, autant pendant la période coloniale que depuis l’avènement des indépendances, aux côtés du système en place et à son service, ou en face sinon contre celui-ci. Ils ont joué la fonction de caisse de résonance du colonisateur ou du parti-Etat des républiques indépendantes. Ils se sont évertués à se démarquer voire à combattre les points de vue de ces systèmes officiels, et à offrir une approche autre de la réalité. Si le devoir d’informer est en corrélation avec un droit à l’information largement affirmé par nos sociétés — traditionnelles et modernes — et qui fonde en retour le métier de journaliste, la différenciation dans le positionnement des gens du métier justifie plus que jamais d’identifier le lieu à partir duquel le journaliste s’exprime, sur l’objectivité de la voie qu’il trace, sur son habilitation à fustiger les sentiers obliques, sur sa capacité à situer ses qualités à la hauteur de la droiture que préconise son message. Son idéal devrait être de faire coïncider sa parole normative aux actes qu’il pose, d’être le miroir de son propre discours.

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[1] Fondation L.S. Senghor.

[2] Paris, Présence Africaine, 1971, p. 78.

[3] Ibid., p. 79.

[4] Cf. L’exposition montée au Centre Georges Pompidou à Paris, en 1987 ; puis dans différentes capitales africaines, intitulée : L’Afrique et la lettre et la préface de son catalogue par Jacques Soulilou, Diffusion-Edition Karthala, 1987. Cf. aussi A. Raphaël NDIAYE (1994 : 93-94).

[5] TADJO, Véronique, Reine Pokou. Concerto pour un sacrifice, Paris, Actes Sud, 2004, p. 14.

[6] GRIAULE, Marcel, Dieu d’eau, entretiens avec Ogotemmêli, Paris, Fayard, 1966, 215 p.

[7] Il parle pendant 33 jours et sous sa dictée, Griaule produit le livre Dieu d’eau, entretiens avec Ogotommêli. Comme s’il avait eu la prémonition de sa fin prochaine, Ogotemmêli meurt quelques mois plus tard, le mardi 29 juillet 1947.

[8] Sur l’appréciation de cette démocratie, voici ce qu’en a dit. Iba Der THIAM, dans une intervention à la réunion du comité directeur du Centre d’Etudes Linguistiques et Historiques par Tradition Orale – CELHTO, Niamey – sur l’évaluation de l’Histoire générale de l’Afrique publiée par l’UNESCO, Dakar, BREDA, 2005. « Cette démocratie que l’on présente comme étant la démocratie des origines était fondamentalement esclavagiste, elle était sexiste, elle était xénophobe parce que la démocratie grecque reconnaissait l’esclavage, elle l’acceptait, elle excluait les femmes du pouvoir, elle marginalisait totalement les étrangers et les tenait en dehors de la cité ».

[9] FIFATIN, Maurice, La notion de démocratie et les autorités traditionnelles en Afrique noire. Dakar, 1986, 19 p., ronéo.

[10] Les terres appropriées au nom de grandes familles lignagères et administrées généralement par le principal dignitaire du lignage.

[11] On peut ajouter ici, pour le pays sérère, la possibilité de destitution du roi par le Grand Diaraf (assimilable au Premier Ministre des institutions modernes et qui intronise le souverain) mais avec l’accord obligatoire du Grand Farba (chef des armées), car il faut toujours l’accord de deux membres du Conseil de la Couronne pour nommer ou destituer le troisième.

[12] KI-ZERBO rapporte, par ailleurs, que le candidat mossi à la chefferie se présente au peuple, presque nu, car habillé tout juste d’un petit pantalon et d’une peau de mouton, pour lui signifier : « Tu es dépouillé, tu n’as rien en arrivant, ne t’enrichis pas sur le dos de tes sujets ! », in A quand l’Afrique ? Entretien avec René Holenstein, Paris, Editions de l’Aube, 2003, 200 p.

 

[13] Un autre repère important de la démocratie traditionnelle en pays wolof avec ses équivalences ailleurs est le principe du libre choix qu’il était possible d’opérer et qui se dit : Taanë sa bula neex : mot à mot : choisir son élu, son préféré, opérer son libre choix.

[14] L’on ne saurait oublier de mentionner les éclairages apportés par la redécouverte, en 1998 à Kankan en République de Guinée, et la publication en 2008, de la Charte de Kurukan Fuga, outil de gestion politique, sociale et environnementale de l’empire du Mali naissant, formulée autour de l’année 1236, et dont l’analyse des 44 énoncés – terme préféré à « articles » ou « décisions » antérieurement utilisés – révèle la reconnaissance du droit à la vie, la préservation de l’intégrité physique de la personne humaine, la notion de partage du pouvoir, l’instauration de la plaisanterie comme moyen de réduire les tensions sociales, la protection de l’environnement considéré comme un bien commun, etc. Cf. : CELTHO, La Charte de Kurukan Fuga Aux sources d’une pensée politique en Afrique, Conakry, SAEC, Paris, L’Harmattan, 2008, 164 p.

[15] In FAYE, Amade et KESTELOOT, Lilyan, En relisant Nocturnes de Léopold Sédar Senghor, suivi de : Léopold Sédar Senghor et la sérérité, Dakar, IFAN, 2010, p. 137.

[16] Cette description de Joseph KI-ZERBO recoupe largement ce que Nelson Mandela a observé, enfant, lors des réunions tribales tenues dans la Grande Demeure du régent, Jogintaba, chef des Thembus, et son tuteur après la mort de son père. Après avoir noté que « tous étaient libres d’y venir et beaucoup le faisaient à cheval ou à pied » (1995 : 29), il ajoute : « La démocratie signifiait qu’on devait écouter tous les hommes, et qu’on devait prendre une décision ensemble en tant que peuple. La règle de la majorité était une notion étrangère. Une minorité ne devait pas être écrasée par une majorité » (1995 : 30).

[17] Nous avons eu la joie de rendre visite à Me Pacéré Titinga à son domicile à Ouagadougou, et de l’enregistrer au magnétophone lors de l’un de nos séjours dans la capitale du Burkina Faso. Nous avons également suivi son dialogue avec G. Niangoran Bouah, à Yaoundé, en mai 1989, à l’occasion d’un séminaire auquel Enda Tiers Monde les avaient invité. Ils avaient confronté leurs idées et les résultats de leurs recherches, projeté et commenté des films vidéo sur le fonctionnement du système des messages tambourinés dans un contexte de langues à tons.

[18] Prononcer « bissette ».

[19] Sous ce rapport, et à partir de la fin des années 70 en Afrique de l’Ouest, les Organisations Non Gouvernementales – ONG – ont joué un rôle important auprès des populations, en appliquant systématiquement la démarche participative qui a trouvé l’une de ses meilleures définitions avec les groupements NAAM dans le Yatenga au Burkina Faso. Pour ces derniers, tout projet de développement à mettre en œuvre au bénéfice d’une population doit répondre aux critères des trois « A » : les bénéficiaires doivent le concevoir selon leur Ame, autrement dit et fondamentalement selon leurs valeurs et traditions culturelles ; en être les Auteurs et les Acteurs qui le mettent en œuvre. Ce triple objectif ne peut être atteint que si les bénéficiaires conçoivent leurs projets ou s’ils sont largement impliqués dans tout projet qui leur serait soumis, avec au besoin une reprise de tout son processus de conception. Ceci a particulièrement favorisé la création de nombreuses Organisations Communautaires à la Base – OCB. L’on ne saurait oublier également dans le cas du Sénégal en particulier, la réforme territoriale, initiée à partir de 1972 et qui a abouti à la création des communautés rurales.

[20] Toutes situations ramassées et exprimées par le concept de « Françafrique » dont les bénéficiaires se situent également du côté des pays développés.

[21] A ce titre et pour ne prendre que le cas du Zaïre de Mobutu, cf. l’ouvrage de Colette BRAECKMAN : Le dinosaure. Le Zaïre de Mobutu, Paris, Fayard, 1992, 376 p.

[22] Cf. le Discours de la Baule du président français, François Mitterrand.

[23] Les résultats en sont : une présence exceptionnellement longue de certains présidents à la tête de leur pays : Gnassingbé Eyadéma au Togo et Omar Bongo Gabon sont restés au pouvoir pendant plus de 40 ans et jusqu’à la mort ; Robert Mugabé au Zimbabwé depuis 1980, Paul Biya au Cameroun depuis 1982, Blaise Compaoré au Burkina Faso depuis 1987, etc.

[24] BWABO, Kalala, « A l’heure de la démocratie : se départir d’une mentalité, d’irresponsabilité », in Zaïre Afrique, n° 258, oct. 1991, p. 413-420.

[25] Le ndigël — lire ndigueul — est le mot wolof qui exprime la consigne donnée par le chef religieux et qui peut s’illustrer dans différents domaines. Plusieurs consultations électorales au Sénégal ont enregistré des ndigël à l’adresse des disciples et généralement en faveur du parti au pouvoir.

[26] En milieu lébou au Sénégal on a eu le regroupement Rakk toop mag : « Le cadet suit l’aîné », marche dans sa suite. Il y a eu également les nombreux mouvements de soutien, dont celui des griots, le Conagrisapad, au candidat du pouvoir.

[27] Cf. Djibril Tamsir NIANE, in (CELHTO, 2008 : 22) et l’annexe 1 du même ouvrage, p 146-149. Cette charte aurait été proclamée en 1222 par Soundjata Kéita, fondateur de l’empire du Mali, et ses pairs chasseurs. Cf. également : CISSE, Y. T. et KAMISSOKO, Wa, Soundjata la gloire du Mali. La grande geste du Mali, t. 2, Paris Karthala-ARSAN, 1991, p 30-41.

[28] Au Sénégal et à titre d’exemple : la RADDHO (Rencontre Africaine de Défense des Droits de l’Homme), Présence Chrétienne, le Forum Civil,…, et tout récemment, la démarche des « Assises nationales » et le Mouvement « Y’en a marre ».

[29] Au Sénégal, le premier signal a été donné par le journaliste Abdou Latif Coulibaly avec son ouvrage : Le Sénégal à l’épreuve de la démocratie ou l’histoire du PS de la naissance à nos jours. Enquête sur 50 ans de complots au sein de l’élite socialiste. Paris, L’Harmattan, 1999, 254 p.