Poésie

LE NON-DIT

Ethiopiques n° 42

Revue trimestrielle de culture négro-africaine

3e trimestre 1985 volume III n°3

 

Rien dit rien exprimé ni imprimé ni expiré ni respiré que de très loin.

Si ce n’est le sable.

 

Il n’y a de place que pour la plate mangrove et l’enchevêtrement des

eaux mortes

des eaux qui ont usé leurs reflets épuisé leur chagrin et leurs ruses d’eau croupie

Rien dit

Tout est au sable stérile tout est au miasme

Le dit est de choses inutiles de choses sottes de choses mortes

Toutes les audaces ont odeur de sexe

Mais c’est la même que celle du sang

L’odeur qu’ont les crânes fracassés à SOWETO

Et celle de la longue molécule d’ADN qui enchaîne ici à l’unique

tambour au seul rythme pilon racines pourvu qu’ils soient phalliques

Sinon nulle source n’est buvable

Rien n’est authentique sinon le rire prognathe sur col MAO

Et seule qualité vraie la sensibilité car il faut bien dans l’aube

la supériorité frémissante de la feuille d’herbe sur les gravats.

Voici pourquoi je regarde les mains libres de tout sceptre comme de

tout précepte et proclame mon inadéquation aux thèses et aux thèmes

mon oubli des authenticités et des théorèmes

 

Que dire quand la parole est au polystyrène de plumes multicolores

Que dire quand – ni tam-tam ni tambours -le synthétiseur se

gonfle de même transparence qu’un sexe de caoutchouc comme toutes

ces prothèses de cerveaux

Sahel et terres par avance épuisées avant toutes semailles et toute récolte

par tous ces transhumants dans le territoire sans étendue de leur

étreinte

Voici qu’ils n’ont découvert le Monde

Qu’à l’Ouest d’une danse chaloupée

Qu’à l’Est de Dread-locks de chocolat

Dans l’Abyssinie des momies ressemblantes

Mais rien ne renvoie plus leur image

Miroir ni étang

Le reflet se refuse à restituer l’image

Au fond des eaux pourtant

Les temples engloutis les richesses de ces peuples

Ces longues cohortes d’ancêtres surpris

Qui ne voudront se confondre à aucun d’entre eux

Pour que personne ici ne crie ou ne murmure leur nom

Ni ne les berce de discours ou d’oraison