Notes

LE DIVIN AMOUR par Yves Emmanuel Dogbé, Editions Akpagnon, Paris, 1979.

Ethiopiques numéro 21

revue socialiste

de culture négro-africaine

janvier 1980

Dans Le divin amour, Yves Emmanuel Dogbé entreprend de chanter à son tour les grands thèmes poétiques que sont l’amour, Dieu, l’Outre-Vie, la paix, le bonheur, la fraternité humaine.

Mais au lieu de les aborder dans une perspective neuve, avec des images, des métaphores, un rythme qui romprait avec les ponctifs de la poésie européenne traditionnelle, il les coule dans le déjà dit.

Sa langue, d’un affligeant conformisme, multiplie les lieux communs :

« l’amour aussi pur et blanc que neige » (page 15)

« l’étincelle incendiaire de ton regard » (page 18)

la bouche « douce comme la senteur légère des lys » (page 16)

la chaumette « cernée de vallons » et dont la cheminée « reste un emblème pour les beaux petits yeux qui t’aiment » (24).

« Lorsque reviendra le printemps et que les pinsons feront revivre à l’ombre des pins et des hêtres dans la brume calme de l’aurore dans la fraîche lumière du matin j’apporterai un bouquet d’églantines que je t’offrirai

ô doux charme !

je nouerai le diadème d’or qui sanctifiera ton front,

ô divine Beauté ! (page 65)

Est-ce un africain qui parle et du vingtième siècle, dans ces clichés qu’aggrave la platitude des adjectifs ?

Les flots sont impétueux,

le soleil radieux,

les brises légères et caressantes,

les fleurs fraîches ;

et pour célébrer le visage scarifié

de Lomé, il ne trouve

d’hyperbole plus haute que celle

d’une « beauté de fée ». (page 39)

Que dire des yeux d’Ina, sinon qu’à travers eux transparaît le culte de la blancheur et de son inévitable incongruité dans la bouche de ceux qui ont autre chose à chanter et d’autre façon. Sachez que ce sont des « dards brûlants qui traversent le cœur et percent l’âme », qu’ils sont « très blancs, très blonds, d’un tel charme et si narcotiques, qu’ils me bercent et m’endorment à fond » (page 29). Que dire des yeux d’Ina, sinon qu’ils étaient dignes d’un meilleur sort.

Par ailleurs, il faut ici signaler l’abus manifeste des phrases exclamatives : dix-huit pour le seul poème intitulé acte d’humilité (p. 79). Si l’on veut admettre que la poésie est d’essence exclamative, encore faut-il que le prédicat qu’elle comprend désigne un objet d’émerveillement.

Chez Yves- Emmanuel Dogbé ce n’est pas toujours le cas : l’exclamation à elle seule ne saurait tenir lieu de poésie.

Le recueil – où se trouvent intercalés trois poèmes en anglais – se termine par une dissertation scolaire sur le divin amour dans lequel l’auteur donne libre cours à ses préoccupations mystiques.

En conclusion, que comprendre à sa parole ?

Elle est de décalcomanie, incontestablement grêle et s’étiolant dans les sentiers battus de la poésie européenne la plus conventionnelle. Dommage.