CELUI QUE L’AMOUR A BLESSE
Ethiopiques numéro 21
revue socialiste
de culture négro-africaine
janvier 1980
Mon amour est un enfant qui pleure, il ne veut pas sortir de tes bras.
(Pablo Neruda)
Il va par les rues pareil à un blessé
Qui cherche un asile dans la nuit
Qui cherche un cœur où poser son front
Qui cherche une silhouette à héler malgré sa bouche pleine de sang
Et les phares des voitures au loin continuent de s’éteindre désespérément
Il va par les rues pareil à un blessé
Qui se traîne et qui le cœur dans les yeux
Fouille la nuit inamicale
C’est un blessé au regard gercé
Il va par les rues pareil à un blessé
Dont l’appel heurte les murs des demeures silencieuses
Et retombe à ses oreilles
C’est un blessé tremblant dans les rues et longues et froides
Au loin un chat ou un chien passe comme une ombre
Il va par les rues pareil à un blessé
Qui sait que le jour se lèvera sur sa face immobile
Et ses paupières qui ne cligneront pas grandes ouvertes face au soleil
Il va par les rues pareil à un blessé
Assoiffé dans la nuit froide
Et qui n’a pour d’autre breuvage que son sang qui coule
Alors il presse longuement ses habits
Gorgés d’un beau sang blanc
Et boit les yeux fermés
Il va par les rues pareil à un blessé
Traqué la lame dans la blessure
FEMME !
Ton amour arraché a blessé cet homme
Avant de t’aimer il était un homme
En l’aimant tu l’as fait dieu
En le quittant tu l’as rendu chacal
Et le beau chacal
Hurle dans la nuit blanche son amour blessé
Il va par les rues pareil à un blessé
Que tes mains de feu de bois d’hiver guériraient
Que ta tendresse de vaste paysage blanc rendrait homme
Que ton amour entier revenu donnerait l’immortalité
Dans la nuit reconnue
Le blessé attend
Blotti au coin d’une rue
Près d’un espoir usé contre un pan de cœur froid
Dans ses habits trempés de nostalgie
Il rêve
Les traits reposés
Au coin des lèvres
Un sourire d’éternité
Ni Dieu ni démon
Mais toi seule peux le réveiller CRISTAL.
Pourquoi l’as-tu voulu mortel son amour immortel ?