Poèmes

LE CAP DE DESESPERANCE

Ethiopiques numéro 14

revue socialiste

de culture négro-africaine

avril 1978

Le 16 juin 1976, dans la banlieue noire de Johannesburg, à Soweto, les apôtres de l’Apartheid ont assassiné des dizaines d’enfants armés de leur seule peau noire…

Mandela Soweto

Shikongo Muchimba

morts et menace de mort

tous les tam-tams poignardés

les sangs déboussolés…

tu monologues nègre

veillée d’amour avant la haine

toi ce revenant toujours

tu parles d’onyx et non de verre

tu chantes l’opaque niant les larmes

l’amère l’amère la trop amère

transparence

tu replantes l’ébène en terre

brûlée

chaulés à vif tous les kraals avant la nuit il faut

il le faut il le faut

pour ne pas céder au fer

céder au feu crucifier

d’incendie la maison boer

pour ne pas rôder Chaka

désespérer le Cap jusqu’au

Zululand

ils vont ils viennent percer les tambours

ils vont ils viennent falsifier le sang

combien de Sharpeville encore

combien de Robben Island ?…

Muchimba Shikongo

Soweto Mandela

guerres et menace de guerre

tous les gris-gris piétinés

les pluies empoisonnées

et tu palabres Afrique

offrande des mains avant les poings

toi ce survivant toujours

tu parles d’onyx et non de verre

parce que l’homme doit tout sonder

descendre et remonter son sang secret

souquer souquer sans répit

souquer vers le soleil

dire nègre et tout haut

je jure d’être vivant

il faut

il le faut il le faut

pour ne pas darder la lance

lancer l’éclair violenter

massacrer leur apartheid

pour ne pas cracher l’enfer

annuler diamant bannir

Kimberley Bloemfontein

ils jouent ils jonglent enceints de superbe

ils jonglent ils jouent barbouillant tes dieux

combien de Soweto encore

combien de sermons barbares ?…

Manchimba Sokongo

Shiweto Mudela

deuils et rituel de deuil

tous les cadavres profanés

tous les cris à la dérive…

et tu supplies en vain

prière ultime avant la curée

toi cette gorge-appel toujours

tu chantes l’opaque niant

les larmes

parce que ton refus n’a pas d’âge

refus d’être coupable de ta mort

bondir bondir bondir

plus loin que la négation

la remplacer chaque fois

par un grand coup d’aorte

il le faut il le faut

pour braver le sacre de peine

la mise à sac

de ce roi en toi

seulement en exil

il s’annonce debout

l’onction qu’il porte en chair

s’appelle race d’hommes

ils arment ils tirent peu importe l’âge

ils arment ils tirent soldant ton destin

combien de Sharpeville-du-meurtre

combien de crime-Soweto ?..

Muweto Shidela

Sochimba Mankongo

noms et désordre de noms

tous les baptêmes dérisoires

tous les corps dépareil1és

 

et tu préviens enfin

qu’il n’y aura pas de quartier

toi ce trop bon enfant

de bantustan

tu replantes l’ébène

en terre brûlée

en cette terre tienne

d’avant la Croix

l’ébène pour le symbole

de ta peau

que l’on vend et revend au marché

des racismes

tu libères en toi tous les soleils

proscrits

jamais plus jamais plus

de white man only de menottes

de chiens d’interdits

de tout ce qui te couronne paria

tu refuserais mort

pour tuerie

si seulement séchait

le crachat qui t’aveugle

ils signent ils lancent leur suicide

ils signent ils lancent arrêt de mort

combien faudra-t-il de pardon

pour ne pas les pendre tous ? …

une lettre fut écrite un poème en oracle

désamorçant l’insulte appelant le miracle

mais des fusils claquèrent dans d’autres

SOWETO

parce que le diamant se moque des Evangiles !…