Poésie

ELEGIE DE LA FEMME D’AFRIQUE

Ethiopiques numéro 40-41

Revue trimestrielle de culture négro-africaine

Nouvelle série – 1er trimestre 1985 – volume III n°1-2

Mbana Diop de vos vertus

Clamant la grandeur

Chantait les longs silences

Des siècles de refus

Nder se souvient !

Oh ! Linguère Fatim Yamar !

Nder se souvient ! Mbarka, oh Mbarka Dia !

Nder se souvient de ses femmes

Ensemble calcinées

Buvant jusqu’à la lie

La coupe du sacrifice

Mères, sœurs, épouses

Portant en elles toutes les destinées réconciliées

Mères, sœurs, épouses

Héroïnes du mardi de Nder

Germes que la race porte en racines profondes

Comme le croyant sa foi

Mémoire garde encore la clameur lointaine

De leurs désirs refoulés

Chantant la douleur profane

Au rythme du tam-tam de l’honneur

« Diarama » femmes de Nder

Sorties de la fournaise pour rejoindre les ancêtres

Au centre des étoiles

A Nder endeuillé soufflait l’harmattan

Dans le silence opaque

Où comme l’opium la souffrance enivre

A Nder, ce jour-là

La terre a tressailli

Car les enfants ont enterré l’enfance

Et les femmes ont enfanté

Le jour lumineux des offrandes

Et ressuscité la gloire sécu1aire

Des femmes d’Afrique Mère

Agontimé, l’exilée royale

« Mère de la panthère »

Qui revint un jour « vêtue des hautes couleurs »

Dans son pays Dahomey

A sa race – les fons

Et toi Yacine Boubou

Sortie des cendres de l’histoire

Sur l’arc en ciel d’un amour douloureux

Le visage épanoui par le pouvoir fétiche

Qui offrit un trône et consacra un roi

Un peuple, une histoire

Au Cayor des damels (au Walo et son Brack)

Vous êtes les saisons que la nature ramène

Pour perpétuer l’honneur mais aussi l’amour

Terre fertile des semences de vie

Vous êtes l’offrande

Des saisons de soleil et de lune

Courage, courage

Fatou Thiaré Cissé

La rebelle

De Ganar au Saloum

Longue marche de solitude, peuplée de silence

Brûlée d’extases

Où résonnait le mot Liberté

Tu renaîtras Cissé

Car Bâle te chantera le soir, à Sabakh

Au son des « lekett » creuses

Bâle chantera les spasmes

De tes nuits où palpite

La fureur sauvage de l’inconnu

Il chantera l’aube de ton retour

Grisée d’éclats de lune

Il chantera

Et tes pas rythmeront le « ndaga »

Au son des « lekett » creuses

Ta danse glorifiera les promesses charnelles

Jeellées d’extases sereines

Hommage à ton corps de liane

Chantant l’hymne des passions

A l’orée des voluptés secrètes

Femmes d’Afrique

Je vous salue à genou

Sève du grand « Tata » fétiche du village

Car flambent en moi les orages

Qui me ploient devant l’adversité

Car sanglotent dans mon sein

Ses appels d’idéal

Je voudrais m’habiller de légendes

Comme Reine Pokou en pays Baoulé

Comme Aline, la Sitoé de la verte Casamance

Me nourrir de courage

Comme Goné Latyr arpentant avec elle

Le dur chemin de l’honneur

Je voudrais respirer l’art d’être femme

Long poème d’amour et de force tranquille

Que chantent toutes les femmes

En donnant la vie

Je vous salue en ces termes que seul le respect inspire

L’espoir de partager

L’exaltant destin de femme

Mères de tous les grands hommes

Qui rebâtissent le monde

Vous êtes la lueur perçant les secousses de l’âme

Le baume insidieux qui infuse le courage

La source des dons infinis

Qui fermentent la terre inculte de l’enfance

L’extrait exquis du beau et du bien

Fleurissent les cimes de l’espérance.