Poésie

PEAU NOIRE, PEAU BLANCHE

Ethiopiques numéro 40-41

Revue trimestrielle de culture négro-africaine

nouvelle série – 1er trimestre 1985 – volume III n°1-2

Peau noire, peau blanche

A Léopold Sédar Senghor

Et voilà que l’émoi,

Et voilà que l’envie,

Ont pris place en moi !

Je voudrais des silences,

Je voudrais des regards,

Aucun mot pour troubler,

Cet univers des sens

Qui explose sans défense.

J’élèverai des barrières

De paroles informes,

Des discours sans fin

Pour noyer nos regards,

Des musiques sans rythmes

Pour arrêter nos pas,

Des gestes anodins

Pour retenir nos mains.

Si mes doigts en tremblant

De modeler ton corps,

Taillaient mal le bois

Trop fragile sous l’outil,

La charpente robuste

De l’ébène massif,

Je ne l’échangerai point

Contre le précieux ivoire.

Car voilà que mon être

Résonne à ton sourire,

Ne peut plus retenir

La joie qui l’envahit.

Puisqu’enfin des couleurs

L’attirance se moque,

Que l’ébène se dresse

Sur un socle d’ivoire !