Poésie

ROWIN NARRAIDOO

Ethiopiques numéro 29

revue socialiste

de culture négro-africaine

février 1982

I

Des larmes sur les rives des îles

Je les rejette sur la terre des hommes

Le cœur déchiré pour une cause

Personne ne me voit en sanglots

Je suis l’Océan Indien

Ont fui mes lagons

Ces belles langoustes

On n’en trouve que dans les musées

Pirates de mer

dansant le ballet

Dans les eaux des autres

Marchands de canons en navette

Anges de la mort en tournée

J’avale de force

On m’étouffe à coup de déchets

Je ne rêve pas

Je vois clairement

Eruption de sang

Mer rouge

Sable rouge

Corail rouge

Plus vifs que le flamboyant

II

Couleur de Vie

Couleur enflammée

Couleur qui rend aveugle

Le sang des âmes

La gaffe de tout le monde

La faille des êtres

Personne n’est épargné

Pas de rescapé

Tous pris dans le filet

Tous périront !

Nature enragée

Tout se renverse

Rien ne se tient

Tout glisse et tombe

Rien que des cris, des cris…

Cris de honte

Cris de vouloir survivre

Cris de culpabilité

Tout est abîmé

Tout a disparu

Il ne reste rien

Plus personne pour recommencer la vie

Plus personne pour enterrer l’erreur.