Philosophie, sociologie, anthropologie

RAISON ET IMAGINAIRE : ARTICULATION PHILOSOPHIQUE ET ANTHROPOLOGIQUE

Éthiopiques n°97.

Littérature, philosophie, sociologie, anthropologie et art.

2nd semestre 2016

RAISON ET IMAGINAIRE : ARTICULATION PHILOSOPHIQUE ET ANTHROPOLOGIQUE

Quelle articulation construire entre la raison et l’imaginaire ? La tradition philosophique s’est construite en mettant en avant la primauté de la raison sur l’imagination. Il convient de souligner que depuis Descartes jusqu’à Hegel en passant par Spinoza, Leibniz et Kant pour ne citer que les principaux représentants du rationalisme philosophique, la raison a fonctionné comme la faculté de fondation de l’édifice des savoirs, source des lumières et de la vérité : d’où sa dimension principielle. Dans cette perspective, la raison est identifiée comme opposée à l’imaginaire. A quoi renvoie la raison ? En quoi a consisté la constitution des rapports entre la raison et l’imaginaire ? Dans les formations discursives constitutives de la rationalité, la disqualification de l’imagination a déterminé sa représentation négative.

Il est courant dans l’espace de la pensée philosophique de définir la raison comme la faculté de penser, d’analyser, de raisonner, de conceptualiser, de démontrer et d’argumenter. La raison se conçoit également comme lumière, vérité et esprit. La symbolique de la raison revêt une dimension qui s’entend en termes de procédés, de règles et de mécanismes en vue de la construction de la rationalité. Ce qui semble se configurer dans le rapport entre la raison et l’imaginaire procède d’une logique de la légitimation de l’être effectif, en tant que présupposé admis et résultant de la première et non du second. Partant de là, les deux entités sont traversées par la nécessité intrinsèque de leur structuration dialectique. Telle est l’orientation que nous voulons donner à notre investigation de la problématique du lien constitutif du fonctionnement même de l’esprit humain. Quelle profondeur dans la pensée sans le jeu de l’imaginaire ? Quelle organisation du sens dans le foisonnement des idées, de l’imagination, sans la raison méthodique ? Telles sont les questions qui peuvent nous aider à ne pas céder à la tentation du réductionnisme dichotomique qui ne semble plus d’actualité en termes de pertinence.

La définition cartésienne de la raison s’est énoncée dès le début du Discours de la méthode : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ». Qu’est-ce que le bon sens ? Dans ce passage, Descartes apporte une précision : « (…) la puissance de bien juger, la puissance de distinguer le vrai et le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens, ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes (…) » [2].

L’identification du bon sens à la raison constitue une qualification logique déterminante dans sa double dimension : pouvoir de jugement et de distinction du vrai et du faux et la reconnaissance de l’équivalence ontologique entre les humains. Descartes utilise la notion de « puissance » pour caractériser ce qui est le propre de l’humain, comme l’affirmait Pascal « l’homme est le roseau le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant ». Il est clair que l’humanité de l’être humain est fortement identifiée comme trouvant le fondement de sa puissance en la possession de la raison. Mais Descartes s’empresse de préciser encore dans les lignes qui suivent : « Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de bien l’appliquer » [3]. Avant de revenir sur l’importance de l’enjeu de l’application de la raison, qui n’est autre que la question de la méthode, il importe de reconnaître que l’énoncé cartésien traduit la nécessité au XVIIe siècle de trouver un opérateur universel qui instaure les conditions de l’effectuation de la raison comme expression de l’humanité de l’être. Mais nous savons que cette effectuation a été rendue possible par l’activation d’un processus de refoulement pour que le discours de la rationalité advienne à son effectivité supposée logique. La raison serait-elle le nom des mécanismes de la mise sous tutelle de l’émotion, de la passion et de l’imagination, bref du corps ?

C’est dans cette perspective que la réflexion sur l’enjeu philosophique et anthropologique du statut, que le rationalisme philosophique du XVIIe siècle a conféré à l’imaginaire, revêt une signification essentielle de la conceptualisation de la raison telle qu’elle se déploie dans la philosophie de Descartes. Sans nous inscrire dans la configuration structurale du paradigme de l’opposition établie entre la raison et l’imagination, il convient de souligner que la poétique de l’imagination est productrice de l’imaginaire qui constitue l’arrière-fond de l’architecture de la rationalité elle-même. Le propos de cette réflexion est de concevoir une ligne interprétative qui consiste à convoquer la dialectique constitutive du champ de la rationalité, dans la variété et la diversité de ses figures. On pourrait dire que, pour que la raison soit configurée dans son effectivité, il a fallu qu’elle puisse s’autodéterminer dans son opposition à l’imaginaire.

Que la raison soit la faculté de penser ou qu’elle soit porteuse de la lumière de la vérité, il n’en demeure pas moins qu’elle traduit une forme d’exaltation de la rationalité calculatrice au détriment de la fécondité de l’imagination, de la fiction et de l’imaginaire. Il y a comme une confrontation paradigmatique qui mérite d’être questionnée pour déceler ce que la raison a signifié dans l’expérience de la pensée rationnelle et le sens que recouvre l’imaginaire. C’est de cette mise en tension qu’il sera question dans notre propos qui va s’organiser en trois parties : la configuration rationaliste de la raison, la structure de l’imaginaire, enfin ce que recouvre penser l’imaginaire. Ce sont ces trois moments qui vont rythmer notre investigation de ce que peut signifier la conjonction de la raison et de l’imaginaire.

Il convient dans ce propos préliminaire de souligner que la constitution de la rationalité est conçue comme un événement décisif dans la formation de l’identité discursive du sujet pensant. Ce qui constitue une traduction de l’effectivité de l’expérience de pensée comme manifestation de l’autonomie intellectuelle et de la liberté. Il n’est point d’usage de la raison qui puisse aboutir dans la formulation des énoncés, sans que l’on puisse le désigner comme une sorte de rite de passage, dès lors que la volonté de savoir entend s’inscrire dans la logique de l’expérience de la codification de la pensée. Fonder ses propos, structurer ses idées, donner de la consistance à ses représentations, à son imagination, pose l’exigence radicale de l’appel à la raison.

La formulation de ce qui peut être recevable comme porteur de sens, implique donc de fait, du point de vue principiel, l’usage de la raison. Descartes le souligne certes, mais à condition que cet usage soit « méthodique ». Il en résulte que l’usage de la raison n’est pas suffisant sans les règles, les procédures et les mécanismes d’application par l’observation rigoureuse de la méthode. Il n’est pas même exagéré, dans la perspective cartésienne, de dire que la raison est méthode pour s’effectuer comme raison. En l’absence de l’appropriation des règles de la méthode, que se passerait-il ? Descartes répond par un énoncé constatif :

Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus ; et ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s’ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, et qui s’en éloignent [4].

Telle est la problématique clairement signifiée par Descartes et qui va inaugurer toute la tradition de pensée qui aura marqué, dans tous les domaines, les plus importants progrès de l’humanité. Cette raison est autant la faculté de penser, de concevoir, d’analyser que la matrice de la rationalisation dans la multiplicité de ses usages. Pour conquérir une légitimité rationnelle ou raisonnable, il faut bien l’usage de la raison.

  1. La configuration rationaliste de la raison

Il nous semble important de souligner l’élan, voire la ferveur qui se dégage des premières pages de la première partie du Discours de la méthode afin de mesurer la portée de cette découverte, de cette « révélation » qu’a représenté ce texte pour des générations d’étudiants, de professeurs, de penseurs, un événement majeur dans l’histoire de la pensée en général. Certes, de nos jours, le rationalisme est fortement décrié, le plus souvent à tort, au nom de l’exaltation de l’irrationalisme ; on oublie qu’à son époque, Descartes a risqué sa vie avec cet énoncé radical dans son esprit et dans son principe :

 

Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont [5].

La reconnaissance universelle à tous les humains d’être égaux naturellement en raison, n’est pas un discours d’époque au XVIIe siècle. Et, Descartes de souligner, de manière encore plus décisive :

(…) pour la raison, ou le sens, d’autant qu’elle est la seule chose qui nous rend hommes, et nous distingue des bêtes, je veux croire qu’elle est tout entière en un chacun et suivre en ceci l’opinion commune des philosophes, qui disent qu’il n’y a du plus ou moins qu’entre les accidents et non point les formes ou nature des individus d’une même espèce.

Si la raison est universelle, ontologique, principielle et fondatrice, elle ne peut signifier que ce qui est proprement humain.

Ce propos n’a rien perdu de son actualité on doit se réconcilier avec le rationalisme philosophique dans son processus de constitution comme mise en évidence des lumières de la raison en tant que puissance inhérente à l’humain, en lui conférant cette capacité de discernement. Mais l’affaire n’est pas réglée avec l’établissement de cette reconnaissance du partage universel de la faculté de penser, dans la mesure où la « diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes chosesIbidem.]] [6]. » Dans cette première règle est contenue une orientation qui comporte des modalités qui font converger plusieurs aspects de la recherche de la vérité dont la disposition fondamentale est l’acquisition de la capacité de produire des énoncés avec, comme marqueur, la solidité et la véracité des jugements à propos de tous les objets dont s’occupe notre esprit.

Cette règle définit, en effet, la sagesse humaine dès lors qu’elle devient le fil conducteur de toutes les investigations de notre raison dans sa quête de la vérité qui se doit de parvenir à la certitude. De même, les Méditations métaphysiques comme les Principes de la philosophie, en grande partie, insistent sur la dimension incontournable des règles de la méthode. La raison cartésienne se définit par l’architecture des opérateurs générateurs de la pensée rationnelle, celle qui doit constituer le fondement métaphysique de l’édifice des savoirs : l’arbre de la science. La configuration de la rationalité telle qu’elle s’est définie dans le champ de la philosophie de Descartes a inauguré une aventure de l’esprit dont le principe instituant est l’usage méthodique et discursif de la raison. Sans poursuivre cette exploration de la passion cartésienne de la raison, il nous semble important d’évoquer l’interprétation spinoziste de la pensée cartésienne sur un certain nombre d’aspects.

Dans la continuité de l’exploration et de l’investigation de la raison méthodique, Spinoza, par la structure de sa pensée à travers ses ouvrages, notamment l’Éthique, est considéré comme étant « le plus cartésien de tous les cartésiens ». Sans soumettre ce jugement ou cette « boutade » à une évaluation critique, il importe de souligner la rigueur de la démarche de Spinoza commentant les Principes de la philosophie de Descartes. Dans cette perspective, Spinoza écrit :

C’est le sentiment unanime de tous ceux qui veulent s’élever au-dessus du vulgaire par la clarté de la pensée que la Méthode d’investigation et d’exposition scientifique des Mathématiciens (c’est-à-dire celle qui consiste à démontrer des Conclusions à l’aide de Définitions, de Postulats et d’Axiomes) est la voie la meilleure et la plus sûre pour chercher et enseigner la vérité [7].

Il nous semble que cet énoncé condense le parti-pris résolu de la méthode telle que Descartes l’énonce : l’usage efficient de la raison. Spinoza souligne ce qui arrive à l’esprit dépourvu de cette méthode que seules les Mathématiques appliquent et observent rigoureusement :

 

[…] ; si bien que l’esprit avide de vérité inébranlable, où il pensait trouver un lac tranquille à souhait et, après une traversée heureuse et sûre, parvenir selon son désir au port de la connaissance, se voit flottant au hasard sur la mer houleuse des opinions, entouré de toutes parts des orages de la discussion, ballotté et submergé par les vagues du doute, sans aucun espoir de reprendre pied [8].

Avec une métaphore, Spinoza souligne les conséquences négatives du manque de méthode pour l’esprit qui s’aventure dans la recherche de la connaissance vraie et « inébranlable. Il souligne que le désir de connaissance certaine exige l’effort de l’usage méthodique de la raison telle que l’a conçue Descartes. Il importe de souligner l’hommage que Spinoza a rendu à Descartes en ces termes :

Et, après que cette entreprise eut été tentée pendant un long temps et par beaucoup sans succès, se leva enfin cet astre le plus éclairant de notre siècle, René Descartes, qui d’abord, par une méthode nouvelle, fit passer des ténèbres à la lumière tout ce qui dans la Mathématique était resté inaccessible aux anciens et tout ce que les contemporains n’avaient pu découvrir, puis posa les fondements inébranlables de la Philosophie ; fondements sur lesquels il est possible d’asseoir la plupart des vérités dans l’ordre et avec la certitude mathématique, ainsi que lui-même l’a réellement démontré et, comme à tous ceux qui ont étudié attentivement ses écrits dont jamais la louange n’égalera le mérite, il apparaît avec une clarté qui l’emporte sur la lumière du jour [9].

Ce passage met en exergue la mutation décisive, voire révolutionnaire effectuée par Descartes selon Spinoza. Il comporte des expressions qui traduisent l’intensité de l’appropriation de la méthode cartésienne et sa conception de la structure de la rationalité. Descartes arrive comme un « astre le plus éclairant », « une clarté qui l’emporte sur la lumière du jour ». Le triomphe de la raison de Descartes est célébré avec admiration par Spinoza.

  1. LA STRUCTURE DE L’IMAGINAIRE

Est-il pertinent d’opposer l’imaginaire à la raison ? Le rationalisme s’est constitué sur cette dichotomie qui n’a pas toujours été fonctionnelle du fait même de la dialectique qui sous-tend l’effectuation de l’esprit humain. C’est ainsi qu’il importe de mettre en lumière le sens conféré à l’imaginaire du point de vue anthropologique. Dans son ouvrage intitulé L’imaginé, l’imaginaire et le symbolique, Maurice Godelier écrit :

S’interroger sur la nature et le rôle de l’Imaginaire et du Symbolique, c’est vouloir rendre compte de composantes fondamentales de toutes les sociétés, mais aussi, parce qu’ils leur sont liés, d’aspects essentiels du mode d’existence proprement humain, des aspects qui, chaque fois, forment une grande part sociale et intime de notre identité [10].

Il est vrai que les philosophes sont mis au centre de la construction de l’identité humaine, dans sa différenciation de celle des autres êtres vivants, particulièrement les animaux. Toutefois, c’est dans l’articulation de l’Imaginaire et du Symbolique que la construction identitaire s’est élaborée dans sa configuration anthropologique. Il en résulte que l’imaginaire revêt une dimension structurale constituant ainsi la réalité humaine dans la diversité de ses composantes. Ce qui fait une société, c’est la dynamique de la fabrique de l’imaginaire dans sa tension avec le réel et le symbolique. Il faut dire que le travail de l’imaginaire est l’espace où foisonnent les images, les idées, les représentations, où se dessinent les contours de la réalité humaine dans chaque société. Si la raison définit le sujet humain, l’imaginaire constitue la détermination de la société. Il n’est pas d’imaginaire qui se fabrique dans la solitude de l’être. C’est de l’interaction dynamique de l’imaginaire avec ce qui l’inscrit dans le réel et ses traductions symboliques que se construit l’être social. Quel est le rapport entre l’imaginaire et la pensée ? Comment se construit l’image dans la sphère de la conscience et de la raison ?

La constitution de l’espace de la pensée ne se conçoit pas sans la mise en conjonction de l’image et de l’imaginaire dans la mesure où elle se construit comme une logique de la représentation. La configuration du paysage de la pensée est investie par l’image comme entité représentant l’extériorité perçue par la conscience dans son intériorité. L’expérience de la pensée permet de voir comment se confrontent l’idée et l’image. C’est dans cette perspective que Sartre affirme que « l’image est le domaine de l’apparence, mais d’une apparence à laquelle notre condition d’homme donne une sorte de substantialité » [11].

En dépit de la suspicion des rationalistes, l’image demeure une forme de représentation qui, tout en portant l’empreinte de l’univers des phénomènes, participe du monde de l’esprit. L’image serait l’objet propre à l’imagination dans la mesure où celle-ci en constitue la connaissance. Comme l’écrit Sartre, « l’imagination ou connaissance de l’image vient de l’entendement ; c’est l’entendement, appliqué à l’impression matérielle produite dans le cerveau, qui nous donne une conscience de l’image » [12]. Sartre décrit le processus dans lequel l’image, l’entendement, le cerveau et la conscience se conjuguent dans la formation de l’imagination. Celle-ci constitue le même mouvement de fond de ce qui se noue entre les différentes composantes de l’univers de l’esprit dans sa configuration. Il y a, dans cette dynamique, un foisonnement qui pose la nécessité de l’organisation synthétique de la raison.

Il faut dire que c’est dans un même espace que raison, entendement, image, idée et imaginaire convergent. De cette convergence, l’imaginaire constitue la toile de fond dans le sens où elle ne se réduit pas à une forme de virtualité qui peuple l’univers mental des individus. L’imaginaire ne peut se réduire à une juxtaposition des images. Il faut plus que l’activité représentationnelle et organisationnelle de l’entendement : « Les mondes de l’Imaginaire, ce sont d’abord les mythes des religions ou ceux qui fournissent une légitimité aux systèmes politiques et autres régimes de pouvoir apparus au cours de l’histoire (…) » [13].

L’imaginaire renvoie à la formation de l’identité collective dans sa figuration à travers les mythes dont le statut est de s’instituer comme la source de constitution du sens qui va au-delà des individus. L’imaginaire transcenderait ainsi la conscience individuelle et résulterait du processus d’intériorisation. Dans la configuration de l’imaginaire convergent des éléments à la fois du réel, du perçu, du senti, de l’idéel, mais leur fonctionnement est déréalisé pour exister en dehors du temps. Ce qui est identifié dans sa matérialité ne peut symboliser l’imaginaire. Ce qui n’empêche pas la vocation de l’imaginaire dans son articulation avec le symbolisme de fonctionner comme s’il représentait le réel, de la manière la plus profonde. Dans cette perspective, il faut souligner l’articulation dialectique entre les trois instances constitutives de l’expérience humaine. L’imaginaire ne serait pas intelligible sans le réel et sans le symbolique. Que signifie ce lien qui semble intrinsèque pour que l’humaine condition soit possible ? Cette articulation permet aux humains de penser la réalité extérieure, en lui donnant une forme symbolique. Ce qui autorise le sujet humain à ne pas en rester aux fantasmes, c’est son inscription dans cette logique d’articulation, de l’idéel, de l’imaginé et du réel qui se confrontent parfois, s’affrontent et trouvent leur médiation dans le symbolique. On pourrait dire que l’acte de symbolisation idéelle est une forme de transformation de la dynamique de l’imagination qui, dans sa confrontation avec le réel, s’inscrit dans une logique de transfiguration.

Il est significatif de noter que l’approche anthropologique comme l’approche psychanalytique nous permettent de saisir la complexité de cette articulation dans ses contours aussi bien culturels que psychologiques. Il en résulte qu’opposer le réel et l’imaginaire au symbolique n’a pas de sens. À ce propos, Godelier écrit : « On ne peut opposer donc mécaniquement le réel à l’imaginaire et au symbolique… » [14]. Il dégage deux raisons fondamentales pour expliquer le manque de pertinence, voire le manque de bien-fondé de cette opposition. La pensée humaine ne peut s’exercer que dans l’usage des symboles. Elle consiste à pouvoir symboliser avec le langage qui constitue l’espace de matérialisation des représentations, des idées et des concepts. « La première (raison) c’est que tout ce qui est pensé, fabriqué et agi par les humains ne peut être pensé sans support symbolique et que le symbolique se retrouve donc dans tout ce qui est pensé, produit et agi par les humains » [15].

La production humaine est symbolique qu’elle soit sous forme de pensée ou d’action. Elle advient à l’effectivité par l’activité de symbolisation. De ce point de vue, l’enjeu de la symbolisation est inscrit dans la constitution de l’imaginaire. Il faut dire que la symbolisation se nourrit de l’imaginaire pour rendre le réel intelligible. Les matériaux bruts ne disent pas grand-chose de l’expérience humaine, mais peuvent constituer des sources fécondes pour l’imagination. Celle-ci comme « conscience imaginante » est en activité pour la formation de l’imaginaire c’est ainsi que Sartre fait remarquer : « Tout imaginaire paraît « sur fond de monde », mais réciproquement toute appréhension du réel comme monde implique un dépassement caché vers l’imaginaire » [16].

Il convient de souligner également que cette activité de symbolisation se doit de signifier dans les pratiques sociales par la structuration des relations entre les membres de la société. D’où l’articulation du symbolique avec l’imaginaire pour l’identification du fonctionnement de la société.

La seconde (raison) écrit Godelier, c’est qu’une grande partie de la réalité sociale est de l’imaginaire transformé en rapports sociaux et matériels réels, de l’imaginaire qui disparaît alors comme tel puisqu’il est devenu non seulement une réalité matérielle et sociale, mais surtout parce qu’il apparaît comme la présence d’un aspect réel, visible certes mais en l’existence duquel on ne peut que croire puisqu’il porte le sens de l’univers et du statut de l’Humanité… [17].

Le processus de transformation constitue l’activité par laquelle le sujet humain, par la symbolisation, confère une structuration des choses, des événements, de la vision de la réalité sociale. Qu’est-ce que l’imaginaire ? L’espace de conjonction du virtuel et du matériel par le travail de symbolisation qui conjugue le langage et la représentation. Dès que l’imaginaire est institué, il se donne à voir à travers des institutions et des modes d’être qui ne laissent plus de doute quant à leur réalité. C’est ce processus qui définit la réalité humaine dans sa dimension sociale. Ce que l’on désigne comme faits sociaux, pratiques sociales ou représentations culturelles constituent la configuration de l’imaginaire collectif à travers les œuvres.

En effet, l’imaginaire joue une fonction interprétative signifiante dans la structuration de la réalité sociale. Ce qui présuppose que l’imagination est à l’œuvre. Il faut bien souligner que l’esprit, dans son effort de compréhension, avant d’en arriver à la connaissance effective du réel, procède d’abord par l’imagination. Le commencement de l’effort de l’intelligence se trouve dans le fait d’imaginer : « Pour comprendre il faut commencer par imaginer » [18]. Ce qui sous-entend que la première étape du travail de la pensée, c’est de visualiser les choses perçues sous la forme d’images. Ce premier support entraîne une logique continue de transformation et de symbolisation. C’est de la mise en perspective exponentielle de l’imagination en articulation avec d’autres composantes comme la réalité, les sensations, les perceptions, les sentiments et les émotions que résulte l’activité de représentation qui détermine la pensée à des niveaux différents. Pour investir cet univers qui est imaginaire, il faut bien l’intervention de supports qui offrent les conditions d’effectuation symbolique de l’imaginaire dans sa confrontation au réel.

L’imaginaire a beau se concevoir dans son espace virtuel, il ne se configure pas seul. De même que les images reflètent une certaine réalité extérieure, l’imaginaire est en articulation avec le symbolique et le réel. Cette triangulation est le lieu par excellence de constitution de la raison humaine dans sa production de la réalité humaine et sociale. C’est de cette offre exemplaire et emblématique de la puissance imaginative que résulterait la formation de l’imaginaire. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’imaginaire constitue la condition même de la production des représentations et des images sans lesquelles la raison dans sa conceptualisation perdrait toute sa fécondité. La vitalité de la pensée humaine ne peut faire donc l’économie de l’imaginaire. Celui-ci est l’espace de l’exploration de l’horizon du virtuel comme le possible, condition de ce qui est. Il n’est pas superflu de dire que ce qui est ne le devient que parce que d’abord il a été imaginé. Le ciel des idées est le supra-monde sans lequel il n’est point d’intelligibilité du monde considéré comme réel. D’où la réalité tirerait-elle son effectivité sans l’intervention de l’imaginaire dans son rapport au symbolique ? Le possible n’est possible qu’advenu à l’effectif après à voir existé dans ce qui en constitue l’imaginé. Le monde sensible est le reflet du monde intelligible par la médiation de l’imaginaire qui lui offre la possibilité d’advenir à la rationalité.

  1. PENSER L’IMAGINAIRE

Il existe une conceptualité de l’imaginaire qui a pris une configuration diverse et variée dans le champ de l’anthropologie qui permet de signifier l’intense activité de l’imagination, illustrant sa fécondité dans la production des mythes. C’est dans cette perspective que les réflexions de Georges Balandier sont porteuses d’une pertinence significative. Dans le chapitre « L’imaginaire dans la modernité », il souligne la dimension vitale de l’imagination dans l’existence individuelle et collective en écrivant :

L’imaginaire reste plus que jamais nécessaire ; c’est en quelque sorte l’oxygène sans lequel dépériraient toute vie personnelle et toute vie en collectivité. Il est fait de toutes les images que chacun façonne à partir de l’appréhension qu’il a de son corps et de son désir, de son environnement immédiat, de sa relation aux autres, à partir du capital culturel reçu et acquis, ainsi que des choix qui provoquent une projection dans l’avenir proche [19].

Il ressort de ce propos une définition exhaustive de l’imaginaire en ce sens qu’elle fait ressortir des éléments à la fois subjectifs, corporels, spatiaux, temporels, naturels, perceptifs et culturels dont le façonnement est substantiel à l’expérience humaine aussi bien individuelle que collective. En ce sens, l’imaginaire est la condition structurale de ce qui rend possible la logique figurative qui détermine proprement l’être humain. C’est de cette dimension que découle le travail de la raison qui donne une consistance mémorielle aux perceptions, aux images et aux représentations en rapport avec l’espace et le temps. D’où le processus de transformation qui caractérise la dynamique de l’imaginaire. C’est ainsi que, rendant compte de cette dynamique, Georges Balandier écrit :

[…] l’imaginaire reporte à des lieux, il produit une topographie qui lui est propre. En ce sens, il reflète – mais en les transformant – les relations que l’homme a établies avec l’espace où le passé a porté ses inscriptions, donnant ainsi une matérialité à la mémoire. Il provoque surtout l’invention des ailleurs, (…), ceux qui se situent au-delà des lieux habituels et que l’on peut dire exo-topiques, ceux qui définissent des cités idéales, à construire quelque part et pour cette raison qualifiées d’u-topiques [20].

Tout en se définissant comme l’espace de l’imaginé, l’imaginaire permet de peupler les lieux en se constituant comme une temporalité, dont le tracé prend forme à travers des signes traversés par la trame de l’histoire. Il traduit la formation des mondes qui existent comme des univers de l’ailleurs, un hors temps, bien lointain. L’utopie, pays des merveilles, est cette puissance de l’imagination créatrice et inventive sans laquelle les sociétés humaines n’auraient pas connu des transformations politiques, philosophiques, économiques et culturelles dans leurs différentes phases de développement. La cité idéale et la République platonicienne, ne sont pas étrangères au jeu de l’imagination comme activité de l’esprit. Se projeter, aller au-delà de l’immédiat, visualiser le non visible, est une découverte qui, tout en procédant de l’imagination, a permis de façonner le réel. L’imaginaire résulte aussi de l’investigation de l’univers de l’ailleurs comme quête de la transcendance. L’ailleurs a toujours hanté l’aspiration des humains dans leur désir de se libérer de la caverne. De ce point, de vue la fabrique des œuvres humaines les plus significatives du travail fantasmatique de l’esprit résulte de la dynamique de l’imaginaire : « Les mythes, les traditions et les arts populaires, les œuvres plastiques et les créations littéraires ont multiplié les représentations de ces ailleurs » [21]. La tension de l’ici et de l’ailleurs définit la dialectique de l’imaginaire comme processus de création des œuvres diverses et variées qui illustrent l’expérience anthropologique, dans toutes ses expressions. En un sens, l’imaginaire est le mouvement configurateur de l’identité humaine, aussi bien dans sa matérialité paradoxale que dans sa dimension idéelle et idéologique. Cornélius Castoriadis va plus loin en affirmant : « Il est impossible de comprendre ce qu’a été, ce qu’est l’histoire humaine, en dehors de la catégorie de l’imaginaire [22]. » La dimension fondamentale et fondatrice de l’imaginaire est centrale dans la constitution de la formation de l’identité humaine dans l’histoire. Le passé, le présent ne sont intelligibles, selon Castoriadis, que par ce qu’est l’imaginaire comme opérateur générateur de sens. Dans L’institution imaginaire de la société, Castoradis énonce la thèse selon laquelle la société est une institution de l’imaginaire par la symbolisation des pratiques sociales, politiques et culturelles. Il y a de l’institué dès lors que l’imagination s’incarne à travers des symboliques qui opèrent comme des institutions qui donnent une réalité sociale inscrite dans l’espace et dans le temps.

Castoriadis récuse l’opposition de l’imaginaire et de la raison en soulignant que « cet imaginaire ne joue pas seulement la fonction du rationnel, il en est déjà une forme, il le contient dans une indistinction première et infiniment féconde, et on peut y discerner les éléments que présuppose notre propre rationalité » [23]. L’imaginaire se présente, dans cette formulation philosophique, comme étant l’instance productrice du sens fondateur. La dialectique de l’institué et de l’instituant telle que la conçoit Castoriadis permet de saisir comment s’opèrent les matériaux par lesquels se fabrique ce qui fait société. Dès lors, la fonction de l’imagination ne peut être occultée par l’enjeu de l’histoire dans la formation social-historique. Ce que Castoriadis met en exergue, c’est la logique de création qui se déploie à travers le rôle que joue l’imaginaire, depuis que la présence humaine a donné naissance à des institutions comme marqueurs significatifs de sa sociabilité.

Le sujet humain semble s’être embarqué dans une aventure qui s’est progressivement instituée sans qu’il soit conscient au commencement de ce qui allait advenir par le jeu de la projection fantasmée. L’existence de la société ne peut être viable et concrète sans la représentation de son monde. Il y a, dans l’institution de la société, la présentation de sa configuration dans la sphère de l’imaginaire. Celle-ci constitue son épaisseur, c’est-à-dire ce qui lui confère sa consistance. Les individus qui en sont les membres traduisent, par leurs manières d’être, leurs attitudes, leurs comportements et leurs pensées, la dimension symbolique de l’imaginaire. C’est pourquoi l’horizon de l’avenir d’une société n’est pas dissociable de son imaginaire tel qu’il se manifeste à travers le passé et le présent. Il en résulte une dynamique de la transfiguration, laquelle qui permet de rendre compte des mutations qui expriment l’audace susceptible d’exciter des sujets à devenir des acteurs de la transition et de la traversée en étant porteurs d’aventures exceptionnelles.

Dans tous les domaines, l’imagination peut redonner du souffle à l’imaginaire. C’est pourquoi, en période de crise, la convocation des mythes peut redonner l’élan novateur qui s’inspire de la puissance évocatrice de l’imaginaire fondateur. Le rapport du sujet, agent de l’histoire, à l’imaginaire est intensifié par le désir de transformation et de transfiguration afin de transcender le conformisme. Il faut dire que la vitalité de l’imaginaire est dans le risque créateur qui fait constamment bouger les lignes. Le foisonnement des possibles qui en ressort quand la dynamique est à l’œuvre peut révéler une sorte d’excédent créateur dont l’opérateur est l’imagination. Dans cette perspective, la rationalité est comme une forme d’expérience de stabilisation d’une imagination qui aurait du mal à ne pas se déployer dans sa fluidité processuelle. De l’imagination, il faut dire qu’elle semble représenter la faculté créatrice même à partir de ce qu’elle retient de son environnement naturel.

Il importe de souligner que le rapport de l’imagination et de la nature a inspiré bon nombre d’artistes et de poètes. L’embellissement, qui constitue une dimension de la faculté d’imaginer, par un travail de transformation des impressions et des sensations, produit des idées, dont la complexification aboutit à la constitution de la pensée conceptuelle. Il ne semble plus alors pertinent d’opposer l’imagination à la vérité. Comme le souligne Condillac : « l’imagination a surtout les agréments en vue, mais elle n’est pas opposée à la vérité » [24]. Le plaisir que l’on peut retirer de l’imagination a, en général, produit une forme de mépris, voire de disqualification de l’imagination en une source d’errance, d’égarement et de divagation. Il n’est pas de connaissance rationnelle qui n’ait dénié tout discernement à la faculté d’imaginer. Sur ce plan, le rationalisme a mis à mal l’usage de l’imagination dans la constitution de la rationalité démonstrative. Or, il n’est pas risqué de souligner que la raison elle-même, dans sa discursivité, ne semble pas être en mesure de se dispenser de tout recours aux ressources de l’imagination. Que serait une pensée qui, d’emblée, se voudrait conceptuelle, rationnelle et effective sans l’apport de l’imagination ? N’y a-t-il pas un refoulement ou un déni qui permettent à la raison de conquérir la rationalité ? Ne serait-il pas plus raisonnable de concevoir une articulation dialectique entre la raison et la production de l’imaginaire comme effet amplifié de la conjonction de l’imaginé et du symbolique ? Quelle logique de sens peut se codifier sans cette tension créatrice de la relation de la raison et de l’imagination ? Le rationalisme dialectique hegelien a érigé le concept en instance d’effectivité de ce qui est aussi bien rationnel qu’effectif sans pour autant dénier une fécondité décisive à l’imagination.

C’est ainsi que Hegel, dans son Esthétique, s’interroge :

(…) en effet, dans les représentations mythologiques des Anciens, on peut se demander si nous devons nous arrêter à la forme extérieure telle qu’elle s’offre à nous, admirer ces fables comme le jeu d’une imagination heureuse et féconde, ou s’il faut y chercher un sens plus profond [25].

Qu’il s’agisse de considérer la surface extérieure de la manifestation des fables ou la recherche d’un sens profond, Hegel souligne l’intérêt de cette production imaginaire qui caractérise les données immédiates de la conscience. L’imaginaire serait-il révélateur du pouvoir du fantastique de la pensée humaine ? Le rationalisme aurait-il pu inhiber la fécondité de l’imagination au risque d’inhiber la raison dans son effectuation ?

Que la « Raison gouverne le monde » [26] comme l’énonce Hegel dans La Raison dans l’Histoire ne signifie pas que sa fonction fabulatrice comme imagination n’a pas joué son rôle décisif dans la constitution de l’imaginaire. En un sens, la raison et l’imaginaire sont les constituants fondamentaux de la pensée humaine. Certes la tension qui a structuré ces deux catégories a été présentée le plus souvent sous le mode de la dichotomie, mais leur imbrication dialectique a fécondé les deux versants constitutifs de l’histoire de la pensée. C’est dans cette perspective que l’on peut en guise de conclusion, souligner avec Gilbert Durand que « et c’est bien l’imaginaire qui apparaît comme recours suprême de la conscience, comme le cœur vivant de l’âme dont les diastoles et les systoles constituent l’authenticité du cogito » [27].

BIBLIOGRAPHIE

BALANDIER, Georges, Le détour. Pouvoir et modernité, Paris, Fayard, 1985.

CASTORIADIS, Cornélius, L’Institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975.

CONDILLAC, Étienne-Bonnot (de), Essai sur l’origine des connaissances humaines, Paris, Editions Alive, 1998.

DESCARTES, René, Discours de la méthode, Paris, LGF, 2000.

– Règles pour la direction de l’esprit, Paris, LGF, 2002.

DURAND, Gilbert, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Dunod, 1992.

GODELIER, Maurice, L’imaginé, l’imaginaire & le symbolique, Paris, CNRS éditions, 2015.

HEGEL, Esthétique, traduction de Charles Bénard, Paris, LGF, 1997.

– La Raison dans l’Histoire, traduction par Kostas Papaioannou, Plon, 1967.

SARTRE, Jean Paul, L’Imagination, Paris, PUF, 1936.

– L’Imaginaire, Paris, Gallimard, 1940 et 1986.

SPINOZA, Baruch, Œuvres I. Traité de l’entendement, traduction et notes par Charles Appuhn, Paris, GF Flammarion, 1964.“”

[1] Centre de formation des éducateurs des CEMEA, Paris, France

[2] DESCARTES, R., Discours de la méthode, Paris, Librairie Générale Française, 2000, p. 67.

[3] Id., ibid.

[4] Discours de la méthode, op.cit., p. 67-68.

[5] Discours de la méthode, op.cit., p. 67.

 

[6]  ». D’où l’impératif de la méthode pour un usage qui permette d’ordonner, de réguler et de discipliner la raison qui peut aller dans tous les sens et perdre sa capacité de discernement.

Pourquoi la méthode ? La problématique de la méthode est au centre des préoccupations de Descartes convaincu que tout se joue au niveau de l’usage méthodique des règles pour penser afin de « bien conduire sa raison dans la recherche de la vérité ».

En effet, les Règles pour la direction de l’esprit sont conçues comme le mode opératoire du chemin vers une pensée certaine, distincte et claire, donc évidente. Le travail de l’esprit ne signifie pas, selon Descartes, se mouvoir dans l’univers chimérique de l’abstraction, sans la conduite exigeante et rigoureuse des règles. Il ne s’agit pas de se laisser entraîner par les charmes de l’imagination ou de l’extrapolation sans objet, sans finalité et surtout sans discipline qui consiste à se résoudre à suivre les règles de la méthode. C’est dans cette perspective que Descartes conçoit les règles dont la première s’énonce ainsi : « L’objet des études doit être de diriger l’esprit jusqu’à le rendre capable d’énoncer des jugements solides et vrais sur tout ce qui se présente à lui[[DESCARTES, Règles pour la direction de l’esprit, Paris, LGF, 2002, p. 75.

[7] SPINOZA, Traité de la réforme de l’entendement. Court traité. Les Principes de la philosophie de Descartes. Pensées métaphysiques, Présentation, traduction et notes de Charles Appuhn, Paris, GF Flammarion, 1964, p. 230.

[8] SPINOZA, op.cit., p. 231.

[9] SPINOZA, op.cit., p. 231-232.

[10] GODELIER, Maurice, L’imaginé, l’imaginaire et le symbolique, Paris, CNRS Éditions, 2015, p. 15.

[11] SARTRE, Jean-Paul, L’imagination, Paris, PUF, 1ère édition 1936, 7e édition 2012, p. 13.

[12] SARTRE, Jean- Paul, op.cit. p. 7.

[13] GODELIER, Maurice, L’imaginé …, op.cit., 15-16.

[14] GODELIER, Maurice, op.cit., p. 237.

[15] Id., ibid., p. 237.

[16] SARTRE, L’imaginaire, Paris, Gallimard, 1940, pour la présente édition, 1986, p. 361.

[17] Id., ibid., p. 237-238.

[18] Id., ibid., p. 239.

[19] BALANDIER, Georges, Le détour. Pouvoir et modernité, Paris, Fayard, 1985, p. 222

[20] Id., ibid., p. 223.

[21] BALANDIER, Georges, Le détour…, op., cit., p. 223-224.

[22] CASTORIADIS, Cornélius, L’institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975, p. 241.

[23] CASTORIADIS, Cornélius, L’institution imaginaire… op., cit., p. 245.

[24] CONDILLAC, Essai sur l’origine des connaissances humaines, Paris, Éditions Alive, 1998, p. 94.

[25] HEGEL, Esthétique, traduction de Charles Benard, Paris, LGF, 1997, p. 409-410.

[26] HEGEL, La Raison dans l’Histoire, traduction de Kostas Papaioannou, Paris, Plon (10 /18), 1965, p. 58.

[27] DURAND, Gilbert, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Dunod, 1992, p. 500.