Pierre Klein
Notes

QUI DITES-VOUS QUE JE SUIS ? Royer Garaudy (Editions Seuil)

Ethiopiques n°15

revue socialiste

de culture négro-africaine

 

Retrace l’histoire et l’avenir d’un homme devenu assassin par une force qui vient d’au-delà de lui…

 

D’abord, la volonté de détruire. Très tôt ! A six ans peut-être, la violence s’est dessinée dans le principal personnage dont on ne saura jamais le nom : « JE ». Après le séminaire, une jeunesse d’ennui, de révolte, le régiment, le vol, la drogue, et enfin un accident de moto : l’hôpital avec comme conclusion un premier acte symbolique de violence : mordre une jeune infirmière sous le sein gauche.

Dans son enfance JE a vu écraser, par un de ses maîtres, un liseron au bord d’une fenêtre. A vingt ans, premier meurtre du héros du roman qui pousse son double sous l’hélice d’un cargo pour prendre sa place dans un navire en partance pour l’Extrême – Orient… A Bangkok, il rencontre un bonze qu’il assassine : « Le sang rougissait delà la rivière et l’aube le bord du ciel ».

Garaudy écrit ici : « A quoi sert de décrire le pays par où l’on passe et ce qui vous arrive ? A rien. Du remplissage. La vraie vie n’est que dans les fissures ! » Voilà le mot clef : la fissure ! L’assassinat du bonze est une fissure ! La solitude (insupportable !) du narrateur est aussi une fissure mais la fissure ne concerne pas les autres, elle ne concerne que soi. Contrairement aux romans de Camus où les personnages sont influencés par la société et le milieu naturel ils évoluent, ici le héros est en essentielle et étrange solitude !

Le seul grand intérêt romanesque de « QUI-DITES VOUS QUE JE SUIS ? » c’est que le narrateur évolue continuellement dans une atmosphère irréelle : ainsi, les objets – le bambou même avec lequel il assassine le bonze -, les décors, les personnages n’ont aucune consistance !-Est- ce là le reflet de notre époque – Garaudy dit de son roman qu’il est « insolite » . Effectivement, il l’est dans sa forme, son style, son contenu. Je dois avouer que, d’intéressante, la lecture en devient assez pénible, presque impossible car chaque page contient un piège. Là où un roman aurait accroché le lecteur par des descriptions, l’analyse d’états d’âme, ici on ne trouve rien tout en découvrant beaucoup à travers vingt années d’ennui et de révolte qui tentent d’analyser « en criant des questions, en mettant l’accent sur des contradictions et des commentaires », la génération née exactement au milieu de ce siècle ; celle de 68 sûrement.