Culture et civilisations

POEMES DE L’AFRIQUE NOUVELLE : Les beaux temps modernes

Ethiopiques numéro 04

Revue socialiste

De culture négro-africaine

Octobre 1975

 

Les temps modernes

Ah ! les beaux temps nouveaux

– Nouveauté drapeau flottant au vent du progrès –

Les beaux temps nouveaux ont embrasé

le sol du sentier

De ma Négritude.

Les temps modernes

Ah ! les beaux temps nouveaux

– Nouveauté nouveau-né vagissant accroupi

Sur les tombeaux silencieux des Anciens –

Les Anciens

Ah ! les Ancêtres

les beaux temps nouveaux ont étranglé

Dans leurs tombeaux

Les Ancêtres qui se souvenaient et nous revenaient

Les Anciens

Ah ! Les Ancêtres à jamais morts

Les Ancêtres ne nous reviendront plus jamais !

Ils revenaient chaque nuit

Et repartaient heureux de l’accueil des Vivants

Mais

Une nuit

Ils arrivèrent

Et trouvèrent de nouvelles maisons.

Plus de toits de case, plus de case !

Plus de baobabs confidents –

Tous les baobabs étaient abattus !

Plus de tamariniers perchoirs des Esprits –

Tous les tamariniers étaient abattus !

Les foyers étaient hermétiquement clos

Inviolables

Clos de toutes leurs portes closes

De tous leurs hauts murs épais de tessons hérissés !

Devant veillait des familles de chiens – Des chiens !

Ah ! les Esprits maudits –

Pourtant les Ancêtres attendirent

Grelottant de froid, d’effroi claquant des dents

Ils attendirent longtemps

Mais personne ne vint leur ouvrir :

On ne les attendait plus !

Comme leur désarroi devait être grand

Les Ancêtres qu’on n’attendait plus !

Ils repartirent

Rasant les murs comme des fantômes de cambrioleurs

Ils repartirent

Sans cesser de se retourner, l’oreille attentive encore

Ah ! c’est bien vrai qu’on les avait oubliés

C’est donc bien vrai qu’ils étaient morts pour les vivants

Ils repartirent

Sans plus se retourner

Ils marchèrent graves, le cœur plein de sanglots étouffés

De regrets !

Ils marchèrent sans plus se retourner

Vers l’ombre et le silence qui les conviaient

Tous deux fidèles constants :

Ce sont là les Compagnons qui n’oublient jamais

Les Compagnons éternels.

Ah ! mes Ancêtres

O vous hôtes de l’ombre et du silence

-Gloire à l’ombre et au silence –

Pardonnez-moi

Je ne vous aurais jamais oubliés si je vous eusse connu ;

Je suis venu un jour clair

Plein de soleil et vous étiez déjà absents

Votre nuit n’était plus, il ne restait que son ombre.

Pardonnez-moi

Je viens juste de savoir et je regrette…

Lat-Dior – Damel

Prince de nos princes glorieux

Je regrette

Les temps qui étaient et qui ne sont plus

Je regrette

Le Cayor où les Djoung à gorge déployée

Riaient à la face des soleils égarés

Le Cayor des Damels – Damels raides inébranlables

Comme lances droit plantées

Damels bras sans faiblesse jamais qui n’ont failli

Je regrette

L’honneur, mur magnétique

Contre lequel se brisèrent

Insolence et violence

L’honneur – palanque infranchissable

Jamais usurpé ! –

Je regrette

Malâw le coursier qui n’a pas vu les railsJe regrette

L’Epopée et le sang

Le chant du sang – chant de l’honneur qui commande

La liberté – Liberté ! –

N’être que soi ! Liberté ! Foi en soi ! Ah ! L’amour de soi !

Je regrette

LAT DIOR et le temps des Damels

Et le Cayor des Damels.