L’IMPOSITION DU SACRE DANS L’ACTION DRAMATIQUE DE CHAKA
Ethiopiques numéro 40-41
Revue trimestrielle de culture négro-africaine
nouvelle série – 1er trimestre 1985 – volume III n°1-2
L’exaltation de l’héroïsme de Chaka est liée dans le poème de Senghor à l’idée d’un double sacrifice le meurtre de Nolivé, femme ou fiancée du général, victime exigée par le devin Issanoussi, et la perte de la part du général de l’être aimé gui signe ainsi la fin d’un amour charnel et spirituel, devenu l’impasse insurmontable à la carrière politique de Chaka.
Le rituel se présente donc comme une formulation du sacré, ou sacrifice religieux nécessaire pour la réussite des campagnes militaires de Chaka sur qui une lourde destinée pèse à cause de son choix. C’est la destinée des hommes engagés même politiquement et militairement sur lesquels le vide de toute affection prime, d’où la nécessité pour eux de renoncer à une vie conduite dans les modalités d’une normalité affective.
L’être exceptionnel qui choisit la gloire doit se soumettre aux impositions de cette loi inhumaine à l’apparence si l’on veut, mais justifiable si l’on prend en considération le poids que l’on doit payer à la gloire individuelle et collective.
L’acceptation, ou mieux le troc de sa propre individualité de sa propre partie de joie, de son propre intérêt, ou égoïsme, selon la formulation des moralistes du XVIIe siècle, pour obtenir du succès dans toutes affaires politiques et sociales, est toujours lié à un sacrifice qui a pour objet un sens d’amour exaspéré de son propre moi ; un moi conditionné néanmoins à l’amour des autres, ou plutôt à un sentiment de renonciation qui rejoint le sacré. Tout martyre en explicite ici l’exemple de cette logique inhumaine.
Or le sacrifice de sa propre partie de bonheur pour un but sociopolitique est souvent atteint par le meurtre ; un meurtre le plus souvent pour un excès d’amour, qui investit victime et victimaire. La mort violente de la victime exigée devient ainsi ce que les historiens des religions et les anthropologues nomment la violence du sacré car, comme le souligne G. Bataille, le sacré est une « continuité de l’être à laquelle est rendue la victime » [1]. Dans le cas spécifique de Chaka (et d’autres héros comme Agamemnon, Abraham, etc…) sacrifiant son propre bonheur, le sacré devient fatalement pour lui la possibilité de continuer le destin glorieux d’un peuple par le destin humain d’un seul élu.
La mort violente de l’être aimé devient ainsi la mise aux enchères hypothétiques pour un but qui franchit l’égoïsme et dont l’extinction exige un sacrifice ultérieur, celui que toute transgression propose.
La rupture de l’existence d’un être pour sa continuité sur un plan métaphysique, projeté vers le futur, selon les exigences des devins ; impose nécessairement une solution de rédemption à celui qui a opéré le sacrifice au nom de la collectivité : c’est le rythme qui devient rite à même le cycle du sacrifice. Ce sera en effet le sacrifiant qui se chargera de cette expérience religieuse, en se chargeant à son tour de tous les effets correspondants qui jailliront de cette action inhumaine à l’apparence et humaine si l’on évalue la substance de tout rituel sacré. La victime exige donc une redevance que l’auteur du meurtre devra nécessairement payer à partir de sa propre vie ou encore à partir de son propre bonheur. Voyons comment Agamemnon sera redevable de sa propre vie après le sacrifice d’Iphigénie laquelle ne sera partant, soumise à aucune rupture existentielle fondamentale, même si une rupture apparente se vérifiera par sa translation en Tauride ; Abraham, lui aussi, perdra son état d’extase au moment de la substitution de sa victime exigée par la Divinité.
La mort et la vie exigent toujours des victimes même si le crime est commis pour un but noble selon les modalités d’un rite solennel et dans le respect d’une finalité inintelligible.
Voir à ce propos l’étude de René Girard, la violence et le sacré, Paris, Grasset, 1972, et M ;:Eliade, Traité de l’Histoire des religions, Paris. Payot, 1948.
L’interruption de la durée de la vie même par l’imposition des présences mystérieuses, exige le sang, et, l’on doit laver cette interruption par son propre sang, déterminant ainsi la continuité du sacrifice selon le principe de la catharsis, car l’harmonie doit être rétablie par une solution identique de compensation qui annule toute négation de la vie ou mieux toute annulation d’une présence sur la terre, même à travers l’expérience mystique à laquelle les héros sont soumis le plus souvent.
Le trouble déterminé dans l’univers par un meurtre, provoque un dépassement de toute logique humaine et les perspectives qui en dérivent se font de plus en plus brouillées surtout lorsque celui qui a sacrifié la douceur de son sentiment amoureux, la mollesse d’une vie conduite selon les modalités d’un rêve, rejoint le pouvoir absolu. La vengeance sera donc d’autant plus redoutable que l’on ne s’arrêtera seulement que sur l’aspect extérieur de l’action sans percer cependant les raisons ultra-humaines qui ont conduit le héros au sacrifice. La mise à mort de la victime assume ainsi l’aspect d’un défi aux yeux des profanes qui ne saisissent point la profondeur du rite vu qu’ils ne s’arrêtent qu’à l’apparence d’une négation de la vie individuelle.
C’est le cas du sacrifice de Chaka que personne ne comprendra ni au moment du meurtre de sa mère Namdi (tuée par ordre du devin Issanoussi) [2] ni du meurtre de l’épouse-fiancée Nolivé.
D’où le témoignage pour les reproches des frères-généraux qui se chargeront de l’élimination de leur chef en l’accusant du double meurtre sans rien comprendre de l’expérience mystique qui avait déterminé une rupture de la continuité de l’existence sentimentale de l’opérateur même du sacrifice. Les structures mystiques de la longue recherche dramatique de Chaka qui a dû se soumettre aux pratiques douloureuses des initiations imposées par le devin, ont produit cette double solution ou dissolution de tous les liens affectifs, car en fortifiant le corps, elles ont exalté l’esprit de celui qui, à travers le sacré, a cherché sa voie ; voie à laquelle le mystère divin a imposé ses arrêts au-delà de toute dimension humaine, de toute expérience immédiate. Pour cette coïncidence des aspects les plus opposés dont se faisait interprète Nicolo Cusano [3], Chaka obéissant aux impositions du divin confirme la certitude de la vie de son peuple par la mort de êtres les plus chers dans un transfert gigantesque ; pour reprendre les mots de Mircea Eliade qui affirme que « … la vie concentrée dans une personne déborde cette personne et se manifeste sous une forme plus éclatante à l’échelle cosmique ou collective » [4], on pourrait affirmer que pour Chaka, le sacrifice ne fut que son unique solution, étant lui-même pris, comme il est, dans les entraves de sa destinée établie par les décrets du Tout-Puissant. C’est en effet une solution libératoire de l’homme conçu à travers la transgression de sa mère Namdi qui procréa son enfant hors du mariage [5]. Un sortilège prime donc sur la vie de celui qui deviendra le chef de son peuple ; acquisition que l’on doit obtenir à travers la force invisible du sang qui s’oppose à l’influence funeste d’une transgression originelle.
La signification métaphysique du premier meurtre se désigne clairement si l’on considère la valeur régénératrice du sang [6] qui fortifie le corps et l’esprit du sacrifiant et éloigne les esprits malins qui président l’involontaire transgression transférée de la mère au fils. La purification ne s’obtient donc qu’à travers la mutilation de la branche infecte qui lie le bourgeon au tronc de la vie.
C’est un rite d’initiation qui consent en effet, à travers ce que l’on peut appeler le désordre du chaos, la reconstitution de l’harmonie universelle. Une régénération du monde et de l’homme destiné à la reproduire inlassablement.
La régression sentimentale ou psychologique de cet homme ne sera donc pas une forme de culpabilité abominable, comme les détracteurs de Chaka le prétendent le plus souvent, mais contribuera plutôt à produire une nouvelle existence panique, à la génération de laquelle le héros ne parviendra qu’à travers des épreuves mystiques. Ainsi s’opère cette « métamorphose du maléfique en bénéfique » [7] que le sacrifice a le pouvoir de rétablir. C’est pour cela que le héros sera proposé à la conjonction des ténèbres du mal existentiel avec la lumière solaire que son peuple atteindra par son sacrifice. Il obéira donc à cette mission purificatrice ordonnée par les esprits ctonis du non-manifeste en émergeant dans toute sa puissance minable vers la lumière du manifeste. C’est lui qui devient donc le symbole du sacrifice que l’on ne peut saisir sur le plan d’un vécu immédiat ou, pour se servir des mots de Mircea Eliade « sur le plan de l’expérience immédiate » [8], Chaka est celui qui à travers la répétition de son double rite de purification, obtient le domaine des hyérophanies sacralisées en éteignant la contamination de sa mère et l’infraction d’un tabou (force négative) qui prime sur lui et par conséquent sur son peuple [9].
Si Mofolo a souligné dans son texte [10] la cruauté de son héros, victime innocente d’une infraction prénatale en évoquant par des détours ésotériques les épiphanies mystérieuses des divinités monstrueuses, on doit reconnaître qu’il s’est laissé entraîner par une interprétation viciée de déterminisme, obéissant peut-être à une tradition plus chrétienne qu’animiste, plus nationaliste que correspondant aux mythes africains. Son héros démoniaque et maudit mourra en effet tué par ses frères généraux qui exerceront leur vengeance en extirpant ce mal du pays sud-africain. Le coup d’Etat se transforme donc dans un concept de némésis nécessairement exercée sur l’homme coupable des crimes les plus atroces.
Pas une pâle lueur de cette infraction que le héros doit annuler ne paraît dans son roman emprunté à une loi du talion qui prime sur le destin fatal de Chaka ; lui, le héros fatal finira donc misérablement cloué au sol par les sagaies des frères ennemis, proie des esprits inassouvis de ses victimes hululant leur douleur furieuse.
Au fur et à mesure que les auteurs africains ont saisi la valeur historique de ce personnage, ils lui ont infusé leurs intuitions selon leurs positions mentales, adhérant ou s’éloignant de l’intrigue de Mofolo, soulignant ou négligeant la sacralisation de ses victimes sacrificielles [11]
Chaka parle et rêve selon la volonté de son créateur.
C’est un rêve projeté en arrière et vers le futur qui exprime clairement la volonté de justifier ou de comprendre le meurtre de Chaka, la mort de Nolivé l’unique évoquée par Senghor car c’est la plus justifiable poursuivant son idée de l’action à laquelle son héros doit se donner entièrement. C’est par là que son rêve d’unification des Etats africains prend consistance ; Etats du moins qui ont été colonisés par la France [12] poursuivant ainsi son entente de renouer ses liens socioculturels avec l’Europe, en l’occurrence la France, sous cette fraternité dictée par son idée d’un socialisme chrétien.
On se demande toutefois pourquoi Senghor a laissé dans l’oubli le premier épisode, celui de la mort de Namdi, qu’il aurait pu justifier comme une ultérieure imposition de la Divinité pour laver la honte de l’infraction maternelle. Le principe de némésis, invoqué d’ailleurs par un autre auteur catholique tel que Alessandro Manzoni, aurait trouvé une justification plausible et, transposé sur un autre plan, un recours au rite de purification africaine. Il est possible qu’il n’ait jugé suffisamment dramatique pour sa célébration du héros zoulou, un délit d’ordre militaire, même s’il fait levier sur des facteurs de nécessité politique et stratégique dans le deuxième épisode de son drame.
De par les causes qui ont déterminé ce premier crime familial, l’ego profond de Senghor manifeste sa présence même dans ses poèmes dramatiques qui résument ses valeurs affectives et ses idéologies, car tout poème devient un prétexte du poète pour y transfuser entièrement sa personnalité.
Ce texte est donc le produit des énonciations qu’il développe et développera dans les trois livres de Liberté ; énonciations théorico-méditatives transférées dans le domaine poétique.
L’énoncé se partage d’ailleurs à travers les personnages qui constituent l’opposant et l’opposé des évaluations de l’opéra de Chaka : La Voix Blanche, interprête-accusateur, expression d’une donnée historique bien précise, celle des Occidentaux, Chaka, l’accusé cloué à la terre, image du Christ sans élévation qui justifie son crime sous le prétexte de ses actions militaires et politiques.
A l’aide donc de ses locuteurs immobiles, Senghor procède à la manipulation des données historiques sous forme lyrique, justification de son panafricanisme ; il se dédouble donc dans deux entités bien différentes, l’une manifestement inhérente au personnage qu’il veut défendre à l’outrecuidance, l’autre extra-sensible aux célébrations ; élément de ce dernier qui lui consent de procéder à une consubstantiation de ses idées [13]. De ces deux entités, l’une est l’apparat extralucide (Chaka mourant qui se défend), l’autre, l’apparat de la raison occidentale qui ne rejoint presque jamais ce domaine surhumain et insaisissable qui est le facteur des intentions humaines les plus cachées. La Voix Blanche introduit en effet dans son allocution non seulement au niveau informatif, l’épisode du meurtre de Nolivé servant ainsi de prétexte à Senghor pour la défense de Chaka qui, pris dans la lucidité extrasensorielle que la mort provoque, évoque en premier en accents élégiaques, le fantôme de Nolivé. C’est déjà la première disculpation d’un crime refoulé au fond de l’inconscient et proposé comme nécessité (on le verra tout de suite) ou imposition de la « science » du bon gouvernement et du commandement du devin :
j’entends le roucoulement méridien de Nolivé, j’exulte dans l’intime de mes os [14].
La mort est invoquée ici comme solution au vide de l’absence forcée de Nolivé, ou comme suture nécessaire à la désunion féroce entre deux entités complémentaires divisées cependant par la destinée barbare qui prime sur la vie du politicien.
La focalisation du personnage se produit ainsi tout de suite à travers la donnée informative de la Voix Blanche :
Tu l’as tuée la Bonne-et-belle, pour échapper à ta conscience [15], qui suscitera la réaction du général transpercé par les trois sagaies de ses frères et en même temps, celle des lecteurs qui seront par là impliqués sans aucune réserve dans le drame vue l’atrocité rendue visible du crime.
Senghor se sert d’un style direct pour plonger ses personnages bivalents dans une réalité immédiate qui donne au récit des crimes de Chaka toute la force d’une action se répétant dans un présent historique et permettant l’identification de l’auteur ; dans son personnage réceptacle des intentions du poète, annulée dans l’allégorie puissante la substance du meurtre qui se transforme dans une nécessité de spoliation de tout particularisme au nom de la totalité du peuple africain. L’universel total obtient ainsi sa formulation juste au moment du reproche du crime même. Le crime est donc le prétexte d’une énonciation en introduisant le mécanisme émotif qui entraînera l’attention du lecteur par ce procès d’énonciation.
Le temps, que l’on peut définir fabuleux ou de la mémoire sans pourtant compromettre le temps de la certitude et de la lucidité, comme unique expression temporelle des événements, consent la persécution à travers l’action dramatique :
Chaka, te voilà comme la panthère ou l’hyène à-la-mauvaise gueule
A la terre cloué par trois sagaies, promis au néant vagissant.
Te voilà donc à ta passion. Ce fleuve de sang qui te baigne, qu’il te soit pénitence [16]
qui introduit le grand crime de Chaka, action qui s’érige par son atrocité au-dessus des autres meurtres plus justifiables sur le plan de la logique de l’Histoire. Ces événements s’organisent en effet en fonction de ce premier acte d’accusation qui pose Chaka dans la condition d’accusé sans merci car ses crimes ultérieurs ne sont que la conséquence d’une nécessité d’ordre machiavélique : les traîtres, les insurgés et les lâches doivent périr pour la sauvegarde du pays.
Ces crimes évoqués pour rendre substantielle la brutalité de Chaka, ne constituent que l’arrêt des accusations de la Voix Blanche et sont comme refoulés dans un passé à la fonction cognitive par des parcours énonciatifs du discours.
A travers le discours amébée, le meurtre de Chaka se clarifie de plus en plus : l’acte sacrificatoire s’est produit dans un état d’inconscience de Nolivé, un objet de passion insensée et en même temps de tendresse infinie de Chaka ; Chaka se transforme, malgré lui dans le prêtre sacrifiant une victime non haïssable mais destinée à la suppression par des décrets impondérables, compréhensibles néanmoins sur le plan de la logique inflexible de la destinée :
Mais si, je l’ai tuée, tandis qu’elle contait les pays bleus
Je l’ai tuée, oui ! d’une main sans tremblement.
Un éclair d’acier fin dans le buisson adorant de l’aisselle [17].
L’énonciation est donc au service d’un apparat bien sacralisé : l’aiguille empoisonnée que l’on fait pénétrer sous l’aisselle n’est qu’un instrument du médecin sacré qui accomplit son acte en sacrifiant sa passion et par là son égoïsme.
Le rappel mémorial obtient ainsi toute la substance d’un présent allégorique que la fantaisie exaspère par des tonalités oniriques (« J’entends le roucoulement méridien de Nolivé »), évocation d’un passé submergé dans la sensualité la plus aiguë et par les prévoyances fabuleuses d’une reconjonction avec l’être aimé plus sensoriel que spirituel (« j’exulte dans l’intime de mes os »).
L’ensemble des valeurs culturelles du monde noir s’enrichit ici de cet humanisme particularisé de l’esprit africain qui dépasse tout rationalisme occidental par le « sentir », par le « contact » direct avec l’objet de la part de l’homme noir que Senghor exalte, l’opposant à la raison discursive du blanc européen qui renferme le réel dans la logique catégorielle. C’est bien là la pénétration et l’intégration du réel typique de l’homme africain qui s’abandonne amoureusement et intuitivement aux sensations [18].
Le discours de Chaka repropose donc dans cette abstraction sensitive que la poésie consent, la logique de la différenciation entre l’anthropologie biologique et l’imaginaire.
La logique des événements conduit au contraire la Voix Blanche à énumérer les raisons de la pénitence » de Chaka par un discours concret, passivement adhérant aux rapports des causes et des effets, même si le lyrisme le soulève de toute platitude ; lyrisme qui métamorphose les documents froids et neutres sous l’action du charme poétique. Il n’est pas question donc de « passion », terme, qui implique un sacrifice mais, à la lumière des actions de Chaka, il s’agit d’une véritable expurgation à laquelle le coupable doit nécessairement se soumettre.
La raison des Blancs de l’outremer, empruntée à une logique analytique des événements, exclue donc toute « patience », toute volonté réfléchie, car on donne plus de prééminence aux intentions qu’aux actions. Les catégories entre lesquelles le poète théoricien regroupe les caractéristiques des deux cultures, l’européenne et la négro-africaine trouvent ici leur substance poétique à travers même la différence des intonations : souple, onirique, sensuel et bien rythmé, le discours du héros dur, précis, analytique, discursif et extrêmement obéissant à la logique du réel, le raisonnement de la Voix Blanche :
Tu avoues donc Chaka ! avoueras-tu les millions d’hommes par toi exterminés [19].
De la confession de Chaka, chargée de métaphores reconduisib1es à l’unique but, c’est-à-dire à sa comparticipation avec les ordres du médecin Issanoussi à sa conscience de la nécessité du sacrifice de l’être le plus cher pour une fin miraculeuse, la Voix Blanche ne peut saisir que la crudité de l’élément intrinsèque sans en pénétrer le « sentir », l’amoureux abandon à la promesse des devins, l’intégration même du héros dans le mythe par cette nécessité cruelle qu’il transforme dans un acte d’amour, de dévouement par un élan au-delà du sacrifice.
Cette symbiose dynamique que Senghor souhaite dans les trois livres de Liberté, ne s’exerce donc pas dans ce drame où le Blanc garde toute sa morale hargneuse et utilitaire, tandis que Chaka, le négro-africain, s’abandonne à son sentiment généreux, conscient de son sacrifice, de sa « passion » que jamais ne pourra saisir l’homme « à l’épiderme blanc », « aux yeux clairs », à « la parole nue et à la bouche mince » [20]. On voit bien ici comment les catégories partageant les Blancs et les Africains se réduisent à deux caractéristiques somatiques qui ont le pouvoir de marquer les différenciations psychologiques des deux ethnies, celles que Senghor a exposées plusieurs fois dans ses Liberté [21].
La structure du discours propose donc un double niveau d’interprétation, soit sur le plan poétique, soit sur celui de l’adaptation d’une réalité visuelle, et de là introspective et impressionniste qui n’échappe pas aux catégorisations de Senghor.
Les digressions descriptives de Nolivé, faites par la Voix Blanche n’échappent pas à ces catégories, car elles sont utilisées pour produire le contraste entre la raison analytique et discursive du Blanc et le crime du Noir, interprété dans cet Epos comme une volonté d’échapper à sa « conscience » ; encore une fois donc, l’Européen n’arrive pas à saisir les raisons amoureuses de l’Africain. Le double rapport de remémorations et d’accusation est utilisé aux fins d’une Ultérieure connotation de la cruauté de Chaka, le Nègre « ému », pris dans son champ sensoriel : l’acte d’amour ne deviendra donc jamais un acte de connaissance pour la Voix Blanche.
« L’émotion nègre qui permet à Chaka de sentir son existence sur le rythme des conditions supranaturelles ne pourra produire cet « accord conciliant » avec le monde de l’Autre [22] car la Voix Blanche restera ancrée à sa logique, à l’examen des événements, n’arrivant jamais à percer les valeurs spirituelles de l’Autre.
La proposition d’un métissage est donc refoulée par l’incompréhension des subjectivités africaines à tel point qu’un « contact de civilisations » ne pourra jamais se produire à cause d’un facteur différent : « enracinement charnel et ouverture rituelle » [23] de l’Africain demeurant un objet impénétrable par la raison lucide et froide de l’Européen. C’est bien là le démantèlement de toute hypothèse d’harmonie entre les deux mondes : amortie cette symbiose dynamique du métissage que Seghor préconise en prévoyant la fusion de l’esprit centripète et centrifuge.
La Voix Blanche utilise en effet le meurtre de Nolivé et « des régiments entiers de femmes lourdes et des enfants de lait » pour légitimer une fois de plus l’invasion : des hommes « à l’épiderme blanc », sans avoir recours à l’évaluation, des terribles lois militaires, ni au principe guerrier que toute lutte impose aux chefs d’armée. L’histoire des massacres retrouve donc sa justification sur le principe de l’utilisation politique et la Voix Blanche semble l’oublier pour une juste fin utilitaire : l’accusation sans réserve de Chaka qui confirme sa position de dévoué aux ordres supra-naturels pour la sauvegarde de son pays :
Le grand nul, c’est la faiblesse des entrailles [24].
La fracture insanable entre les deux esprits s’organise à travers le discours célébratif et sensuel de Châka, qui, se remémorant les séductions de Nolivé reprend les motifs de la liberté inconditionnée qui – manquant – cause le vide intérieur du guerrier : « l’Oint (les huiles viriles fils des tatouages patients ».
Chaka s’abandonne à cette célébration qui reconduit douloureusement à son esprit toutes les visions du contact heureux et sensuel avec Nolivé, mais en même temps, la conscience de cet esclavage que l’amour impose aux hommes de guerre :
« Ah ! tu crois que je ne l’ai pas aimée
Ma Négresse blonde d’huile de palme à la taille de plume
Cuisses de loutre, en surprise et de neige du Kilimandiaro
Seins, de rizières mûres et de collines d’acacias sous le Vent d’Est… [25].
La condition pathétique du guerrier trouve consistance par une expression douloureuse forcément tenue sur un ton aigu et au-delà du périmètre de la norme d’une logique commune en sursautant sur l’expression dictée par les canons de la chrétienté de la Voix Blanche, comme un cri audelà de la portée vocale, jusqu’à la conclusion qui renferme une fois de plus la légitimité conséquentielle des impositions divines :
Il fallait échapper au doute
A l’ivresse du lait de sa bouche, au tam-tam lancinant de la nuit de mon sang
A mes entrailles de laves ferventes, aux mines d’uranium de mon cœur dans les abîmes de ma Négritude
A mon amour à Nolivé
Pour l’amour de mon peuple noir [26].
L’élément mémoratif se déroule sur un plan qui n’est pas parfaitement situé dans le passé, car Chaka reste plongé dans une réalité qui l’obsède même au moment de son « calvaire » ; une réalité qui se dénoue peu à peu à travers la richesse expressive des images chargées de sensualité. Le narrateur donne l’impression de vivre dans une contemporanéité jamais abolie avec Nolivé par des sensations revisitées voluptueusement au moment de son trépas : ce sont des sensations que les attributs du corps de l’aimée suscitent encore du corps mourant étourdi, suffoqué et transpercé par ce « mal sans nom ». En même temps cette ivresse sensuelle tout à fait nègre [27], organisée dans le poème par des métaphores organiques qui plongent l’homme et son entourage dans un enracinement cosmique à tel point que la scène se prolonge dans une durée méridienne ou verticale pour une sublimation de l’être, reconfirme la conviction que le meurtre était l’unique solution possible pour annuler l’aveuglement qu’un amour exténuant produit.
La mémoration acquiert donc une valeur absolue d’énonciation des causes qui l’ont conduit à une notion récriminatoire. Il s’agit bien d’un facteur déterministe et inéluctable, pris comme une instance de réhabilitation qui ne souffre aucune antinomie rationnelle. C’est en définitive la conséquence plus d’une émotion irréfléchie que d’une volonté réfléchie.
La confirmation de cet état d’émotion rendue permanente par le rêve : Chaka conclue son passage lyrico-sentimental par des affirmations qui demeurent durables dans un temps présent, donc réel, le temps immuable qui correspond à la nature des négro-africains ; ce sont en effet « les abîmes de [sa] négritude » qui constituent l’impasse à laquelle Chaka doit se soustraire pour « l’amour de [son] peuple noir ».
La renonciation à l’amour pour Nolivé est donc imposée par la raison d’Etat, voilà donc comment les impositions des divinités supérieures transmigrent dans un principe machiavélien qui oblige l’homme d’Etat d’annuler tous les liens avec la durée de la phénoménologie commune. C’est une réalité que la Voix Blanche saisit tout de suite par son esprit logique contraire à tout lyrisme abstrait [28], définissant Chaka comme un politicien, dimension que Chaka même reconnaît lui appartenir : « je tuai le poète ». Sciemment, Senghor introduit la voix du devin Issanoussi, une voix lointaine, plongée dans un deuxième niveau du passé, pour confirmer le sacrifice-calvaire de Chaka, transposé dans la dimension plus attendue de conquérant du pouvoir absolu :
Le pouvoir ne s’obtient sans sacrifice, le pouvoir absolu exige le sang de l’être le plus cher [29].
remettant ainsi en question les valeurs traditionnelles et culturelles du monde noir, coefficient d’appartenance au mythe du héros zoulou que Mofolo a mis à la base de l’imaginaire noir.
La conséquence logique du discours binaire se fortifie donc par cette intrusion d’une voix fabuleuse, spéculative qui provient des abîmes profonds de la conscience même du narrateur ; on trouve bien là le postulat pour la déceler. La digression élogiative des beautés de Nolivé empruntées à un lyrisme panique, se réorganise donc à travers cette évocation de la voix qui remet en jeu par un réalisme dru, la situation d’une solitude extrême d’un chef d’Etat, voire d’un dictateur assoiffé de gloire. On revient donc d’une dimension pathétique, plongée dans le mystère d’un passé reculé et fantastique à la surface d’une réalité que l’on peut définir historiquement répétitive et, c’est justement ce que Chaka mourant transfère dans un futur immédiat pour son oubli :
Devin disparais de ma face !
On accorde à tout condamné quelques heures d’oubli [30].
C’est le réveil de la mauvaise conscience qu’il refoule tout de suite pour confirmer sa théorisation du pouvoir-calvaire. Le meurtre de Nolivé retrouve à ce moment là sa justification que la mémoire du crime avait reproposée dans toute son atrocité, déterminée par l’égoïsme. Le rêve des Zoulous anéantis par la colonisation étalée ici comme une réalité intolérable, mais toujours présente n’est qu’une nouvelle preuve de la nécessité de tuer celle qui aurait consenti par son amour totalisant, la réalisation de ce rêve prémonitoire [31]. C’est le prétexte de Chaka qui expose par là son idée politique de fraternité et d’égalité :
Je dis qu’il n’est pas de paix armée, de paix sous l’oppression
De fraternité sans égalité, j’ai voulu tous les hommes frères [32].
Le crime de Chaka a pour but donc un rêve socialiste dont la réalisation ne s’obtient qu’après une souffrance physique et spirituelle.
Or le déplacement temporel et logistique, provoqué par les ressorts de la flexion rémémorative annule, par les contrastes psychologiques la dimension de l’altercation entre Chaka, l’esprit é-mu de l’Afrique noire et la logique analytique de la Voix Blanche, la « voix partiale des forts contre les faibles, la conscience des possédants de l’Outre-mer ».
Les deux pôles opposés de deux formes catégorielles contrastantes se déterminent par le discours amébée interrompu uniquement par la Voix de la troisième dimension celle de la destinée ; troisième dimension qui consent une coexistence possible de deux positions mentales.
Reconnaîtrons-nous par cette situation temporelle le processus de la symbiose dynamique que Senghor a exalté dans ses Liberté ? Si l’on médite sur les expressions de Issanoussi, on pourrait y saisir cette possibilité d’adhésion, même si subtilement cachée avec les phrases dures de la Voix Blanche ou pour mieux dire, comme un trait d’union entre la passion de Chaka et la logique de la Voix de l’Outremer, sans provoquer aucune neutralisation de la tension exercée par le débat bivalent des deux antagonistes, car toute la dramaticité de l’épisode (première partie) repose sur ce contraste verbal chargé de significations politiques.
En tout cas, il est clair que Senghor se sert de cet élément fortement dramatique pour exalter Chaka, qui acquiert, la prérogative du héros national devenant ainsi le prototype du déchirement psychologique du poète-politicien, la voix de la destinée, qu’il avait choisie par détermination (élément chrétien, donc) et la victime des généraux zoulous et des colonisateurs européens, les conquérants avides. On en a le témoignage à la fin du premier chant. En effet l’élément outrageur se métamorphose en ironie cinglante à la mémoire des « couchés du-Vallon-de-la-Mort » élément qui introduit l’ultime, défense de Chaka :
Chaque mort fut ma mort. Il fallait préparer les moissons à venir
Et la meule à broyer la farine si blanche des tendresses noires [33].
L’altercation se conclue donc par des mots empruntés au langage de l’évangile, conclusion qui annonce la possibilité d’une assimilation amoureuse de l’Autre pour la création de l’Homme universel, celui qui connaît l’Autre à travers un « accord conciliant » entre les deux cultures [34].
La structuration du chant 1e consent la fixité de la focalisation de l’auteur des Liberté qui voit en Chaka non seulement le chef d’une minorité ethnique, celui qui instaure un organisme militaire des peuples bantous par la sacralisation des oracles mais celui qui a été doué d’un humanisme sacralisé par les divinités. Nolivé devient donc l’hostie noire le symbole d’une lutte contre tout envahisseur, celle qui a permis, mourant, la fortification de son héros et de la vie de son peuple :
Cette grande faiblesse est morte sous tes mains d’huile
Qui suit la peine. C’est la chaleur des palmes dans la poitrine
Maintenant, les aromates qui nourrissent les muscles
L’encens dans la chambre nuptiale, qui fait les cœurs voyants [35].
Laissée à côté toute démonisation, Chaka n’est plus le symbole de l’orgueil sans limite, de l’avidité du pouvoir, mais le symbole de la lutte des Africains pour leur liberté, pour préparer « les moissons à venir » en transgressant même les lois de la vie.
Les intentions du locuteur sont d’ailleurs bien précisées dans le Chant IIe où les voix alternées du Chœur et du Choryphée (reprise évidente des thèmes et des métaphores luxuriantes des Prisse-Poems d’Izibongo) constituent le tissu d’un thème contrepointé par les exaltations charnelles de Nolivé que Chaka, enflammé d’espoir et d’amour fraternel, livre dans un crescendo prophétisant. Ici la symbiose entre le panthéisme typique des religions animistes et l’espoir d’une rédemption chrétienne, qui trouve sa formulation pathétique par la mort de Nolivé, favorise grâce au mot wolof n’déissane ce métissage positif que Senghor a toujours poursuivi :
Elle va mourir Nolivé dans l’aubier de sa chair n’deissane !
Et à l’aube naîtra la Bonne Nouvelle [36].
Pour conclure, Nolivé mourant a favorisé le rêve de Chaka, prophète et auteur du monde nouveau. Le personnage inquiétant de Mofolo trouve consistance poétique par cette nouvelle dimension, cette sacralisation que Senghor lui adapte, suivi d’ailleurs par Néné Khaly-Camara [37]. Nolivé et Chaka deviennent donc des éléments nécessaires et suffisants à l’intention de Senghor d’annoncer « l’Aube Blanche », « Aurore nouvelle » qui ouvrent les yeux sur les peuples africains, comme l’on reconnaît dans le protagoniste le poète même qui énonce ses rêves et ses idéaux de panafricanisme socialiste.
Lorsque Senghor fait franchir à son héros le dispositif méthaphysique, bornant les éléments mythiques à une voix presque hors du champ d’action dramatique mais substantielle, pour une plongée dans le féerique, et réduit les épreuves initiatiques à une expression symbolique (« l’Oint des huiles viriles, fils des tatouages patients »), il dénonce alors une transmigration lucide du personnage vers une issue certaine. On y reconnaît que les images folâtres du rêve et de l’imaginaire répondent bien à une vérité archétype ou à une symbolisation du vécu [38].
Le mythe de Chaka représente donc, à travers le rituel typique de la purification (mort violente) sa fonction sociale que le symbole émane à travers les structures de l’imaginaire poétique ; ce mythe produit ainsi la réification de l’action du politicien doublé de la fantaisie du poète, projeté vers la perspective d’une reconjonction de l’Afrique avec l’Occident.
Le trajet initiatique affronté par Chaka n’est que le résultat de l’énergie puissante du poète qui transfère son personnage dans le domaine idéal des symboles d’une conduite exemplaire presque aux limites de la mystique.
[1] G.Bataille, L’Erotisme, Paris ; Ed. de Minuit, 1957, p. 29.
[2] Namdi, au-delà du mythe aurait été tuée à cause d’un complot organisé contre Chaka par des généraux rivaux.
[3] Voir surtout sa théorie sur la coicidenlia oppositorum.
[4] M. Eliade, Ex orbe religionum, Studia Geo Widengren. Luguduni Batavorum. E. J. Bvill MCMLXXII. p. 65 voir aussi L. Lévy.Bruhl, Le surnaturel et la nature dans la mentalité primitive, Paris, P.U.F. 1963.
[5] Cfr. Djibril Tamsir Niane, Sikasso ou la dernière citadelle suivi de Chaka, Paris, Oswald, 1971, préface de Ray Autra. Voir aussi Frazer J. G. The Golden Bough, London, 1911.
[6] Voir Lévy-Bruhl Op. cit. et M. Eliade, op. cit.
[7] Cfr. R. Girard, op. cit.
[8] M. Eliade, Mephistophèles et l’Androgyne, Paris, Gallimard, 1962 et Myth and Reality. Harper et Row, New York, 1963.
[9] Voir J. G. Frazer, op. cit. et R. Girard. op. cit.
[10] Thomas Mofolo, Chaka, une épopée bantoue. Paris, Gallimard, 1940, nouvelle éd. 1981.
[11] On cite ici les drames de Seydou Badian, La mort de Chaka. Paris, Pres. afro 1961, Condetto Nénékhaly-Camara Continent – Afrique suivi de Amazoulous Paris, Oswald, 1970 et Abdou Anta KA, Les Amazoulous in Théâtre, Paris, Prés, Afr. 1972.
[12] Voir en particulier sa thèse de « l’accord conci1iant » dans Liberté II, Paris Seuil. 1971.
[13] On pourrait dire ici que la Voix Blanche devient le « narrateur intradiégétique, si l’on veut se référer à G. Genette (Figures III, Paris, Seuil, 1972. p. 122 et s.) qui s’adressant à Chaka mourant, s’adresse aussi à un public extérieur au personnage principal, en l’occurrence au chœur qui clouera l’action au ralenti du trépas de Chaka,
[14] L. S. Senghor, Poèmes ; Paris, Seuil, 1964, p. 117.
[15] Ivi.
[16] Ibidem, p. 116.
[17] Ibidem. p. 117.
[18] Cfr. L. S. Senghor, Liberté II, cit.
[19] S. Senghor Poèmes cit. p. 117.
[20] Ibidem, p. 120.
[21] Voir en particulier, Liberté II. p. 155, 167, 256 et encore Liberté I, Paris, Seuil, 1964, p. 258-259 où l’écrivain explique comment l’Européen se définit « guerrier, oiseau de proie pur regard », et il continue : « muni d’instruments de précision, il le (l’Africain) dissèque dans une analyse impitoyable. Animé d’une volonté de puissance, il tue l’Autre, et dans un mouvement centripète, il en fait un moyen pour l’utiliser à des fins pratiques.
[22] Voir Liberté I, p- 216 ; la référence historique trouve sa justification, compte tenu de la période où le poème Chaka, a été composé, en pleine lutte des pays sud-sahariens pour leur indépendance. Par une coïncidence en 1956 Césaire publie Toussaint Louveture, poème épique d’un autre héros de la lutte révolutionnaire pour la liberté du Noir.
[23] Voir Liberté III, Paris, Seuil, 1977, p. 181.
[24] L. S. Senghor, Poèmes, p. 119.
[25] Ivi
[26] Ibidem, pp. 119-120.
[27] Voir LibertéI, p. 202.
[28] Voir en particulier Liberté I et Liberté III
[29] L. S. Senghor, Poèmes, p. 121.
[30] Ivi
[31] Pour le rêve de Chaka, voir G.Toso Rodinis, Immaginazione e realite in Chaka di L. S. Senghor, in La Letteratura e l’immaginario, Atti dell’XI Convegno della SU.S.L.L.F. Milano Cisalpino – Goliardica, 1964.
[32] L. S. Senghor, Poèmes, p. 123.
[33] Ibidem, p. 124.
[34] Voir Liberté 1, p. 216 et encore Liberté II, p. 195 où il affirme « la vraie culture est toujours déracinement, assimilation active de valeurs étrangères. Mais elle est d’abord enracinement dans le sol natal, culture des valeurs autochtones ». Voir aussi Liberté I, p. 232, Liberté III ; p. 298, 322, 539. Il souligne néanmoins que le poème dramatique anticipe certaines affirmations de Liberté
[35] L. S. Senghor Poèmes, p. 129 Nolivé peut être vue en tant que symbole de l’Afrique meurtrie par les colonisateurs et Chaka, le héros de la libération de cette même Afrique. On est conduit à formuler cette hypothèse par la reconjonction spirituelle de Chaka avec Nolivé prospectée à la fin de l’action dramatique.
[36] Ibidem, p. 129.
[37] Voir en particulier l’idée d’enracinement qui concrétise sa théorie à travers des métaphores conséquentes. L’exemple de l’enfant qu’il faut éduquer, se traduit dans une solution d’enracinement et de déracinement en même temps, car il faut enraciner le peuple-enfant « dans les valeurs de son ethnie et de son pays, mais l’ouvrir comme une fleur, au pollen des valeurs étrangères » (Liberté II, p. 248). Il reprend ici une idée déjà exposée à la page 152 du même recueil : « Car seul l’homme qui est solidement enraciné dans sa civilisation originaire peut assimiler activement les apports extérieurs, comme l’arbre, qui planté dans un humus s’épanouit, fleurit à l’eau et au soleil ».
[38] G. Durand souligne en effet l’importance des images mentales qui sont les produits d’une réalité vécue car le symbole « est toujours le produit d’une réalité des impératifs biophysiques par les intimations du milieu ». On confirme par là, le trajet anthropologique de Chaka. (cf. Gilbert Durand. Les structures anthropologiques de l’Imaginaire, Paris, Bordas, 1969, p. 39).
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