Poésie

LETTRE OUVERTE A MON FILS

Ethiopiques n° 25

révue socialiste

nde culture négro- africaine

janvier 1981

Pour Fouad

Mon fils il est quatorze heures l’heure de ta sieste

Quand je m’approche à petits pas pour te regarder

Sur ton joli petit lit dentellé

Je me dis que ce n’est pas toi que je regarde

C’est moi aussi il y a longtemps il y a hier

Peut-être n’avais-je pas le même regard mouillé que toi

Peut-être n’avais-je pas la même douce voix

Ni tes poings crispés sur les draps ni même les mêmes rêves

Que toi

Dans la pénombre violacée de ta chambre bleue

Je t’écoute dormir voici déjà pour moi venir l’heure

Où je me retrouve

Seul.

Mon fils il est quatorze heures mais qu’importe toutes

Les heures

Je veux une fois encore une fois avant trop tard

Te dire des choses douces que je n’ai jamais su dire

T’inventer un monde de songes de jeux et d’étoiles au front

Et longtemps longtemps s’il te plaît te bercer

Avant d’entendre venir comme une rumeur lointaine

L’heure cruelle où je me retrouve

Seul.

Mon fils il est quatorze heures l’heure où tout autour

De moi

S’arrête

Et l’heure et la vie et l’espoir

L’heure où j’ai peur pour toi peur qu’un jour

A quatorze heures l’heure de la sieste

Tu entendes venir l’heure

Où tu te retrouveras comme moi aujourd’hui

Seul.

13 octobre 1980

Dakar