Culture et civilisations

LE VITRIER NEGRE

Ethiopiques numéro 2

Revue socialiste

de culture négro-africaine

avril 1975

« Le Vitrier Nègre » est extrait de « Traduit de la Nuit » (1935).

Le vitrier nègre

dont nul n’a jamais vu les prunelles sans nombre

et jusqu’aux épaules de qui personne ne s’est encore haussé,

cet esclave tout paré de perles de verroterie,

qui est robuste comme Atlas

et qui porte les sept ciels sur sa tête,

on dirait que le fleuve multiple des nuages va l’emporter,

le fleuve où son pagne est déjà mouillé.

 

Mille et mille morceaux de vitre

tombent de ses mains.

mais rebondissent vers son front

meurtri par les montagnes

où naissent les vents…

 

Et tu assistes à son supplice quotidien

et à son labour sans fin ;

tu assistes à son agonie de foudroyé

dès que retentissent aux murailles de l’Est

les conques marines –

mais tu n’éprouves plus de pitié pour lui

et ne te souviens même plus qu’il recommence à souffrir

chaque fois que chavire le soleil

 

[1]Né en 1903, mort en 1937 à Tananarive. Le jour de sa mort, à 15h 02, il note : « je vais boire – c’est bu – Mary (sa femme) Enfants. A vous toutes mes pensées les dernières – j’avale un peu de sucre – je suffoque. Je vais m’étendre »…