Poèmes

LE VENT DES ILES

Ethiopiques numéro 11

revue socialiste

de culture négro-africaine

juillet 1977

Le vent des îles est venu chanter dans les vagues d’où ce bruit de pas traînants sur les plages

Et j’entends des rafales de sable pleuvoir sur le toit d’un monde intérieur

Creusant notre silence à l’écoute des voix insolites

C’est l’écho des cris de morts qui n’en finissent pas en nous de vivre

L’homme inventa les Ecritures à déchiffrer leur langage

Car point ne fut besoin au temps des formes des larmes de codes mais de ton souffle poète

Pour donner la mesure à la horde

A l’homme de violence le goût d’être bon prince

Appeler les peuples aux grandes initiations

Homme de la cité et de la brosse tes mains les deux plateaux de la lance s’égalent

Virgile de la nuit mais à l’ombre entretenue

L’Eteigneur éparpille sans compter tes vertus

Se fait ton messager à voix muette nous interpelle de tes rives et ce n’est que mirage

Il était une fois un poète par ses disciples appelé Sauveur

En mémoire de toutes les âmes sauvées je n’en crois pas mes yeux devant les temps déchus

La promesse du fruit se mue en grêle de métal

Combien deçà et delà foules fugitives tout juste pour différer le jour des accolades

Tandis que l’or pourrit dans les silos les villages grignotent l’espace à la mesure des souris

Les touristes font le tour du monde à la recherche de leur ombre

Le Chancelier quadrille la terre d’un filet d’artifices

Le bourgeon est flétri par l’embrun fourmillant de sel

Et la vie du Poète se consume en sa floraison même apaisant la vendetta des âmes en déroute

Toi-même tu t’interroges à chaque fois la main au visage après la futile gifle de Caïphe

Et ton regard ne se détourne point du geste dont porte la souillure l’homme

Alors me voilà glanant mes heures mutines sur les champs de l’enfance

Guettant la première pluie de lumière dans le brouillard de l’absence

En ma contemplation les désirs dérobés à l’oubli

Par temps de nativité la femme fraîche éclose comme l’aube reconquise

Et mon opacité palpe sa transparence

Et voilà que palpite mon âme d’effervescence

Et voilà que pétille la chair dans les yeux à échanger nos épices mutuelles

Oui à chanter de celle au cœur de miel s’élargit l’orbe maternel

A combler mes songes d’elle s’écoulent mes vagues éternelles

Parti à tire d’aile me voilà revenu à ton giron déesse belle

Mais s’effeuillent les promesses et s’abîme l’illusion

Je ne vis qu’en rêve d’ultime naissance notre fête de l’orgasme

Je ne vagissais pas autrement de naître que dans l’unité de nos êtres

Au sommet de mon tourment je t’appelle O Dieu-le-père

Puisque tu es en moi le nom de mon écartèlement

Je recevrai de tes mains les tables de mes interdits

Je les briserai peut-être contre les vaines idoles de la foule

Il est une seule histoire de l’homme de la première à la dernière génération

Le poète tance de colère le frelateur de parole

Il est dans la gravitation des regards giclant de pluie d’étoiles

Il abjure le pas du mépris sur les dalles œuvrées dans la patience

Et se grisera le cœur de l’homme à l’ivresse de l’herbe folle

Et tout sera fait de ton dit poète l’ayant puisé en toi-même en toi la sève de riche fécondation

Toubab Dyalaw – Septembre 1976