Littérature

LE ROI CHRISTOPHE D’AIMÉ CÉSAIRE : UNE FIGURE HISTORIQUE ET UNE FIGURE MYTHIQUE DEVENUE UN MYTHE LITTÉRAIRE.

Ethiopiques n°60 revue négro-africaine

de littérature et de philosohpie

1er semestre 1998

PRÉAMBULE

Si nous considérons que tel grand personnage historique est un mythe, c’est que nous le voyons comme un héros mythique, nouvel Achille, nouvel Hector. Il est arrivé que comme César, il se cherche une ascendance parmi les dieux. Il est arrivé aussi que la littérature fasse de lui un mythe : Napoléon devenant un Ogre ou un Prométhée. C’est parfois dans la conscience commune que se produit la « mythisation » [1], et la littérature l’enregistre. Mais c’est parfois aussi la littérature qui en a l’initiative. D’où cette nouvelle grande catégorie de mythes littéraires : tout ce que la littérature a transformé en mythes.

On trouve quelquefois des figures mythiques, mais aussi des figures historiques ou des figures littéraires qui sont devenues des mythes littéraires. C’est dans cette optique que nous allons étudier cette grande figure historique qu’est le roi Christophe d’Haïti, qui est passé de son vivant à la mythologie. La fortune littéraire du mythe est assez récente en Afrique littéraire.

Pour notre propos, « un mythe est une histoire, une fable symbolique simple et frappante, résumant un nombre indéfini de situations plus ou moins analogues. Le mythe permet de saisir d’un seul coup d’oeil certains types de relations constantes, et de les dégager du fouillis des apparences quotidiennes » [2]. Dans son article : « Figures historiques et figures mythique, paru dans Dictionnaire des mythes littéraires, Nicole Ferrier – Caverivière écrit : « L’histoire peut aussi être directement la matière de grands mythes littéraires, ceux que l’on nommera politico-héroïques ». [3]

Tantôt, il s’agit de figures glorieuses : Alexandre, César, Louis XIV, Napoléon, Gamji ; tantôt, il est question d’événements : la Révolution de 1789, la guerre d’Espagne et celle des Femmes d’Aba contre les autorités britanniques au Nigéria en 1929. Avec ces grands mythes politiques, fonctionne toujours de façon prévalante le « modèle » héroïque de l’imagination : rêverie de ou des surhommes, affronté à toutes sortes d’épreuves et promis – malgré la mort – à l’apothéose », c’est que la mort parfois représente un moment privilégié pour l’éclosion ou le nouvel élan d’un mythe. Mais, faut-il affirmer que le mythe n’attend toutefois pas obligatoirement la mort d’un personnage pour surgir ?

C’est sous le signe du mythe historique qu’il faut placer La Tragédie du roi Christophe. Car c’est pour traduire poétiquement la période de la décolonisation des pays africains encore sous le joug de la colonisation française qu’Aimé Césaire s’inspire symboliquement de l’histoire haïtienne.

Mais quelles sont les grandes lignes de cette histoire ? Après une tentative de révolte à Saint-Domingue, dirigée par Toussaint Louverture qui mourra captif en France en 1803, Dessalines, esclave noir d’Haïti, sera proclamé empereur de cette république indépendante en 1804. Il mourra assassiné quelques années plus tard en 1806. Sa mort provoquera des remous au sein de l’équipe dirigeante.

Henri Christophe prendra le pouvoir en 1811 et deviendra roi d’Haïti. Il restera sur le trône pendant neuf ans, de 1811 à 1820.

Ainsi pourrions-nous dire que pour La Tragédie du roi Ohristophe, les cadres historiques et géographiques sont explicites. Car l’auteur ne change rien ou presque aux données de l’histoire. Il s’agit du règne d’Henri Christophe sur la République haïtienne naguère sous domination française. La pièce se situe au moment où ce jeune Etat nouvellement indépendant cherche confusément sa voie ». [4]

La Tragédie du Roi Christophe se compose de trois temps forts encadrés par trois temps faibles dont le rôle primordial est d’aérer l’action. Dans le premier acte, c’est la prise de pouvoir par Christophe, dans le deuxième c’est le roi en pleine fonction, dans le troisième c’est le moment où Christophe, frappé de stupeur par la vue du spectre de Brelle, s’écroule paralysé. Les interventions de Hugonin, de Pétion avec sa cour, des paysans constituent les temps faibles. Mais considérons le côté mythique de ce personnage malcompris.

CHRISTOPHE SYMBOLE DE SHANGO DIEU DU TONNERRE

Ce n’est pas par hasard qu’Aimé Césaire a fait allusion à la mythologie africaine à l’égard du personnage du Roi Christophe lorsque Mlle G. De Préville l’a interviewé au sujet de la signification du personnage de Christophe.

A la question de celle-ci : « Que représente donc le roi Christophe ? », Césaire répond en ces termes très significatifs. « Il incarne la négritude. Il en assume la responsabilité selon son idéal. Au point de vue mythologique il représente le Dieu-Tonnerre, la volonté de puissance, tout à la fois destructeur et bienveillant ». [5]

La Tragédie du Roi Christophe appartient à la lignée des mythes politico-héroïques qui est l’expression d’une pulsion venue des profondeurs du psychisme collectif : avant que le personnage parvienne au premier plan de l’histoire, il est en quelque sorte déjà attendu. C’est ici qu’il faut parler du côté mythique du roi Christophe – ce Shango, le dieu Yoruba de Tonnerre. C’est que Shango comme Christophe est la divinité la plus respectée au pays Yoruba, à cause de sa nature malveillante, étant dieu de la foudre et du tonnerre. Selon le mythe Yoruba, Shango avait régné sur le peuple d’Oyo. Il était puissant et très sage. Il était fort en médecine traditionnelle et doté du pouvoir magique. Il pouvait donc émettre du feu de sa bouche. Il était cruel et sanguinaire. Shango est un roi-divinité. Il se serait pendu à cause de l’incompréhension de ses citoyens.

Au fond, Christophe, tout comme la divinité Yoruba Shango, est un homme seul. Bien que Vastey Hugonin et ses généraux lui aient porté leurs concours, il reste avant tout un homme seul. Tout comme Shango il est le seul à connaître la fatalité de ses entreprises, le seul à gouverner effectivement. En fin de compte il mourra seul. L’énergie débordante de Christophe le rapproche de la divinité yoruba Shango. Sa fougue et son impétuosité le mettent au côté de Shango. Il est un homme d’action tout comme Shango. Tyrannique et Sanguinaire, Christophe, comme Shango, veut atteindre ses objectifs.

C’est un dictateur. L’avènement du souverain Christophe qui va entamer la refonte des mentalités et enfin refaire les croisades contre les lâches et les paresseux annonce déjâ l’élément impérial et engendre aussi le mythe du roi Henri Christophe. Le roi Christophe tout comme Shango, le grand travailleur et homme de science et de propensité pour les découvertes, force tout le monde à travailler. Ainsi les enfants, les femmes et le roi lui-même « sans parler des hommes participent activement à l’édification de la fameuse Citadelle, symbole de la libération nationale » [6]. Lorsque le Conseil d’Etat vient lui demander du repos, il les renvoie tous au travail sans tenir compte de leur requête, démontrant ainsi qu’il est un roi dirigiste et centralisateur. Roi sanguinaire et tortionnaire comme Shango, le roi Christophe a fait disparaître l’archevêque Brelle dont les écrits et paroles deviennent gênants.

L’action de cette pièce épouse d’une façon surprenante la confrontation meurtrière qui oppose Shango à son Conseil d’Etat dit Oyomesi d’une part, et celle de ses généraux Gbonke et Timi de l’autre. Le conflit qui oppose le roi Christophe, Pétion et le Sénat a abouti à la division de la République en deux Etats. Ce conflit explique la fin tragique du roi Christophe. Il est vrai que le roi Christophe est un grand patriote-nationaliste. Il veut l’unification de son pays. Il veut ériger l’homme noir en un être humain, respectable et respecté. Pour atteindre ce but « Christophe définit dans un cadre précis ce qu’il compte réaliser en un temps relativement court. [7] ? Pour ce faire, le roi Christophe s’inspire du patrimoine légué aux Haïtiens par Toussaint Louverture et Dessaline : deux personnages mythiques de l’histoire de Haïti.

Dominé par son élan pour l’imprévisible et par son idéal pour la survie de son peuple, il veut que son peuple le suive coûte que coûte.

« Messieurs, pour l’Honneur et la survie de ce pays, je ne veux pas qu’il puisse jamais être dit, jamais être soupçonné dans le monde que dix ans de liberté nègre, dix ans de laisser-aller et de démission nègres suffiront pour que soit dilapidé le trésor que le martyr de notre peuple a amassé en cent ans de labeur et de coups de fouet. Aussi bien, qu’on se le dise dès à présent, avec moi vous n’avez pas le droit d’être fatigués ». [8]

Nous voyons ici que Christophe est un homme d’action. Il est tyrannique, mais il veut atteindre ses objectifs pour son peuple. Il ordonne la construction de la Citadelle, symbole de la liberté nègre retrouvée, et cela en un très court délai, démontrant encore une fois son impétuosité. « Il n’est donc pas question d’accorder le moindre repos à qui que ce soit » [9]. Il est un dictateur comme Shango malgré lui. C’est que le sacre de Christophe cristallise immédiatement tous ces espoirs des Négro-Africains, tous leurs rêves et leur attente. Avec ses croisades contre Pétion et l’Eglise, Christophe apparaît auréolé du prestige quasi divin du sauveur de sa race vis-à-vis des Mulâtres, collaborateurs avec les maîtres coloniaux, Christophe est donc passé de son vivant comme un mage de son peuple.

Mais tout comme Shango, après la prestation de serment, Christophe commence par une violente répression contre Metellus et les hommes de gauche. Il continue à s’imposer par la force d’armes et la brutalité. Point n’est besoin d’affirmer que Christophe est un grand nationaliste auquel est confié le destin de ses frères Négro-Africains, c’est un incompris. Un homme seul en butte à l’incompréhension de tous. Il a de bonnes intentions comme Shango.

Nicole Goisbeault confIrme notre position lorsqu’elle écrit :

« Dans La Tragédie du Roi Christophe, d’Aimé Césaire, allusion est faite au roi mythique Yoruba, le souverain haïtien invoque Shango en s’identifiant à lui. Par-delà le motif littéraire utilisé comme indice d’une quête d’authenticité caractéristique des poétes de la Négritude, cette référence permet de dévoiler les instances mystiques d’une conception du pouvoir héritée de la tradition africaine, où le politique et le sacré interfèrent constamment » [10].

LA PLACE DES MYTHÈMES NÉGRO-AFRICAINS DANS LA PIÈCE

Si Aimé Césaire multiplie les allusions aux divinités Yoruba ou négro­africaines dans La Tragédie du Roi Christophe, c’est pour ajouter à l’atmosphère mythique de ce grand personnage.

Ainsi à la page 38, allusion ou référence est faire à « mes ancêtres Bambaras ». Lorsque le choeur chante la grande aire au souverain Christophe, ce chant se transfonne en un hymne dansé à Shango. « Shango Madia Elloué, Azango, Shango Madia Elloué » [11].

La référence au sacre de Napoléon à Reims [12] et à celui de Christophe, un sacre original non à la Napoléon, mais avec menu tropical, ajoute [13] à cette création de l’atmosphère mythologique de la pièce.

Quelques mythèmes nous renvoient explicitement au côté mythique de cette pièce. Ainsi la parabole du Christ à l’égard de « figure maudite [14], la référence à la mythologie de Mamy wata – « les bras de Maman de l’eau [15] » , ou au mythe africain de petit service – cérémonie en l’honneur de Dieux africains », ou chanson africaine de « l’Enfant de la noire Guinée » ou celle du roi de Dahomey salue l’avenir de sa récade. Tout compte fait, c’est que les pages de La Tragédie du Roi Christophe sont remplies des références aux mythes africains. Le décor de la citadelle est rempli des travaux pharaoniques [16]. Même les instruments musicaux très chers aux dieux Yoruba « Esu » et « Sonponnu », en l’occurrence, le petit tambour rabordaille dit « Dundun » au pays Yoruba sont mentionnés dans cette pièce.

A la page 119 la didascalie précise que le roi et la reine entrent, précédés des pages africains revêtus de leurs costumes tribaux.

La Tragédie du Roi Christophe est certes une pièce théâtrale qui baigne dans le terroir de la mythologie négro-africaine. A la page 126 Aimé Césaire nous renvoie encore une fois au dieu Yoruba Shango lorsqu’il écrit :

« Loko Petro, Brisé-Pimba

Toutes divinités de lafoudre et du feu ». [17]

Dans ce texte Christophe assume et incarne la personnalité de Shango à travers cette poésie incantatoire qu’il prononce. Poursuivant son rôle de Shango, Christophe commande :

« Tonnerre ! Qui, qui a chanté sur moi le Bakubu Baka » [18]. Bakubu Baka est le dieu maléfique du culte Petro. Alors que « Legba » est le dieu de l’accident, « Esu Elegbara », chose curieuse, c’est le roi Christophe qui incarne ces diverses divinités négro-africaines et c’est lui qui prononce ces discours à leur égard. Ainsi nous l’entendons prononcer :

« Soleil O

Ati – Dan ! Ibo Loko !

Soleil Ô

Legba Atibon

Ati – Dan Ibo Loko ». [19]

C’est dire qu’il y a un rappel quasi perpétuel à des mythes africains dans cette pièce. Des références à Toussaint Louverture, une grande figure de l’histoire de Haïti et une figure qui est passée de son vivant à la légende sont la mythisation de ce texte et par ricochet de cet ancien cuisinier et ancien général de Toussaint Louverture.

Le vaudou fait partie du patrimoine culturel des Haïtiens. Et lorsque le roi Christophe prononce son

« Sa ye dje : la foudre tombe !

Agonglo : résiste l’ananas » [20]

et brandit son épée contre le ciel, c’est qu’il fait oeuvre des magiciens de l’ancien Dahomey.

 

Le roi Christophe incarne aussi le destin de toute l’Afrique. Car, à l’en croire :

« Dieux d’Afrique

Loas !

Cordes du sang sanglé

Père attacheur du sang

Abobo

Afrique mon lieu de forces

Abobo » [21].

Ici s’établit la négritude de ce personnage que la littérature a érigé à la place d’un mythe littéraire.

Hugonin à son tour a fait allusion à une autre divinité Yoruba, cette fois-ci Ogoun, dieu de l’accident et des forgerons.

« Ogoun Badagry c’est Neg politique oh

A la la li la cord’ coupé cord oh !

Ogoun Badagry, c’est Neg politique oh ! », [22].

Cette chantefable est répétée deux fois pour mettre l’emphase à la place privilégiée qu’occupe Ogoun dans le Panthéon des dieux yoruba et dans la cosmogonie des Yoruba. Tout comme son frère, Shango, Ogoun est le dieu yoruba du fer et de la guerre. Il est vénéré comme tel et déifié. Avec sa pièce Shango parue en 1968 chez P. J. Oswald, Ola Balogun a popularisé Shango, le dieu yoruba du tonnerre.

Le dénouement qui annonce le décès du roi Christophe passe par la voie de la mythologie africaine. Car le page africain annonce :

« Père, nous t’installons à Ife sur la Colline aux trois palmiers

Père, nous t’installons à Ife dans les seize rhombes du vent…

Force de nuit, marée du jour. Shango

Je te salue, O… quant tu passeras par les promenoirs du ciel monté sur les béliers enflammés de l’orage ». [23].

C’est déjà l’apothéose du roi Christophe qui est devenu une divinité tout comme Shango qu’on annonce. Et les éléments célestes, le ciel et l’orage annoncent cette apothéose.

« Vous autres au coeur friable

Vous nés du bûcher de l’Ethiopien Memnon

Oiseaux essaimants de pollens dessinez-lui

ses armes non périssables d’azur au phénix de gueule couronné d’or ». [24]

Il y a là une référence répétée aux éléments de l’Air. Ainsi les astres, les oiseaux, « de pollens » et l’or symbole de la royauté ajoutent à l’atmosphère mythique que recouvre La Tragédie du Roi Christophe.

C’est Aimé Césaire lui-même qui, dans une interview accordée à Mlle de Préville, nous dépeint encore une fois la signification du personnage mythique qu’est devenu le Roi Christophe. A l’en croire :

On sent chez l’homme un idéal supérieur, son ambition dépasse sa personne pour atteindre la collectivité, sa race. Son goût de luxe est réel, mais c’est surtout pour hausser ses compatriotes. S’il veut instaurer la royauté c’est pour sacrer son peuple à ses propres yeux et aux yeux du monde. Il organise une noblesse, donne des titres, empruntant pour eux comme cela avait été fait en France, les noms des villages créés par les colons : Limonade, Plaisance, Dondon, Trou-Bonbon, pour qu’ils prennent conscience de leurs obligations et responsabilités » [25].

Et Césaire de préciser que s’il est parfois cruel, c’est par ambition pour son peuple. Le roi Christophe est le symbole de la divinité yoruba qu’est Shango, que Césaire a recrée pour l’humanité tout court. Dans cette pièce mythique et mystique, les imprévisibles, les pouvoirs occultes sont de mise. Car, sinon, comment peut-on expliquer qu’au cours de la cérémonie de la fête de l’Assomption, le roi-divinité Christophe-Shango tombe paralysé à la vue du spectre de Brelle, l’Archevêque tué ? Comme son parallèle dans la mythologie yoruba, la divinité Shango, tout s’effondre ou s’écroule autour de lui. Comme si Aimé Césaire s’était inspiré du mythe de Shango, tout le pays se soulève. Les soldats se mutinent. Les généraux tels les Gbonka et Timi d’Ede dans le mythe de Shango, de plus en plus cupides, trahissent. Le roi Christophe ne peut plus survivre à cette catastrophe, il se suicide comme Shango qui se donne la mort par pendaison. Il est vrai que le roi Christophe est maladroit. Il est brusque, désordonné et tyrannique. Il gouverne seul et le jour où il trébuche, c’est le déluge, une espèce de catastrophe pour ce Christophe, car sa chute est inéluctable.

CONCLUSION

Lorsque le mythe est né, il s’épanouit en fonction de plusieurs données. Comme Nicole Ferrier – Caverivière l’a bien précisé. « Il arrive que la propagande, souvent décisive pour donner l’impulsion initiale, intervienne encore pour le soutenir et le nourrir ». [26]

La Tragédie du Roi Christophe fut la première pièce négro-africaine à être jouée dans différentes villes d’Europe en 1964. Elle fut jouée à Paris, à Bruxelles, à Salzbourg, à Berlin par la compagnie de Jean-Marie Serreau. Elle fut créée par Jean-Marie Serreau au festival de Salzburg le 4 Août 1964, puis en France, l’année suivante à l’Odéon, grâce au soutien actif d’une « Association des Amis du roi Christophe », réunissant en particulier Michel Leiris, Picasso, Giacommetti, Gaëtan Picon, Alejo Carpentier et Alioune Diop.

La pièce fut jouée avec un succès grandissant à Berlin, à Bruxelles, à la Biennale de Venise, dans les Maisons de la Culture en France, au Festival des Arts Nègres à Dakar, à l’exposition internationale de Montréal et au Piccolo Teatro de Milan. La question se pose de savoir pourquoi cet engouement pour la personnalité du roi Christophe. La réponse est très simple. C’est comme le culte de l’Empereur ou le mythe de l’âge d’or napoléonien. Dans les années 1840, toute une génération romantique en France se reconnaissait en lui. Ainsi Napoléon, le surhomme devient le dieu de cette génération qui s’ennuie. Christophe tout comme Napoléon est un héros mythifié. Le mythe de ce grand homme qu’est le roi Christophe prend l’aspect d’une protestation par les colonisés de l’Afrique contre la société coloniale. Soudain le roi Christophe est devenu un dieu. Car la prodigieuse ascension de ce général de l’Armée, sa chute non moins vertigineuse, ce conquérant glorieux, qui se croit immortel nous fascine. Christophe fait partie de ces personnages historiques que la littérature parvient à hausser au niveau des êtres illustres guidés par une lumière divine ou diabolique. Ce sont leur force et leur enracinement dans la pensée des hommes qui font d’eux des figures mythiques. C’est que le roi Christophe appartient à la mémoire des Antilles et des Africains comme sujet littéraire. Indéniablement le roi Christophe occupe une place fondamentale dans notre héritage culturel. C’est un personnage fascinant. Le nom de Christophe garde une aura, une raisonnance. Il y a dans ce nom comme un reste de magie. [27]

[1] Pierre Brunei Dictionnaire des mythes littéraires – Paris, Edition du Rocher, 1988, p.14.

[2] Nicole Ferrier-Caverivière, « Figures historiques et figures mythiques » in Dictionnaire des mythes littéraires, Paris, Éditions du Rocher, 1988. P. 597.

[3] Ibid., p. 597.

[4] Clément Mbom : Le Théâtre d’Aimé Césaire, Paris, Editions Fernand Nathan, 1979, p. 54.

[5] Ibid., p. 64.

[6] Ibid., p. 53

[7] Ibid., p. 62

[8] Aimé Césaire : La Tragédie du roi Christopbe, Paris, Présence Africaine, 1970, p. 29.

[9] Clément Mbom, Op. Cit. p. 63.

[10] Nicole Goisbeault : « Mythes africains » in Dictionnaire des Mythes littéraires, pp. 48- 49.

[11] Aimé Césaire Op., cit., p. 40

[12] Ibid., p. 51

[13] Ibid., p. 53

[14] Ibid., p. 60

[15] Ibid., p. 68

[16] Ibid., p. 102

[17] Ibid., p. 126

[18] Ibid., p. 128

[19] Ibid., p. 142

[20] Ibid., p. 107

[21] Ibid., p. 143

[22] Ibid., p. 148

[23] Ibid., p. 152

[24] Ibid., p. 153

[25] Clément Mbom, Op. Cit., p. 65.

[26] Nicole Ferrier-Caverivière, Op. Cit., p. 600.

[27] Ibid., p. 605.