Littérature

LE POÈME « TAXMIIS » : UNE CLÉ DE L’UNIVERSALISME DE MOUSSA KA

Éthiopiques n°92.

Littérature, philosophie et art

De la négritude à la renaissance africaine

1er semestre 2014

LE POÈME « TAXMIIS » : UNE CLÉ DE L’UNIVERSALISME DE MOUSSA KA

Grand maître soufi du XIXe siècle, Cheikh Ahmadou Bamba [2] compta parmi ses disciples et premiers compagnons de nombreux poètes. Ils composaient leurs chants ou woy [3] à travers une intention essentiellement spirituelle du fait qu’ils concevaient cette poésie comme une forme d’invocation (dhikr) et de proclamation de la loyauté et de l’amour (maḥabba) pour le maître. En cela ils suivaient l’exemple de leur guide qui excella dans cette forme d’expression ou de dévotion. Moussa Kâ [4] fut incontestablement le plus célèbre poète de cette génération.

Toutefois, il est curieux de constater qu’au moment où le Serviteur du Prophète [5] composait en arabe la quasi-totalité de sa volumineuse production, ses disciples, grands érudits arabophones dans leur majorité, préféraient la langue locale wolof. Derrière cette attitude se cache sans doute une énigme dont la clé pourrait se révéler avec l’analyse de l’un des poèmes de Moussa Kâ : « Taxmiis ».

Longtemps considéré comme un poème à travers lequel l’auteur se fait le défenseur de sa langue nationale [6], ce chef-d’œuvre soufi, replacé dans son contexte de la quête de la réalité essentielle (al-ḥaqîa) du Taṣawwuf, semble être le porteur d’un message plus élevé pour ne pas dire plus universel que celui qui s’offre à sa première lecture. Le poète, en hissant son maître noir au sommet de toutes les valeurs spirituelles des religions révélées, ne suggère-t-il pas le sens d’un certain universalisme ?

Nous essayerons, dans cette étude, d’appréhender ce sens en question en commençant, dans un premier temps, par une précision sur la question de la poésie dans le soufisme. Puis l’analyse de la valeur esthétique et spirituelle du poème, dans un second temps, permettra d’apporter quelques éléments de réponse à notre interrogation.

  1. LA DIMENSION SPIRITUELLE DE LA POÉSIE SOUFIE

Nous avions terminé l’une de nos recherches en résumant que « ce qui caractérise le soufisme dans ses mouvements principiels et ontologiques est surtout la véritable spiritualité de l’Islam » [7]. En effet, le Taṣawwuf ou soufisme, né à travers les premières orientations spirituelles de l’Islam, se précisait progressivement chez le croyant comme une quête perpétuelle de la sincérité de la foi (al-ihlâṣ), de la véracité (aṣ-ṣidq) ou de la certitude (al-yaqîn).

Tous ces concepts ont servi plus ou moins à la systématisation d’un voyage [8] ou d’une ascension que doit effectuer le cœur du dévot sur la voie (ṭarîqa) [9] de la réalité essentielle (al-ḥaqîqa). Autrement dit, au point initial, le soufi est animé par cette ferme volonté d’aller vers Dieu (at-tawba) et sa préoccupation essentielle est de se départir des vices de l’âme qui le maintiennent dans les méandres de l’hypocrisie, afin de se hisser vers les cimes de la perfection ou de la véracité. Dès lors, le voyage s’identifiait à l’éducation de l’âme et il devait se dérouler à travers des étapes et états spirituels [10] suivant différentes approches « pédagogiques ».

Animés par la même passion et poussés par la même détermination les soufis échangeaient, à travers le compagnonnage (as-suḥba) [11], sur les meilleures approches pour la purification du cœur, qui passe inévitablement par la purification de l’intention [12]. Les réponses se trouvaient pourtant dans les enseignements de la Sunna du Prophète, mais il fallait en percevoir l’esprit et bien les mettre en pratique (al-iḥsân).

Entre autres orientations spirituelles, les soufis décident de mettre l’accent sur quelques principes qui dessinent les contours de la voie ou ṭarîqa :

– combattre les passions terrestres par le détachement (az-zuhd) ou l’ascétisme et l’endurance (aṣ-ṣabr) ;

– purifier l’intention dans la dévotion par la crainte révérencielle (al-hawf) ;

– pérenniser la présence de Dieu dans le cœur par la reconnaissance (ash-shukr) à travers la dévotion et l’invocation (adh-dhikr).

Ces trois principes sont en réalité des approches de purification du cœur que notre poète a d’ailleurs mentionnées explicitement dans la troisième strophe qui se termine par le refrain ci-dessous :

Ku daw sant muñ am lol sunuy nawle amti ko.

Quiconque se refugie [13], pratique la reconnaissance et endure aura ce que nos pairs n’auront pas ».

Le dhikr ou invocation de Dieu fait partie des règles appliquées unanimement par tous les soufis. Ils suivent en cela les injonctions coraniques qui l’assimilent à la reconnaissance et l’opposent souvent à la mécréance :

Souvenez-vous de Moi et Je Me souviendrai de vous ; soyez reconnaissants envers Moi et ne Me reniez pas [14].

Au moment de la naissance des confréries, le dhikr était vu comme la voie la plus rapide pour accomplir cette purification en question. Ash-Sha̔rânî confirme cela à travers ses propos :

J’ai entendu mon seigneur ̔Alî Al-Mirsifî, que Dieu lui accorde sa miséricorde, dire :

Les maîtres ont beau chercher mais ils n’ont trouvé pour le disciple aucun moyen plus efficace vers la purification du cœur que de perpétuer l’invocation du Tout Puissant [15].

Plus loin, le même maître ajoute que

si le disciple invoque intensément son Seigneur, avec détermination, on lui plie rapidement les étapes de la Voie, si bien qu’il peut, en un instant, parcourir ce que quelqu’un d’autre est incapable de faire en un mois ou plus [16].

C’est à cette dimension spirituelle qu’il faut hisser la poésie soufie qui, à travers ses plus récentes compositions, est devenue une expression fondamentale de ce principe d’invocation de Dieu. La poésie et plus précisément les panégyriques sont une composante essentielle de la dévotion du soufi en ce sens qu’ils s’identifient au dhikr.

Afin de comprendre cette relation, il sied de s’attarder sur l’évolution du soufisme dans ses formes organisationnelles vers la confrérie. Durant les quatre premiers siècles de l’Islam, le soufisme à évolué à travers le compagnonnage entre maître et disciple [17]. C’est au XIe siècle (Ve siècle de l’Hégire) que cette forme d’évolution scolaire céda la place à la formation de couvents appelés Hanqaha ou Zâwiya autour des plus grands maîtres du soufisme de l’époque [18].

Cette évolution peut trouver son explication dans une nouvelle stratégie que les soufis ont cherché à opposer aux menaces externes et internes que connaissait le Taṣawwuf durant cette période. En effet, le couvent permet un contrôle rapproché de l’éducation et évite toute influence extérieure. De même, une relation affective maître-disciple se raffermit et se substitue la relation scolaire fondée sur la pensée.

Le développement de la poésie fait aussi partie des particularités de cette période des couvents. Il devient ainsi un canal supra-rationnel qui permet au poète de se couvrir du voile des métaphores pour s’adresser sans danger aux initiés et chanter son amour divin comme le fit abondamment Abû Sa̔îd b. Abil-Hayr [19]. Il ouvrit cette voie d’expression à d’autres soufis comme Farîd Ad-Dîn Attâr [20], Jalâl Ad-Dîn Ar-Rûmî [21]… Ce sont ces couvents qui ont évolué au XIIe siècle vers la ṭarîqa [22] ou confrérie dont l’une des plus anciennes est celle de la Qâdiriyya du Shayh Abdul Qâdir Al-Jaylâni [23] à laquelle s’est affilié dans un premier temps le maître de Moussa Kâ, Cheikh Ahmadou Bamba.

Certes, la poésie a toujours accompagné le soufi qui, depuis Abû Mansûr Al-Hallâj jusqu’aux plus récentes générations, en usait pour partager ses expériences personnelles ou magnifier son amour pour Dieu. Mais c’est à travers l’amour du Prophète qu’elle va se hisser au rang de dévotion assimilable à tout point de vue au dhikr.

En réalité, les soufis de la génération des confréries réactualisèrent la présence du Prophète, le premier maître de leur initiation, le Médiateur (al-wasîla) [24], en proclamant son amour par des proses apologétiques et à travers des panégyriques. Ainsi, dans ces poèmes, ils magnifiaient les vertus du Prophète en priant sur lui et, en même temps, proclamaient leur amour pour leur guide suprême. Le maître de Moussa Kâ s’est particulièrement illustré par l’importance de sa production dans ce sens.

D’ailleurs, la célébration de la nuit de la naissance du Prophète ou Mawlid est une occasion de dhikr à travers laquelle domine la récitation de ces poèmes. Initiée par la génération d’Abû Sa̔îd b. Abil-Hayr [25], contestée par les réformateurs wahabites [26] qui le considèrent comme une hérésie, cette fête est, de nos jours, l’un des moments forts de la spiritualité de l’Islam, partout dans le monde et plus particulièrement au Sénégal.

C’est dans cette célébration de l’amour pour le wasîla que s’inscrit la dynamique du poète soufi qui débute toujours son action de grâces par proclamer les vertus de son initiateur à lui, son propre maître. Par conséquent, dans ce poème, il n’est pas étonnant de comprendre qu’aux yeux de Moussa Kâ, le Shayh et le Prophète font une seule et même personne. L’incarnation a été parfaite.

Du moment que leur maître, à leurs yeux, s’identifiait parfaitement au Prophète à l’image de ses condisciples qui l’ont précédé dans cette lancée, Moussa Ka lui vouait une loyauté et un amour profond qu’il laissa exploser à travers son chant.

  1. LES VALEURS POÉTIQUES ET SPIRITUELLES DU POÈME

Fraîchement sortis d’une tradition orale [27], les premiers lettrés wolof, arabophones s’exercèrent à la poésie écrite dans leur langue en empruntant à l’arabe tous les éléments linguistiques nécessaires pour la transcription et la production. Ainsi, après avoir maîtrisé la discipline (̔arûd) consacrée à cette composition, ils utilisèrent avec perfection la métrique de la poésie arabe. Malgré les difficultés phonologiques [28] rencontrées, ils sont parvenus à stabiliser un alphabet et à produire des chefs-d’œuvre littéraires.

Ce poème de Moussa Kâ a la particularité d’avoir comme titre le nom du mètre arabe utilisé pour sa composition : « tahmîs » ou « taxmiis » [29]. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’il est l’unique poème composé de la sorte dans toute l’œuvre de l’auteur. Il faut ajouter à cela que ce type de mètre n’était pas souvent employé par les poètes de sa génération du fait, sans doute, de sa complexité. Mais sa composition réussie est toujours d’une beauté remarquable. Contrairement au rajaz (classique) [30], son éclat esthétique domine sa fonction mnémotechnique.

Le poème est composé de vingt trois (23) strophes. Chacune comporte quatre (4) hémistiches rimant ensemble et un vers refrain. Ces cinq éléments qui la composent sont à l’origine de l’appellation métrique « tahmîs » qui est, littéralement en arabe, un dérivé de cinq. En tout, le poème compte soixante neuf (69) vers, y compris les refrains.

Le poète choisit de terminer tous les vers refrains par ko qui a souvent, en wolof, la fonction de complément d’objet, à la troisième personne du singulier. Le poète s’en sert toujours pour évoquer ou montrer du doigt l’objet de ses propos. Cela le place toujours dans sa position de prédilection, celle du sujet énonciateur et griot « géwél » [31].

Ainsi, des fois, il désigne par ce ko des objets. Au deuxième refrain par exemple il projette la qualité de sa poésie et met les Arabes au défi d’en faire autant :

Ba far noo ngi wax loo xamni yaaram ya waxti ko

Et nous sommes à même de composer ce que les Arabes ne peuvent pas produire.

D’autres fois, il indexe son maître en exaltant ses vertus, comme c’est le cas à la strophe douze (12) : Boroom zâhir [32] ak bâtin la moo tax nu topp ko

Il est maître de l’apparent et du caché c’est pour cela que nous lui sommes fidèles.

Parfois, il se dédouble et se projette lui-même à la troisième personne du singulier :

Ma def waa ju wéet joo xamni wéttal wa rawna ko [33]

Et je suis devenu un solitaire que le compagnon a laissé derrière lui.

Ce style émane de sa propre volonté de s’adresser à un auditoire qui semble ignorer la valeur de sa poésie et, par extension, de son maître spirituel. Malgré son usage de l’écrit, Moussa Kâ n’est toujours pas sorti de l’ambiance orale au sein de laquelle évolue son monde de condisciples. Les tout premiers mots du poème en disent long :

Su ngéen déglu woon tayjii nu laabiire gaayu baax

Yinaa ay walaf baaxul te rëy day sewal ku baax

Ku rëy bay damoo néegub ndayam mbaa baayam bu baax

Nu sew tey dammo seex Bamba ngir moo fi xotti baax

Te moo fiy walaf boo xamni yaaram ya amti ko.

Ô si vous m’écoutiez nous offririons une précision aux vertueux

Ceux qui disent que composer en walaf n’est pas bon, or la vanité écrase le valeureux

Si le vaniteux se glorifie de la lignée de sa mère ou de son noble père

Nous préférons nous abaisser et nous glorifier de seex Bamba car c’est lui l’exception.

C’est lui l’unique walaf dont le semblable est introuvable chez les Arabes.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la pertinente remarque de Bassirou Dieng qui constate que « nous sommes en présence de deux cultures : une civilisation de l’écriture et une civilisation de l’oral » [34]. Dans cet environnement de production écrite dominé par l’arabe (la langue de la religion) ou le français (la langue du colon), la langue locale était jusqu’alors ancrée dans sa culture orale. La volonté de l’auteur de révolutionner la situation, en tirant le wolof vers la production écrite, était perçue comme une aventure audacieuse à l’époque. En effet, Moussa Kâ fait partie des pionniers de cette tentative à une époque où chacun des arabophones comme lui « cherchait à faire montre de sa maîtrise de l’arabe » [35]. Les reproches ne manquaient pas et c’est cela le point de départ de son inspiration : il voulait leur parler, c’est la raison pour laquelle il commence par convoquer l’écoute.

Il est incontestablement génial de sa part d’avoir su produire son poème par la métrique arabe, puis prouver sa capacité et sa vaste culture dans cette civilisation arabophone pour ensuite s’attaquer à ces vaniteux lettrés, et en même temps garder le registre oral qui lui sert de trait d’union avec son public. Avait-il déjà compris, en s’imposant cette bivalence, que même si sa production écrite est parfaite elle ne va être « connue du grand public que dans son exécution orale » [36] ?

En tout cas dès la première strophe, Moussa Kâ interpelle sa cible, annonce la portée de son message et proclame son allégeance et tout ceci à travers un langage discipliné et soigné. Notons l’emploi de la première personne du pluriel, par humilité et la désignation de ses détracteurs par les termes valeureux ou vertueux.

Concernant le message, la première impression est qu’il défend la langue wolof contre ceux qui la méprisent à l’écrit. Mais si l’on fait bien attention aux deux emplois du mot « walaf », on se rend compte que cette première réalité n’est qu’un prétexte, car il veut aller plus loin.

Le premier emploi dans le deuxième hémistiche ne suggère même pas la langue wolof en tant que telle. L’expression « ay walaf » que l’on peut rendre littéralement par « des Walaf » (au pluriel) met en avant l’usage de la langue dans une forme d’expression donnée. Autrement dit, ses détracteurs lui reprochent d’utiliser le wolof dans la composition écrite. Et il ne s’y trompe pas, car il a compris qu’ils sont animés par un complexe d’infériorité qu’ils nourrissent vis-à-vis de l’arabe en tant que langue ou en tant qu’individu. Or lui, grâce à son maître walaf, il s’est libéré de ce carcan assimilateur et veut aider ces « vertueux » à en faire autant. En effet, le deuxième emploi de Walaf (au refrain) renvoie, à travers la personne de son maître, au Noir. Il ne faut pas perdre de vue que dans cette langue, par opposition au Blanc, le Walaf est aussi utilisé pour désigner le Noir dans ses us et pratiques, en un mot, dans sa culture [37]. Dès l’entame, le poète s’inscrit dans le thème dominant de la négritude qui, selon les spécialistes, « fut la conception, puis la revendication d’une identité culturelle et historique » [38].

Plus loin, le premier hémistiche de la seizième strophe confirme sa revendication de la culture noire :

Dogonak melow seex Bamba baaxug walaf du feeñ

Nde moo mel mellow yonnen ba waa Makka daa ko jiiñ

Muhammadu Abdullaahi ngir aw banam la xeeñ

Dadaa laqq ay ḍâ̔if [39] di fat lawbe yaaki seeñ

Ku ño’w yoobbu may goo xamni seen maam ya amti ko

Si ce n’était pas ces vertus incarnées par Seex Bamba la culture noire serait inconnue

Car c’est lui qui incarne les vertus du Prophète au point que les Mecquois l’identifient

A Muhammad fils d’Abdullah, il dégage le même parfum [40]

Il était l’asile des faibles, des Laobés [41] et des déshérités

Quiconque le rejoint retournera chez les siens avec des faveurs que ses aïeuls n’ont jamais eues.

Encore une fois le mot walaf désigne ici le Noir. Il poursuit le vers en identifiant son maître au Prophète, le meilleur des Arabes. À partir de là une relecture du premier refrain ci-dessus permet de comprendre le sens profond de ses propos. Du moment que le Shayh est lui-même le Prophète, par ses vertus, il est bien le Noir dont le semblable est introuvable chez l’Arabe. Ne semble-t-il pas paradoxal de sa part de vouloir rejeter l’Arabe et son identité (linguistique et culturel) et en même temps exalter les vertus du Prophète de l’Islam, tout en s’appuyant abondamment sur le Coran ? De loin, le poète semble se contredire. Mais, au fond, ne cherche-t-il pas à dissocier d’entre l’enchevêtrement des us, coutumes et manières de dire, une quintessence, une réalité essentielle (ḥaqîqa) vers laquelle tendraient toutes les vertus ? Le dernier vers de la strophe huit (8) révèle clairement l’idée de cette quintessence : Tarub Walaf ak bob Yaaram ak wax yi yeppa yem

Lu jog ngir rasuulu laahi baatin ba saf xorom

Danaa xelli meew moo xamni yaaram ya soowti ko

Le livre du Walaf, celui de l’Arabe ainsi que toutes les langues se valent

Tout ce qui est dédié au Prophète de Dieu cache une dimension ésotérique salée

Je vais faire jaillir du lait que les Arabes seront incapables de produire.

Il semble que le poète, en opposant à la langue de la religion sa propre langue, et à l’identité de l’arabe sa propre culture, a très tôt compris que l’exaltant est au-dessus des langues et des identités. Le sacré n’a pas de race ni de langue propre, il est simplement exprimé différemment par différentes langues et différents prophètes. C’est cette dimension universelle des religions que Moussa Kâ chante dans les deux strophes ci-dessous [42] :

Xanaa yërmandee tax tay luxay wax yi taggaloo

Dogonak rasuulu laahi lammiñ yi taqqaloo

Nde mbaaxam ga moo tax alquraan wacc toggaloo

Di yaaram ya maamam yay qurayshin di callaloo

Lilee tax ba furqân ngën ji yaaram ya wattu ko

N’est-ce pas la miséricorde qui a dissocié les formes d’expression ?

Si ce n’était pas le Prophète de Dieu les langues seraient une [43]

Car c’est grâce à sa bonté que le Coran a été révélé

En arabe, langue de ses ancêtres de Quraysh

C’est pour cela que le Coran a été mémorisé par les meilleurs des Arabes.

Te lammiñu Muusaa tax tawreeta saf xorom

Te lammiñu Iisaa tax ba injiila dib cërëm

Sabooraa taxon Daawooda lammiñ wa mel ni lem

Sudaa jang nit ñeek jinne yeek rab yi bokk gëm

Ku xam lii ma wax doo suxlu woykat ba gotti ko

C’est bien par la langue de Moïse que la Tora trouve du sel

C’est par la langue de Jésus que l’Évangile est le sien

C’est la Zabûr [44] qui a rendu la langue de David mielleuse

Et lorsqu’il récitait les humains, les djinns et les animaux étaient tous émerveillés.

Celui qui comprend ces propos ne défiera point un poète jusqu’à le mépriser.

En montrant que c’est par les différentes langues des différents prophètes que la révélation a pris différentes formes ou noms, le poète, comme l’avait remarqué Ramatoulaye Diagne [45] chez un autre auteur, pluralise les langues et universalise le message. Il a devancé ainsi certains de ses contemporains en comprenant que sacré n’est pas la langue arabe mais c’est plutôt la quintessence véhiculée par les langues de la révélation qui est l’essentiel.

Est-ce pour cette raison que le soufi perd souvent la langue et vit la ḥayra (perplexité) [46] lorsque, devant lui se dévoile l’Essentiel ? En tout cas on constate chez le poète, même à travers ses autres écrits, qu’il termine toujours sa composition en convoquant le silence dans un dédoublement de sa personne. Il s’écrie vers la fin de ce poème :

Faral noppi yaw Muusaa !!….

Tais-toi Muusaa, enfin !!…..

CONCLUSION

Les disciples de Cheikh Ahmadou Bamba avaient sans doute compris qu’en magnifiant son maître spirituel par l’invocation, le serviteur du Prophète n’avait ni sacralisé ni vénéré l’arabe. Par conséquent, considérant avant tout l’exaltation des vertus de leur médiateur (wasîla) comme une dévotion qui entre dans le cadre de l’invocation (adh-dhikr), ils devaient observer cette abstraction qui les invitait à livrer le sens de leur amour et loyauté, à leur maître à eux, par sa langue wolof.

Moussa Kâ a si bien compris cela qu’il a voulu dans son poème, au-delà d’une revendication de l’identité et de la culture noire face aux arabophones, se hisser à un sommet qui le placerait au-dessus des langues et des formes, afin de s’unir avec l’Essentiel.

Pour cela, il redresse le wolof en prouvant sa maîtrise de l’arabe et de la culture islamique, identifie son maître par ses vertus au meilleur des Arabes, tout en le propulsant au rang des prophètes. En exaltant ainsi l’universalité de ce maître noir, il veut faire comprendre que l’Essentiel se cache derrière la pluralité des expressions. Il est évident qu’au moment où, en Afrique et partout dans le monde, l’extrémisme religieux cherche à détruire cette pluralité des expressions en imposant une pensée islamique monolithique, ce message de Moussa Kâ est plus que d’actualité.

BIBLIOGRAPHIE

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[1] Université Cheikh Anta Diop de Dakar

[2] Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké ou Serigne Bamba est né entre 1852 et 1853 (1270/H) à Mbacké Bawol, au Sénégal. Grand maître soufi surnommé le serviteur du Prophète, il pratiqua dans un premier temps le wird qâdiriyya et plusieurs autres wird’s, avant d’éduquer ses disciples dans sa propre voie, par injonction du Prophète qu’il a vu à l’état de veille. Il eut des démêlés avec l’autorité coloniale française de l’époque. Ainsi, il connut des exils et des privations qu’il considérait comme des épreuves sur la voie de la perfection spirituelle. Il mourut en 1927, en résidence surveillée à Diourbel. Ses disciples sont connus sous le nom de mourides. Cf. MBACKE, Muhammad Al-Bashîr, Minan Al-Bâqil-Qadîm fî sîrat Shayh Al-Hadîm, Casablanca, Al-Maṭba̔a al-Malikiyya, s.d., p.31-104. Cf. DIOP, Serigne Mouhamadou Lamine, Irwâ’ An-Nadîm Min ̔Adhbi Ḥubbil-Hadîm, Éditions Touba Services, Porto Recanati, Italie, 2007, p.11.

[3] En wolof, c’est le terme woy qui veut dire chant qui sert en même temps à traduire le mot poème. Voir infra, pour des explications.

[4] Mousa Kâ, fils d’Ousmane est né près de Mbacké Bawol au Sénégal vers 1889. Il fut confié très jeune, après son apprentissage du Coran, à Cheikh Ahmadou Bamba dès son retour de Mauritanie en 1907. Après un long séjour, il fut consacré shayh par son maître après avoir complété son éducation dans la cour de Cheikh Ibra Fall auprès de qui d’ailleurs le Professeur Cheikh Anta Diop a passé son enfance. Inspiré essentiellement par son maître et certains disciples qui l’ont précédé sur cette voie, il s’adonna à la poésie et finit par devenir le plus célèbre chantre de Serigne Bamba. Cf. SAMB, Amar, « Jaaraama », un poème wolof de Moussa Kâ », in Bulletin de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire, Dakar, juillet 1974, tome XXXVI, n° 3, p. 592, 593.

[5] C’est un surnom de Cheikh Ahmadou Bamba.

[6] C’est ce qui se dégage du travail de Diâo FAYE qui a évoqué ce poème dans sa thèse consacrée à Moussa Kâ. Cf. FAYE, Diâo, « L’œuvre poétique “wolofal” de Moussa Kâ ou l’épopée de Cheikh Ahmadou Bamba : l’exemple de “Jazâ’u Shakûr”, le récit d’exils au Gabon et en Mauritanie », thèse pour le doctorat de 3e cycle, Faculté des Lettres et Sciences humaines, UCAD, Dakar, 1999, p.68.

[7] NDIAYE, Saliou, « Point sur la naissance du soufisme », in Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines, Dakar, 2011, n° 41/A, p.96.

 

[8] Le maître de Moussa Kâ préfère utiliser l’image du voyage à la place de l’ascension dans l’un de ses poèmes consacré au soufisme. Cf. MBACKE, Cheikh Ahmadou Bamba, Huqqal- bukâ’, Dakar, Imprimerie Serigne Saliou, s.d., v.21, 22, 23.

[9] Étymologiquement, ce mot ṭarîqa signifie chemin et, par extension, il renvoie à un procédé. Il était présent dans la littérature des soufis du IIe et IIIe siècle de l’Hégire. En effet, chez les premiers théoriciens de la doctrine, ce mot résumait l’ensemble des attitudes morales et physiques que doit observer le dévot pour vivre la sincérité de la foi jusqu’à obtenir l’agrément de Dieu. C’était donc la voie d’éducation spirituelle à suivre par le soufi. Il est aidé en cela par un maître. On peut donc dire qu’en ce moment, ce mot tarîqa était l’ensemble des procédés éducatifs différenciés selon le disciple, qui avaient pour socle la Loi coranique (Sharî̔a) et pour aboutissement la perfection spirituelle (haqîqa). Ils étaient moins systématisés qu’ils le furent par la suite dans la confrérie. Cette pédagogie n’était pas exclusivement rattachée à un maître comme elle le sera plus tard avec les confréries.

[10] Cette éducation de l’âme est l’objet de notre thèse de troisième cycle. Cf. NDIAYE, Saliou, L’âme dans le Taṣawwuf : analyse de la vie des premiers soufis, thèse de doctorat de 3e cycle (arabe), Lettres, UCAD, Dakar, 2008, 338p.

[11] Tous les théoriciens du soufisme, depuis AL-MUHASIBI jusqu’à GHAZALI, ont consacré une partie de leurs œuvres aux règles du compagnonnage. Plus largement et d’une approche confrérique, ASH-SHA̔RANI s’est longuement attardé là-dessus. Cf. SHA̔RANI, A. W., Al-Anwâr Al-Qudsiyya, t.I, Le Caire, Maktabat al-Ilmiyya, 1966, p. 51-163. Cf. GHAZALI, A. H., Muhtasar, op.cit., p.104.

[12] Dans un ḥadît fort apprécié par les soufis, le Prophète disait : « Les actes sont appréciés sur la base des intentions, chacun sera rétribué selon son intention ». Cf. MUSLIM, Imam, Ṣaḥîḥ, Riyaḍ, Bayt al-afkâr ad-dawliyya.

[13] La crainte révérencielle s’opère selon le soufi par le fait de s’enfuir et de se refugier auprès de Dieu. Cf. NDIAYE, Saliou, « L’âme dans le Tasawwuf », op.cit., p.115.

[14] Le Coran, op. cit., Sourate Al-Baqara (2), v. 152.

[15] SHA‛RANI (ASH-), ̔Abdul Wahhâb., al-Anwâr al-qudsiyya, tome I, Le Caire, Maktabat al-̔ilmiyya, 1966, p.70.

[16] SHA‛RANI (ASH-), ̔Abdul Wahhâb., p. 88.

[17] C’est une relation assez souple et ouverte qui permettait au soufi d’aller d’un maître à un autre. Sur le plan social, rien de plus que la fréquentation (as-suḥba) ne liait ces maîtres aux groupes de fidèles qui les considéraient comme modèle à suivre sur le plan spirituel. Tout au plus, cela donna naissance, au nom de ces maîtres, à des écoles que le soufi AL-HUJWIRI a tenté de systématiser dans son ouvrage. Cf. Hujwîrî Alî Al-, Kashf al-mahjûb, 2 tomes en un volume, Beyrouth, Dâr an-nahḍa al-‛arabiyya, 1980, p. 404-508.

[18] Dans ces couvents, les soufis instituaient d’une part un enseignement théorique des sciences islamiques et des principes du Taṣawwuf selon l’orientation d’un « Shayh » autour duquel s’organisaient toutes les activités et, d’autre part, de l’éducation spirituelle (pratique) supervisée par ce maître. Ils ressemblaient à des « internats » « au sein desquels tout est bien organisé ». Cf. HUJWIRI ALI AL-, op.cit., p.37, 55-65.

[19] C’est un soufi du XIe siècle. Muhammad b. Abîl Hayr (440/H) est un éminent soufi de son époque qui est orthodoxe par la pratique et se particularise à son époque par son talent poétique et par son estime pour BISTAMI et HALLAJ. Il a théorisé quarante étapes pour la marche du soufi vers Dieu, à l’image des quarante stations de HALLAJ. Pour ce dernier, voir : MASSIGNON, Louis, La Passion d’al-Hallaj, 2 tomes en 2 volumes, Paris, Gallimard, 1975, 708p/386p.

[20] Farîd ad-Dîn Abû Ḥammâd Muhammad b. Abû Bakr ‛Attâr est originaire du Kadakan, près du Nîshapûr, dans le Hurasân. Il serait né vers 520H/1126. Il est mort en 608H/1212.

[21] Mawlânâ Jalâl Ad-Dîn Ar-Rûmî est né en 604H/1207 à Balkh, d’origine arabe, son père se nommait Bahâ’ud-Dîn Walad, un éminent soufi qui l’a initié. Il remontait sa généalogie spirituelle jusqu’à Ahmad Ghazali, le jeune frère de Muhammad Ghazali. Il faisait observer au disciple une retraite de 1001 jours dans un couvent appelé Takya. Durant cette retraite, le disciple pratiquait l’ascèse et la mortification avec ses condisciples. Il enseignait aussi l’observance rigoureuse des obligations religieuses et le détachement par la générosité. Cf. MEYEROVITCH, Eva de Vitray, Mystique et poésie en Islam, Desclée de Brouwer, 1982, p.14.

[22] C’est justement, d’après Louis MASSIGNON, à partir du IVe siècle de l’Hégire que le concept de tarîqa va évoluer vers son acception plus ou moins collective : « Il désigne, à partir du XIe siècle, l’ensemble des rites d’entrainement spirituel préconisées pour la vie commune dans les diverses congrégations musulmanes qui commencent dès lors à se fonder. Par extension, il est devenu synonyme de confrérie ». Cf. MEYEROVITCH, Eva de Vitray, Mystique et poésie en Islam, Desclée de Brouwer, 1982, p.25.

[23] Shayh Abdul Qâdir Al-Jaylâni est né en 470H/1077à Baghdâd où il évolua. Il y est mort en 1165. Il est le fondateur de la ṭarîqa Al-Qâdiriyya. Cette confrérie ancienne a connu par la suite plusieurs branches et est toujours pratiquée en Asie, en Europe et en Afrique. Cf. YUNUS, As-Sâmirây, Ash-Shayh Abd Al-Qâdir Al-Gaylânî, Bagdad, Maktaba Al-Umma, 1982 , p.6.

[24] C’est le Coran lui-même qui a demandé au croyant de chercher le moyen de s’approcher de Dieu. À ce propos, le soufi comprend qu’il s’agit de développer l’amour du Prophète et par extension du maître spirituel (mahabbat ash-shayh). Parmi les versets coraniques qui ont le plus inspiré les maîtres soufis et les ont orientés vers le Prophète (psl) figure celui-ci :« Dis : “Si vous aimez vraiment Allah, suivez-moi, Allah vous aimera alors et vous pardonnera vos péchés. Allah est Pardonneur et Miséricordieux ». Cf. Le Coran, Sourate Âl Imrân (3), v.31.C’est cela qui conduit les théoriciens comme AL-ḤAFIZ à soutenir que le Wasîla en question est le Prophète. Il faut alors développer son amour car celui-ci conduit à la fidélité. Il étaye ses arguments par des ḥadît authentiques et explique : « À ce propos, il s’agit d’un recours (tawassul) par notre amour pour le Prophète (psl), parce qu’il est aimé de Dieu et ton amour pour lui est une obligation. Il (le tawassul) fait partie des bonnes œuvres. Or se rapprocher de Dieu par les bonnes œuvres est recommandé dans le livre de Dieu ». Cf. ḤAFIZ (AL), Muhammad, Ahl Al-Ḥaqq Al-Ârifûn billâh, Az-Zâwiyat At-Tîjâniyya, 3e éd.., Le Caire, 1980, p.150, 257-259.

[25] Cf. supra pour la notice biographique.

[26] Ce mouvement qui se veut « restaurateur de la Sunna » s’inspire de la pensée de Muhammad b. ‛Abd al-Wahhâb (1206H/1788.), un Imâm (ou chef de tribu) du Najd. Il a essayé, par la formation (ou l’endoctrinement) des premiers étudiants arabisants ressortissants du continent noir, de gagner l’Afrique où les confréries dominent le paysage religieux depuis fort longtemps. De nos jours, ce réformisme s’est radicalisé par le Salafisme qui préconise même le mouvement armé. Certains de ses adeptes ont tenté récemment de s’imposer avec violence au nord du Mali.

[27] DIENG, Bassirou, « Genres narratifs oraux et histoire en Sénégambie », in Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines, Dakar, Année 1992, n°22, p.94.

[28] SAMB, Amar, « Jaaraama », op.cit., p.594, 595.

[29] Par ordre, le même mot est présenté ici suivant la transcription des lettres arabes et celle de la langue nationale.

[30] SAMB, Amar, « Jaaraama », op.cit.

[31] D’après un spécialiste, le géwél ou griot est « le principal agent producteur du récit épique ». Cf. DIENG, Bassirou, op.cit., p.87.

 

[32] Le poète emploie abondamment des termes arabes, ici il s’agit de concepts propres au soufisme. Cela montre sa vaste culture dans ce domaine. À chaque fois que cela doit apparaître dans la transcription, le mot est mis en gras et transcrit selon les normes de préconisées pour les lettres arabes.

[33] Strophe V.

[34] DIENG, Bassirou, op.cit., p.94.

[35] FAYE, Diâo, op.cit., p.71

[36] Il est avéré dans l’étude de Bassirou DIENG que la plupart des poèmes écrits en langues nationales ne sont connus du public que par leur déclamation. En tout cas c’est ce qu’on constate en milieu mouride où le poète a un nombre important d’auditeurs. Cf. DIENG, Bassirou, « La poétique de Senghor et l’épopée orale », in Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines, Dakar, Année 1994, n° 24, p.119.

[37] Par exemple, pajum walaf (médecine traditionnelle, ou médecine du Noir) s’oppose à pajum tubaab (médecine occidentale ou médecine du Blanc).

[38] DIENG, Bassirou, « La poétique de Senghor », op.cit., p.113.

[39] Le mot est emprunté de l’arabe.

[40] Dans le texte wolof l’auteur a annexé directement le nom du père Abdallah au nom du fils Muhammad, ce qui est un signe de filiation dans la tradition africaine. Ceci fait partie des marques que le mouride a conservés de l’héritage ceddo.

[41] C’est un sous-groupe de l’ethnie pulaar. Ils n’ont pas souvent d’attaches solides dans les villages à cause de leur tradition nomade.

[42] Strophes 9 et 10.

[43] Ces propos s’apparentent à la notion de lumière prophétique bien connue des soufis. Cf . ḤAFIZ (AL), Muhammad, Ahl Al-Ḥaqq Al-Ârifûn billâh, Az-Zâwiyat At-Tîjâniyya, 3e éd., Le Caire, 1980, p.144-150.

[44] Ce sont les Psaumes de David.

[45] DIAGNE, Ramatoulaye, « Pluralisme et Universalisme chez Ameer Ali », in Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines, Dakar, 2008, n°38/B, p.345.

[46] NDIAYE, Saliou, L’âme dans le Tasawwuf, op.cit., p.201.