Poèmes

LAGOS SOIXANTE DIX SEPT

Ethiopiques numéro 11

revue socialiste

de culture négro-africaine

juillet 1977

Nous irons tous au pays d’Ifé

pour Sharppville et Soweto

et tous les monolithes sanglants

que la haine a sculptés dans la conscience des Peuples

Nous irons au pays d’Ifé

pour la renaissance des fils aînés de la Terre.

Nous viendrons tous à Lagos

parés de toute la splendeur du monde

avec nos rires et nos révolutions

nos chants de Liberté et de révolte

Nous porterons à Lagos

le cri indompté de l’Homme Noir

émergeant des entrailles obscures d’où surgissent

des milliards d’éclats précieux

cotés haut

loin des bidonvilles qui s’enflamment

à chaque cri d’enfant

à chaque mot ânonné dans une langue

qui n’est point d’ici

Nous viendrons à Lagos

des dunes limpides du désert étale

aux grottes aériennes du pays Dogon

des forêts de bambou de senteurs calmes

aux mers chaudes où la mémoire s’est figée

sur les cadavres balancés par-dessus bord

sur les douleurs têtues désormais incrustées

dans la crête des vagues de toutes les mers du monde

sur les champs de coton et de canne au goût si amer

à l’ombre de blues turgescents

et d’une lanière longue comme un continent

Nous viendrons à Lagos

tenant dans chaque main une parcelle de combat

nous arracherons ensemble l’avenir des frères

du Zimbabwé et d’Azanie

de Namibie et de Djibouti

l’Afrique longtemps couchée

se lève

arrachant à la fatuité d’un silence dérisoire

des milliers d’îles

et des parcelles d’Amérique.