Philosophie, sociologie, anthropologie

LA BIOETHIQUE : UN CHAMP D’EXPERIMENTATION ET DE PROMOTION DU POSTMODERNISME

Ethiopiques n° 77.

Littérature, philosophie et art

2ème semestre 2006

Le postmodernisme est un courant d’idées qui symbolise la crise du modernisme. Le postmodernisme prétend rompre en effet avec la modernité, les représentations, les valeurs et les idéaux modernes. J-F. Lyotard, initiateur de ce mouvement en France, écrit : « On tient pour « postmoderne », l’incrédulité à l’égard des métarécits » [2]. Or, quels sont les métarécits ou « grands récits » de la modernité ? Le premier est celui du « progrès de l’humanité », assuré grâce aux valeurs, idéaux et outils modernes. Le deuxième est la croyance à l’éducation et à la « culture technoscientifique » comme moyens de réalisation du progrès. La dynamique scientifique et technique apparaît comme le centre moteur du progrès moderne en général. Le dernier est la pensée universaliste. Celle-ci reconnaît seulement, d’une part, des individus et, d’autre part, l’humanité. Elle ne considère guère les collectivités, les communautés particulières génératrices des valeurs relatives susceptibles d’émietter le genre humain.

Ainsi la crise de la modernité, que le postmodernisme exprime, consiste à dire : soit la modernité n’a pas tenu ses promesses parce qu’elle a trahi son propre idéal, en l’occurrence le progrès de l’humanité, soit la modernité était un idéal fallacieux : son universalisme n’étant que l’expression de la volonté de puissance d’une tradition, d’une culture particulière : l’occidentale. Pour cela, le postmodernisme promeut le relativisme ou le cosmopolitisme axiologique et éthique. Mais le monde postmoderne c’est aussi un monde éconocrate et éconofasciste où le dieu-argent règne en maître absolu.

La bioéthique, en tant que réflexion pluridisciplinaire et pluraliste, constitue un champ d’expérimentation et de promotion des idéaux postmodernes. G. Hottois considère la bioéthique en effet comme une véritable « école de la complexité ».

Car « dans quel lieu en effet, dit-il, si ce n’est en un « comité de bioéthique », le philosophe (mais ceci vaut,  » mutadis mutandis », pour chacun) rencontre-t-il quasi inévitablement, avec l’obligation du dialogue : des médecins (de diverses spécialités), des biologistes, des juristes, des théologiens, des psychologues, des sociologues, quelquefois des économistes, des politologues… ? Ces interactions constituent une première forme de complexité, celle de la multidisciplinarité […]. Une deuxième forme de la complexité bioéthique est de nature sociétale. Pratiquée en milieu ouvert, la bioéthique est confrontée au multiculturel et au composite, signes de notre postmodernité. Le caractère culturellement pluriel de nos sociétés – et de la société mondiale – pose évidemment l’exigence d’une pratique pluraliste de la bioéthique » [3].

Le pluralisme de la pratique bioéthique, symbole de la postmodernité dont il est question ici, induit conséquemment une perception relativiste ou cosmopolitiste des valeurs et de l’éthique, qui est parfois dictée par des intérêts économiques et marchands. Une question devient alors préoccupante : comment établir la « synchronie » de l’espèce « Homo » après la déchéance et la délégitimation des métarécits ? Bien plus, le relativisme axiologique prôné par le postmodernisme et la bioéthique n’est-il pas susceptible de conduire à l’atomisation de l’humanité ? La position de ce problème est donc signe qu’il y a péril en la demeure.

C’est précisément à rendre compte de ce péril qu’est consacrée la réflexion qui va suivre, et qui commencera par l’exposé des enjeux du postmodernisme, se poursuivra par l’analyse de l’assumation des idéaux postmodernes par la bioéthique, pour conclure, en fin de compte, sur le décryptage et la dénonciation des apories nées du mariage entre le postmodernisme et la bioéthique

  1. LES ENJEUX DU POSTMODERNISME

Le postmodernisme, nous l’avons dit, établit une rupture avec la modernité. Cette rupture se traduit d’abord par la disqualification de l’universalisme moderne. Celui-ci postule la cohésion et la « synchronie » de l’humanité, en secrétant des valeurs et des idées universalistes. Il n’a aucune considération pour les collectivités, les communautés particulières, sauf celle qui est porteuse de l’idée universaliste (la Raison), identifiée à la tradition occidentale (France, Angleterre, Allemagne, USA…). En éthique, Kant a le plus explicitement élaboré cet idéal selon lequel la loi morale que l’individu doit suivre coïncide avec la loi éthique universelle, valable pour toute l’humanité, idéal qui exprime ce qu’il appelle l’« impératif catégorique » : « Je dois toujours agir de telle façon que je puisse vouloir aussi que ma maxime devienne une loi universelle » [4].

Ce métadiscours ou récit universel kantien consacre ce que J-F. Lyotard considère comme « l’émancipation du sujet raisonnable » [5], qui s’obtient par la réalisation de l’accord des esprits raisonnables, et qui résume en quelque sorte l’esprit général du « récit des lumières, où, écrit-il, le héros du savoir travaille à une bonne fin éthico-politique, la paix universelle » [6].

Le postmodernisme prend justement le contre-pied du discours métanarratif ou universaliste entretenu par les dix-huitièmistes, l’« epistemé » ou la connaissance, pour reprendre un concept de M. Foucault, étant soumis au mobilisme héraclitéen, ainsi que le souligne Lyotard : « Le savoir change de statut en même temps que les sociétés entrent dans l’âge dit postindustriel et les cultures dans l’âge dit postmoderne » [7]. C’est dire que le savoir des Lumières, qui était essentiellement fondationaliste, c’est-à-dire basé sur des valeurs et des idées universelles, a changé de cap à l’époque postindustrielle [8] et postmoderne, pour devenir un savoir anti-fondationaliste, c’est-à-dire fondé sur des valeurs et des idées relatives et cosmopolites. Ce dernier « confirme, écrit G. Hottois, l’esprit de privatisation, d’individualisation ou de communautarisation des croyances et positions en matière de philosophie, de religion et de morale » [9].

Il en ressort que le postmodernisme promeut le « petit récit », une sorte de « systématique ouvert » ou d’îlots discursifs infinis, défendant chacun la légitimité locale de son discours, et non plus la légitimité universelle : c’est ce que Lyotard appelle la « paralogie ». Ainsi « le principe de consensus comme critère de validation paraît […] insuffisant » [10]. L’auteur attaque frontalement l’éthique de la discussion de J. Habermas développée dans La technique et la science comme « idéologie » [11], parce qu’elle rejoint, dit-il, le « récit de l’émancipation » moderniste, en prônant « l’accord des hommes en tant qu’intelligences connaissantes et volontés libres obtenu par le moyen du dialogue » [12]. Toutes choses qui semblent absurdes aux yeux de Lyotard, qui ne comprend pas qu’on puisse ainsi aliéner les libertés individuelles sur l’autel du consensualisme. En effet, le consensus obtenu par l’éthique de la discussion habermasienne présente une difficulté, d’après Lyotard, c’est qu’« il violente l’hétérogénéité des jeux de langage. Et l’intervention se fait toujours dans le dissentiment. Le savoir postmoderne n’est pas seulement l’instrument des pouvoirs. Il raffine notre sensibilité aux différences et renforce notre capacité de supporter l’incommensurable » [13].

Le postmodernisme est donc une école de l’altérité et non de la totalité, une école qui cultive l’acceptation des différences individuelles, culturelles et des incompatibilités d’approches, tout en proscrivant les discours totalisants, voire totalitaires, bref un culte de la différence et de la divergence.

La rupture du postmodernisme avec la modernité se traduit ensuite par la délégitimation du métarécit du « progrès de l’humanité », dont les valeurs, idéaux et outils modernes assurent l’accomplissement.

« Ce méta-récit, souligne G. Hottois, s’adresse à toute l’humanité, à tous les peuples : il raconte leur destin futur et il dit ce qu’ils doivent faire. Une fonction importante du méta-récit est de légitimation. La justification ultime d’une politique « moderne » consistera donc à la raccrocher à l’histoire du progrès de l’humanité. La crise de la modernité est ainsi la crise d’un certain type de légitimation et d’une certaine histoire » [14].

La crise de la modernité, qu’exprime la postmodernité, traduit ainsi la disqualification d’une certaine vision de l’histoire, qui consiste à concevoir la dynamique historique comme un processus du progrès de l’humanité, entendu au sens de l’accomplissement de l’essence humaine. L’histoire aurait donc, d’après les modernes, pour téléologie, entéléchie et eschatologie la réalisation et l’épanouissement de la nature humaine.

La rupture du postmodernisme avec la modernité se traduit enfin par le rejet de la croyance à l’éducation, le savoir, la culture, et au développement des sciences et des techniques, comme moyens de réalisation du progrès. En effet, l’Encyclopédie des Lumières érige le progrès scientifique et technique en un facteur déterminant et décisif du progrès de l’humanité, en ce sens qu’

« [Il libère par rapport aux serviteurs de la nature, puisqu’il plie celle-ci au service de l’humanité. Tel est l’apport du progrès technique. Il libère par rapport aux particularismes irrationnels des communautés, traditions, religions, voire nations : les lois scientifiques sont valables universellement, elles ne dépendent pas des croyances particulières à une vision du monde […], il y a cette utopie là qui assure la cohésion symbolique, la solidarité du monde et du devenir modernes » [15].

Il s’agit véritablement d’un discours utopique, dans la mesure où les auteurs de l’Encyclopédie des Lumières développent une vision idolâtrique et messianique de la dynamique scientifique et technique, en l’instrumentalisant comme moyen quasi magique pouvant accomplir pleinement l’humain. La crise de la modernité, que le postmodernisme exprime, consiste à soutenir que l’idéal moderne du progrès de l’humanité est irréaliste, voire surréaliste. « La preuve de la faillite de l’idée moderne, martèle G. Hottois, serait éclatante dans les tragédies du XXe siècle : colonialisme et décolonisation, association des sciences et des techniques – de la technoscience – au capitalisme d’exploitation de la nature et des hommes, surarmement, désastres écologiques, guerres mondiales, etc. » [16].

La modernité était donc un idéal faux, son universalisme n’étant que la marque de la volonté de puissance de la tradition et de la culture occidentales ; volonté de puissance qui hypothèque la cohésion internationale et menace même l’existence de l’espèce humaine sur terre. Le tableau que vient de brosser G. Hottois est suffisamment sombre et édifiant à ce sujet. On peut alors comprendre Lyotard lorsqu’il écrit dans Le postmoderne expliqué aux enfants qu’« Auschwitz est le crime qui ouvre la postmodernité » [17]. Si le rationalisme et l’humanisme modernes ont pu conduire à tolérer de telles catastrophes, il n’est plus possible de croire à l’histoire de la Modernité. Son métarécit du progrès universel n’est qu’un récit, parmi les autres, une mise en scène particulière : celle des vainqueurs.

Au demeurant, les enjeux du postmodernisme tournent autour de l’instauration d’une société multiple, mosaïque, fragmentée, une société cosmopolite en somme. Cette identité symbolique multiple, complexe, s’affirme à trois niveaux :

« [Planétaire : globalement considéré, l’humanité est sous le signe du multiple, de la diversité des formes de vie et des cultures ; national : la société postmoderne est polyethique, métissée, multicommunautaire, pluraliste ; individuel : l’individu postmoderne est lui-même complexe, héritier de plusieurs traditions, membre de diverses associations, ses croyances et ses engagements ont des sources différentes et ne forment pas nécessairement un tout logiquement organisé. Son identité symbolique est composite et aussi changeante » [18].

Mais cette diversité complexe du monde postmoderne n’est pas à réduire à une juxtaposition étanche d’altérités qui ne communiqueraient pas. La société postmoderne se place sous le signe du change et de l’échange. Elle est dans un devenir qui est celui de l’inlassable métamorphose et pas celui de la quête de la vérité, du sens, du fondement, de l’absolu, de l’universel. L’individu postmoderne change et échange. Il a besoin d’un monde aux richesses disponibles : culturelles, naturelles, techniques. Dans un tel monde, deux opérateurs de change et d’échange sont particulièrement importants : l’argent et la technique.

« L’espace postmoderne, affirme G. Hottois, est celui du bazar, du supermarché ou mieux du Grand Marché libre Mondial. Dans cet espace, toutes les personnes étrangères peuvent interagir suivant la modalité de la négociation pacifique, en laissant jouer le goût individuel, librement… Cet espace est celui où s’exprime l’ingéniosité des individus : ingéniosité technique (production de biens de consommation attrayants) et ingéniosité verbale (la rhétorique de la persuasion et de la séduction » [19].

Le monde postmoderne est donc celui du négoce, du tout marchandise, où il y a une imbrication radicale entre l’économie et la technique, la téléologie étant la production des biens de consommation toujours plus attrayants. Ainsi, la technique qui était au service du progrès de l’humanité, selon l’idéal moderne, devient un instrument ou service des intérêts capitalistes. J-F. Lyotard, après Marcuse, a particulièrement souligné les complicités du capitalisme et de la technoscience.

La diversité complexe du monde postmoderne, ou mieux , la vision fragmentaire, plurielle, pluraliste, relativiste et cosmopolitiste de la société postmoderne, est relayée par la bioéthique, en tant que champ cognitif regroupant des spécialistes venant d’horizons disciplinaires et culturels différents. Quels sont donc les idéaux postmodernes que la bioéthique se charge d’expérimenter et de promouvoir ?

  1. DE LA BIOETHIQUE COMME LABORATOIRE ET PROMOTRICE DES IDEAUX POSTMODERNES

David J. Roy définit la bioéthique comme « une forme d’éthique, et cette éthique […], consiste à élaborer des jugements, à formuler des compromis, des directives et des politiques indispensables dans une société pluraliste, lorsque des individus ou des groupes s’affrontent sur des questions concernant la médecine et les sciences de la vie » [20]. L’auteur met l’accent sur la méthodologie en vigueur dans le champ épistémologique bioéthique, et qui épouse les contours de la société postmoderne pluraliste dont les membres et les communautés s’affrontent du fait de leurs conceptions relativistes par rapport à la médecine et aux sciences de la vie. Mais cette définition n’est pas totalement satisfaisante, parce que David J. Roy et ses collaborateurs ne semblent pas accorder de l’importance au caractère interdisciplinaire de la bioéthique ainsi qu’au pluralisme de ses acteurs. Aussi allons-nous faire intervenir G. Hottois qui en donne une définition plus exhaustive et plus significative.

« A définir la bioéthique au sens large dans lequel nous l’entendons, écrit-il, nous dirons qu’elle désigne cet ensemble de questions à dimension éthique (c’est-à-dire mettant en jeu des valeurs et ne pouvant être résolues que par des choix) suscitées par le pouvoir croissant d’intervention technoscientifique dans le vivant (spécialement, mais pas exclusivement, l’homme) […]. La bioéthique désigne également, sinon une véritable méthodologie, en tout cas un esprit d’approche de ces problèmes. Cet esprit apparaît, généralement, comme multi- ou inter-disciplinaire et comme pluraliste » [21].

La pluridisciplinarité de l’approche dont parle G. Hottois, couvre non seulement diverses sciences naturelles mais encore les sciences humaines, le droit, la théologie et la philosophie, et constitue une exigence de la complexité objective des questions qui se posent. Le pluralisme de l’approche est imposé d’abord par l’appartenance des différents professionnels intervenant dans la réflexion bioéthique à divers horizons culturels et idéologiques, signes s’il en fût de la postmodernité ambiante. Il est ensuite imposé par la complexité et la diversité des sociétés de l’Humanité, par lesquelles ces mêmes questions sont posées dans la reconnaissance qu’elles concernent tout homme et que, s’agissant de questions relatives aux valeurs, ou sens et aux finalités, aucun individu ni aucun groupe n’ont un monopole légitime de réponse.

En tout état de cause, les deux définitions de la bioéthique, respectivement de David J. Roy et de G. Hottois, ont le mérite de mettre en exergue la collusion, bien plus, la complicité qui existe entre le postmodernisme et la bioéthique au sujet de l’assumation et de la vulgarisation de l’idéal du relativisme et du cosmopolitisme culturel, idéologique et axiologique. Car on voit bien que la méthode d’approche de la bioéthique a à cœur de prendre en compte non seulement la multidisciplinarité qui, elle-même, dénote le relativisme symbolique, qui implique qu’aucune discipline ne peut à elle seule résoudre les problèmes éthiques d’une complexité inouïe que posent les technosciences biomédicales, mais aussi le pluralisme qui est symptomatique du cosmopolitisme axiologique et culturel des spécialistes intervenant dans ce domaine, sans oublier celui des différentes sociétés de l’Humanité auxquelles sont destinées les réflexions élaborées dans le champ cognitif bioéthique. Ainsi donc, la bioéthique expérimente et promeut en son sein l’idéal postmoderniste du relativisme des valeurs et des cultures. Ce qui fait dire à Guy Durand, dans son ouvrage intitulé Introduction générale à la bioéthique, qu’« à la suite de la sociologue américaine Renée Fox, on peut dire que la bioéthique ne peut être décrite de manière abstraite ni ramenée à un simple savoir ; il s’agit d’un mouvement socioculturel, un happening social, culturel autant qu’intellectuel » [22].

Il faut entendre par là que la réflexion bioéthique n’est pas scrupuleuse quant au respect de la neutralité scientifique, elle est le reflet de la contemporanéité socioculturelle postmoderne. J-M. Thévoz a lui aussi décrypté cet enchevêtrement du culturel, du social, du savoir dans la réflexion bioéthique, et qui met à mal l’objectivité scientifique.

« On s’est en effet aperçu, dit-il, que les problèmes qu’il faut résoudre ne relèvent pas seulement du savoir professionnel et de l’objectivité scientifique, mais aussi de différentes façons de concevoir la vie individuelle et sociale ou de différentes approches culturelles. On réalise que face à la fragilité de l’être humain, personne n’a plus de savoir qu’un autre. Tout le monde est nu devant l’éthique » [23].

La nudité éthique dont fait état Thévoz ici signifie tout simplement que personne ne détient la vérité en matière d’éthique ; aucun individu, aucune communauté particulière n’est possesseur de la panacée qui pourrait solutionner les problèmes aigus d’un type nouveau, que posent les biotechnologies à la conscience éthique. Le temps des solutions ultimes, totalitaires, universalistes et universalisantes est donc révolu, l’heure est plutôt à des solutions fragmentées et parcellaires, qui témoignent de la complexité de la bioéthique qui, elle-même, est calquée sur la postmodernité contemporaine. « Pour quiconque se donne la peine de réfléchir aux attendus et aux prolongements des problèmes posés, martèle G. Hottois, la bioéthique est l’école de la complexité, à l’image du monde et du temps où nous vivons » [24]. Un monde caractérisé par la diversité traditionnelle, culturelle et morale.

Mais la complexité sociétale ne se limite pas à la multiplicité des traditions, des communautés religieuses, des courants idéologiques et des partis politiques. Elle est aussi celle, moins facile à baliser, des intérêts. Intérêts professionnels liés aux diverses disciplines et spécialités ou à des corps organisés. C’est pourquoi G. Hottois souligne, avec raison, que

« [La bioéthique peut justifier des fonctions ou contrecarrer bien des ambitions ; elle noue un rapport complexe et ambivalent à l’éthique et à la déontologie médicales ; elle est à l’origine d’un nombre croissant de vocations et de pratiques professionnelles nouvelles : dans de nombreux pays, les éthiciens, éthicistes, bioéthiciens ou consultants en éthique se sont multipliés en même temps que les chaires d’éthique ou de bioéthique et les centres » [25].

C’est dire que la bioéthique aiguise des appétits et suscite des vocations et des nouvelles professions dont les intérêts sont nécessairement divergents, voire antagonistes, chacune se réservant le droit de grignoter la plus grande part du marché. La bioéthique elle-même constitue comme telle un phénomène social international avec ses intérêts propres. Parmi les groupements d’intérêts que l’on rencontre régulièrement en bioéthique, il y a les associations de patients, l’industrie pharmaceutique et de technologies biomédicales, les défenseurs des animaux, les protecteurs de la nature, quelquefois les associations de consommateurs, etc. « Avec cette nébuleuse composite des groupes d’intérêts, nous sommes loin des schémas dichotomiques simples, d’autant plus que les intérêts (professionnels ou économiques, par exemple) sont souvent transversaux par rapport aux convictions religieuses et idéologiques. Un bon exemple de la complexité tous azimuts est fourni par le débat européen en cours autour de la protection juridique des inventions bioéthiques (la question de la brevetabilité du vivant), qui interpelle directement ou indirectement la grande majorité des composantes de la complexité multidisciplinaire, multiculturelle et d’intérêts, car il s’agit non seulement du statut de la nature et du corps humain, mais aussi de l’avenir de secteurs de la recherche biomédicale et d’intérêts économiques ( et politiques) internationaux considérables » [26].

L’évocation par Hottois des intérêts économiques qui influencent négativement l’activité bioéthique, nous donne à penser que celle-ci prend en charge, expérimente et promeut cet autre idéal postmoderne, en l’occurrence l’idéal éconocratique et éconofasciste. La société postmoderne en effet est celle du change et de l’échange, une société de l’économisme, ainsi que l’atteste le constat accablant fait par H. Mono Ndjana : « La concurrence, les banques, les échanges, le flux : tels sont, dit-il, les vrais personnages du monde postmoderne, du monde de la mondialisation » [27]. G. Hottois, avec la verve et le sens de l’inventivité conceptuelle qu’on lui connaît, n’est pas en reste, il écrit :

« Ce monde est indissociable de deux opérateurs majeurs : l’argent (avec le capital et le marché) et la technique (la technoscience). Ainsi que le reflète le vocabulaire de l’économisme contemporain qui ne parle que de « dérégulation, de délocalisation, de déréglementation, de flexibilité, de flux, de change et de circulation », ces deux opérateurs sont, au plan philosophique, des opérateurs de désontologisation » [28].

Ce qu’il faut entendre en particulier par déliaison ou désontologisation, c’est le détachement de l’homme par rapport à toute donnée naturelle. « L’argent permet symboliquement le remplacement de n’importe quoi, puisque tout a un prix, explique G. Hottois » [29], y compris le vivant que certains bioéthiciens, mûs par des intérêts économiques bassement mercantilistes, marchandisent, en le présentant sous la forme d’une « invention » à breveter. C’est la problématique de la brevetabilité du vivant, qui divise la classe bioéthique internationale, et dont parlait G. Hottois plus haut. En effet, la science devenue technoscience, est aujourd’hui profondément ancrée dans la société globale, la société postmoderne, au point où ses productions ou encore ses « découvertes inventions », chamboulent radicalement les mœurs de cette dernière de façon spontanée. C’est pourquoi l’idée de breveter le vivant n’apparaît pas aux yeux des partisans de la brevetabilité du vivant, comme « a priori » déplacée. Ainsi, la représentation de la nature, du vivant en particulier, a subi une évolution telle que les oppositions traditionnelles entre nature et artificiel, donné et produit, vivant et machine ou animé et inanimé sont devenues floues.

C’est dire qu’avec l’avènement de la technoscience, il n’y a plus de différence entre la chose et le vivant, dans la mesure où les deux sont « manipulables, reconstructibles, synthétisables, simulables, ils sont « produits » d’une évolution, c’est-à-dire d’un travail de construction/ destruction que l’être humain peut prolonger ou imiter » [30]. Le vivant est ici « ipso facto » « instrumentalisé et inséré dans un réseau artificiel » [31].

Voilà donc en résumé les motivations avouées des bioéthiciens partisans de la brevetalité du vivant. Mais il ne faut pas être dupe, il s’agit des motivations guidées par des intérêts marchands, qui se fondent sur la situation existante dans les sociétés capitalistes, les sociétés postmodernes éconocratiques et éconofascistes, où le dieu-argent règne en maître absolu. Car comment comprendre cette confusion voulue et entretenue entre l’inanimé et le vivant, entre le naturel et l’artificiel ? Il existe pourtant entre eux une différence ontologique, c’est-à-dire qui tient à leurs essences respectives, et qui est constituée justement par l’animation. Et c’est cette différence ontologique qui fonde la position de résistance à « l’homogénéisation techno-économique universelle » [32].

Les objections au brevetage du vivant s’alimentent aussi au refus et au rejet de la société postmoderne technicisée, marchandisée et juridicisée à outrance, ayant perdu tout sens du sacré et donc des valeurs qui ne seraient pasmonnayables et techniquement productibles. Car le brevetage du vivant répondà la logique marchande propre aux capitalistes, en l’occurrence les multinationales, au service desquelles sont les biologistes intervenant dans le champ bioéthique.

En tout cas, voilà une preuve avérée que la bioéthique constitue un laboratoire où sont expérimentés et vulgarisés les idéaux postmodernes. Mais cette union, cette collusion entre le postmodernisme et la bioéthique présente des apories dont la moindre n’est pas la difficulté à unir une humanité atomisée. Mieux, comment faire tenir ensemble un monde autonomisé, libéralisé, diversifié et émietté ?

  1. POSTMODERNISME ET BIOETHIQUE : LES APORIES D’UNE UNION

Bien que la critique postmoderne de la modernité ne soit pas sans justifications, le postmodernisme dont la bioéthique partage les idéaux suscite bien des questions et inquiétudes. Une préoccupation majeure est : comment un tel monde tient-il encore ensemble ? Cette question vaut son pesant d’or, car « la postmodernité apparaît, martèle G. Hottois, comme chaotique, instable ; morcelée, insaisissable. Cette situation est souvent vécue comme profondément angoissante, voire destructrice, nihiliste dans un sens exclusivement négatif » [33].

Le postmodernisme a effectivement des accointances avec le nihilisme, notamment dans son versant nietzschéen. Nietzsche proclame en effet la mort de Dieu, Dieu garant des interdits et des valeurs supérieures, notamment les valeurs judéo-chrétiennes et morales. Dans Ainsi parlait Zarathoustra, il écrit :

« Le Surhomme est le sens de la terre. Votre volonté doit dire : que le Surhomme soit le sens de la terre ! Je vous en conjure, mes frères, restez fidèles à la terre et ne croyez pas ceux qui vous parlent d’espérances suprasensibles […]. Dieu est mort et avec lui moururent aussi ses insulteurs […]. La faute la plus grave est aujourd’hui de pécher contre la terre et d’estimer les entrailles de l’insondable comme plus importantes que le sens de la terre » [34].

Le monde ainsi vidé de Dieu par Nietzsche, celui-ci sera remplacé par le Surhomme, personnage incrédule, iconoclaste, négateurs des valeurs supérieures et créateur des valeurs de la vie, des valeurs mondaines, est identique aux acteurs de la postmodernité. Il ne serait même pas exagéré de dire que le Surhomme nietzschéen est encore en puissance, alors que le Surhomme de la postmodernité est un acte, le Surhomme réalisé. Car le postmoderne n’obéit à aucun idéal commun ou universel, il est sans repères, son seul repère c’est sa morale privée, individuelle ou communautaire. Ceci est une conséquence de la crise de l’idéal d’universalité moderne. Rorty a même proposé la privatisation de l’activité philosophique, car il se méfie des tendances totalitaires, englobantes de la pensée philosophique.

La question de la distinction entre morale privée et morale publique, entre ce qu’il y a lieu de laisser à l’initiative individuelle et ce qu’il y a lieu de prendre en charge au plan public (national, international, mondial) est une question bioéthique, biopolitique et biojuridique essentielle.

« La solution par la privatisation hâtive, écrit G. Hottois, justifié par le respect des autonomies, est dangereuse lorsqu’elle devient quasi automatique et qu’elle use d’un concept grossier et immoral de l’autonomie individuelle » [35].

L’autonomie est une valeur moderne essentielle. Mais Kant la conservait comme à la fois personnelle et universelle ; de plus, elle était un idéal jamais parfaitement réalisé sur terre et à promouvoir en soi et en autrui. Principe d’autonomie et principe de bienfaisance étaient étroitement associés.

Dans la société postmoderne, l’autonomie personnelle est pervertie, car elle devient la seule source d’autorité morale et de légitimation après le déclin des grands récits et mythes de la légitimation universelle. On sait que le respect de l’autonomie personnelle, sous la forme notamment du consentement libre et éclairé, est le principe numéro 1 de la bioéthique.

« Mais coupé de l’idéal universaliste, d’émancipation, d’éducation et d’égalité de la modernité, explique Hottois, l’appel à l’autonomie et au respect de l’autonomie semble reconnaître la permission de bien des choses. Il suffirait qu’une personne soit adulte pour être déclarée pleinement autonome, quelle que soit sa situation matérielle (dénuement) ou psychologique (analphabétisme, par exemple.) » [36].

Devenu un concept juridique ou formel, le principe d’autonomie conduit alors à l’indifférence ou à l’individualisme égoïste, à l’exploitation, pourvu qu’elle n’use pas de violence physique. Il conduit au triomphe du plus fort ou du plus habile. Une partie considérable de la bioéthique libérale à tendance libertarienne peut mener à ces dérives où l’on ne verrait pas d’objection à ce qu’au sein du grand marché mondial, un pauvre vende « librement » un rein à un riche. « Le jeu de l’autonomie des personnes ne peut fonctionner éthiquement que dans une société dans laquelle les idéaux d’égalité et de justice sont déjà largement concrétisés » [37].

Mais dans un contexte postmoderne chaotique, déchirée et divisée par des micro-morales privées antagonistes, quelle éthique proposer dont la téléologie serait de réaliser la « synchronie » ou l’unité de l’espèce humaine ?

Nous pensons qu’une éthique adaptée à la postmodernité est de type fondationaliste, c’est-à-dire fondée sur des valeurs universelles et apodictiques, émanation de la raison, attribut essentiel de l’humain. Ces valeurs universelles pourraient avoir pour Référents absolus, Dieu ou la Nature ou la Raison. Une éthique basée sur les principes rationnels et universels nous semble la plus humanisante et la plus hominisante, en ce sens qu’elle constitue justement un fondement éthique commun à partir d’où on pourrait dériver les réponses pour les conflits moraux. Car l’un des risques que présente l’éthique procédurale de la discussion développée par J. Habermas, et que G. Hottois considère comme la plus appropriée dans un monde postmoderne, est, en dépit du fait qu’elle favorise la discussion entre les « étrangers moraux » en vue d’aboutir à un consensus, d’imposer nos convictions, nos croyances, et qui proposent une image précise de la bonne vie, de ce qu’il faut faire et ne pas faire aux autres, ce qui pourrait nous replonger dans la logique des micro-morales privées.

L’éthique humaniste et fondationaliste, est aussi valable pour le règlement de conflits moraux entre les capitalistes et les consommateurs, dans un contexte postmoderne éconocratique et éconofasciste, où l’argent régule les rapports interpersonnels, et où la technique est instrumentalisée pour servir les intérêts capitalistes bassement égoïstes.

CONCLUSION

Le monde postmoderne, parce que parcellaire, fragmenté, émietté et atomisé, connaît un problème majeur : celui de trouver une passerelle éthique entre la mosaïque de communautés axiologiques antagonistes, et réaliser l’unité de l’humanité. Un autre problème non moins important, est celui de la collusion entretenue par la technique et l’économie ; collusion qui profite non pas à l’ensemble de l’humanité, mais plutôt aux capitalistes détenteurs des multinationales. Cet environnement pluraliste et marchandisé a contaminé le champ cognitif bioéthique. Pour essayer de conjurer le fatalisme, nous avons proposé une éthique fondationaliste pour la postmodernité, en guise de résistance conceptuelle à un phénomène plutôt déshumanisant et anti-humaniste. Le mérite de cette éthique, c’est de proposer du fondement éthique paradigmatique aux « étrangers moraux » qui peuplent la société postmoderne, et réconcilier ainsi l’espèce humaine avec elle-même.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  1. Ouvrages

DURAND, G., Introduction générale à la bioéthique, Québec, Editions Fides, 1999.

HABERMAS, J., La technique et la science comme « idéologie », Paris, Gallimard, 1973.

HOTTOIS, G., Le paradigme bioéthique, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, s.a., 1990.

– Les mots de la bioéthique. Un vocabulaire encyclopédique, Bruxelles-Montréal, De Boeck-Erpi, 1993.

KANT, E., Fondement de la métaphysique des mœurs, Paris, Hatier, 1963.

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  1. Articles

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[1] Université de Dschang, Cameroun

[2] LYOTARD, J-F., La condition postmoderne, Paris, Eds de Minuit, 1979, p.7.

[3] HOTTOIS, G., « La bioéthique : une école de la complexité », in La Revue générale, n°10, octobre 1996, p.7-8.

[4] KANT, E., Fondements de la métaphysique des mœurs, Paris, Hatier, 1963, p.25.

[5] LYOTARD, J-F., La condition postmoderne, op. cit., p.7.

[6] LYOTARD, J-F., La condition postmoderne, op. cit., p.7.

[7] LYOTARD, J-F., La condition postmoderne, op. cit., p.11

[8] Voir A. TOURAINE, La société postindustrielle, Paris, Denoël, 1969.

[9] HOTTOIS, G., « Droits de l’homme et technoscience : l’universel moderne en discussion », in FISP, Görerme, octobre, 1997, p.3.

[10] LYOTARD, J-F., op. cit., p.98

[11] HABERMAS, J., La technique et la science comme « idéologie », Paris, Gallimard, 1973.

[12] LYOTARD, J-F.., op. cit., p.98.

[13] Ibid., p.8-9.

[14] HOTTOIS, G., « Droits de l’homme et technoscience : l’universel moderne en discussion », op. cit., p.4.

[15] Ibid., p.4.

[16] HOTTOIS, G., « Droits de l’homme et technoscience : l’universel moderne en discussion », op. cit., p.4.

[17] LYOTARD, J-F., Le postmoderne expliqué aux enfants, Paris, Gallimard, 1988, p.20.

[18] HOTTOIS, G., « Droits de l’homme et technoscience : l’universel moderne en discussion », op. cit., p.4.

[19] HOTTOIS, G., « Droits de l’homme et technoscience : l’universel moderne en discussion », op. cit., p.6.

[20] ROY, David J. et al., La bioéthique. Ses fondements et ses controverses, Bruxelles- Montréal, De Boeck -ERPI, 1995, p.38.

[21] HOTTOIS, G., Le paradigme bioéthique, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, s.a., 1990, p..182-183.

[22] DURAND, G., Introduction générale à la bioéthique, Québec, Editions Fides, 1999, p.10.

[23] THEVOZ, J-M., Entre nos mains l’embryon, Genève, Editions Labor et Fides, 1990, p.23.

[24] HOTTOIS, G., « La bioéthique : une école de la complexité », op. cit., p.7.

[25] HOTTOIS, G., « La bioéthique : une école de la complexité », op. cit., p.9.

[26] HOTTOIS, G., « La bioéthique : une école de la complexité », op. cit., p.55.

[27] MONO NDAJANA, H., « La place de l’homme dans le nouveau système du monde », Exposé à la journée d’Etude sur le thème « Humanisme et Mondialisation » organisée par l’UCAC, Yaoundé, le 02 Juin 2001, p. 14.

[28] HOTTOIS, G., « Les technosciences dans la société », in Revue européenne des sciences sociales, t. XXXV, 1997, p.51.

[29] HOTTOIS, G., « Les technosciences dans la société », in Revue européenne des sciences sociales, t. XXXV, 1997, p.55.

[30] HOTTOIS, G., Les mots de la bioéthique. Un vocabulaire encyclopédique, Bruxelles-Montréal, De Boeck-Erpi, 1993, p.58-59.

[31] HOTTOIS, G., Les mots de la bioéthique. Un vocabulaire encyclopédique, Bruxelles-Montréal, De Boeck-Erpi, 1993, p.58

[32] HOTTOIS, G., Les mots de la bioéthique, op. cit., p.58.

[33] G. HOTTOIS, « Droits de l’homme et technoscience : l’universel moderne en discussion », op. cit., p.6.

[34] NIETZSCHE, F., Ainsi parlait Zarathoustra, Paris, Labyrinthe, 1993, p.24.

[35] HOTTOIS, G. « Droits de l’homme et technoscience : l’universel moderne discussion », op. cit., p.7.

[36] HOTTOIS, G. « Droits d l’homme et technoscience, op. cit., p.7.

[37] HOTTOIS, G. « Droits d l’homme et technoscience, op. cit., p.7-8