Philosophie

HOUNTONDJI : LE SENS D’UN COMBAT

Ethiopiques n° 76. Centième anniversaire de L. S. Senghor.

Cent ans de littérature, de pensée africaine et de réflexion sur les arts africains

1er semestre 2006

Il est des noms qui à eux seuls sont des références et portent témoignage : celui de Hountondji relève de ceux-là. Témoin d’une histoire, acteur d’un combat, sujet à la quête de soi, Paulin Hountondji voit son nom lié à l’histoire de l’Afrique, à la trajectoire d’un idéal qui ne saurait trouver son sens en dehors d’une exigence de vérité et de dignité. Ce parcours, il est vrai, reste envahi par le moment que constitue la critique de l’ethnophilosophie : celle-ci finit par occulter la complexité de l’itinéraire intellectuel. Des urgences ont imposé une priorité et une certaine tournure au questionnement sur la science, sans que l’inspiration rectrice qui confère sens et unité à l’effort théorique soit jamais perdue de vue. D’une certaine manière, le politique offre des grilles d’intelligibilité à la science, en ce qu’il détermine les conditions d’exercice critique de la pensée, les interrogations de celle-ci, ses approches et surtout ses propres enjeux. Il y a, retracée dans ce combat pour le sens, l’histoire d’un défi, celui qui consiste à reprendre l’initiative historique, à réapprendre à se regarder, à regarder autrui, à reconstruire sa propre dignité. Cette histoire est aussi, et on s’en doute, celle d’un corps à corps avec l’idéologie, avec ce travestissement de la science ou de la philosophie ; corps à corps qui cherche à rendre possible un regard authentique sur soi et à en clamer l’impérieuse nécessité du fait même des enjeux. Au cœur de ce chemin pour le sens se trouve un travail de déconstruction légitimé par l’extraversion et ses effets pervers ; la critique de l’ethnophilosophie participe à ce travail et prépare la réappropriation critique des savoirs. Que Hountondji soit interpellé sur ces deux plans n’est point surprenant pour deux raisons au moins : d’une part, pour des enjeux politiques en ce qu’ils déterminent les conditions de possibilité de la science en terre africaine et, d’autre part, au nom de la modernité africaine à construire et qui en appelle bien évidemment à un cogito responsable et inventif. L’épreuve démocratique aujourd’hui en cours en terre africaine avec ses convulsions, ses incertitudes et ses doutes, montre que ce combat pour le sens n’était pas vain et que l’émergence du sens, et subséquemment du cogito, passe nécessairement par la « banalisation » de l’Afrique. Il faut construire autrement la question de l’identité, non par l’affirmation de sa propre singularité, mais par celle du pluralisme théorique et politique. Aussi procéderons-nous à une reconstruction de l’itinéraire de Hountondji en mettant en exergue la logique qui la sous-tend, laquelle prend acte du primat du politique et pose la nécessité du travail de déconstruction qui mène au sens.

  1. SCIENCE, PHILOSOPHIE, IDEOLOGIE : LE PRIMAT DU POLITIQUE

« Le sens global de l’omniprésence du politique ne m’a jamais quitté »

Il serait peut-être audacieux, en parcourant l’itinéraire intellectuel de Hountondji, de déceler dans sa pensée un primat du politique ; ce qui, sans doute, laisserait croire à un infléchissement d’une pensée qui trouve sa source originelle dans la philosophie de Husserl. De la lecture de Husserl, des travaux académiques qui en ont résulté, Hountondji retient une exigence fondamentale qui est celle de la philosophie : « Rechercher la certitude apodictique de l’épistémè » [2]. Cette certitude installe paradoxalement l’inquiétude au cœur de la science. De ce fait, la science est soumise à évaluation et réévaluation permanentes, d’où l’impossibilité pour elle d’exister objectivement en dehors de sa propre littérature, laquelle est à la fois sa tradition et le point d’ancrage à partir duquel le sens construit son présent à venir.

Parce qu’elle est une pensée sans dogme, une pensée qui est toujours tournée vers l’avenir, la science ne peut exister que comme construction, d’où l’impératif de la méthode. La double référence au sujet et à sa vie intellectuelle d’une part, à l’éthique et à l’effacement de soi d’autre part, montre, contre le psychologisme, qu’il existe une légalité universelle du vrai. Pour autant, la réflexion sur les conditions du passage à la science ne saurait se réduire à cette préoccupation fondamentale. La fréquentation de Husserl a permis à Hountondji de donner corps à son credo : l’espérance d’un nouvel ordre scientifique qui doit, par son effectuation, se transformer en but à atteindre. Il s’agit là d’un impératif dès lors que la science n’est pas recherchée simplement ou exclusivement pour elle-même, mais pour ce à quoi elle donne sens, c’est-à-dire l’existence collective de l’humanité. La préoccupation épistémologique renvoie de ce fait à quelque chose qui la transcende parce qu’étant plus fondamental : l’Ethique.

On est là au point de jonction de l’Universel et du particulier. C’est parce que sont postulées ici la « légalité universelle du vrai », et une « éthique de la pensée vraie » [3], que le sujet est fondé à revenir à sa propre trajectoire historique pour questionner son rapport à la science. Le particulier devient ainsi une façon de se rendre présent l’Universel, de s’y rendre présent effectivement et activement, en quelque sorte, d’éprouver sa propre humanité. Aussi cette préoccupation ne peut-elle confiner ni au soliloque, ni au solipsisme ; elle ne peut se réaliser pleinement que dans l’intersubjectivité comprise comme visée d’un monde commun, comme condition de possibilité de l’universalité.

Dès lors, parce qu’il est convaincu par Husserl que la science n’est pas un problème parmi d’autres, mais qu’elle se doit d’être la préoccupation centrale, Hountondji se rend compte qu’il ne peut être question de faire l’impasse sur ses conditions de possibilité. En effet, s’interroger adéquatement sur la science, sur les procédures logiques, invite à aller au-delà de considérations proprement épistémologiques pour voir le sujet placé en face de sa propre histoire et s’interroger sur la façon dont il est impliqué dans la question de la connaissance, dans le processus de production scientifique : qu’est-ce qu’il produit ? Pour qui produit-il ? A quoi sert ou doit servir ce savoir ? Cette posture du sujet, consécutive à un retournement qui lui-même est condition de possibilité d’un discours autre, droit d’énonciation de ce discours, circonscrit le lieu, politique ici, à partir duquel le champ théorique peut se prévaloir d’une pertinence. Hountondji lui-même l’affirme : « La politique désigne par delà les préoccupations immédiates, la vision globale que nous avons du destin de notre société, et plus généralement du destin de l’humanité » [4]. Il y a comme une résurgence ou réminiscence du sens qu’Aristote attribuait à la politique en la définissant comme la science architectonique.

Le problème à résoudre consisterait alors à replacer l’Afrique, comprise comme marginalité sociale et par conséquent théorique, au centre du questionnement. Ce travail de subversion doit être considéré par l’Africain comme l’acte fondateur de la pensée et de sa charge légitimante :

« L’autonomisation de la pensée devait commencer par un effort pour forger des problématiques originales, non pas par souci de faire du neuf à tout prix mais par souci d’authenticité, par volonté de soi-même en laissant libre cours aux questions que l’on se pose spontanément en tâchant de les porter à un degré supérieur d’élaboration, au lieu d’accepter passivement les questions que d’autres se posent ou nous posent à partir de leur propres préoccupations » [5].

Se poser soi-même sa propre question, faire de sa pratique théorique le lieu de son identité sont, semble-t-il, corrélatifs à l’affirmation d’un sujet qui se construit concomitamment à l’acte de penser. A l’instar de ce qui s’observe chez Descartes ou Hobbes, l’acte de penser se pose toujours comme acte de rupture : rupture avec la tradition, rupture avec l’autorité. L’identité ne peut surgir que de ce regard authentique sur soi, et surtout, dans le fait de se déconnecter du fantasme de l’Autre. Là réside sans doute le piège. L’attestation de l’existence d’une culture ou d’une identité, et l’attestation d’humanité imposées d’une certaine manière comme impératif catégorique pour tout philosophe ou scientifique africain, ne peuvent s’épuiser totalement dans une opération mimétique qui doit sans cesse et paradoxalement donner sens à la différence :

« La recherche de l’originalité est toujours solidaire d’un désir de paraître. Elle n’a de sens que dans le rapport à l’Autre, dont on veut à tout prix se distinguer. Rapport ambigu dans la mesure où on affirme sa différence, mais où, en l’affirmant, on n’a de cesse que l’Autre l’ait effectivement reconnue » [6].

Il y a de ce fait une dérogation à l’exigence de scientificité pour faire jouer pleinement la charge idéologique, s’il est vrai que la science est appréhendée comme « une construction, un ensemble de pratiques méthodiques » [7]. Le travail de réhabilitation se trouverait ainsi totalement capturé par la monstration de quelque chose qui serait déjà là, qu’il s’agirait simplement de mettre à nu, de mettre à la portée de l’Autre, et donc de faire exister pour autrui.

Dès lors, pour mieux appréhender le problème, on doit articuler à la leçon de Husserl la dette envers Althusser, non celui de 1968 qui opère un retour à l’idéologisme et au dogme, mais celui du Cours de philosophie pour scientifiques. Ainsi que le disait Pathé Diagne, reconstituant le point de vue de Hountondji dans ce qu’il nomme le débat euro-philosophes / ethno-philosophes, la référence théorique à Althusser n’était opératoire que comme repoussoir, elle devait aider à « revendiquer des libertés évanouies de penser, de dire ou d’écrire » [8].

La fonction assignée à la référence théorique à Althusser indique que la détermination première de la philosophie chez Hountondji ne peut résider en dehors de ce qui établit la discrimination entre le scientifique et l’idéologique, et qui assimile la philosophie à une théorie de la pratique théorique. Extirper la philosophie de l’idéologisme ou de la pratique idéologique, c’est restaurer la raison dans sa fonction critique ; c’est, dans un geste inaugural de liberté, montrer la raison dans sa subordination totale à l’exigence de rationalité et de scientificité. Autrement dit, la raison ne peut créer un espace de liberté lui permettant d’adopter une posture critique et herméneutique que si la conditionalité politique opère positivement dans ce sens. En s’appuyant sur Bachelard et Althusser, Hountondji voit dans la rupture avec l’idéologie le préalable de la science. Aussi peut-il se permettre d’écrire dans son ouvrage Sur la philosophie africaine « je dois principalement à Louis Althusser qui récuserait probablement aujourd’hui l’usage que j’en fais, l’idée de la philosophie comme théorie de la science, théorie de la pratique théorique » [9].

Il y a à libérer l’horizon théorique pour rendre possible un discours philosophique, un discours scientifique sur le continent.

Du primat du politique découle logiquement une décision théorique qui va imprimer à la démarche de Hountondji une orientation particulière. A partir du travail introductif sur Husserl, il procède à une pause dont il ne sous-estime pas le coût théorique. Pour autant, on ne peut conclure à un reniement : la problématique husserlienne relative à la science et à la rationalité garde sa pertinence et son actualité. Ce qui est en jeu se situe sur un autre registre : il s’agit réellement d’établir une tradition théorique proprement africaine et non de prendre part même à titre individuel à la question de l’Autre. Cette pause n’est pas un moment ordinaire de l’itinéraire intellectuel de Hountondji, mais l’instant décisif d’émergence du cogito qui construit son histoire, à travers, non le regard de l’Autre, mais le sien propre ; il faut convenir en effet que les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes mais sont posés par un sujet.

  1. LA DECONSTRUCTION DE LA FICTION COLONIALE

La construction d’une histoire propre par une autonomisation réelle de la pensée impose une sortie de la « bibliothèque coloniale » et du paradigme qui lui sert de support. Cette sortie ne peut faire l’économie d’un travail de déconstruction de la fiction coloniale et de sa source. Il importe dès lors d’appréhender les procédures d’appropriation de la fiction coloniale par les Africains et surtout de mettre à jour, par une approche globale, la logique qui informe une telle réalité :

«  On ne peut combattre efficacement le mythe de la supériorité blanche en y opposant un mythe inverse ; une bonne critique de l’ethnologie impériale et de sa mythologie doit au contraire commencer par la référer à son fondement, à savoir les rapports de force réels entre les sociétés primitives et les sociétés européennes » [10].

C’est le premier jalon d’un tel programme dont Hountondji ne perd pas de vue la visée pratique, qui est posé par l’exposé de Copenhague.

De la relation de l’Afrique et de l’Occident, de la logique coloniale qui a nourri cette relation, il importe de retenir le constat suivant de Fanon :

« Le colonialisme ne se satisfait pas d’enserrer le peuple dans ses mailles, de vider le cerveau colonisé de toute forme et de tout contenu. Par une sorte de perversion de la logique, il s’oriente vers le passé du peuple opprimé, le distord, le défigure, l’anéantit […] le résultat global recherché par la domination coloniale était bien de convaincre les individus que la colonisation devait les arracher de la nuit » [11].

Déconstruire cette logique qui sous-tend l’entreprise coloniale a très vite signifié l’érection en norme du relativisme culturel afin de mettre en place les conditions de l’altérité ; il s’est agi, dans le procès d’établissement de l’identité culturelle, de tenir pour postulat l’affirmation d’une « originalité posée comme absolue » [12].

L’ethnophilosophie, dans sa version occidentale comme du reste dans sa version africaine, participe à la fabrication, à l’invention d’une Afrique dans laquelle l’affirmation de l’existence d’une philosophie par la validation/valorisation des traditions culturelles n’est qu’une modalité de la fiction.

De Tempels à Kagame [13], la procédure est la même : il s’agit de l’exhumation d’une ontologie à partir « d’un ensemble de doctrines dévoilées par des enquêtes ethnologiques, sociologiques et surtout linguistiques et qui se donne comme la Weltanschaung propre à une grande partie de l’Afrique » [14]. Pour Tempels, la philosophie bantoue se réduit à une philosophie de la force. Faire de la force l’essence de l’être participe, sur le plan de la méthodologie, à une systématisation de la pensée africaine à travers trois principes : la capacité de renforcement ou de diminution de l’être-force ; la hiérarchisation des forces qui commandent une structure pyramidale de l’univers des forces ; la centralité de l’homme dans la création. Toutefois, la cohérence du système occulte difficilement la récupération missionnaire tentée par le R. P. Tempels.

Kagame va reprendre autrement l’œuvre de Tempels en lui conférant le statut de paradigme et en faisant de la langue un instrument de vérification. L’ontologie, qui transparaît à travers son étude des formes symboliques de l’univers bantou, donne à voir une catégorisation de l’être à partir de quatre prédicaments qui, d’une certaine manière, reprennent la table des catégories d’Aristote. Comme philosophie implicite, vécue, collective, l’ontologie du ntu est ce qui unifie et identifie l’univers bantou.

Chez Tempels comme chez Kagame, il y a la recherche d’une métaphysique africaine présentée comme création culturelle des Bantous. La finalité de ce discours ethnophilosophique en signifie aussi la nature extravertie. En effet, se donne à voir dans l’ethnophilosophie comme une impossibilité de procéder à la rupture épistémologique d’avec l’horizon colonial afin de produire un espace conceptuel « indigène ». L’affirmation de l’identité qui est à la base de l’ethnophilosophie n’est pas celle d’une identité pour-soi mais toujours d’une identité pour-autrui, laquelle s’inscrit nécessairement dans la réalité coloniale. L’ethnophilosophie peut alors se penser comme une invention de l’Occident, ou encore la réappropriation non critique d’un mythe qui rend aporétique tout discours sur soi. Par ailleurs, l’ontologie que cherche à exhumer et restituer l’ethnophilosophie semble peu à même de pouvoir œuvrer pour une libération politique, voire culturelle des sociétés négro-africaines en ce sens qu’il s’agit simplement d’une fausse déconstruction. Comme pensée collective et implicite, l’ethnophilosophie se fait le substrat d’un espace dont l’unification culturelle est le fait d’un bricolage discursif ; elle est simple fiction.

Cet espace unifié fictivement exclut le pluralisme théorique mais aussi la nécessité du débat interne, et ce, d’autant plus que le seul logos admis est le logos collectif. Le mythe de l’uniformité culturelle de l’Afrique apparaît ainsi comme le produit d’une relation d’altérité qui pose massivement l’Afrique, une Afrique exclusivement déterminée, réifiée par le fait colonial, devant un Occident qui, implicitement ou explicitement, est toujours donné comme pôle de référence.

La connexion unité culturelle – identité culturelle confère à cette fiction, à ce mythe fondateur, une certaine forme de sacralité qui pose l’identité comme horizon indépassable pour toute pensée et en exclut nécessairement tout postulat démocratique.

Ce mythe fondateur, à partir duquel tout champ théorique peut se penser et se concevoir, fonctionne comme un obstacle épistémologique dès lors qu’il requiert une adhésion affective, fusionnelle et non théorique voire critique. Sa propre fabrication institutionnalise et révèle des procédures de sacralisation d’un passé, d’une mémoire et d’un héritage. Il est évident que le référentiel auquel renvoient ces procédures de sacralisation n’est rien d’autre que le groupe, le collectif érigé en sujet, d’où l’impossibilité pour le « je » individuel de se poser comme sujet, comme lieu d’engendrement des questions. Aussi, l’affirmation de l’identité se fait-elle acte de déresponsabilisation absolue du sujet.

Que la critique de Hountondji s’acharne à démasquer et à ruiner l’unanimisme donné comme caractéristique essentielle de l’ethnophilosophie, ou encore qu’elle s’attaque à la « philosophie implicite et collective », il y a là des indications précieuses concernant les enjeux politiques et théoriques. Nous sommes effectivement à l’intersection ou plutôt au lieu de confluence du théorique et du politique. Si Hountondji salue l’élégance des pères (Cheikh Anta Diop), le silence de Kagame ou la tolérance des aînés (Alioune Diop, Louis- Vincent Thomas, Alassane Ndaw), c’est pour mieux se consacrer, dans la contre-critique, au « discours terroriste » de Niamkey Koffi et incidemment à celui d’Abou Touré et de Yaï. Le débat n’a de sens que rapporté à la question essentielle posée par Hountondji : de quoi parle-t-on ? Cette question est essentielle car elle renvoie à ce qui lui donne sens :

– qu’est-ce que la philosophie ?

– quelle en est la source, le sujet individuel ou le sujet collectif ?

 

On peut, pour mettre à distance ce que Hountondji appelle le « débat pollué » soulevé par la critique de l’ethnophilosophie, s’en référer à des repères fixes. On peut retenir comme un des repères la définition que Hountondji donne de la philosophie africaine et qui se trouve être l’argument principiel de Sur la philosophie africaine : « J’appelle philosophie africaine un ensemble de textes : l’ensemble, précisément, des textes écrits par des Africains et qualifiés par les auteurs eux-mêmes de philosophiques » [15]. Cette définition par elle- même met en exergue l’équivocité de l’expression de « philosophie africaine » à travers cette distance théorique qui, dans Sur la philosophie africaine sépare le concept vulgaire de philosophie africaine du « nouveau concept de philosophie africaine » [16].

Le second repère serait sans doute l’objectif premier de la critique de l’ethnophilosophie qui est de libérer l’avenir, de libérer l’horizon des possibles en extirpant la problématique du savoir en Afrique de son rapport exclusif à la question de l’identité : « Il fallait lever l’hypothèque intellectuelle que constituait, pour le penseur africain d’aujourd’hui, la détermination a priori d’un système de pensée auquel il était censé adhérer sous peine de renier son identité » [17].

La disjonction radicale établie par S. B. Diagne [18] entre la notion d’identité communautaire et l’intégrisme culturel qui en est la caricature, permet de mieux saisir les décalages qui peuvent exister entre l’identité comme réalité objective et le discours sur l’identité qui peut révéler une emprise totale de l’idéologie sur la science. Dans ce cas, la science devient un fait achevé quand la « rhétorique de la mise hors-jeu » annihile totalement la « logique de la contre-argumentation » : l’occidentalisme est ici de fait l’impossibilité de l’argumentation et de la critique.

La position de Niamkey s’inscrit en faux par rapport à la définition de la philosophie africaine donnée par Hountondji. Elle ramène le mode d’être de la philosophie non pas à la science comme prétendu, mais à « un commentaire idéologique des sciences existantes, à des fins d’exploitation et de mystification », à une « ruse pour la conquête du pouvoir » [19], à « une stratégie de classe » [20]. Ce qui est posé comme argument contre la prétendue hégémonie ou conception aristocratique de la philosophie fait de l’espace du concept un espace idéologique, un espace qui s’avère être le lieu de dissolution de l’universel, de la libre pratique discursive et tout simplement du dialogue. Et parce que la philosophie devient le lieu de travestissement de l’idéologie, il est possible, en se servant de Canguilhem (Niamkey) et Gramsci (Yaï), de lui conférer un sens fluctuant, extensif, qui fasse fi de la règle de l’univocité que Hountondji emprunte à Aristote et surtout qui trouve sa propre légitimation dans le relativisme culturel. La philosophie verse ainsi dans la vision du monde, et de fait n’a plus besoin d’un sujet qui la porte et qui en revendique la responsabilité. Il convient, dans ce cas précis, comme pour le concept de philosophie, d’avoir une conception extensive et fluctuante de la notion de texte et d’écriture, autrement dit de pratiquer « la dilatation du concept d’écriture » selon la suggestion de Derrida dans la Grammatologie. Cette procédure est par essence non discriminatoire : elle permet de prendre en charge les ethno-textes que Kagamé appelait les documents institutionnalisés. Il y a ici une récusation a priori de l’idéal de radicalité critique dès lors que ces ethno-textes sont consacrés dans leur « formule canonique » [21] qui accomplit le « procès d’archivage ». L’épreuve du sens qui se joue dans la philosophie se trouve ainsi sans objet, privée d’aventure.

Ce qui est ainsi posé globalement par la contre-critique, c’est la non acceptation de ce qu’elle considère comme un eurocentrisme et qui se travestit en universalisme ; ce qui en résulte, c’est l’érection en dignité d’une « philosophie » qui atteste de l’identité et de la culture africaines. Ce que Hountondji appelle la contre-critique savante continue donc de se situer dans la mouvance de la logique coloniale qui constitue un enfermement dans la question de l’identité, laquelle se réduit à un appendice de la conscience de soi de l’Occident.

L’Africanité, puisqu’en fait il s’agit de cela, peut-elle et doit-elle être plus qu’elle n’est en réalité ? Elle renvoie certes à un lieu géographique et concret qu’on peut situer. Il s’agit là d’une instance objective, neutre, où la question de l’identité et de l’appartenance se réduit à ce qu’elle est, c’est-à-dire la prise en compte d’une simple contingence qui permet de mieux affirmer ce qui importe : la primauté du fait humain, ontologique, sur le fait culturel. Ce lieu géographique est aussi un schème de l’imaginaire surdéterminé par des valeurs, des pratiques, une logique et une finalité qui se transmuent en éléments constitutifs d’une essence, d’une identité. On peut alors voir que le référentiel de l’Africanité passe du lieu physique, concret, neutre, au lieu construit et sur lequel opère l’imaginaire. Ce lieu construit répond à une demande, laquelle n’est pas autonome mais suscitée de l’extérieur, et toujours à des fins de justification. Le paradigme colonial et la logique qui le sous-tend ont toujours fonctionné avec ce lieu construit de l’Africanité en en faisant le lieu de projection des fantasmes, désirs, phobies ou encore mépris « suscités » par le Noir et qui modèlent, à travers le prisme déformant du regard blanc, l’épure de l’âme noire. Même si l’intention était d’y porter la contradiction, l’ethnophilosophie ainsi que la contre-critique savante se sont arrimées au paradigme colonial, cherchant toujours à convenir d’une attestation d’humanité. Ce paradigme colonial a une puissante capacité de réification : c’est la raison pour laquelle il n’interpelle jamais l’individu comme sujet de droit et donc comme point d’ancrage d’un régime de liberté et de délibération. S’inscrire dans ce paradigme, c’est d’une part ne pas pouvoir porter un regard (et c’est là le sens premier de la théoria), et d’autre part, c’est s’interdire toute historicité. C’est pourquoi délester l’Africanité de la surcharge de l’imaginaire participe effectivement à la libération de l’horizon des possibles.

Hountondji est conscient du primat du politique, des enjeux politiques d’un tel débat théorique. Il veut non seulement signifier à la contre-critique que la philosophie ne saurait être un travail d’exhumation et de restitution, mais qu’elle doit aussi, et c’est une condition sine qua non pour sa propre viabilité, sortir de son enfermement sur l’identité.

L’argument de la relativité linguistique, qui fait de la langue le support des institutions, ne peut nullement légitimer l’ethnophilosophie qui s’autoriserait alors d’un relativisme philosophique et culturel. Il est vrai que les catégories d’Aristote sont redevables de la syntaxe grecque et que Kagame, prenant appui sur ce fait, va considérer sa propre langue comme point de départ de son entreprise théorique pour définir une ontologie africaine. La critique de Wiredu, s’appuyant sur la traductibilité comme test d’universalité, permet à Hountondji de différencier la relativité du relativisme, et surtout de montrer que la mise en garde contre la fausse universalité des philosophèmes occidentaux ne saurait constituer en soi une délégitimation de l’exigence impérative d’universalité. Il y a cependant une concession importante à faire et que Hountondji finit par faire à l’ethnophilosophie. Il reconnaît volontiers qu’

« il y a de la pensée, assurément, une pensée anonyme, une pensée pour ainsi dire, sans sujet, logique et cohérente à sa manière, implicite, contraignante, imposant d’avance à toute démarche individuelle des choix et des orientations minimales […] en un mot, il y a de la pensée, certes, mais le vrai problème est de savoir que faire de cette pensée, comment à partir d’elle et au besoin contre elle, penser ici et maintenant en toute lucidité, loin de toute complaisance romantique, au milieu du drame immense de nos sociétés » [22].

A y regarder de plus près, la concession réaffirme avec plus de force les convictions de Hountondji en mettant en exergue les décalages entre l’ethnophilosophie et sa critique. La lecture de Marc Augé lui a permis de repréciser sa pensée, de prendre acte du particulier, de l’existence d’une idéo-logique (l’expression est de Augé) ou logique des représentations collectives des communautés humaines en ce qu’elle peut informer sur leur cohérence, leurs modalités et procédures, sur les schèmes de pensée qui les rendent opératoires. Par ailleurs, Hountondji reste fermement accroché au fait que la philosophie ne peut se réduire à une sociologie des représentations collectives. La prétention de l’ethnophilosophie reste irrecevable tant qu’elle n’admet pas le principe élémentaire qui consiste à référer le discours philosophique à un sujet qui le porte, qui le nourrit et pour finir qui en revendique la responsabilité.

En retraçant les itinéraires de la pensée négro-africaine pour une philosophie fondatrice, Alassane Ndaw n’a pas manqué de réitérer son souci de donner un démenti aux négateurs de la philosophie africaine, surtout à ceux qui lui reprochaient une modération de sa pensée. Que les Africains ne se soient pas souciés de constituer une philosophie au sens strict reste pour lui un fait incontestable ; il ne rejette pas pour autant l’impératif de s’interroger sur l’essence d’une discipline qui n’épouse pas le paradigme grec. Le fait par exemple que Hountondji ou Towa n’identifient pas la reconstruction d’une vision collective du monde à de la philosophie permet à Alassane Ndaw de contester ce qu’il considère comme une définition étroite de la philosophie. Pour lui, l’inexistence de critères externes pour la philosophie lui permet, en retour, de s’interroger sur qui a compétence pour décider de l’identité du philosophique. Alassane Ndaw admet que la philosophie est au départ opinion, vision du monde, élaborée par la suite. La référence au paradigme occidental montre, grâce à Heidegger pour qui l’origine grecque de la philosophie ne fait point de doute, que celle-ci a bien commencé comme une ethnophilosophie. Il est signifié ici la relativité de la philosophie grecque, ce qui en retour donne sens à la volonté de philosopher en tant qu’Africain. Pour Alassane Ndaw, la philosophie africaine, à l’instar de la philosophie grecque, doit partir du donné culturel et surtout de cette exigence méthodologique qu’il nomme idéal de radicalité critique. En ce sens, la philosophie ne saurait se réduire à un acte d’extraction ou d’exhumation mais devrait plutôt être un travail de reconstruction.

La question sous-jacente à ce débat est celle de savoir si on peut avoir une intention philosophique sans provincialiser l’Occident.

Pour Marc Chabot, « philosopher aujourd’hui c’est peut-être justement penser provincialement, c’est-à-dire proposer autre chose qu’une unanimité factice, mais faire voir plus que jamais la diversité des histoires et des humains » [23]. Cette détermination de la philosophie qui signifie sa propre historicité et valide par là même un polycentrement nouveau, ne saurait, pour autant, consacrer une pratique de la philosophie comme apologétique de la formule canonique. Elle a à dire tout simplement que l’épreuve du sens doit être vécue partout et de ce fait chaque province du monde se fait société ouverte.

Il y a lieu de réitérer ici le primat du politique et l’enjeu politique que Hountondji ne perd jamais de vue. L’histoire politique locale, contemporaine à la critique de l’ethnophilosophie et à la contre-critique savante, a fait voir l’effectivité de l’impossible postulat démocratique contenu dans l’ethnophilosophie. Le procès de l’assujettissement ou autoritarisme politique a trouvé dans l’ « exceptionnalité africaine » un régime de validation et de légitimation avec le culte de l’unanimité ou du primat de la communauté.

Le travail de déconstruction apparaît comme le préalable pour retrouver le chemin du sens. Celui-là, comme tous les autres chemins, donne naissance à des certitudes mais n’en est pas pour autant à l’abri d’objections.

  1. SUR LE CHEMIN DU SENS : CERTITUDES ET OBJECTIONS

S’interroger sur le savoir en Afrique c’est avant tout porter un intérêt fondamental à ses conditions de production et de possibilité. La démarche de Hountondji consiste justement à se mettre à la quête d’une approche globale qui seule pourra restituer la complexité de la question et ses enjeux.

Il est d’abord question de faire un constat : la production théorique africaine, le discours auquel elle donne lieu, prouvent, à n’en pas douter, qu’elle est essentiellement tournée vers l’extérieur. Les questions qu’elle pose, les méthodes et paradigmes qu’elle utilise, les objets qu’elle privilégie, les priorités qu’elle s’assigne, les lieux mêmes d’où elle s’énonce, traduisent son propre décentrement. Là réside justement le problème qui renvoie autant à une géographie qu’à une histoire. Le décentrement n’est intelligible que par rapport à une configuration spatiale qui circonscrit très nettement deux lieux :

– d’une part, un centre qui est le lieu des « bibliothèques, archives, maisons d’édition, revues et autres périodiques scientifiques… » et « où prend corps la mémoire scientifique de l’humanité… » [24] ;

– d’autre part, une périphérie dont l’identité reste déterminée par l’indigence des structures et infrastructures et qui connaît une crise persistante et structurelle de son enseignement supérieur. Cette géographie de la production scientifique constitue une détermination fondamentale de l’activité scientifique en Afrique ; n’ayant aucune prise sur les moyens de production de la science, étant tributaire des structures et infrastructures du Nord, la production théorique africaine se trouve objectivement dans une situation de dépendance et est logiquement extravertie. L’Afrique participe effectivement à la mémoire scientifique de l’humanité, mais elle le fait dans un rapport de totale subordination et ceci n’est pas sans incidence sur le plan épistémologique : l’enfermement dans le particulier, lequel montre que l’africanisme a encore de beaux jours devant lui, l’enlisement dans l’empirisme, l’engendrement de disciplines trompe-l’oeil ( médecine tropicale, agronomie tropicale, anthropologie sociale et culturelle…), l’absence totale de cette inquiétude qu’on trouve chez le chercheur habité par sa propre question.

Dans le cadre d’une approche globale, et pour donner sens à ce constat que dévoile une telle géographie, Hountondji emprunte à Samir Amin son concept d’extraversion, lequel lui permet de faire l’articulation avec une certaine histoire. L’extraversion permet de mettre en perspective le processus et les procédures d’intégration au marché capitaliste mondial, retraçant ainsi l’histoire du sous-développement ; cependant, ce qui est autrement plus important aux yeux de Hountondji c’est, d’une part, la mise à nu de la relation structurelle entre l’extraversion intellectuelle et celle économique et, d’autre part, la logique coloniale qui continue à prévaloir même si on ne peut plus parler de pacte colonial. Du moins, est-ce ce qu’il faut comprendre dans le propos suivant :

« Aujourd’hui comme hier, la demande théorique vient d’ailleurs, tout comme la demande économique. Demande théorique : système de questions qui déterminent et orientent la collecte des faits, tradition théorique dans laquelle surgit à un moment donné, sous l’effet de facteurs multiples et complexes, ce système de questions  » [25].

La division internationale du travail concerne donc le travail intellectuel et la production scientifique ; c’est pourquoi l’histoire de la production scientifique est à la fois et en même temps l’histoire du sujet qui produit, l’histoire d’un assujettissement. Mamoussé Diagne a bien perçu ce prolongement de la préoccupation de Hountondji quand il affirme que « l’extraversion ne se trouve pas seulement dans les thèmes, mais elle réside avant tout dans l’identité du sujet qui les formule et les impose. Elle constitue la version contemporaine d’une situation dissymétrique héritée de l’histoire coloniale. Et cette extraversion des problématiques est précisément la matrice de toutes les extraversions subséquentes, si nous comprenons une problématique comme « un champ structuré d’engendrement de thèses d’un certain type et de celles-là seulement » [26]. Cette extraversion se combine aussi à une fonction de travestissement qui consiste à faire croire que tous les lieux de cette géographie (Nord-Sud, Centre-Périphérie) sont interchangeables et donc ne sont pas qualitativement déterminés. Il y a, d’une part, mythification d’un lieu d’où s’ébranle la procession de modèles paradigmatiques et qui en fait l’Empire des paradigmes et, d’autre part, mystification en ce sens que ces modèles paradigmatiques se donnent à voir sous leur univocité radicale qui est l’universel. A travers la mythification et la mystification, est posé par l’Empire ou plutôt par la clôture de ce dernier, l’impossibilité de penser l’alternative, l’impossibilité de poser en pensée une autre forme d’altérité.

Il y a comme un impératif de s’aménager un lieu théorique et pratique où le sujet peut se poser directement sa propre question, celle- là seule qui le concerne parce que lui permettant de reprendre l’initiative historique et de forger du sens.

Toute posture critique nécessite une mise à distance, tant la prégnance des modèles paradigmatiques et l’intériorisation de la division internationale du travail restent vivaces, et constituent les vecteurs de ce que Hountondji appelle, à la suite de Kuhn, la science normale. Se départir de cette normalité, ou plus précisément accéder à ce qui institue cette normalité pour y inscrire le questionnement, pour y inscrire le droit de se poser la question en tant que sujet se découvrant, c’est à la fois poser son rapport au monde, à autrui, à travers un nouvel acte de penser, un nouveau mode de penser. Il y a là quelque chose de singulier qui n’est rien d’autre que l’énonciation d’une possible activité scientifique auto-centrée, endogène, qui reste donc subordonnée à l’impératif de la science extraordinaire.

On l’aura compris : à suivre la logique de Hountondji, il faut impérativement sortir du système. Cependant, cette certitude devient elle-même problématique par la formulation interrogative utilisée par Hountondji : « Sortir du système ? ». Il rejoint ainsi Samir Amin qui préconise comme solution à la dépendance et à l’extraversion la sortie du marché capitaliste tout en soulignant l’impossibilité d’en sortir. Malgré la difficulté essentielle dont elle est porteuse et qui est soulignée par Samir Amin, la déconnexion, puisque c’est de cela qu’il s’agit ici, peut ne pas être aporétique si elle est entendue dans cet esprit :

« Ne pouvant tout à fait sortir du marché mondial, il reste possible, cependant, d’en subordonner les exigences à celles du marché intérieur et aux impératifs d’une construction économique autocentrée répondant, en priorité, aux besoins en consommation des marchés locaux » [27].

Ce contenu attribué par Samir Amin à la déconnexion sur le terrain de l’économie est exactement ce qu’il faut élaborer pour le savoir en terre africaine. C’est ce qui permet de retrouver le chemin du sens, celui-là même qui trouvait résonance dans la série de questions principielles posées dans Les Savoirs endogènes : « A quoi sert cette recherche ? A qui profite-t-elle ? Comment s’insère-t-elle dans la société même qui la produit ? Dans quelle mesure cette société parvient-elle à s’en approprier les résultats ? » [28].

On peut, avant d’en venir à la solution préconisée, prêter attention aux modalités nouvelles des effets de l’extraversion intellectuelle sur le continent du fait de la mondialisation. Lors du colloque de la neuvième Assemblée générale du CODESRIA portant sur Globalisation et sciences sociales, Hountondji s’interrogeait pour savoir si les chercheurs du Sud sont devenus co-gestionnaires, co-auteurs, co-responsables des décisions concernant le savoir ou s’ils restaient toujours marginalisés. La réponse, pour lui, relevait de l’évidence : les chercheurs du tiers-monde n’occupent pas une position stratégiquement différente de celle qu’ils avaient auparavant. Aujourd’hui on note simplement leur cooptation individuelle par les structures du Nord, et par le débat qui s’y mène, même lorsque celui-ci a pour objet leur propre société.

Le problème concerne le savoir scientifique dans son ensemble et amène à se demander à quoi servent ces chercheurs africains. Comment fonctionnent-ils par rapport à l’économie globale des savoirs ? Sans revenir sur le pacte colonial, l’extraversion scientifique et la mondialisation, il importe cependant de noter que le lieu à partir duquel on se situe dans le monde est important car c’est par rapport à ce lieu d’ancrage qu’on organise sa propre autonomie.

Il faut interroger les savoirs, les systèmes traditionnels de connaissance, c’est-à-dire les ethnosciences. Il faut aussi prendre en considération les frontières invisibles qui permettent de penser l’exclusion. Il y a à délimiter un espace que nous puissions maîtriser et faire de telle sorte que notre continent devienne un lieu de capitalisation du savoir.

En réponse à Hountondji, S. B. Diagne a porté son attention sur deux aspects importants du problème : l’enfermement africaniste et la déterritorialisation des interrogations. Il y a selon lui deux manières de comprendre une présence africaine : soit par des discours circonscrits en Afrique, soit par la présence marquée des Africains sur des thèmes universels.

La globalisation laisse entrevoir un espace non homogène et l’existence de centres d’excellence entraîne nécessairement la fuite des cerveaux : il est de la nature du savoir de s’attirer les éléments bien formés. Penser globalement impose de penser ces tendances. L’espace de la globalisation doit transformer la diaspora en opportunité. Il faut savoir passer les frontières et penser la culture comme le fait d’être exigeant sur le plan de l’innovation. Par ailleurs, un renversement de la tendance de l’éducation par différentes voies paraît incontournable et ce,

– par une politique de mise en culture des sciences et techniques et donc par une politique de vulgarisation ;

– par un programme de recherche sur les ethnosciences qui ne valent que parce que quelque chose peut y être mobilisable aujourd’hui ;

– par une politique qui sache saisir l’exode comme chance (cf. le programme TOCTEN des Nations-Unies).

Les deux présentations restituent deux modalités de la présence africaine dans la production du savoir, deux lieux de cette présence différemment déterminés : la présentation de Hountondji met l’accent sur la division internationale du travail et donc sur la logique de la dépendance, celle de S. B. Diagne se préoccupe plutôt de comment dilater notre propre espace pour être présent dans les lieux où les paradigmes s’énoncent. Il importe très certainement d’articuler ces deux lieux et de voir, par ailleurs, quelles sont les questions posées dans les centres d’excellence qui peuvent prendre en charge nos propres interrogations.

Les esquisses de solution préconisées lors de cette discussion pour prendre en charge à la fois les dimensions pratique et théorique du problème montrent que celui-ci est on ne peut plus complexe. Sans vouloir nous prononcer sur l’ensemble de la solution, nous essaierons néanmoins d’examiner la dimension théorique qui concerne la réappropriation critique du savoir. Visiblement, le chemin du sens est celui de cette réappropriation du savoir mais Hountondji se veut précis : nous avons participé à l’élaboration du savoir ; lequel du reste est toujours considéré comme patrimoine commun de l’humanité. Toutefois, la forme et la qualité de cette participation nous ont toujours été imposées. Il s’agit désormais de choisir nous-mêmes la forme et la qualité de cette participation, ce qui ne peut se faire sans une réappropriation critique du savoir, un rapport autres aux savoirs « traditionnels » dont un des premiers jalons serait un bilan critique des ethnosciences.

Si, au pari pour la rationalité contenu dans la réappropriation critique des savoirs, ne peut être opposé nulle fin de non recevoir, les deux actes théoriques posés par Hountondji ont suscité des discussions qui donnent une idée de l’ampleur de l’enjeu. Le CODESRIA a abrité ces discussions stimulantes suscitées par la réflexion de Hountondji que C. Bowao a nommé le débat Hountondji-Diagne [29]. Qu’on prenne comme point d’ancrage le concept démarginaliser ou le néologisme désethnologiser, il s’agit toujours, comme l’indique C. Bowao, d’un débat d’orientation. En mettant ainsi en exergue l’enjeu du débat, C. Bowao souligne immédiatement : « Tout se joue et se rejoue autour de la revendication identitaire africaine. C’est bien cette exigence ethno-idéologique […] que réhabilite ici, avec des réserves plus ou moins significatives, la démarginalisation prônée dans et par les savoirs endogènes » [30]. Si démarginaliser ne signifie pas nécessairement désethnologiser, faut-il dès lors soupçonner Hountondji de revenir lui- même à ce qui faisait le péché de l’ethnopholosophie ? D’aucuns n’ont pas manqué de formuler cette critique que rappelle S. B. Diagne dans sa préface aux Savoirs endogènes.

Il y a lieu pour l’heure de laisser tel quel ce soupçon pour en venir directement à la grande question, « comment démarginaliser aujourd’hui les savoirs traditionnels, comment les désenclaver pour les intégrer au mouvement de la recherche vivante, par quelles méthodologies on pourrait les tester, les contrôler et, selon les cas, les invalider ou au contraire les valider, partiellement ou totalement, en séparant le grain de l’ivraie, en distinguant le rationnel du mythique ? » [31]. Le démarginaliser trouve son sens dans un travail préalable d’exhumation et ensuite seulement dans la mise en place d’une procédure de validation/invalidation ou d’actualisation de ces savoirs endogènes. L’enjeu, qui est ici de reconstruire l’unité du savoir et de l’existence, est à rappeler pour saisir l’importance des objections de C. Bowao et de S. B. Diagne. Dans cette perspective, deux questions méritent d’être rappelées. S. B. Diagne [32] montre que dans l’entreprise de validation des savoirs endogènes, le tri devient problématique dès lors que le savoir est conçu comme un ensemble, une cohérence, une pertinence, autrement dit un système organisé de sens. Comment, dans ce cas, séparer la bonne graine de l’ivraie ? A cette première interrogation s’ajoute une seconde autrement plus fondamentale : en quoi la démarginalisation des savoirs endogènes permet-elle de subvertir la logique de l’extraversion ? Ou alors, Hountondji cherche-t-il à mettre en place un autre système de recherche ?

Ces interrogations soulevées par S. B. Diagne ont le mérite d’indiquer que la difficulté inhérente à la démarginalisation est bien réelle. Hountondji [33] lui-même en prend acte mais réaffirme cependant le devoir impérieux de reconstruire l’unité du savoir, donc de l’homme, à travers une interaction des paradigmes auxquels se réfèrent nos pratiques intellectuelles et de vie. Soit, mais on peut nourrir à cet endroit quelque déception liée en partie au sens à donner à la reprise d’un paradigme d’autant plus que l’instrumentalisation de l’épistémologie pour légitimer l’ethnoscience semble enferrer Hountondji dans le piège idéologique et identitaire. Sans doute est-ce ce qui conduit C. Bowao à cette prise de position radicale : « Il ne saurait y avoir d’ethnoscience en général » [34], s’arrimant pour cela à l’exclusive universalité de la démarche et des résultats de la science. C. Bowao est conforté en cela par la pertinence de la position de l’hydrologue Abel Fouda :

« Il serait bon que la génération d’intellectuels africains oriente le savoir traditionnel dans le domaine de la gestion de l’atmosphère, vers la recherche de solutions à ce problème. Il nous faudra pour cela adopter une attitude universalisante, favorisant la mathématisation des hypothèses relatives à la nature, et pouvoir reconnaître toutes ses implications dans le domaine de la technologie avancée » [35].

A ramener ainsi l’Afrique sur « le chantier où s’édifie l’héritage scientifique de l’humanité » [36], on peut se demander quelle pertinence il y a encore à rattacher la science à une détermination géographique si ce qui la valide comme science résulte uniquement de l’universalité de sa méthode et de ses résultats, condition sine qua non pour formuler des conclusions universelles et nécessaires.

Il serait intéressant à ce niveau de rappeler un paradoxe formulé par Alexis Adandé dans les Savoirs endogènes :

 

« Aussi paradoxal que cela puisse paraître, de prime abord, ce n’est que dans les pays bien équipés en laboratoires performants que l’on peut tirer le meilleur parti des analyses des technologies anciennes ou traditionnelles. En effet, pour reconstituer et comprendre des procédés simples en apparence, il faut souvent mettre en œuvre les moyens sophistiqués de la science et de la technique modernes » [37].

Ce paradoxe met en évidence, dans une certaine mesure, les limites du démarginaliser, de sa capacité à subvertir l’extraversion intellectuelle.

Dans sa présentation à la neuvième Assemblée générale du CODESRIA, Hountondji notait quelque modification sensible dans l’approche de l’ethnoscience, indiquant par là que « les systèmes de connaissances endogènes sont de plus en plus étudiés non pour eux-mêmes, mais pour leur contribution possible au développement » [38]. Il remarque toutefois, et cela est d’une importance capitale, qu’« une seule chose manque aujourd’hui comme hier : l’appropriation, par les populations concernées elles-mêmes, de ces discussions d’experts, le renforcement de leur capacité à choisir par elles-mêmes et en toute connaissance de cause ». Dans quelle mesure peut-on espérer dès lors voir une telle approche mettre un terme à la relation d’extériorité entre une société et le savoir scientifique ?

Quel peut être le but de la validation des savoirs traditionnels si le système de pertinence et de cohérence qui sert de substrat à ces savoirs et savoir-faire endogènes n’est plus, que le savoir des civilisations de l’oralité n’est pas autonome, ce que Hountondji lui-même reconnaît par ailleurs ?

Le démarginaliser peut fonctionner comme ruse de la raison. C’est pour cela que C. Bowao, reprenant l’interrogation de S. B. Diagne, démontre que le démarginaliser n’a de sens qu’entendu comme désethnologiser ; il n’est acceptable que comme tel. Ce qui est en jeu à travers le démarginaliser et le désethnologiser, c’est bien, d’une certaine façon, la question de la modernité, une modernité qui est plus un travail de construction que de reconstitution.

Dans cette perspective, il s’agira moins d’ethnoscience que de science ou alors de technoscience, celle-là même qui met en situation la raison et qui se donne l’humain comme horizon. Il est nécessaire de se départir du binôme qui structure stérilement notre pensée, voire notre imaginaire, et qui ne peut nous sortir du piège de la fausse altérité ; sans doute faut-il commencer par investir d’autres espaces, d’autres cultures qui ont procédé à une expérience réussie.

La question de la modernité nous renvoie paradoxalement à celle de la tradition. En un sens, le problème est amorcé par Hountondji mais non mené à son terme. Du moins est-ce l’impression qu’on peut avoir quand on le voit s’interroger dans les Savoirs endogènes sur la terminologie à adopter : traditionnel ou endogène. La terminologie subsume un problème que Hountondji préfère prévenir lui-même pour dénoncer son innocence apparente. Avec ce qualificatif traditionnel, il dénonce l’opposition unilatérale au moderne qui, parce qu’il se pose comme pôle normatif, prive d’historicité ce type de savoir, le pétrifie par-là même et rend impossible le travail de déconstruction idéologique.

L’autre particularité de ces types de savoirs réside dans le fait qu’ils renvoient à des technologies efficaces « historiquement et anthropologiquement attestées », ce qui, par ailleurs, confirme la régression technologique vécue par les civilisations africaines. Leur disparition de la mémoire collective est subséquente à la logique d’extraversion qui les situe à la marge du savoir, à la périphérie de la science. L’Afrique a certes besoin de science mais on peut se demander si l’orientation de Les Savoirs endogènes nous met réellement sur la voie. Quelle peut être l’efficacité d’un savoir ou d’un savoir-faire qui ne survit pas dans le temps ? J. d’Hondt a bien raison quand il soutient qu’

« Il y a un progrès de la connaissance, et des nouveautés qui par à-coups successifs viennent l’enrichir. Il s’agit, chaque fois, non pas d’une rupture avec toute une tradition, mais d’une rupture avec une tradition morte, désadaptée, incapable de produire désormais du nouveau et d’assurer un progrès, au profit de la tradition vivante, active, créatrice » [39].

A tenir cette affirmation pour quelque chose de fondé, quelle peut alors être la tâche de la philosophie en Afrique ? N’y a-t-il pas lieu de concevoir une double tâche ?

D’abord une tâche théorique ; une fois qu’on aura compris que la question fondamentale du sens de l’existence ne se réduit pas à la question de l’identité, on pourra alors assigner à la philosophie une tâche de compréhension, une tâche d’intelligence qui nous permette à la fois de penser notre actualité et de sortir de la minorité. Il s’agit d’abord de cultiver une façon de philosopher et de promouvoir une attitude philosophique. Cette tâche théorique doit se subsumer dans la critique de ce que nous sommes. Il s’agit de nous penser comme réalité confrontée à certaines limites mais aussi comme capacité à les dépasser et à aller au-delà. Il s’agit de savoir comment penser les capacités de savoir à l’intérieur de nos sociétés rythmées par un temps pluriel et différencié pour qu’elles puissent générer des capacités de pouvoir. Quels sont les événements qui nous permettent de retracer ce que Foucault appelle cette ontologie historique de nous-mêmes ? L’attitude philosophique qui nous permet de penser notre actualité et de sortir de la minorité circonscrit les rapports que l’usage privé et public de la raison doit entretenir avec la volonté et l’autorité.

Ensuite, la tâche pratique de la philosophie qui doit s’entendre comme prise en charge critique de ce qui constitue l’événement en Afrique : la démocratie. Cette dernière constitue aujourd’hui la figure historique de l’Utopie, mais, paradoxalement aussi, son effectuation semble le plus souvent ne pouvoir se faire que sur le mode de la dramatisation. Confronter la promesse de l’événement à sa réalité, c’est à cette épreuve éthique que doit s’atteler la philosophie aujourd’hui en Afrique.

Par cette double tâche, théorique et pratique, la philosophie en Afrique inaugure le moment de la liberté.

Il s’agit, d’une part, d’une liberté qui s’incarne d’abord dans un sujet, un cogito qui s’affirme à travers un travail de déconstruction et d’affranchissement : déconstruction d’une fausse altérité, d’une fiction coloniale, affranchissement d’une tradition théorique qui en fait n’a jamais pu s’exclure du paradigme colonial. Si le travail de déconstruction semble avoir été bien mené par la critique de l’ethnophilosophie, Les Savoirs endogènes nous rend plus circonspects sur le travail d’affranchissement du paradigme colonial et du piège identitaire.

Il s’agit, d’autre part, d’un usage public de la raison qui nous permette de penser un espace et une société démocratiques où l’intersubjectivité puisse trouver ancrage et surtout être consolidée.

Au colloque sur Les héritages du passé [40] Hountondji avait défendu la thèse de l’identité comme projet. Cette thèse qui s’inscrit dans une démarche d’ouverture, ouverture à soi, au monde et à l’universalité, prend en charge une histoire assumée. L’objectif bien entendu est de donner sens au futur, un futur qui refuse l’hypothèque du passé pour aller dans le sens de l’innovation et de la rationalisation. L’inscription de l’Afrique dans la modernité ne peut faire l’économie de la destruction du sacré, qui prend la figure du passé, de la tradition et de l’identité comprise dans un sens restrictif et statique. Ce défi est encore plus urgent avec la mondialisation en ce qu’elle pose l’interaction des problèmes locaux et globaux qui se posent à toute l’humanité. Le défi de la philosophie est de penser cette interaction, de lui donner sens en faisant valoir ce que S. B. Diagne appelle l’Universalité latérale. L’Afrique doit pouvoir y trouver du sens et un chemin à suivre.

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[1] Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal.

 

[2] HOUNTONDJI, P., Combats pour le sens – Un ittinéraire africain, Cotonou, Les Editions du Flamboyant, 1997, p.51.

[3] Nous reprenons ici les expressions de HOUNTONDJI.

[4] Combats pour le sens, p. 213.

[5] Ibidem., p.147.

[6] HOUNTONDJI, P., Sur la philosophie africaine – Critique de l’ethnophilosophie, Paris, Maspero, 1997, p.34

[7] Combats pour le sens, p.63.

[8] DIAGNE, P., L’europhilosophie face à la pensée du négro-africain, Dakar, Editions Sankoré, 1982, p.46.

[9] HOUNTONDJI, P., 1977.

[10] Ibidem., p. 97.

[11] FANON, F., 1970, Les Damnés de la terre, Paris, Maspero, p. 144.

[12] Ibidem., p.10.

[13] TEMPELS, R. P., La philosophie bantoue, Paris, Présence Africaine, 1949 ; KAGAME, A., La Philosophie bantou-rwandaise de l’Etre, Bruxelles, Académie des sciences coloniales, 1956.

[14] NDAW, A., La pensée africaine – Recherches sur les fondements de la pensée négro-africaine, Dakar, NEA, 1997, p.238.

[15] Combats pour le sens, p.108.

[16] DIAGNE, M., 1976, « Paulin J. Hountondji ou la psychanalyse de la conscience ethnophilosophique », in Psychopathologie africaine, XII, 3 p.444, Dakar.

[17] Combats pour le sens, p.134.

[18] DIAGNE, S. B., « Difficultés de la notion d’universalité latérale », in Revue sénégalaise de philosophie, Dakar NEA, n° 7-8, 1985, p.155.

[19] HOUNTONDJI, 1997, p.176.

[20] HOUNTONDJI, 1997, p.177.

[21] DIAGNE, M., 1981, « Civilisation de l’oralité et dramatisation de l’idée », in Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines, Université de Dakar.

[22] HOUNTONDJI, 1997, p. 209-210.

[23] CHABOT, M., 1986, « La pensée comme province du monde », in Revue sénégalaise de philosophie, Dakar, NEA, n°10, p.6.

[24] HOUNTONDJI, Les savoirs endogènes, Dakar, Codesria, 1994, p.6.

[25] HOUNTONDJI, 1997, p.235.

[26] DIAGNE, M., « Contribution à une critique du principe des paradigmes dominants », in KI-ZERBO (sous la direction de), La natte des autres – Pour un développement endogène en Afrique, Dakar, Codesria, 1992, p.112.

[27] HOUNTONDJI, 1997, p.246.

[28] HOUNTONDJI, 1994, p.1.

[29] BOWAO, C., « Désethnologiser : Réouverture du débat Hountondji-Diagne », in Bulletin du CODESRIA, Dakar, n°1, 1995, p.15.

[30] Ibid.

[31] HOUNTONDJI, « La science sauvage : mode d’emploi », in Bulletin du CODESRIA, Dakar, n°1, 1994, p.9.

[32] DIAGNE, S. B., « Lecture de La science sauvage : mode d’emploi », in Bulletin du CODESRIA, Dakar, 1994, n°1.

[33] HOUNTONDJI, 1997, p.260.

[34] BOWAO, C., op. cit., p.17

[35] HOUNTONDJI, 1994, p.104.

[36] L’expression est de Abel FOUDA, in Les Savoirs endogènes.

[37] Ibidem., p.75.

[38] HOUNTONDJI, « La cooptation : sur quelques aspects du savoir mondialisé », p.7, communication présentée à la neuvième Assemblée Générale du CODESRIA sur Globalisation et sciences sociales en Afrique, 14-18 décembre, 1998.

[39] D’HONDT, J., « Les ruptures dans la tradition philosophique européenne », in Revue sénégalaise de Philosophie, Dakar, n°15-16, 1992, p.33.

[40] Les héritages du passé : 5 siècles de relations Europe – Afrique – Amérique, Dakar, 27-28-29 novembre, 1997

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