Notes de lecture

CAR LES HOMMES SONT SOUVENT MEILLEURS QUE LEUR VIE de Liliane GUIGNABODET ALMIN MiCHEL, 1991, 415 p.

Ethiopiques n°56.

revue semestrielle de culture négro-africaine

2ème semestre 1992

Cette oeuvre est bâtie autour des Amours tumultueuses d’Hélène et de Kenneth, un jeune officier américain qu’elle rencontre pendant la guerre. D’emblée, il apparaît que la toile de fond du second conflit mondial est peut-être le véritable héros du roman, tellement son action est décisive sur les personnages.

Liliane Guignabodet tisse une toile heurtée où la violence des hommes le dispute au choc des caractères et des sentiments, pourtant dans le chaos des certitudes et la déshumanisation qu’engendre la guerre, les instants d’Amour perpétuent l’Espérance humaine et justifient le titre de l’ouvrage : « Les Hommes sont meilleurs que leur vie ».

Hélène, écartelée entre les deux hommes – Pôles de son existence, incapable de choisir entre l’Art (Carlucci le peintre) et l’Action (Kenneth le soldat) se réfugie dans la tendre affection maternelle qu’elle voue aux deux enfants qu’ils lui ont donnés.

Marc et Catherine, les deux enfants d’Hélène, apparaissent comme le seul flot de pureté dans une oeuvre où la déchéance progressive de Kenneth mène à la mort que la guerre lui a épargnée (encore la guerre !). Mais que la Paix lui apporte (blessure incurable à la guerre). Entier et possessif, jaloux du passé d’Hélène qu’il veut posséder jusque dans son âme, Kenneth est un inadapté perpétuel qui finira par se réfugier dans l’Alcoolisme avec la volonté lucide de s’autodétruire.

Sa soif d’absolu le fait difficilement contenir dans une enveloppe charnelle qu’il méprise.

Pourtant, cet ouvrage de la Passion sans issue n’est pas seulement une oeuvre de mort, de néant. L’espoir est là, présent, après la disparition de Kenneth et de Carlucci. Hélène revendique la vie, dans la sérénité que l’âge et la fin des passions lui apportent. Elle vivra pour elle-même, elle vivra pour ses enfants, elle vivra, simplement pour perpétuer la vie.

La densité des personnages n’est pas toujours très touffue. Il est vrai que l’ambivalence que la plupart porte en eux est difficilement rendue par les mots.

Kenneth est un héros au sens martial du terme. Les conditions psychologiques exceptionnelles de la guerre l’ont révélé à lui-même. Autant pendant la guerre il se distingue par son sens militaire, son courage, son sens de l’initiative et sa lucidité, autant il est incapable de s’adapter à la vie normalisée de la « Paix ». Sa passion dévorante pour Hélène nous le livre sous un jour d’extrême faiblesse, d’humanité changeante et fragile : les stigmates de la guerre et ses difficultés à cerner la vie, l’autre vie d’Hélène, expliquent sa descente aux enfers, par un lent processus d’autodestruction.

Hélène, c’est la richesse de la vie intérieure, une constante quête d’absolu qui s’illustre jusque dans le choix des hommes de sa vie : un héros soldat et un peintre de grande valeur. Et cette tourmente à toujours chercher le sentiment absolu entre l’Eternité de la création (Carlucci ou l’Art) et la Force de l’Action (Kenneth ou le héros).

Tous les autres personnages sont d’envergure bien moindre, notamment Carlucci le peintre de talent mais amant égoïste qui refusera de concilier amour et art, ayant confusément compris que son génie était, pour Hélène, une voie d’accès à la réalisation de son propre Etre.

Cette oeuvre est une longue tirade poétique, de valeur inégale. Si les pages d’évocation et de mort (en fait la Douleur) sont superbes, les dialogues sont de moins bonne tenue stylistique. L’auteur est davantage un conteur (de l’Amour) qu’un dialoguiste affirmé.

Au total, une longue plainte sur la Passion quand elle est douleur, quand elle est tragédie. Mais aussi, une oeuvre d’Espérance humaine qui a foi en l’homme. La force morale d’Hélène, c’est la force des hommes qui luttent pour se perpétuer, pour perpétuer la vie, pour perpétuer l’ESPOIR.