Livres reçus

C.L.A.D. : REALITES AFRICAINES ET LANGUE FRANÇAISE, N° 21, JUIN 1987, LES SITUATIONS DE PLURILINGUISMES AU SENEGAL- ENQUETE ET RECHERCHES -, 124 PAGES

Ethiopiques numéro 50-51

Revue trimestrielle de culture négro-africaine

Nouvelle série-2ème et 3ème trimestres 1988-volume 5 n°3-4

Le Centre de Linguistique appliquée de Dakar (C.L.A.D.) a publié son 21e numéro de « Réalités Africaines et Langue française » qui parle, encore une fois, comme le numéro précédent, du phénomène de plurilinguisme au Sénégal.

Le sommaire donne une impression de la variété des aspects traités dans ce volume :

  1. Les langues du Sénégal (Souleymane FAYE)
  2. Du Lakk-kat au galli (Louis-Jean CALVET)
  3. Enfants et Plurilinguisme (Martine DREYFUS)
  4. Des langues et des enfants dans les villes (Christine de HEREDIA-DEPREZ)
  5. Les langues du marché (Louis­Jean CALVET)
  6. La vie quotidienne et les langues (Caroline JUILLARD)
  7. Approche de la population de Ziguinchor (Marie-Hélène BRIVAUD)
  8. Enquête sur les langues en contact (Mamadou NDIAYE)
  9. Problèmes de glottopolitique au Sénégal (Jean-Léopold DIOUF)
  10. Informations (Gilberte NIANG)

Il s’agit de travaux qui ont été réalisés dans le cadre d’une coopération entre le Centre d’Etude et de Recherche en Planification linguistique (C.E.R.P.L.) de l’Université René Descartes (Paris V) et le Centre de linguistique appliquée de Dakar (C.L.A.D.).

Le volume présente sous différentes approches la description du statu quo de la réalité linguistique (p. ex. FAYE) ainsi que les tendances de l’évolution des langues (p. ex. DIOUF) au Sénégal, en mettant l’accent sur la « gestion in vitro  » ; c’est­à-dire la politique linguistique. Dans ce contexte, deux aspects sont prioritaires pour le Sénégal : le bilinguisme institutionnel, d’une part, et l’existence d’une multitude de langues nationales-africaines, d’autre part. Les gestionnaires linguistiques, les hommes politiques se sont heurtés et continuent à se heurter jusqu’à nos jours à ces réalités indéniables qui ont leurs conséquences dans les domaines de l’enseignement et dans la vie sociale quotidienne. DIOUF constate deux dangers principaux au cas où les gestionnaires politiques favorisent soit une des tendances : soit la perpétuation d’une « société à deux classes », soit « L’éthnocentrisme » (p. 113), ce qui poserait un problème au moment où serait abandonnée la formule installée, officielle, à savoir la distinction entre le français comme langue officielle et les langues nationales.

En dehors de l’article de L.-J. Calvet, intitulé « Du Lakk-kat au Galli »,traitant la question du métalangage dans certaines langues africaines et dénonçant le fait de glottophagie, jusque dans les dénominations des locuteurs d’une langue étrangère à l’intérieur des langues africaines, nous repérons six articles qui sont consacrés à la « gestion in vivo » opérée dans la réalité par les locuteurs eux-mêmes, dans la vie du marché (cf. CALVET et JUILLARD), dans les usines (DRIVAUD) et chez les jeunes (DREYFUS-HEREDIA-DEPREZ).

Ces enquêtes montrent que la vision des tendances globales qui se dessinent pour les gestionnaires « in vitro » se diversifie et se différencie au niveau de la réalité concrète : non seulement les interférences et les emprunts, les changements des locuteurs d’une langue à l’autre, et leurs motivations, bref des aspects « affectifs, sociaux, fonctionnels, esthétiques » et autres entrent en jeu (p. 25). Mieux, dans cet amalgame linguistique qui ressemble plutôt à la tour de Babel, se dégage une logique interne, fonction de bon nombre de facteurs extra-linguistiques tels que « la valeur symbolique » que les locuteurs accordent à la langue qu’ils parlent dans certains rapports sociaux (cf. 85).

On aurait attendu, dans ce volume, riche en matériel, en approches et en perspectives, une contribution qui mette en question le terme d’une « langue pure » en évoquant le phénomène du « code-switching », c’est-à­dire des changements motivés ou non­motivés d’une langue à l’autre, notamment du français au wolof et inversement à l’intérieur de la chaîne parlée, qui sont beaucoup plus répandus dans la réalité linguistique que l’emploi d’une des langues d’une façon cohérente et continue dans une situation précise.

Un deuxième aspect à approfondir, serait la problématique des questionnaires en général, qui ne réflètent jamais la réalité linguistique telle qu’elle existe, mais l’image que donne l’interrogé aux phénomènes qu’il voit ou qu’il croit voir.

Ce volume du C.L.A.D. devrait cons­tituer le bréviaire de tous ceux qui contribueront au sommet francophone de Dakar en tant que représentants politiques et décideurs dans le domaine linguistique ou en tant que chercheurs ou grammariens. L’approche de la Francophonie est bien loin d’être seulement une louange des valeurs unificatrices de la langue française à travers le globe ou l’attitude de vouloir se pencher sur les « particularités de la langue française en Afrique ».

Qu’il me soit permis, en tant que non-francophone, mais francophile, de rappeler les deux objectifs principaux d’une des multiples organismes de la Francophonie, l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (A.C.C.T.) ;

– « affirmation, sauvegarde et promotion des identités culturelles par la revalorisation des langues nationales »,

-« dialogue et connaissance mutuelle par la revalorisation du français en tant que langue seconde où les cultures et les identités spécifiques pourront s’exprimer dans la différence » ;

Dans cette optique, le sommet des francophones deviendra une rencontre d’amateurs de langues, – francophones, francisants ou non -, qui chercheraient à découvrir et à apprendre comment fonctionne l’univers de la parole, comment il se gère, et comment il est géré, souvent contre son gré et contre ses propres règles.