Livres reçus

RENCONTRE AVEC… MONDE NOIR POCHE

Ethiopiques numéro 50-51

Revue trimestrielle de culture négro-africaine

Nouvelle série-2ème et 3ème trimestres 1988-volume 5 n°3-4

Inaugurée, dans la seconde moitié des années 70, avec un récit d’A. Bangui : Prisonnier de Tombalbaye, la Collection « Monde Noir Poche », mise en marché par Hatier-International, connaît depuis lors un succès qui ne s’est jamais démenti.

Succès parfaitement normal au demeurant, puisque récompensant le professionnalisme d’une Maison d’Edition expérimentée qui n’a laissé aucune place à l’improvisation pour monter une opération certes très passionnante mais pas du tout sans risques…

Il est vrai que les choses se sont déroulées sous la houlette d’un professionnel : Jacques Chevrier. Critique littéraire enseignant (Universités de Paris XII Val-de-Marne et de Paris IV Sorbonne) et écrivain, Jacques Chevrier est sans doute l’un des meilleurs spécialistes européens des littératures du monde noir.

Au vu des textes publiés (nous pensons à ceux qui ont été édités d’après des manuscrits originaux) un des points forts de Chevrier réside dans la sélection des manuscrits. Bien sûr, ici, le « flair » du spécialiste entre en ligne de compte, mais il faut se féliciter d’une véritable cure d’oxygénation qui nous débarrasse enfin de ces envahissants épigones, miroirs agaçants des grands classiques. Résultat : l’émergence d’authentiques écrivains, contribuant significativement à la mise en place d’un espace stylistique et thématique négro-africain.

De Charles Cheikh Sow : (Sénégal) : Cycle de sécheresse (nouvelle) à Amadou Koné (Côte d’Ivoire) : Les frasques d’Ebinto (roman), Le respect des morts (Théâtre) à Véronique Tadjo (Côte d’Ivoire) : Latérite (poèmes) en passant par E. Goyemidé (Tchad) : Le silence de la forêt (roman) et Le dernier survivant de la caravane (roman) que d’auteurs talentueux ont été découverts ou confirmés ?

A cette politique de sélection rigoureuse, s’ajoute le choix, bien inspiré du « Livre de Poche ». Il ne s’agit pas seulement d’une question de format, puisqu’aussi bien nous y avons déjà fait allusion la plupart des publications de « Monde Noir Poche » ne sont pas des rééditions. Il s’agit surtout de tenir compte des possibilités financières, assez réduites, d’une bonne partie du lectorat visé. Sans que, pour autant, le souci de la qualité soit mis au second plan : la présentation technique des livres est excellente : bonne qualité du papier, illustration de couverture toujours attrayante, reliure qui « tient » et ne transforme pas votre livre de poche en livre… jetable, etc…

Par ailleurs, Hatier est entrain de donner, à travers « Monde Noir Poche », l’exemple d’une fructueuse politique de coédition. Plusieurs maisons d’édition africaines, dont CE.D.A., sont, en effet, associées à la Collection. Sans oublier des opérations ponctuelles avec l’ACCT. et R.F.I. qui nous valent de dispo­ser régulièrement des excellentes œuvres primées au Concours radiophonique de la meilleure nouvelle de langue française.

Au total, « Monde Noir Poche » est une collection qui, à travers des œuvres de belle facture nous restitue le fascinant monde noir, saisi à travers une actualité brûlante ou grâce à son histoire tumultueuse et ses traditions édifiantes, par des écrivains réellement originaux et inspirés.

Cette collection témoigne également d’une aventure de l’écriture. Témoin cette rencontre torride du Malinké et du Français dans la trilogie de Massa Makan DIABA TE : Le Coiffeur de Kouta, Le Lieutenant. de Kouta et Le Boucher de Kouta. D’autres récits ou poème déploient une langue tour à toutriviale, majestueuse, mystérieuse, d’initié, dont la caractéristique la plus constante est cependant l’originalité.

Relevons la parole donnée, ave trop de timidité à notre goût, à la littérature sudafricaine : Nuit d’errance, de Alex La Guma et MaÎtre Harold d’A. Fuyard. Deux visages si exemplaires de l’apartheid miroir d’insoutenables détresses humaines.

Rien d’étonnant alors à ce que les livres connaissent un taux de vente très au-dessus de la moyenne générale en Afrique noire et aux Caraïbes. Le taux de vente est de dix mille exemplaires par numéro. Des ouvrages comme La Carte d’Identité de Jean Marie Adiaffi ou L’Anthologie africaine d’expression française de Jacques Chevrier ont été vendus à vingt mille exemplaires.

Car l’avenir de l’édition est là : née du besoin de lire, elle doit, pour perdurer et se développer, entretenir une soif inextinguible de lecture.