Critique d’art

APPROCHE DES ARTS AFRICAINS

Ethiopiques n° 76

Centième anniversaire de L. S. Senghor.

Cent ans de littérature, de pensée africaine et de réflexion sur les arts africains

1er semestre 2006

Aujourd’hui, tous ceux qui s’intéressent aux questions d’esthétique africaine sont attachés à l’espoir que la théorie correcte de l’art africain va voir le jour. Les innombrables livres écrits sur l’art africain nous proposent tous de nouvelles définitions et nous permettent de voir combien est forte la priorité accordée à la théorie de l’art africain.

Nous passerons brièvement en revue quelques-unes des plus célèbres théories existant sur les arts africains, afin de voir si elles comportent des énoncés corrects et adéquats sur la nature de l’art africain. Chacune d’elles suppose qu’elle est l’énumération vraie des propriétés déterminantes de l’art africain, ce qui implique que les théories antérieures ont avancé des définitions erronées. Nous voulons défendre l’idée que la théorie ne verra jamais le jour en esthétique – pas uniquement pour l’Afrique mais en général – et que nous ferions bien mieux, en tant que philosophes, de substituer à la question : « Quelle est la nature de l’art africain ? » d’autres questions, dont les réponses nous procureront toute la compréhension des arts africains à laquelle on puisse atteindre.

L’idée selon laquelle l’art peut être l’objet d’une définition réelle ou de quelque genre de définition vraie est fausse. Toute tentative de découvrir les propriétés nécessaires et suffisantes de l’art est logiquement mal venue pour la très simple raison qu’un tel ensemble de propriétés et, par conséquent, une telle formule à son sujet, ne verront jamais le jour (cf. Morris Weitz, 1988). L’art, comme le montre la logique du concept, ne possède pas d’ensemble des propriétés nécessaires et suffisantes ; c’est pourquoi une théorie de l’art est logiquement impossible et non pas simplement difficile en fait. La théorie esthétique essaie de définir ce qui ne peut pas être défini dans le sens qu’elle invoque. Mais, comme le fait Morris Weitz, si nous rejetons la théorie esthétique, nous ne prétendrons pas pour autant, comme beaucoup l’ont fait, que ses confusions logiques la privent de signification et de valeur. Au contraire, nous voulons réaffirmer son rôle et son apport afin de montrer qu’elle est de la plus grande importance pour notre compréhension des arts africains et de l’art en général.

  1. LES DIFFERENTES THEORIES SUR L’ART AFRICAIN

1.1. De l’ethnologie à l’ethnoesthetique

Maurice Leenhardt aimait à dire que l’ethnologie est « la science des ethnies ». Une étude ethnologique de l’art suppose donc la connaissance de la culture de la société et de ses productions artistiques. L’approche ethnologique de l’art africain commence réellement avec la publication, en 1947, par Marcel Mauss de son Manuel d’ethnographie. Elle a pour but « l’observation des sociétés » et « la connaissance des faits sociaux » (p.7). Ses principes d’observation sont « l’objectivité » [2] et « l’exhaustivité » [3]. Il s’agit tout d’abord d’énumérer toutes les productions créatrices d’un plaisir qui correspond au beau.

La notion de beau s’applique à des objets différents. Si un masque est beau c’est parce que son sculpteur ou son porteur le juge comme tel. L’ethnologue demande au sculpteur, au porteur ou à la société si l’objet est beau et s’il est beau pourquoi il l’est. Ce n’est donc pas lui qui juge de la beauté d’un objet ; ce dernier est plutôt étudié du point de vue de l’informateur. La valeur esthétique d’un objet se distingue par sa forme, son décor, sa matière, son style. L’ethnologie conçoit l’emploi et la fonction d’un masque ou d’une statue au sein du peuple qui l’utilise. Marcel Mauss fut, avec Franz Boas (1927), parmi les premiers chercheurs qui ont mené une réflexion à caractère philosophique sur les arts non européens. Mais décrire un objet ne signifie pas la même chose que l’interpréter ou en faire une analyse théorique. L’art africain traditionnel est profondément religieux. On ne peut donc l’écarter de son contexte religieux si on veut l’étudier. La seule forme d’un masque ne nous dira jamais assez sur le masque lui-même : les renseignements ethnographiques seront toujours nécessaires pour le comprendre et le connaître. Sans eux, nous ne pourrions, en effet, savoir comment et pourquoi l’art africain est d’essence religieuse (Roger Somé, 1998 : p.230). Il est pratiquement impossible d’analyser, par exemple, une statuette africaine uniquement du point de vue de la forme. De la même manière, elle ne peut être étudiée « avec profit » sans la participation de l’ethnologue, de l’historien de l’art, de l’anthropologue de l’art et du critique d’art.

On ne peut donc analyser sérieusement l’art africain traditionnel sans « une synthèse du sens et de la forme telle que ni le sens ni la forme ne puissent être saisis isolément » [4]. C’est cette synthèse que Louis Perrois présentera dans sa « Note sur une méthode d’analyse ethno-morphologique des arts africains » [5]. Ainsi, pour lui, toute étude d’un objet d’art africain traditionnel doit « débuter par une étude des formes en elles-mêmes afin d’aboutir à une classification théorique » [6].

On commence tout d’abord par faire le « choix de la région ou de l’ethnie à étudier ». Pour ce faire, il faut tenir compte des « populations liées par des contacts culturels connus » et « une région naturelle aux frontières définies ». Il faut ensuite observer des objets et les décomposer en éléments morphologiques : les « dessiner » sous les trois angles (face, profil, dos), faire des fiches de « type muséographique » et photographier. (p.72). C’est ainsi que Louis Perrois va déterminer quatre sous-styles théoriques dans la production artistique des Fang :

  1. un sous-style « hyperlongiforme » qui est « caractérisé par un tronc très allongé, une tête moyenne ou petite par rapport à des jambes très courtes et un long cou » ;
  2. un sous-style « longiforme » qui « se reconnaît par l’association tronc moyen-tête moyenne, par des jambes courtes et un long cou » ;
  3. un sous-style « équiforme » qui est « caractérisé par le complexe tronc moyen-tête moyenne et jambes moyennes-cou court » ;
  4. un sous-style « bréviforme » qui « se définit par un tronc court surmonté d’une tête moyenne ou grosse, le tout porté par des jambes moyennes » (p.82).

A cette première phase de recherche théorique, il faut maintenant passer, nous dit Louis Perrois, à l’ enquête ethnographique : savoir ce que « représentent » les objets, les symboles qu’ils « contiennent », les croyances dont ils sont le « support », les mythes qu’ils « évoquent ». (p.83). Cette démarche permettra de connaître le thème et le style abordés par le sculpteur. Mais Louis Perrois reconnaît lui-même que l’analyse morphologique ne peut fournir que « des indices et des hypothèses » ; par conséquent, une enquête auprès des vieillards est nécessaire « pour savoir ce qui est plus ancien et ce qui est plus récent, ce qui est autochtone et ce qui est étranger » (p.84). Il est aussi important de connaître le statut de l’artiste, sa personnalité, son rôle dans la société et la manière dont il est considéré dans le groupe.

Après avoir fait cette recherche préliminaire, on doit maintenant expliciter la conception qu’on se fait de l’établissement « des formes et des volumes », savoir « ce qui est bien fait et ce qui est bâclé » (p.84). L’artiste qui a pris conscience de la valeur esthétique de l’objet qu’il a fabriqué doit déterminer le degré des valeurs afférentes aux arts et la place de cette forme d’expression dans la société. L’intérêt de l’analyse ethno-morphologique que propose Louis Perrois c’est qu’il est un compromis entre les défenseurs du fonctionnaliste et ceux du formalisme. Les premiers pensent qu’il faut connaître le contenu de l’objet d’art pour pouvoir déterminer sa signification et pouvoir l’apprécier. Les seconds, quant à eux, considèrent l’objet d’art seulement du point de vue de sa forme. Les études ethnologiques sur l’art africain portent plus sur la description des objets que leur analyse théorique. C’est d’ailleurs ce qui autorise Jacqueline Delange, citant Claude Levi-Strauss, affirme avec lui que « Les ethnologues ne se sont pas pour autant précipités vers ces lieux privilégiés de l’expérience et de la réflexion, jusqu’alors plutôt monopolisés par les philosophes » [7]. Et c’est pourquoi, elle va préconiser la méthode « ethnoesthétique » – terme qui désigne « la double idée d’une interdiscipline à dominante esthétique et préféré à « ethnologie de l’art », qui est une spécialisation de l’ethnologie » [8]. Pour désigner cette synthèse de la forme et du contenu dans l’étude de l’art africain traditionnel. L’ethnoesthétique a, en effet, pour objet le beau dans les arts produits dans les groupes sociaux qu’étudie l’ethnologie. Il ne s’agit pas d’esthétique philosophique, puisque l’ethnologie se distingue de l’esthétique philosophique, mais de faits esthétiques, observables dans tels groupes sociaux.

L’ethnoesthétique s’appuie sur l’observation du fait esthétique dans les sociétés étudiées : « traiter d’art exige (est-il besoin d’y insister ?) que préjudiciellement on en apprécie la beauté » [9] et savoir ce que signifie l’objet pour celui qui l’a crée permettra une appréciation plus fine. Il y a, dans la manière de procéder de l’ethnoesthétique, une parfaite combinaison entre « ce qui est dû au scrupule scientifique et ce qu’aurait pu dicter, à elle seule, la sensibilité ». Ce que Jacqueline Delange désire avant tout, c’est de percer l’univers esthétique des sociétés africaines et d’essayer de le saisir dans ce qu’il peut avoir à la fois de riche et de fondamentalement lié aux autres aspects de la vie. Elle y a découvert, avoue-t-elle, le meilleur de la leçon d’esthétique que ces peuples lui ont donnée. Pour choisir les différents centres de styles, elle fonde ses divisions et ses regroupements sur la culture. Elle entend par « culture » « la communauté d’expériences à tous les niveaux possibles (économique, technique, social, historique…) qui constitue un lien de parenté entre plusieurs sociétés. En changeant de culture on passe à un autre style d’expériences ».

L’objet ne peut être décrit sans la connaissance de la société rendue possible par l’enquête de terrain. Pour l’analyse des arts africains, il faut donc une méthode inductive. En d’autres termes, les études théoriques sur ces arts doivent être « élaborées directement à partir d’objets et de faits, et non pas imposées sur eux » [10]. Il ne s’agit plus, pour l’ethnologie, de se contenter de collecter et de décrire des objets mais de se lancer dans la réflexion théorique. Ayant pris conscience qu’il est presque impossible de décrire les objets sans se livrer à un examen théorique, et ayant compris qu’on ne peut décrire un objet avec des concepts qui n’appartiennent pas à son contexte culturel, Jacqueline Delange propose donc une méthode ethnoesthétique ou une sociologie de l’art (ibid., p.215).

Cette méthode d’analyse est empruntée par beaucoup de chercheurs. Citons en guise d’exemple : les travaux de William Fagg sur les arts nigériens (1951) et nigérians (1951), les enquêtes et les analyses de Robert Farris Thompson (1973) et de William Bascom (1973) sur l’art yoruba, de Roger Brand (1972), celles de James Fernandez sur la vitalité et l’expression artistiques des Fangs (1971 ; 1973), de Daniel J. Crowley sur l’art chokwe (1973) et sur les statuaires en terre cuite du modeleur Asogba, de Roger Somé (1998) et de Julien Bosc sur la statuaire lobi.

  1. DE L’ANTHROPOLOGIQUE A L’ESTHETIQUE ANTHROPOLOGIQUE

2.1. L’étude anthropologique

L’anthropologie – science humaine qui étudie l’être humain sous tous ses aspects, sociaux, culturels, et physiques – s’appuie notamment sur l’étude ethnologique des sociétés et peuples ayant préservé une culture spécifique originale. Georges Mills, dans un article intitulé « Art and the anthropological lens » [11], montre comment l’anthropologue de la culture travaille avec la manière dont l’art est apprécié ; il met en lumière certaines difficultés et embarras de l’étude scientifique et applique ensuite ses résultats à l’étude anthropologique de l’art.

La nature de l’approche de l’anthropologue varie selon son objectif (cf. Burtt, 1962). Dans l’approche scientifique, il y a deux choix. Kroeber (1953 : 362) donne plusieurs étiquettes pour les premiers : phénoménologique, historique, contextuel et complétif. C’est l’approche qui préserve les phénomènes, qui essaie de les intégrer comme tels et donc qui dépend beaucoup de la construction du contexte. C’est l’approche que Boas (1948 : 257, 258) a à l’esprit lorsqu’il écrit :

« …le matériel de l’anthropologue est tel qu’il doit être une science historique, une des sciences dont l’intérêt est centré sur les tentatives de comprendre les phénomènes individuels plutôt que d’établir des lois générales qui, sur le compte de la complexité matérielle, serait nécessairement vagues et, nous devrions presque dire, tellement évidentes qu’elles ne seraient que de peu d’aide pour une compréhension réelle ».

Le second objectif de l’anthropologie de l’art est de voir les œuvres d’art dans leur ensemble en terme de contexte. L’anthropologue formule des problèmes, analyse, émet des hypothèses et rassemble plus de faits qui reposent sur ces hypothèses. Il présente sa connaissance à la culture concernée et va même au-delà du travail du critique. Il corrige, approfondit son appréhension d’une culture mais il élabore aussi des propositions qui s’appliquent à toutes les cultures. Il fait le travail d’un esthéticien aussi bien que celui d’un historien d’art et d’un critique d’art. Tout acte de conscience, pour être lui-même appréhendé, doit être appréhendé dans sa manière même. La poésie doit être comprise poétiquement, la musique musicalement, l’amour amoureusement, et certains types de configurations doivent être comprises par expérience comme procédés organisant les événements réels (Georges Mills, 1973).

La connaissance scientifique d’une œuvre d’art africain exige, selon Louis Perrois (1990), « une démarche complexe qui va de la contemplation exhaustive de l’objet à la prise en compte de tout le milieu où il est apparu » [12]. Il soutient, en effet, que c’est la comparaison des données avec les résultats des enquêtes qui permet d’approcher l’originalité des arts africains. Il faut donc s’inspirer directement de la nature de l’objet que l’on traite : les masques et statuettes sont à la fois des objets, des œuvres d’art, une croyance et un symbolique avec le monde des ancêtres. L’importance dans la méthode anthropologique, c’est qu’elle cherche à définir les caractéristiques des différents styles, à participer à leur organisation dans le temps et dans l’espace et qu’elle nous donne une connaissance relative aux univers complexes de la pensée africaine où le social, le religieux, le savoir et l’esthétique se mélangent.

L’objet sorti de son cadre, isolé de son contexte d’origine ne peut pas révéler aussitôt son secret. Mais l’anthropologue, par sa capacité de rassembler, de classer et de traiter de l’objet, des données de formes comme de contenu, de signifié comme de signification, aura plus de possibilités à cerner les vrais styles. Louis Perrois résume ainsi la méthode anthropologique :

« – Une analyse morphologique fine conduisant à des « séries » ou styles théoriques ;

– une enquête de contexte (archivistique, muséographique, ethnologique et historique) destinée à valider, voire pondérer, les styles théoriques pour les constituer en « centres de styles » » [13].

L’analyse morphologique nous permet d’identifier, de classer et de comparer des formes, volumes et rythmes des objets, en dehors de toutes les autres considérations de sens. Cette approche résulte de l’idée que les figures simples ou complexes ont une sorte d’autonomie et de logique qui n’est pas au sens qu’on pourrait leur donner dans les rituels où elles sont montrées au public. L’œuvre d’art en tant que formes et volumes n’est jamais le produit d’un hasard. On trouve donc une disposition parmi ces éléments renvoyant directement aux styles. C’est à ces styles que nous conduit l’analyse morphologique. Ils sont tout d’abord définis selon les seuls critères de l’anthropologue mais seules les données de terrain pourront lui permettre de leur donner une « pertinence réelle ».

Dans une perspective de recensement des styles africains, on pourrait avoir une représentation totalement tronquée et limitée d’un art. Les exemples sont nombreux et chaque étude un peu poussée change les styles déjà connus. Toutefois, la mise en relation de collections différentes permet de répondre, au plus juste, au souci d’objectivité scientifique d’une véritable anthropologie de l’art : « Les trésors de la chefferie de Bandjoun ou de la Bafendji dans l’Ouest Cameroun permettent, à l’analyse formelle, anthropologique et historique de tous les objets qui les composent, de retracer une fresque entière de la vie sociale, rituelle, politique, religieuse de ces groupes. […]

L’environnement matériel, dans sa diversité (formes, matières, techniques, décors), est un remarquable marqueur culturel pour qui peut, progressivement, en identifier les « codes », dans la mesure où rien n’est laissé au hasard individuel de l’inspiration » [14].

Les collections étant le plus souvent faites au hasard tant dans les musées que chez les particuliers, il y a forcément des erreurs d’observation, des impressions fausses. En principe applicable à tous arts traditionnels, la méthode morphologique ne peut être appliquée qu’à un ensemble d’objets d’une région et d’une époque donnée, car il faut bien comparer ce qui est réellement comparable et en rapport possible. La connaissance d’une région ou d’un ensemble de peuples, à un moment de l’histoire, permettra à l’anthropologue de faire une présélection des objets. L’analyse établira de façon sûre les tendances stylistiques (un style aux formes multiples ou des styles en contact et qu’on pense proches). Le mélange des populations et donc des cultures, des migrations et des emprunts fréquents, rend parfois difficile l’identification minimale des objets. Mais cela n’empêchera pas à l’anthropologue de vouloir étudier l’art africain traditionnel région par région, époque par époque, par des approches méthodiques de type monographique et taxonomique, comme en ethnologie générale.

« Le choix d’une région et d’une époque étant fait, la recherche iconographique commence afin d’établir un corpus de référence issu des musées, des collections privées et des illustrations publiées. Le but à atteindre est d’aboutir à une « collection » de recherche aussi représentative que possible, a priori ». (Louis Perrois, p.73).

Le nombre d’objets étudiés est très important car il sert à l’anthropologue de valider de façon exacte les différents styles. Dans son analyse du corpus, il commence par observer minutieusement les objets afin d’en découvrir tous les aspects pertinents. Il établit une fiche d’ »identification morphologique » pour chaque objet à partir d’une norme de description aussi précise que possible. L’objet est mesuré (hauteur, largeur, épaisseur, axes de symétrie, formes géométrique, etc.) et analysé élément par élément. Pour une statue, par exemple, Louis Perrois retient :

« Le schéma constitutif global, l’équilibre et le rythme relatif aux masses sculptées, les proportions, l’inscription dans l’espace, la dialectique des vides et des pleins, le rapport des différents plans, le détail de la morphologie plastique accrochée à ces masses, le décor, etc. » (p.74).

Il s’agit donc d’étudier l’objet dans toute sa complexité et sa réalité objective. Après avoir bien élaboré sa « fiche analytique », l’anthropologue peut maintenant isoler les caractéristiques de chaque élément morphologique de l’objet pour les confronter à celles de l’élément analogue de tous les autres objets de sa collection. Ainsi classera-t-il chaque élément d’un objet dans une catégorie typique particulière. Il peut, de ce fait, « coder » toutes les variables morphologiques et caractériser chaque objet par une formule (par exemple, une suite de chiffre) qui résumera la description formelle. Il peut aussi y ajouter d’autres renseignements d’identification et de localisation.

Il est aussi intéressant que l’anthropologue envisage d’étudier et de comprendre l’art africain traditionnel en le considérant dans son contexte originel. Sans en faire un art fonctionnel ou utilitaire, il semble légitime de recourir au cadre culturel qui le nourrit sans trop d’« a priori ethnocentrique » (Perrois : p.75). L’anthropologue fait une approche documentaire rassemblant l’analyse et la critique des sources ; mais il prend aussi en compte la littérature orale, les traditions et les langues (surtout les mots et expressions correspondants aux concepts esthétiques). Il étudie en même temps l’histoire des peuples et des cultures au plan régional, consulte les vieillards, les initiés, les tenants de la tradition. L’observation du vécu esthétique des créateurs et utilisateurs des objets d’art africain permettra à l’anthropologue de « dimensionner le contexte, de relativiser ses hypothèses, de moduler le signifiant par rapport au signifié » (p.75).

Une autre chose à considérer c’est les centres de styles. L’histoire de l’art africain traditionnel s’est traduite par de nombreuses classifications qui sont toutes calquées sur la répartition admise des ethnies et des tribus. Mais l’essor des recherches historiques, linguistiques et ethnographiques rend aujourd’hui ces classifications inadéquates. Il est vrai que les caractérisations « tribales » sont « commodes » mais de là à dire qu’elles correspondent à une réalité in situ, il y a une nuance dont il faut se rendre compte. On sait que William Fagg s’est beaucoup servi de ce concept de « tribalité » dans ses études et ses expositions. Chaque tribu, pense-t-il, « est un univers artistique à part ». Mais, comme le dit très justement Louis Perrois, « il convient de ne pas s’enfermer dans ces arts murés sur eux-mêmes ; il faut rester attentif aux dynamiques, aux osmoses, aux emprunts, aux mutations, aux métamorphoses » (p.76). Il est plus prudent de parler de la notion de styles puisqu’ils se peuvent se définir selon les époques en fonction de l’histoire du peuplement de la région considérée. Les centres de styles ne sont jamais fermés les uns aux autres : des motifs, des configurations, des règles plastiques peuvent être communs à des peuples différents sans que les individus eux-mêmes en prennent conscience. Les différents foyers de création, caractérisés par des productions artistiques et culturelles spécifiques, rendent parfois difficiles les attributions ethniques. L’observation poussée de la réalité tend donc à compliquer, la plupart du temps, les habituels repères « tribaux » des ethnologues.

2.2. L’esthétique anthropologique

Un objet fonctionnel ne peut-il pas avoir une qualité visuelle qui excite en nous sa perception esthétique ? Les traits qu’on découvre, par exemple, sur un couteau sont-ils nécessaires à son efficacité en tant qu’outil pour couper ou tailler ? Ne peut-on pas supposer que ces traits dévoilent un souci esthétique ? Ces aspects non instrumentaux ne montrent-ils pas la présence d’un

3. Tête (Ori-Ide) en bronze, volée à la National Museum Gallery, Ile-Ife (Nigeria)

  1. Tête en terre cuite, volée à la National Museum Gallery, Ile-Ife (Nigeria)

La représentation du beau est la seule explication possible de la création des formes qui ne sont pas nécessaires à l’objet pour remplir sa fonction. Prenons l’exemple d’une calebasse servant de récipient pour de la nourriture. Elle a une forme circulaire, un bord arrondi et un fond plat. Certes ces caractéristiques de forme sont instrumentales, mais les motifs gravés sont reproduits avec « régularité et symétrie ». Ces dernières caractéristiques formelles ne sont pas instrumentales : elles n’ajoutent rien à la fonction de la calebasse comme récipient pour de la nourriture. (cf. Jacques Maquet, 1993 :67). Un fusil de chasse est fait pour tirer sur un type de gibier ; des motifs marqués en argent sur la crosse ne le rendent pas plus efficace. Ces aspects formels, qui ne sont pas indispensables à l’utilisation propre de l’objet dans son contexte, ont été ajoutés pour leur penchant visuel. Le critère de l’instrumentalité formelle ne se limite pas au contexte de la fonctionnalité. Certaines empreintes gravées sur _ une calebasse utilisée pour les offrandes aux ancêtres peuvent être des signes magiques qui détournent les mauvais esprits et non des mobiles décoratifs. Toutefois, ceci n’élimine pas les formes non instrumentales ; la façon dont les signes magiques sont tracés peut dévoiler un souci d’équilibre des lignes et des formes, des différences de couleurs. Ces caractéristiques ne sont pas nécessaires à l’efficacité des rites magiques ou religieux. Pour apercevoir la non-instrumentalité des objets d’art africain il faut une connaissance générale de la culture africaine, du contexte rituel et d’objets du même type que nous connaissons mieux. Une étude ethnologique et archéologique nous permettra de procéder à des comparaisons et d’établir la non-instrumentalité des formes. (Jacques Maquet, 68).

Pour nous, la représentation du beau est la seule explication possible de la création des formes qui ne sont pas nécessaires à l’objet pour remplir sa fonction. Pourquoi un artisan embellirait-il le contour d’un objet s’il n’a pas pour objectif de le rendre agréable à regarder ?

Si donc les artistes de l’art africain traditionnel vont au-delà des formes essentielles pour l’instrumentalité de l’objet c’est parce qu’ils ont un souci de qualité visuelle. On ne peut donc pas continuer à affirmer que l’intention esthétique des artisans africains et l’impression esthétique des observateurs sont limités aux instruments utilitaires et rituels.

Un autre domaine où on peut voir la dimension esthétique des objets d’art africain traditionnel est la politique. Dans les royaumes, les sceptres des chefs, les sièges, les insignes d’autorité, les vêtements sont le plus souvent abondamment dotés de décorations esthétiques [15].

La hiérarchie sociale est aussi un domaine où les objets sont affectés d’une bonne composante esthétique. Dans l’Afrique traditionnelle, et même dans certaines coutumes qui existent encore, les grands groupes – castes ou classes -, se distinguent dans leur statut par des objets qui leur servent de marques distinctives. Parmi les insignes distinctifs des classes supérieures et des professions illustres, Jacques Maquet citera les chasse-mouches plaqués d’or des notables Baoulé, les figurines en ivoire des grands initiés Lega. (p. 70).

Outre les contextes dont nous avons parlé – maintien de la vie et rite, pouvoir et hiérarchie – il en existe aussi d’autres où les objets fabriqués dévoilent des formes non fonctionnelles. Dans les familles, par exemple, il y a de nombreux objets dont le rôle est de conserver le souvenir de ceux avec qui les générations futures peuvent se reconnaître. Là aussi, les sculpteurs et les peintres donnent une large part aux configurations non instrumentales. Nous ne sommes pas en train de dire que la beauté d’un objet, sa qualité esthétique, est quelque chose d’ajouté à sa fonction. Nous ne pensons pas non plus que la qualité esthétique est conçue comme un embellissement ajouté à l’objet. Mais nous pensons que ce qui est parfaitement une décoration de l’objet montre sans ambivalence un but esthétique. Et rien de plus. L’intention esthétique peut être déduite de l’existence d’embellissements sans but fonctionnel sur le contour d’une cuillère en bois.

Sous ce rapport, il me semble essentiel de souligner le fait que les intentions esthétiques sont réduites à certaines catégories d’objets. Ces catégories d’objets forment ce que Jacques Maquet appelle « le locus esthétique d’une culture ». (p.76). Les représentations d’ancêtres et les masques appartenaient au locus esthétique de nombreuses sociétés de l’Afrique occidentale et centrale. Le souci esthétique des Bororo Fulani (pasteurs nomades de l’Ouest africain, aussi appelés Wodaaba), par exemple, se manifeste particulièrement dans la parure de cérémonie et des modes de fixation des chargements de leurs biens sur le dos des bœufs.

Les masques sont aussi un autre domaine où l’on retrouve la dimension esthétique de l’art africain traditionnel. Le génie artistique du sculpteur africain s’exprime souvent dans les motifs décoratifs qui embellissent les principales parties du masque :

 

« On peut même dire que c’est dans ces ajouts ornementaux que le sculpteur africain cherche le plus à flatter l’œil du spectateur. Les motifs ornementaux qu’il utilise le plus souvent consistent en formes géométriques ou en petits motifs répétés un certain nombre de fois, et parfois en thèmes distincts et nouveaux qui viennent s’ajouter à la sculpture originelle » [16].

Sur les masques-haumes des Mendi de la Sierra Leone (utilisés dans les danses du Bundu), par exemple, des motifs décoratifs recouvrent toute la surface du masque. Et c’est aussi le cas presque sur tous les masques africains. La confection très audacieuse des surfaces du masque bachama (le mouvement cubiste s’est d’ailleurs développé sous l’influence directe de ce genre de style), originaire du Cameroun, qui est au musée Reitberg à Zurich, serait inimaginable en l’absence de créations plastiques très évoluées. Le talent du sculpteur se révèle par sa maîtrise totale des facteurs spatiaux et plastiques. Un aspect important de la fabrication des masques, c’est le savoir-faire avec lequel la peinture est utilisée pour mettre en valeur certains éléments d’ordre plastique. Les couleurs auxquelles ils sont peints servent généralement à maintenir l’effet plastique provoqué par les mouvements de la danse à laquelle se livre le porteur du masque. Lorsque ce dernier danse au rythme de la musique, il a l’impression, par l’effet des couleurs du costume et des traces de peinture sur le masque, « de voir une sculpture se mouvoir et dérouler en même temps des rubans de couleurs et de formes » [17].

La régularité ou l’irrégularité des formes sculptées sur la surface du masque est aussi accentuée par la peinture ou la coloration qui ajoute à la décoration sculptée un élément ornemental. L’artiste utilise aussi très habilement des perles, du corail, des fragments de porcelaine ou de verre pour embellir le masque : « Aucun matériau n’est trop modeste pour servir à cette fin, à condition qu’il produise un effet agréable à l’œil » [18]. Par conséquent, bien que le masque n’ait pas pour fin essentielle de produire un effet esthétique en tant que tel, il y parvient, en même temps qu’il atteigne son but qui est d’émouvoir le spectateur par d’autres moyens que la création de formes simplement attrayantes. Après avoir respecté la fonction que peut remplir le masque, l’artiste fait passer ses préoccupations esthétiques.

Jusqu’ici nous sommes tout à fait d’accord avec Jacques Maquet. Mais avoir l’idée du beau n’est pas encore produire un discours esthétique. Il ne suffit pas de produire de l’art ou d’avoir du goût ou l’idée du beau pour que naisse une esthétique. Dès le Vème siècle avant Jésus Christ, la Grèce produisait des œuvres d’art admirables et pourtant, elle n’avait pas à ce moment-là une esthétique. Les Grecs n’ont jamais utilisé, dans leur réflexion sur le beau, le mot « esthétique ».

L’existence d’une production artistique ou de l’idée du beau, dans une société, n’est pas une preuve de l’existence d’une esthétique dans cette même société. C’est l’Allemand Baumgarten (1714-1762) qui, à partir de sa différenciation entre les faits d’intelligences (les noeta) et les faits de sensibilité (les aistheta), a créé le concept d’ »esthétique » avec son œuvre Aesthetica, parue de 1750 à 1758 et restée inachevée. Il voit, en effet, dans les aistheta de vraies représentations mais « sensitives » ; les reflets de l’art feraient partie de leur caractère réel et tangible ; et on peut dès lors parler de « science philosophique » lorsque le philosophe réfléchit sur l’art. Il invente donc un nouveau mot pour nommer une nouvelle discipline, l’étude philosophique et scientifique de l’art et du beau. Le terme esthétique se distingue de celui de l’art, en ce sens que l’art est une pratique et l’esthétique une réflexion sur cette pratique. Les deux termes se distinguent aussi du beau car, si l’esthétique est une réflexion sur l’art et ses œuvres, l’art une activité créatrice, le beau est une idée, c’est-à-dire un idéal.

  1. LA THEORIE ESTHETIQUE

Dans l’étude de l’art africain, certains pensent qu’il faut nécessairement connaître le contenu de l’œuvre pour pouvoir déterminer sa signification et l’apprécier. D’autres appréhendent l’objet seulement du point de vue de sa forme. C’est le fameux débat entre les formalistes et les fonctionnalistes.

Pour les formalistes, il existe, dans l’art traditionnel d’Afrique, des œuvres qui correspondent à la théorie de « l’art pour l’art ». C’est l’idée que développe Carl Einstein dans La sculpture nègre. Pour lui, en effet, la signification d’une œuvre n’est pas importante pour son appréciation. Seule compte sa forme telle qu’elle nous affecte. Cette thèse a été évoquée par Frank Willett dans L’art africain, par Raoul Lehuard dans son article « Question d’esthétique en Afrique noire », par Harris Memel-Foté (« La vision du beau dans la culture négro-africaine »), par M. Leiris (« Le sentiment esthétique des Noirs africains »), par Senghor (« L’esthétique négro-africaine »), par Fernandez (« Principes of opposition and vitality in Fang Aestetics ») ou encore par Thompson dans « Aesthetics in traditional Africa » ou « Yoruba artistic criticism » et tant d’autres chercheurs.

Toutes ces études montrent l’existence d’une esthétique dans l’“art africain” traditionnel. Certaines insistent sur l’aspect conceptuel tandis que d’autres, à partir de termes vernaculaires qu’elles traduisent, établissent une classification des appréciations esthétiques.

Sur le plan conceptuel, Senghor nous rappelle que chez les Wolof, les termes « târ » et « rafet », « beauté » et « beauté », désignent, de préférence, un homme ; tandis que « dyêka », « yèm » et « mat », qu’il traduit par « qui convient », « qui est à la mesure de », « qui est parfait », s’emploient pour l’œuvre d’art [19].

  1. Leiris, à son tour, nous dit que pour les Bambara, le mot « nyi » désigne indifféremment bon ou beau et que pour les Daza du Sahara Central, « gale » signifie bon, « ngala » joli et « genaso », laid. Il définit, dans « Les nègres d’Afrique et les arts sculpturaux » [20], l’esthétique africaine en s’appuyant sur la mise en œuvre d’enquêtes sur l’identité du sculpteur, les conditions de son travail et de sa formation, sa situation dans la société, les jugements portés sur ses œuvres par ses acquéreurs ou utilisateurs.
  2. Memel-Foté nous apprend lui aussi que le beau chez les Agni se dit « Klamâ », chez les N’Zema « klinmâ », chez les Baule « krêmâ » et chez les Bete « guinanâ » [21]. Dans sa communication présentée au Premier Festival Mondial des Arts Nègres à Dakar, il rend compte de l’enquête linguistique à laquelle il s’est livré en Côte d’Ivoire, chez les trois grands groupes culturels Akan, Krou et Mandé et montre que ces peuples entretiennent le concept de la beauté en soi.

Engelbert Mveng, dans le même ordre d’idée, pense que le vocabulaire du « Kalos K’agathos » grec trouve en Afrique d’étonnantes équivalences. Ainsi, écrit-il :

« En Ewondo, par exemple, le Beau s’exprime par « Mben » et « Aben » qui traduisent mot pour mot le grec (Kalos K’agathos). Créer une œuvre d’art se dit : « Kom », et « Kom » signifie à la fois fabriquer, mettre en ordre, orner, embellie » [22].

Alassane Ndaw, dans son article sur la « Conscience et communication esthétique négro-africaine » [23], pense, lui aussi, qu’il existe une esthétique négro-africaine et cherche à analyser ses critères avec « le même sérieux » (p. 81) que l’ « art occidental » :

 

« Il s’inscrit en faux contre la thèse selon laquelle l’expérience esthétique, en Afrique, doit fonder totalement ses jugements sur la saisie des significations révélatrices des cultures négro-africaines » (p.84). De son point de vue,

« la définition traditionnelle, selon laquelle l’expérience du beau est celle d’une satisfaction désintéressée, ne saurait être complètement abandonnée. En effet, lorsque nous adoptons une attitude, soit en face de la nature, soit en face d’une œuvre d’art, nous mettons entre parenthèses nos besoins pratiques. L’objet est goûté pour lui-même, indépendamment de ses relations à notre être biologique ; il ne présente ni une utilité positive, ni une menace pour notre être vital. Cette expérience implique la neutralisation de nos impulsions instinctives et nous rend capables de jouir de la simple apparence phénoménale des êtres et des objets. En ce sens, le plaisir que nous éprouvons est désintéressé » (p58).

Ndaw reprend exactement ici le point de vue de Kant, selon lequel « le beau est l’objet d’une satisfaction désintéressée ».

Raoul Lehuard tente, à partir d’un certain nombre de concepts dont le beau, le bien, le bon, le laid, l’affreux qui existe en langue tsaye, ifumu, yombe et vili, d’affirmer l’existence de « l’art pour l’art » dans les sociétés africaines : il fonde l’esthétique africaine sur l’existence de ces notions en langues africaines et propose ainsi un tableau du vocabulaire relatif aux appréciations « esthétiques » dans des langues de populations d’Afrique Centrale [24].

A ces exemples, il faudra ajouter le cas des Lobi et des Dagara du Burkina-Faso que Roger Somé nous décrit dans son ouvrage Art africain et esthétique occidentale. Il nous apprend qu’en lobiri, le terme bòòwe est employé pour dire la beauté, et que le mot bòri signifie à la fois le beau et le bien. Il y a aussi, écrit-il, dans la notion de beauté telle que l’utilisent les Lobi, l’idée de l’utile telle qu’elle a existé dans la Grèce antique : « C’est pourquoi lorsqu’ils disent bvthìba bvò (une belle statuette), il ne s’agit pas de la beauté des formes mais de l’efficacité rituelle de la statuette. Autrement dit, affirmer que celle-ci est belle, c’est affirmer qu’elle répond à sa finalité, à sa destination qui est, en un mot, l’utile » (p. 246).

L’auteur compare ainsi cette idée du beau à celle dont Platon nous parle dans Hippias Majeur, quand Socrate fait dire à Hippias que la beauté d’une marmite réside dans sa faculté à bien cuire les aliments.

Chez les Dagara, les mots pòl ? et víel ? désignent tous les deux la beauté. Dans le mot pòl ?, l’idée qui est contenue est celle de la beauté physique en tant qu’elle intègre en elle la notion de croissance. Alors que le mot víel ? signifie d’une part Propreté et de l’autre le Bien : la propreté, considérée relativement à l’esprit, est une qualité morale et, comme telle, elle est un attribut du Bien. En revanche, lorsqu’elle qualifie une matière, elle relève du Beau.

Toutes ces études tendent à montrer des impressions esthétiques africaines ou des expressions de la beauté dans les langues africaines. Mais il ne suffit pas de produire de l’art et d’avoir du goût pour que naisse une esthétique. Car dès le Ve siècle avant Jésus-Christ, la Grèce produisait des œuvres d’art admirables et pourtant, elle n’avait pas à ce moment-là une esthétique. L’existence d’une production artistique, dans une société, n’est pas une preuve de l’existence d’une esthétique dans cette même société.

Thompson a révélé chez les Yorouba l’existence d’un vocabulaire spécifique établissant les règles de la sculpture et les critères d’une esthétique incontestablement liée à la critique d’art ; elle s’exprime par treize critères : la mimésis relative ou médiane, la visibilité relative, la luminosité relative d’une surface au poli luisant, la proportion émotive, la disposition, la composition, la délicatesse, la rondeur des contours et des masses partielles, l’angularité agréable, la rectitude relative, la symétrie, l’habileté et l’éphébisme du sculpteur (Thompson, R.F, 1973 :31-57).

Son étude formule théoriquement les critères qu’utilisent les Yoruba pour juger de leurs productions artistiques. Cette idée est aussi développée par Vogel. Mais à la différence de Thompson, Vogel refuse cette esthétique plurielle et défend l’idée d’une esthétique négro-africaine unitaire. Suzanne Vogel (1985 : XII) parle de symétrie, de beauté, de délicatesse, de richesse des matériaux tels que l’or et l’ivoire tandis que James Fernandez (1966 : 56) met l’accent sur l’équilibre. Dans la plupart des sociétés africaines, l’ajout d’un élément décoratif est considéré comme donnant plus de valeur à la pièce. C’est dans son African aesthetics (1987a) que Vogel propose une « esthétique africaine ». Elle prend appui sur les objets africains et les esthétiques particulières. Son étude porte sur les Baoulé et les Yoruba et les « grandes similitudes dans les résultats suggèrent qu’il existe une base partagée par les jugements esthétiques » (p.XIII). Il insiste sur ces similitudes, parce qu’elles « indiquent, dit-il, la voie vers une définition de l’esthétique africaine » (ibid.,). Ainsi ce seraient les similitudes qui conduiraient les comparaisons vers une définition de l’esthétique africaine en général.

Mais, Thompson comme Vogel ne savent pas que si l’Africain aime un type de statue, par exemple, et le contemple, c’est moins pour sa forme que pour le sentiment qu’il porte pour ce genre de statue qui lui est tenue secrète et lui est présentée exclusivement au cours d’une cérémonie d’initiation, de fête ou de mariage. Autrement dit, ce n’est pas la statue qu’il aime ; c’est plutôt le rituel au cours duquel la statue est utilisée. La statue n’a de sens que par rapport à son utilité. En fait, l’appréciation d’ensemble de l’Africain qui regarde une statue porte plus sur la fonction de la statue que sur sa forme. Senghor l’exprime si bien en ces termes en disant que dans l’art africain « il est question d’une beauté fonctionnelle ». (p.50). « […] en Afrique noire, ajoute-t-il, « l’art pour l’art » n’existe pas ; tout art est social ». Et pourtant, c’est la forme qui est essentielle dans l’expression d’un sentiment esthétique.

Cette esthétique n’est qu’une simple « interprétation » parce qu’elle est

« Etablie grâce à des moyens et méthodes d’investigation qui sont extérieurs à l’Afrique. Ces moyens et méthodes qui appartiennent à l’Occident, relèvent évidemment de la culture occidentale. C’est pourquoi cette esthétique ne peut être qu’une interprétation et, en tant que telle, elle n’appartient pas plus à l’Afrique qu’à l’Occident » (p.256).

Crowley (1973 : 246-247), dans le même ordre d’idées que Thompson et Vogel, parle de double symétrie, de polissage des surfaces, d’une maîtrise des outils, de la préférence pour les pièces en pied et de la beauté.

Cette conception de l’art africain est purement occidentale. En le considérant ainsi, les Occidentaux ont enlevé un peu de son contenu : les croyances qui s’y attachent, et au moins sa fonction opératoire. Il est certain que les critères occidentaux ne sont pas les mêmes que ceux des artistes africains. Pour les membres d’une ethnie africaine, les Dogons par exemple, la « valeur » d’une statue de culte est d’un ordre autre ; elle signifie autre chose que ce qu’il revêt aux yeux des Occidentaux. Le plaisir esthétique qui se dégage d’un masque ou d’une statuette importe moins pour un Dogon que sa fonction rituelle. On comprend dès lors que l’on puisse abandonner une statue, aussi belle soit telle, quand elle a fini de remplir sa fonction ; en la considérant désormais comme « morte », l’utilisateur africain indique que la vie qui l’animait auparavant est différente en tout de celle qui rend cette même sculpture précieuse pour les Occidentaux. Le masque au musée, défonctionnalisé, s’oppose à l’usage, dans son contexte d’origine. Il est, au musée, observé isolément, pour lui-même ; l’ethnologue étudie aussi bien son contexte d’usage que l’objet même. Extrait de son contexte, il se dépossède de son sens fonctionnel et est contemplé « comme une forme pure ». (Lucien Stephan, 1988 : 277).

Comme nous venons de le voir, dans l’approche des arts africains, certaines théories insistent sur l’aspect conceptuel tandis que d’autres, à partir de termes de langues locales qu’elles traduisent établissent une classification des appréciations esthétiques. Notre intention est d’aller au-delà d’une simple affirmation de l’existence d’une esthétique pour formuler une critique beaucoup plus fondamentale, à savoir qu’une théorie esthétique africaine – ou en général – est une tentative logiquement vaine de définir ce qui ne peut pas l’être, d’énoncer les propriétés nécessaires et suffisantes de ce qui n’a pas de propriétés nécessaires et suffisantes, de concevoir le concept d’art comme clos quand son véritable usage révèle et exige une ouverture. (cf. Morris Weitz, 1988 : 31).

  1. LE ROLE D’UNE THEORIE ESTHETIQUE

Si nous regardons bien ce que nous appelons « art africain », nous ne trouvons pas de propriétés communes mais seulement des similitudes. Savoir ce qu’est l’art africain « n’est pas saisir une essence manifeste ou latente, mais être capable de reconnaître, de décrire et d’expliquer » (Morris Weitz : p.32) ces objets que nous appelons « art africain » en vertu de leurs similitudes. Or la ressemblance fondamentale entre ces concepts est « leur texture ouverte ».

« Un concept est ouvert si ses conditions d’application peuvent être amendées et corrigées ; c’est-à-dire si on peut imaginer ou établir une situation ou un cas qui ferait appel à quelque espèce de décision de notre part ; en vue soit d’étendre l’usage du concept de façon à le couvrir, soit de clore le concept ou d’en inventer un nouveau pour traiter le nouveau cas et sa nouvelle propriété. Si on peut énoncer des conditions nécessaires et suffisantes pour l’application d’un concept, il s’agit d’un concept clos. Mais ceci ne peut arriver qu’en logique ou en mathématique, où les concepts sont construits et définis de façon complète. Cela ne peut être le cas pour les concepts empirico-descriptifs et les concepts normatifs, à moins que nous ne les fermions arbitrairement en stipulant les champs de leurs emplois » (Morris Weitz : 33).

 

L’art est un concept ouvert. Dans la création artistique africaine, de nouvelles conditions sociologiques sont apparues depuis les indépendances et elles apparaîtront sans aucun doute constamment. De nouvelles formes d’art, de nouveaux mouvements émergent et émergeront qui exigeront des décisions de la part des intéressés quant à la question de savoir si le concept d’art devrait être étendu ou non. Les ethnologues, les anthropologues, les esthéticiens peuvent bien aligner des conditions de similitudes, mais jamais des conditions nécessaires et suffisantes pour l’application correcte du concept. Les conditions d’application du concept d’ « art africain » ne peuvent jamais être énumérées exhaustivement puisque de nouveaux cas peuvent toujours être envisagés ou créés par les artistes africains, qui réclameraient une décision de la part de quelqu’un afin d’étendre ou de clore l’ancien concept, ou d’en inventer un nouveau.

C’est pourquoi, nous soutenons donc, avec Morris Weitz (1988), que le caractère très expansif, aventureux de l’art, ses changements incessants et ses nouvelles créations, font qu’il est logiquement impossible de garantir un ensemble de propriétés déterminantes (p.34). Choisir de clore le concept d’art en disant : « l’art africain c’est… » ou est pour nous ridicule puisque cela clôt les conditions mêmes de la créativité dans les arts. Il y a bien entendu, en art, des concepts clos légitimes et qui peuvent être utiles. Mais ce sont toujours ceux pour lesquels les limites des conditions ont été tracées dans un but particulier. Prenons, par exemple, la différence entre « art africain » et « art dogon » tels qu’ils subsistent. Le premier concept est ouvert et doit le rester [par rapport à la diversité des arts africains]. Le second est clos puisque les objets auxquels il s’applique, les conditions sous lesquelles il peut être utilisé correctement sont toutes données, dès que la frontière « dogon » est tracée. Ici le critique peut élaborer une théorie ou une définition réelle dans laquelle il énumère les propriétés communes – les arts dogons subsistants.

Ce qui est important, si le critique veut échapper à la confusion, c’est qu’il soit absolument clair sur la manière dont il conçoit ses concepts. Sinon, partant du problème qui consiste à essayer de définir le concept d’« art africain » – un art de la traversée -, il aboutit à clore arbitrairement le concept en fonction de certaines conditions ou caractéristiques auxquelles il donne la préférence et qu’il résume en une recommandation linguistique qu’il prend à tort pour une définition réelle du concept ouvert. Ainsi, beaucoup d’ethnologues, d’anthropologues, de critiques et d’esthéticiens, après avoir demandé : « Qu’est-ce que l’art africain ? » choisissent une classe d’échantillons ; ils fournissent une description vraie quant à ses propriétés communes, et ensuite interprètent cette description qui concerne la classe fermée choisie comme une vraie définition ou théorie de la classe ouverte de l’art. C’est là, nous pensons, le mécanisme logique de la plupart des soi-disant théories des sous-concepts de l’art africain : « Art yoruba », « art dogon », « art senoufo », etc.

La tâche première de l’esthétique africaine n’est pas de chercher une théorie mais d’élucider le concept d’art africain. Plus précisément, elle est de décrire les conditions dans lesquelles nous employons correctement ce concept. Jusqu’ici toutes les définitions, les reconstructions et les schémas d’analyse sur l’esthétique africaine sont « déformants » et n’ont rien ajouté à notre compréhension de l’art africain. Que signifie donc l’énoncé : « Cet objet est une œuvre d’art africain » ?

L’usage effectif du concept, « art africain », désigne-t-il uniquement un objet fabriqué en Afrique et par un Africain ? En d’autres termes, un masque représentant un dignitaire de l’Afrique traditionnelle sculpté par un Européen dans son continent ou même en Afrique, est-il un objet d’art africain ? Quelles sont les conditions dans lesquelles nous dirions qu’un tel objet est une œuvre d’art africain ?

Il n’y a pas de conditions nécessaires et suffisantes, mais des conditions qui consistent en plages de similitudes, c’est-à-dire des faisceaux de propriété dont aucune ne doit être présente, mais dont la plupart le sont, quand nous décrivons des choses comme œuvres d’art africain. Nous appellerons ces conditions les « critères de reconnaissance » des œuvres d’art africain. Toutes ces conditions ont fonctionné comme critères déterminants dans les diverses théories d’interprétations de l’art africain ; aussi nous sont-elles déjà familières. Ainsi, la plupart du temps, quand nous décrivons quelque chose comme une œuvre d’art africain, nous le faisons à condition que soit présente une espèce d’artéfact, fabriqué en Afrique et par un Africain. Certains théoriciens ajouteraient des conditions comme l’expression d’une émotion, d’un acte religieux ; mais ces dernières conditions semblent être tout à fait adventices, présentes à certains spectateurs mais pas à d’autres.

L’énoncé : « Tel objet est une œuvre d’art africain et a été fabriqué en Europe (ou en Afrique) par un sculpteur Français (ou par un sculpteur Sénégalais vivant en Allemagne) et représentant un dignitaire, un chef ou un dieu africain », peut aussi bien être sensé et est susceptible d’être vrai dans certains circonstances.

Aucun des critères de reconnaissance n’est un critère déterminant, nécessaire ou suffisant, parce que nous pouvons parfois dire de quelque chose que c’est une œuvre d’art africain et continuer à lui dénier n’importe laquelle de ces conditions, y compris celle qu’on a traditionnellement considérée comme fondamentale, à savoir être fabriqué en Afrique et par un Africain. Ainsi, le rôle d’une théorie esthétique africaine n’est pas de définir quelque chose mais d’utiliser la forme de la définition, « de façon presque épigrammatique », pour accrocher une recommandation déterminante visant à diriger à nouveau notre attention vers les éléments religieux et muséographiques de l’art africain.

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[1] Université de Rouen/ERAC, France

[2] MAUSS, Marcel, « Dire ce qu’on sait, tout ce qu’on sait, rien que ce qu’on sait », Manuel d’ethnographie, 1947, Paris, Payot, 1967, p.10.

 

[3] « Ne négliger aucun détail (…). Il faut non seulement décrire tout, mais procéder à une analyse en profondeur où se marquera la valeur de l’observateur, son génie sociologique », idem, p.10.

[4] Cf. LAUDE, Jean, « L’esthétique de Carl Einstein », Méditation, n°3, Revue des expressions contemporaines, automne 1961, p.91.

[5] Cahiers d’Etudes africaines, Volume 6, premier Cahier, n°21, 1966, p. 69-85.

[6] Ibid., p.70.

[7] DELANGE, Jacqueline, Arts et peuples de l’Afrique noire. Introduction à une analyse des créations plastiques, Paris, Gallimard, 1967, p.216.

[8] STEPHAN, Lucien, « Ethnologie-Ethno-esthétique, in Encyclopédie Universalis, Corpus 8.

[9] LEIRIS, Michel, Préface de Arts et peuples de l’Afrique noire. Introduction à une analyse des créations plastiques, Paris, Gallimard, 1967.

[10] WILLIAM, Fagg, « De l’art des Yoruba », in Présence Africaine, n°10-11, 1951, p.107.

[11] The traditional artist in african societies, edited by Warren L. d’Azevedo, Indiana University Press, 1973, p.379-416.

[12] PERROIS, Louis, « Anthropologie et histoire des arts africains », in De l’art nègre à l’art africain, 1990, p.72.

[13] Ibid., p.73.

[14] PERROIS, Louis, op. cit., p.72.

[15] Cf. Pour une étude des rapports entre le pouvoir et ses manifestations esthétiques dans l’Afrique traditionnelle, FRAZER et COLE, 1972 et le compte rendu de Jacques MAQUET, 1973 a.

[16] BALOGUN, Ola, « Forme et expression dans les arts africains », in Introduction à la culture africaine, UNESCO, 1977, p.75.

[17] Idem, p.82.

[18] BALOGUN, Ola, op. cit., p.83.

[19] SENGHOR, in Diogène, Revue trimestrielle, n°16, p. 50, Gallimard, 1956.

[20] LEIRIS, M., « Les nègres d’Afrique et les arts sculpturaux », in Originalité des cultures, son rôle dans la compréhension internationale, Paris, UNESCO, 1954, p. 336-373.

[21] MEMEL-FOTE, H., « La vision du beau dans la culture négro-africaine », in Fonction et signification de l’art nègre dans la vie du peuple et pour le peuple, actes du colloque du premier festival mondial des arts “nègres”, Présence africaine, n°47-67, 1967, p.50.

[22] ENGELBERT, Mveng, « Problématique d’une esthétique négro-africaine », Ethiopiques, n°23, 1975, p.73.

[23] NDAW, Alassane, « Conscience et communication esthétique négro-africaine », Ethiopiques, n°23, 1975.

[24] LEHUARD, Raoul, « Question d’esthétique en Afrique noire », in Arts d’Afrique noire, n°74, 1990, p.51-53.

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