Notes de lecture

URSULA BAUMGARDT ET FRANÇOISE UGOCHUKWU (DIR), APPROCHES LITTERAIRES DE L’ORALITE AFRICAINE, PARIS, KARTHALA, 2005, 336pages

Ethiopiques numéro 75

Littérature, philosophie et art

2ème semestre 2005

Ursula BAUMGARDT et Françoise UGOCHUKWU (dir), Approches littéraires de l’oralité africaine,

Paris, Karthala, 2005, 336 pages.

Cet ouvrage dédié au professeur Jean Dérive à l’occasion de son départ à la retraite réunit des contributions de ses amis et de quelques-uns de ses disciples. Préfacé par Geneviève Calame Griaule, il s’organise autour de cinq parties.

Le balisage est effectué au détour d’une étude de la notion de parole à partir d’un double regard. Ursula Baumgardt, s’appuyant sur les productions verbales des Peuls du Cameroun, analyse le conte comme parole agissante alors que Françoise Ugochukwu, qui s’intéresse à la culture igbo (Nigéria), choisit de mettre l’accent sur le nom pour illustrer la puissance des mots.

La revue des genres oraux s’ouvre sur un texte de Ansoumane Camara. Ce dernier esquisse une typologie des contes et des épopées malinké de la Haute-Guinée fondée sur le statut du narrateur, le profil du héros et la nature de l’activité célébrée. Exploitant un corpus sénégalais, Ndiabou Séga Touré, quant à elle, relève les diverses représentations du maître initiateur dans les contes initiatiques wolof. Un pan du patrimoine immatériel du Burkina Faso nous est présenté par Kam Sié Alain à travers les « jeux de langage ». Après avoir fait la différence entre l’énigme, la charade et les devinettes, l’auteur montre que derrière l’expression concise et très imagée se cache toute une documentation sur la société.

La troisième partie traite des rapports entre la littérature orale et les pratiques sociales. André Camara y présente la « corde à proverbes » du maître-kpado (Guinée et Libéria), qui a la particularité d’associer, dans ses performances, parole et art graphique.

L’ouvrage fait aussi une large part à la néo-oralité. Les ressorts de celle-ci sont dévoilés par le biais d’une lecture des légendes urbaines gabonaises qui reprennent les thèmes et les motifs des contes traditionnels en les réadaptant au contexte de la vie moderne. A l’aide d’un corpus dominé par la figure du serpent, Léa Zame Avezo’o explique comment ce genre populaire oral déchiffre le monde dans lequel nous vivons et nous propose des interprétations.

C’est une autre expression des réalités urbaines qui retient l’attention d’Alain Sanou : les jεkulu. La configuration, le répertoire et les prestations de ces ensembles musicaux nés dans les quartiers de Bobo-Dioulasso reflètent les nouveaux liens sociaux que crée la ville.

La dernière partie de l’ouvrage est consacrée à la littérature africaine d’expression française. Marlène Hoensch y examine, en se référant à L’Initié (O. Bély-Quénum), Comme une piqûre de guêpe (M. M. Diabaté) et aux Ecailles du ciel (T. Monénembo), le mode de reproduction du scénario initiatique des contes dans le roman. Kouadio Kobenan N’guettia, privilégiant les aspects langagiers, souligne ce que la poésie de Jean-Marie Adiaffi doit à la littérature orale agni (Côte d’Ivoire).

Les quinze contributions regroupées dans cet ouvrage constituent un témoignage éloquent sur la portée du travail de Jean Dérive.