Hommages et témoignages

TROIS POEMES D’AFRIQUE NOIRE EN HOMMAGE A LEOPOLD SEDAR SENGHOR ET UN POEME D’HAITI

Ethiopiques 59

Revue négro-africaine

de littérature et de philosophie

2ème semestre 1997

 

Senghor 90, Salve Magister

Hommage au Président Léopold Sédar Senghor

 

A l’Occasion de son 90e anniversaire

 

(Octobre 1996)

 

I

Lui, attentif à l’étendard ocellé d’une aile, à la fontaine d’un palmier. Elle, l’Egyptienne, la Sulamite, lune rouge sur l’île noire. La mer monte, flaire déjà sa couche solennelle, lèche ses orteils d’herbe, la recouvre toute entière, ruisselant comme un vin violet. Houle, bientôt l’emporteront de plus profondes vagues, de plus sombres, somptueuses. Demeurera son désir précieux, ton miroir.

 

II

Nue, noire, si tu te couches sous l’aile rose du crépuscule – si tu rêves au trésor des insectes, à la danse lente des grands mangliers – fruits lourds et colombes bleues, si tes seins se gonflent de suc ténébreux : c’est au profit du vent et de l’oiseau du vent lorsqu’il plane, s’étend, se rassemble en tourbillons verts. Puis il ira frôler une lyre de gazelle, ta servante, ta guetteuse. Et viendra la nuit de moire, de lèvres humides, de délices musquées, ô reine, ô souveraine !

 

III

Masques de coquillages, débris d’étoiles, sages pollens, palmes – nous célébrerons l’anniversaire de l’Arbre au sang fidèle, cousant de fils verts et rouges l’été des collines. O Abondante, ô Noire, ô patiente bienfaitrice, il veille la paresse de ton ventre oint d’huile splendide, tes seins fleuris de colliers lourds, de coeurs comme les nôtres – avides de couleurs profondes, de parfums. L’arbre de la fête fertile, invincible saison, l’arbre de l’été.

 

UNE ILE D’ERZULIE

Vert d’opale et pourpre vénusienne, noir d’aigle, bleu indien, almagre au vent des plateaux, or de mer dans la nuit zinzoline – toutes couleurs dansant sur la peau d’une île d’Erzulie.

Chaleur blanche des corolles closes, herbe à aiguilles, écailles des rivières, bec de l’oiseau corail, madrépores – c’est pour son collier de Maîtresse d’Amour.

Le devoir de beauté multiplie ses sœurs, les trieuses aux lèvres de mangue, aux paumes mûres et sucrées, les donneuses de vin violet, ses sœurs douces-amères.