Poèmes

TRACES

Ethiopiques n°86.

Littérature, philosophie et art

Demain l’Afrique : penser le devenir africain

1er semestre 2011

TRACES [1]

Il a beau pleuvoir

tes traces restent intactes

L’eau ni le temps

qui grignotent la Langue de Barbarie

n’érodent

mais lustrent tes pas

Tu n’as pas marché

sur un sable se ridant fuyant devant le vent

et s’amoncelant à l’encoignure de la vanité

Comme les premiers hommes

tu as inscrit tes initiales

dans la mémoire pariétale d’un roc fidèle

Tu as emprunté

tous les chemins de la fraternité

dormi

dans les bras de tant de terres diverses et envoûtantes

recueilli

le miel pour le partager

de tant de bouches de vérité et de paix

fécondé

des esprits désenchantés

et secoué

des cœurs au sommeil de pierre

La tombe qui se ferme

est le rideau qui tombe

et te rend au jour lumineux

qui éclabousse vif ma vue

Et sur ma poitrine

que soulève l’orage des sanglots

coule lente ma douleur

Va

L’aimant de ta voix me tire

Je titube sur la trace de ton odeur de fauve

Va

Ton ombre à ta recherche

se tapit à mon ombre

Je reste moi et je deviens toi

Toi moi

verbe et souffle

encre et salive

Je demeure la plume

tu étais la parole

l’enclume qui amplifie l’écho du marteau

Pour qui écrirai- je désormais

mais qui saura dire la tragédie inédite de l’Afrique

pusillanime

qui n’en finit pas de renaître

refuse de s’unir pour grandir

réunit pourtant le monde

pour quelle parodie

encore

Va

Le spectacle dure outre mesure

et ne mérite point l’attente du dénouement

Il n’y aura pas un coup de théâtre

Les Artistes se lèvent

Le public hue

La salle se vide

Place aux saltimbanques

aux thuriféraires

dont les costumes sont épinglés de billets de banque

et de médailles sans éclat

Marie Augustine Diatta et Oumar Seck dans les rôles de Nolivé et de Chaka dans la pièce de l’auteur : Chaka ou le roi visionnaire, dans une mise en scène de Mamadou Seyba Lamine TRAORE

Eclate encore ton gros rire sardonique

ton rire d’outre- scène

devant la comédie malsaine de la vie

véreuse

vénéneuse

va

Oumar-Chaka [2] à ta noce céleste avec Marie-Nolivé [3] dont le corps s’est dissout dans les entrailles de la mer

qui garde jalouse Le Joola.

[1] Poème écrit en hommage à Oumar Seck, comédien, sociétaire du Théâtre national Daniel Sorano (Sénégal), disparu le mercredi 24 mars 2010.

[2] Personnage principal de la pièce Chaka ou le roi visionnaire incarné par Oumar SECK.

[3] Personnage de la même pièce et fiancée de Chaka incarnée par Marie-Augustine Diatta disparue dans le naufrage du bateau Le Joola.