SOLEILS COUCHANTS
Ethiopiques n°79.
Littérature, philosophie et art
2ème semestre 2007
1.
Je marche dans les rues avec la mort en vue
Elle m’accompagne partout et me poursuit dans le soleil d’envie
Je boîte ma danse
J’emboîte le pas d’une belle qui m’éconduit
Je marche seul et la mort
c’est ce tam tam
au loin
si vite
2.
Tant de sable
sur le tam tam des heures
sur le tam tam du cœur
sur l’écran des cliniques
où courent les morts en sursis
Et je suis étonné d’être là encore
sur le sable qui voile la forêt des sexes
que je devine à peine
-et les affaires qu’on n’a pas rangées
les quiproquos qu’on laisse perdurer
les amours inachevées inavouées
la mort qui sonne
le glas
3.
Je les entends ce matin sur Dakar
Oiseaux qui aiguisent le soleil
oiseaux qui survolent d’une aile la rue Aimé-Césaire
puis la rue Saint-John Perse
oiseaux qui se taisent quand le poème relaie leur chant
oiseaux aimables que les chats un peu partout regardent
en coin
4
J’ai cru entendre Dakar
C’était Dacca
Mon oreille africaine n’a pour cœur que la ville de Senghor
sa corniche tortueuse où l’on pense à l’amour
aux amarres
à l’amorce
à la mort aussi
au Djola
belle arche de Noé couchée près l’île de Karabane
où le corps de la Baïnouk aimée surnage peut-être encore
Dakar Dakar mon cœur mon cauchemar
5.
Le soleil qui se couche n’est plus le soleil
L’océan le prend dans sa bouche et l’avale
Le soleil entre dans le ventre de la terre
Il pénètre pour renaître
La mort
c’est quand le nuage l’enterre
sous le linceul de ses vagues
6.
Le ciel s’est obscurci et c’est l’angoisse
Pourquoi tant de langueur
quand le ciel se dilue en torpeur ?
On avance sur un sentier où des corps
sont pendus aux branches d’un arbre élagué
Le ciel s’est obscurci
c’est aujourd’hui le deuil
l’accablement
Le soleil sera une gifle
pour demain
7.
Le vent se lève sur l’Afrique
Le vent
c’est tonnerre
c’est tunique
Le vent broie l’Afrique
en ses baies magnifiques
La mort
c’est courant maléfique
Le vent
les vents
on ne sait quand d’Afrique ils surgissent
Vents violents
vents taiseux
le calme se complique
8.
L’heure dite n’est pas
L’heure toujours se dédit
Pour la mort c’est pratique
c’est plus tard c’est jamais
L’heure n’a besoin d’être dite
Elle arrive elle s’édicte
Elle s’impose fait verdict
sans qu’on ait à redire
L’heure dite n’est pas
Elle est ce que personne ne pourra dire