Critique d’art

RETOUR ET RESTITUTION DE BIENS CULTURELS A LEUR PAYS D’ORIGINE : OBJETS ET MOTIFS

Ethiopiques numéro 75

Littérature, philosophie et art

2ème semestre 2005

RETOUR ET RESTITUTION DE BIENS CULTURELS A LEUR PAYS D’ORIGINE : OBJETS ET MOTIFS [1]

La question du « retour et de la restitution de biens culturels à leur pays d’origine » est une vieille question discutée au sein des organisations culturelles internationales, puis initiée et prise en charge au niveau de l’UNESCO, d’abord par René Maheu, puis par Amadou Moctar Mbow, ses anciens directeurs généraux.

Dans cette organisation, de nombreuses années de débats, d’études et de recherches ont abouti à la Convention de 1970, adoptée à la 38è séance plénière, le 14 novembre 1970, lors de la 16è session. Mais c’est seulement le 22 octobre 1987 que l’Assemblée générale de l’ONU adopte cette Convention par la Résolution 42/7.

Le long écart entre les deux dates reflète en réalité les difficultés que soulève la question car les enjeux sont importants. Difficultés et enjeux s’exprimaient à travers l’abstention, lors du vote de la Résolution, des principaux pays industrialisés de l’Occident, dont ceux de l’Union européenne actuelle, des Etats-Unis d’Amérique, de l’Australie, d’Israël, etc. En effet, ce sont prioritairement ces pays qui sont concernés par la Convention et la Résolution, puisque, anciennes puissances colonisatrices, elles avaient, au cours de plusieurs siècles de domination, acquis, accumulé et conservé des biens et valeurs culturels inestimables, ayant appartenu aux peuples qu’ils avaient colonisés. Dans ces pays, à côté des patrimoines culturels publics, il existe encore de nombreuses collections privées, constituées de très nombreux biens culturels, propriétés des peuples colonisés anciennement.

Si cette question du retour et de la restitution a été posée, c’est parce qu’il a été observé, et l’on observe encore, que tous les musées ethnologiques européens et nord-américains, mais également les collections privées, sont remplis d’objets d’art et de biens culturels et ayant appartenu aux peuples anciennement dominés qui les ont créés.

Ces pays occidentaux accepteront-ils volontiers de se laisser dessaisir de ces valeurs culturelles ? Ces valeurs constituent-elles désormais des richesses nationales de ces pays industrialisés et intégrables, en tant que telles, à leurs patrimoines culturels nationaux ? Est-il possible de dresser des inventaires complets de tous ces patrimoines ?

Selon quelles conditions et modalités seront effectués ce retour et cette restitution ? Les pays détenteurs accepteront-ils de les restituer sans contrepartie ? Les pays dépossédés disposent-ils des moyens de rachat, de conservation, de traitement et de mise en valeur de ces patrimoines, une fois le retour effectué ?

Ainsi, les questions que suscitent la Convention de 1970 et la Résolution 42/7 sont importantes et difficiles, et leur seule existence ne semble pas devoir suffire pour réaliser les objectifs poursuivis.

Et pourtant, sans doute grâce au combat et à l’action de l’UNESCO au cours de ces trois dernières décennies, la nécessité du retour et de la restitution est désormais reconnue comme légitime non seulement au sein des organisations culturelles internationales, mais également dans les milieux des professionnels des musées.

  1. LA CONVENTION DE 1970 ET LA RESOLUTION 42/7

1.1. La Convention de 1970

Elle ne stipule pas, de manière expresse, « le retour ou la restitution de biens culturels », mais est libellée de la manière suivante : « Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels ».

C’est la Résolution 42/7 qui est intitulée : « Retour ou Restitution de biens culturels à leur pays d’origine ».

Ainsi, la Convention est résolument prospective, car elle ambitionne d’empêcher dans l’avenir toutes les transactions frauduleuses de biens culturels en mettant en œuvre un ensemble de mesures appropriées ; tandis que la Résolution s’attache à rétablir la justice en exigeant le retour ou la restitution de biens culturels qui, dans le passé colonial ou de domination politique ou par le fait de la guerre, ont été acquis illicitement. Ce qui se révèle à travers l’analyse des deux textes.

1.1.1. Objet

L’article 4 de la Convention détermine la nature du bien culturel, alors que l’article 1 énumère les catégories de biens culturels faisant partie des patrimoines culturels des peuples et ne pouvant faire l’objet d’importation, d’exportation ou de transfert illicites. Les articles 2 à 17 répertorient les moyens et les mesures à mettre en œuvre, tandis que les derniers (18 à 26) traitent de l’adhésion, de la ratification, de la dénonciation et de la révision de la convention. Ces derniers articles ne feront pas ici l’objet d’une analyse. Aux termes de l’article 4, il faut entendre par bien culturel :

– le bien créé par le génie individuel ou collectif des ressortissants de l’Etat considéré ;

– le bien créé sur le territoire de l’Etat considéré par des ressortissants étrangers ou par des apatrides résidant sur ce territoire ;

– le bien trouvé sur le territoire national ;

– le bien acquis par des missions archéologiques, ethnologiques ou de sciences naturelles, avec le consentement des autorités compétentes du pays d’origine de ce bien ;

– le bien ayant fait l’objet d’échanges librement consentis ;

– le bien reçu à titre gratuit ou acheté légalement avec le consentement des autorités compétentes du pays d’origine.

Dans ces définitions du bien culturel, deux d’entre elles présentent des difficultés :

– celle relative au bien acquis par des missions de recherches avec le consentement des autorités compétentes du pays d’origine ;

– et celle concernant le bien acheté légalement avec le consentement des autorités compétentes du pays d’origine.

Dans le premier cas, les missions de recherche qui étaient organisées pendant la période coloniale étaient effectuées par les chercheurs des puissances dominatrices avec la bénédiction, parfois avec le concours financier des autorités de ces puissances, à moins que leurs missions ne soient décidées, financées et organisées par des institutions de recherche de leurs Etats (cf. Institut d’Ethnologie de Paris, CNRS, ORSTOM pour la France, le Roi Léopold II de Belgique et le Musée du Congo belge, devenu Musée Royal de l’Afrique centrale ; le British Museum en Angleterre, etc.). Il s’y ajoute que pendant la période post-coloniale, outre que les autorités compétentes des pays concernés ne prenaient pas une exacte mesure des enjeux de ces recherches, mais encore les missions de recherche ne rendaient pas honnêtement compte de leurs découvertes et résultats de recherches ou alors ceux-ci étaient rapatriés à l’insu des autorités compétentes du pays d’origine. Dans le second cas, le commerce de biens culturels (objets d’art en particulier) étant généralement libre dans la plupart des pays et parfois anarchique dans bien des cas (conditions du commerce, analphabétisme des populations autochtones, etc.), on voit mal comment ces biens peuvent être acquis légalement et comment les autorités compétentes peuvent contrôler ces transactions, et, a fortiori, accorder leur consentement. Dans beaucoup de pays africains, il n’existe pratiquement pas de structures de contrôle ou d’enregistrement de biens culturels acquis. L’article 4, combiné à l’article premier, permet de préciser que ces biens culturels ne sont considérés comme faisant partie des patrimoines culturels des peuples que si, à titre religieux ou profane, ils présentent une importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science. Il appartient à chaque Etat de chaque pays de désigner, donc de définir, ses biens culturels. Sur ces bases, l’article premier recense les catégories de biens culturels :

– les collections et spécimens rares de zoologie, de botanique, de minéralogie et d’anatomie ; objets présentant un intérêt paléontologique ;

– les biens concernant l’histoire ;

– le produit des fouilles et découvertes archéologiques ;

– les éléments provenant du démembrement de monuments artistiques ou historiques et des sites archéologiques ;

– les objets anciens, ayant plus de 100 ans d’âge (inscriptions, monnaies et sceaux gravés) ;

– le matériel ethnologique ;

– les biens d’intérêt artistique (tableaux, peintures, dessins, statues, sculptures, gravures, estampes, lithographies, assemblages et montages artistiques) ;

– les manuscrits, livres, documents et publications, anciens, rares et d’intérêt spécial ;

– les timbres-poste, timbres fiscaux et analogues ;

– les archives (phonographiques, photographiques, cinématographiques, etc.) ;

– les objets d’ameublement et les instruments de musique anciens.

1.1.2. Motifs

Ces motifs, à la fois philosophiques, éthiques, juridiques et économiques, sont répertoriés dans le préambule.

D’abord, les biens culturels constituent des éléments fondamentaux de la civilisation et de la culture des peuples et, en tant que tels, ils ne prennent leur valeur réelle que si leur origine, leur histoire et leur environnement sont bien connus ; il faut par conséquent les préserver et les maintenir dans leur milieu d’origine.

Chaque Etat a l’obligation de protéger le patrimoine culturel de son peuple contre le vol, les fouilles clandestines et l’exportation illicite. Il est donc indispensable qu’il ait davantage conscience des obligations morales relatives au respect à la fois de son patrimoine culturel et de celui de toutes les nations. Il doit également veiller à ce que les collections de ses musées, de ses bibliothèques et de ses archives soient constituées sur des principes moraux universellement reconnus.

L’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites de biens culturels entravent la compréhension mutuelle des Nations, constituent des facteurs de discorde entre les Nations, appauvrissent les patrimoines culturels nationaux et privent les peuples de valeurs économiques, essentielles par ailleurs pour l’émergence et la consolidation de la conscience de l’identité culturelle nationale.

L’article 11 apporte une précision capitale, relative aux biens acquis par les puissances dominatrices ; il stipule que

1.1. 3. Moyens

Les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de la Convention de 1970 se conçoivent aux plans national et international.

Au plan national

  1. a) Les Etats parties à la présente Convention s’engagent à combattre par tous les moyens ces pratiques illicites d’importation, d’exportation et de transfert de propriété des biens culturels, notamment en supprimant leurs causes, en arrêtant leur cours et en aidant à effectuer les réparations qui s’imposent (article 2, alinéa 2).
  2. b) Les Etats s’engagent à créer sur leur territoire des structures (services) de protection du patrimoine culturel en les dotant de personnels qualifiés et en nombre suffisant et d’un budget également suffisant. Ces structures et personnels auraient pour fonctions (articles 5 et 14) de :

– contribuer à l’élaboration des textes législatifs et réglementaires en vue de permettre la protection du patrimoine culturel national ;

– établir et tenir à jour, sur la base d’un inventaire national de protection, la liste des biens culturels importants, publics et privés, dont l’exportation constituerait un appauvrissement sensible du patrimoine culturel national ;

– promouvoir le développement ou la création d’instituts scientifiques et techniques (musées, bibliothèques, archives, laboratoires, ateliers, etc.), nécessaires pour assurer la conservation et la mise en valeur des biens culturels ;

– organiser le contrôle des fouilles archéologiques, assurer la conservation « in situ » de certains biens culturels et protéger certaines zones réservées à des recherches archéologiques futures ;

– établir, à l’intention des personnes concernées (conservateurs, collectionneurs, antiquaires, etc.), des règles conformes aux principes éthiques formulés dans la présente Convention et veiller au respect de ces règles ;

– exercer une action éducative afin d’éveiller et de développer le respect du patrimoine culturel de tous les Etats et diffuser largement la connaissance des dispositions de la présente Convention ;

– veiller à ce qu’une publicité appropriée soit donnée à tout cas de disparition d’un bien culturel.

  1. c) Les Etats parties à la présente Convention s’engagent à (article 6) :

– instituer un certificat autorisant l’exportation de certains biens et les accompagnant ;

– interdire l’exportation de biens non accompagnés du certificat d’exportation ;

– diffuser le plus largement possible auprès du public cette interdiction.

  1. d) Les Etats parties à la présente Convention s’engagent à (article 7) :

– prendre toutes les mesures nécessaires pour interdire l’acquisition frauduleuse, par les musées et autres institutions nationales, de biens culturels appartenant à d’autres Etats et informer ces Etats de ces transactions frauduleuses ;

– interdire l’importation des biens culturels volés dans des institutions d’autres Etats ;

– prendre les mesures appropriées pour saisir et restituer les biens culturels volés aux autres Etats.

 

  1. e) Les Etats parties à la présente Convention s’engagent à frapper de sanctions pénales ou administratives toute personne responsable d’une infraction aux interdictions précédentes (article 8).
  2. f) Les Etats s’engagent à obliger les antiquaires à tenir des registres indiquant la provenance de chaque bien, le nom et l’adresse du fournisseur, la description et le prix de chaque bien ou toute autre information utile aux acquéreurs (article 10).
  3. g) Les Etats s’engagent à s’efforcer, par l’éducation, de créer et de développer le sentiment de la valeur des biens culturels et du danger que le vol, les fouilles clandestines et les exportations illicites représentent pour le patrimoine culturel (article 10, alinéa 2).
  4. h) Les Etats s’engagent à (article 13) :

– empêcher, par tous les moyens appropriés, les transferts de propriété de biens (alinéa 2) ;

– faire en sorte que leurs services compétents collaborent en vue de faciliter la restitution, à qui de droit, des biens culturels exportés illicitement (alinéa 3) ;

– admettre une action de revendication de biens culturels perdus ou volés exercée par le propriétaire légitime ou en son nom (alinéa 4).

Au plan international

  1. a) Par la ratification et l’adhésion à la présente Convention, les Etats acceptent de respecter et d’appliquer ces dispositions, de coopérer avec les autres Etats dans la lutte contre l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites de biens culturels et de souscrire des conventions internationales à cet effet ou des accords particuliers ou bilatéraux. Ils s’engagent à participer à toute opération internationale concertée en vue de déterminer et d’appliquer les mesures concrètes nécessaires à cet effet (article 9).
  2. b) Les Etats parties à la présente Convention s’engagent à reconnaître le droit imprescriptible de chaque Etat de classer et de déclarer inaliénables certains biens culturels ne pouvant pas être exportés, et à faciliter la récupération par l’Etat concerné de tels biens frauduleusement exportés (article 13, alinéa d) ;
  3. c) Les Etats parties à la présente Convention présenteront des rapports périodiques à la Conférence générale de l’Unesco en indiquant les dispositions législatives et réglementaires, les mesures adoptées pour l’application de la présente Convention et l’expérience acquise dans ce domaine (article 16).
  4. d) Dans ce cadre international, l’Unesco constitue, pour tous les Etats parties à la présente Convention, une structure de coordination et de concertation et un organe technique (article 17). En effet, elle peut :

– offrir ses bons offices lorsqu’un différend oppose deux Etats ;

– faire des propositions aux Etats en vue de la mise en œuvre de la Convention ;

– apporter son concours technique en ce qui concerne l’information et l’éducation, la consultation et l’expertise, la coordination ;

– entreprendre des recherches et publier des études relatives à la circulation des biens culturels ;

– recourir à la coopération de toute organisation non gouvernementale compétente.

Selon le document CC-87/CONF.207/3 du 2 février 1987 de l’UNESCO, 58 pays avaient ratifié cette Convention au début de 1985.

  1. 2. La Résolution 42/7

Cette Résolution a été adoptée le 22 octobre 1987 par l’Assemblée générale de l’ONU lors de sa quarante-deuxième session (21 septembre-21 décembre 1987) et par 103 votes en faveur, aucun vote contre, 15 abstentions et 40 pays absents.

Rappelant plusieurs résolutions antérieures de l’Assemblée générale de l’ONU relatives à la même question, mais également la Convention de 1970 de l’UNESCO, la Résolution 42/7 exprime successivement la satisfaction, la conscience, la préoccupation de l’Assemblée générale de l’ONU et félicite l’UNESCO et le comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution, en cas d’appropriation de l’œuvre qu’ils ont accomplie.

Puis en 14 points, l’Assemblée générale décide, demande, félicite, invite, prie et réaffirme.

1.2.1. Motifs

  1. Le retour des biens culturels de valeur spirituelle et culturelle fondamentale à leur pays d’origine est d’une importance capitale pour les peuples concernés en vue de constituer des collections représentatives de leur patrimoine culturel (préambule, § 5).
  2. L’inventaire des biens culturels nationaux est également important

– en tant qu’instrument pour la compréhension et la protection des biens culturels et pour l’identification des patrimoines dispersés ;

– en tant que contribution au progrès des connaissances scientifiques et de la communication interculturelle (préambule, § 6).

  1. L’appauvrissement continu des patrimoines culturels des peuples, par des fouilles clandestines et par le trafic illicite de biens culturels qui sont toujours pratiqués, constitue un danger préoccupant (préambule, § 7).
  2. Les biens culturels des peuples ayant fait l’objet d’importation, d’exportation et de transfert illicites constituent des valeurs irremplaçables des patrimoines culturels de ces peuples (préambule, § 8).
  3. La restitution de ces biens à leur pays d’origine peut contribuer au renforcement de la coopération internationale, à la préservation et à l’épanouissement des valeurs culturelles universelles grâce à une coopération fructueuse entre les pays développés et les pays en voie de développement (point 2).

1.2.2. Moyens

  1. La Résolution félicite l’UNESCO et le Comité international pour la promotion du retour de l’action déjà entreprise et de la mise en œuvre de moyens appropriés et efficaces pour atteindre les objectifs visés, dont notamment :

– la promotion de négociations bilatérales,

– l’élaboration d’inventaires des biens culturels mobiliers,

– la réduction du trafic illicite des biens culturels,

– l’information du public sur cette question (point 1, § 9).

  1. La coopération entre les pays développés et les pays en développement peut contribuer à cette restitution (point 2, § 10).
  2. Les Etats membres doivent adopter ou renforcer les législations nationales protectrices des patrimoines nationaux et celui des autres peuples (point 3, § 11).
  3. Ils doivent introduire dans les permis de fouilles qu’ils accordent une clause demandant aux archéologues et aux paléontologues de fournir aux autorités nationales une documentation photographique sur chaque objet mis à jour au cours des fouilles immédiatement après sa découverte (point 4, § 12).
  4. Ils doivent poursuivre, en collaboration avec l’UNESCO, l’élaboration des inventaires systématiques des biens culturels existant sur leur territoire et de ceux se trouvant à l’étranger (point 5, § 13).
  5. Ces inventaires doivent être complets (objets exposés et objets en réserve) et comporter toute la documentation nécessaire, notamment des photographies de chaque objet (point 6, § 14).
  6. Chaque Etat membre doit accepter et faciliter la coopération scientifique internationale en matière de recherche des trésors dans les fonds marins avec des Etats ayant un lien historique et culturel avec ces trésors (point 7, § 15).
  7. Les Etats membres doivent accepter de coopérer avec le comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels et conclure des accords bilatéraux à cet effet (point 8, § 16).
  8. Les Etats membres doivent encourager dans leur pays tous les moyens d’information, d’éducation et de culture à travailler à une prise de conscience générale de cette question de retour ou de restitution de biens culturels (point 9, § 17).
  9. Les Etats membres doivent non seulement prendre des mesures d’application de la Convention mais en informer régulièrement le Secrétariat (point 10, § 18).
  10. Tous les Etats sont invités à ratifier la Convention de 1970, car plus les Etats parties à la présente Convention sont nombreux, plus les chances d’application des mesures sont accrues (points 11 et 12, §§ 19 et 20).
  11. Une action concertée entre le Secrétariat de l’ONU et le Directeur général de l’UNESCO et un suivi sont indispensables dans cette entreprise (points 13 et 14, §§ 21 et 22).

Cette Résolution est d’une concision et d’une sobriété de style remarquables. Le caractère impératif du libellé du titre est atténué dans le corps du texte par des formules modérées qui traduisent la nature mais également les limites de l’institution qu’est l’Assemblée générale de l’ONU (« recommande », « demande », « invite », « fait appel », « se félicite », « prie ») ; elle ne peut en effet contraindre les Etats et ne dispose d’aucune force de coercition.

Cependant, par les différents caractères soulignés antérieurement, la Résolution paraît bien révélatrice d’une prise de conscience, au niveau de l’institution de l’ONU, de la nécessité et de l’irréversibilité du retour et de la restitution des biens culturels à leurs pays d’origine. L’ONU et l’UNESCO ont précisément pour vocation de contribuer à ce retour par des moyens et des voies pacifiques, en privilégiant la négociation (bi- ou multilatérale) et la coopération entre les Etats, avec le concours d’institutions techniques spécialisées.

C’est pourquoi, dès l’adoption de la Convention de 1970, l’UNESCO s’est attelée à ces tâches. C’est qu’en effet, son acte constitutif, déjà adopté à Londres le 16 novembre 1945, orientait l’UNESCO vers la prise en charge de telles tâches, d’une part en contribuant à une universalisation des valeurs et des idées par leur diffusion à l’échelle planétaire et d’autre part en veillant à la conservation et à la protection du patrimoine universel de livres, d’œuvres d’art et d’autres monuments d’intérêt historique ou scientifique, et en recommandant aux peuples intéressés des conventions internationales à cet effet (article 1er, 2c.) ; et donc conservation et protection du patrimoine culturel universel, mais également des patrimoines particuliers des peuples.

Depuis 1970, L’UNESCO et ses organes techniques ont initié de nombreuses actions dans le cadre de ce projet de retour et de restitution ; parmi ces actions, on peut citer :

– 1972 : adoption de la Convention du Patrimoine Mondial Culturel et Naturel (1987) : la liste de ce Patrimoine s’élève à 288 monuments, ensembles et sites ;

– 1978 : L’Appel du Directeur Général de l’UNESCO en faveur du retour et de la restitution ;

– 1980 : création du Comité Intergouvernemental pour la promotion du retour et de la restitution, comité consultatif chargé, entre autres, dans ce cadre, de sensibiliser et de diffuser les informations, de faciliter les négociations, les échanges et la coopération internationale, etc.

– 1970 : le Conseil international des Musées (ICOM), structure technique, conçoit plusieurs ouvrages : Code d’Ethique professionnel ; Code éthique en matière d’acquisition ; Cent objets disparus) ; conception et réalisation d’ouvrages, de fiches, de formulaires et de microfiches (20 000 avec photos et données sur des objets africains vendus aux enchères en Occident) ; enfin, il réalise et aide à réaliser des

  • inventaires et classements des patrimoines nationaux de plusieurs pays (Canada, Equateur, Inde, Arabie Séoudite, Bolivie, Zaïre, etc.) ;
  • accords bilatéraux entre plusieurs pays (U.S.A-Mexique, U.S.A-Pérou, Pays-Bas-Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée-Nouvelle-Zélande, U.S.A-Jordanie, etc.) ;
  • procédures d’échanges, de prêts et de dépôts (France-Thaïlande, Japon-Inde, etc.) ;
  • la création d’institutions scientifiques et techniques (musées, bibliothèques, archives, laboratoires, ateliers, etc.) ;
  • l’adoption de mesures contre les fouilles clandestines, de contrôle du commerce, de l’importation et de l’exportation, etc. ;
  • le soutien financier aux institutions techniques, aux commissions nationales, aux musées, etc., de plusieurs pays.

CONCLUSION

Ainsi, l’ampleur et la diversité des initiatives et des actions déjà entreprises ou en cours sont indéniables ; mais elles traduisent, au-delà des difficultés et des réticences inévitables, des obstacles divers et des lenteurs, une prise de conscience, au niveau des institutions internationales (ONU, UNESCO, CI, ICOM, etc.), des enjeux en cause, dont la reconquêteet/ou la consolidationdes identités culturelles nationales des pays et des peuples anciennement dominés, la communication interculturelle entre les peuples et l’avènement d’un nouvel ordre culturel international, autant d’objectifs essentiels concourantau maintien et à la préservation de la paix et de la sécurité internationale.

BIBLIOGRAPHIE

CAHEN, L., « La Collaboration entre le Musée Royal de l’Afrique centrale et les Musées nationaux du Zaïre : un chapitre de la « Politique scientifique » du Musée de Tervuren », in Africa-Tervuren, XIX, 1973-4.

FRAOUA, Rida, « Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels » (Paris, 1970).

– « Commentaire et aperçu de quelques mesures nationales d’exécution », Paris, UNESCO, cc-86/WS/40, 1986.

ICOM, Museum, volume XXXI, n° 1, 1979, Paris.

ONU, « Résolution 42/7 : Retour ou Restitution de biens culturels à leur pays d’origine », (Quarante-deuxième session : 21 septembre- 21 décembre 1987, communiqué de presse GA/7612 du 29 janvier 1988).

UNESCO, « Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites de biens culturels », Paris, 1970.

– « Convention créant une organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture, adoptée à Londres le 16 novembre 1945 ».

– « Rapport du secrétariat de l’UNESCO sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations formulées par le Comité Intergouvernemental pour la promotion du retour de biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale à sa quatrième session (Athènes-Delphes, Grèce, 2-5 avril 1985) », Doc. Cc-87/CONF.207/3 du 2 février 1987.

[1] Ce texte a été introduit par l’article paru dans le numéro 74, intitulé : « Ethnocide et commerce du Nouvel Or noir ». Il avait été proposé aux Mélanges que l’IFAN-CH.A.DIOP avait envisagés en 2004 d’offrir à Lilyan Kesteloot. Il lui est ici dédié.

[2] Maître de Recherche, IFAN-CH.A.DIOP, Université Ch. A. de Dakar.

[3] Paradoxe : alors qu’en vertu de cet article 11, elle détient illégalement dans ses musées publics (Musée de l’Homme, Musée des Arts africains et océaniens de Paris, etc.) et privés des milliers de biens et œuvres d’art des patrimoines culturels des pays qu’elle avait colonisés, notamment d’Afrique et qu’elle devait les restituer, la France de Jacques Chirac ambitionne de créer un musée prestigieux, le Musée des Arts Premiers, du Quai Branly, où loger et honorer quelques spécimen des Arts Premiers, donc ceux d’Afrique également, et de fermer les anciens musées et les départements qui les abritaient (Musée de l’Homme et Musée des Arts africains et océaniens en particulier). Que deviendront, dans ces cas, les milliers d’objets non choisis comme spécimen dignes du Quai Branly ? Atterrir dans les Réserves ou les boutiques des marchands et autres antiquaires ?