Développement et sociétés

« L’INDÉPENDANCE » DU HOMELAND VENDA : FAIT ACCOMPLI OU FICTION JURIDIQUE ?

Ethiopiques numéro 32

revue socialiste

de culture négro-africaine

nouvelle série

1er trimestre 1983

« Venda n’est pas, un Etat démocratique. Son gouvernement est manipulé et le chef Mpephu n’est que l’instrument de Prétoria ».

Baldwin MUDAU,

Chef de l’opposition parlementaire (VIPP) Septembre 1978

Le 13 septembre 1979 le homeland de Venda a accédé à l’indépendance, c’est le troisième territoire sud-africain souverain, résultat de la politique de développement séparé portée à son stade ultime.

Une ethnie originale et composite

Le homeland Venda est composé d’une population de 357.919 habitants de jure et de 264.465 de facto, car environ 30 % de la population de langue Venda – 160.000 hbts – vit hors du homeland, dans les fermes et les townships de Transvaal [1] La population qui réside dans le homeland est à 90% de langue Venda (239.334 sur 264.465). Le territoire a une superficie de 6.502 km2 [2] C’est l’un des plus petits homelands, mais ce territoire forme un seul tenant car il a été remembré. Au cours de la procédure de remembrement on remarquera que la frontière nord du territoire ne jouxte plus le Limpopo ; et donc le Zimbabwé, mais a été retracée pour laisser un couloir de sécurité à l’Afrique du Sud [3] Le homeland se trouve à l’extrême nord du Transvaal. Le climat est subtropical, les amplitudes moyennes annuelles sont de 24°C à 26° C en été et de 15° C en hiver et la pluviosité annuelle est de 350 mm, dans le bassin du Limpopo, et de 100 mm, dans la chaîne de Zoutpansberg. Le territoire est constitué de la chaîne du Zoutpansberg et des basses terres du Nord-Transvaal, le Bosveld aux pâturages peu fertiles et mal arrosés. Les terres occupées par les Venda n’offraient que peu de possibilités pour l’élevage et n’attirèrent dans un premier temps que des chasseurs (Blancs) à la recherche de peaux et d’ivoire. L’ethnie Venda s’est développée avant tout dans cet environnement forestier bien arrosé qu’est le Zoutpansberg.

Une histoire obscure et négligée

Selon la tradition orale les chefs Venda apportèrent avec eux non seulement l’art de faire du feu mais aussi un tam-tam magique, Ngoma-Lugundu, qui avait la faculté d’endormir les ennemis le jour de la bataille. Ce mythe est très proche de celui des Shona au nord du Limpopo. Cette ethnie pré-Venda a dû traverser le Limpopo il y a deux siècles [4]. L’ethnie Venda moderne est le résultat de la fusion entre les chefferies Venda proprement dites et les aborigènes. Ngona du Nord­Transvaal. Cette ethnie occupait les terres du Zoutpansberg et les montagnes Lobedu. La tradition orale proprement Venda nous affirme que les ancêtres viennent d’un pays au climat chaud, plus chaud que celui de Nielele (Zoutpansberg), et non loin de l’Est où se trouvent de grands lacs d’eau non pas comme la mer car l’eau y est silencieuse. « Un pays rempli d’eau, aux nombreuses forêts et aux lacs divers (…) » [5].

Les chefferies d’ascendance Venda [6] pénétrèrent au sud du Limpopo à la fin du XVIIe ou au début du XVIIIe siècle. Elles y rencontrèrent les ethnies BaNgona et Vhatavhatsinde qui y vivaient en symbiose et bonne intelligence. De nos jours il est impossible de distinguer les BaNgona des Vhatavhatsinde des MaKhwinde (proto-Venda). Ces trois groupes forment l’ethnie Venda moderne et ne se distinguent que par des différences mineures dans leurs rituels. Lorsque le clan MaKhwinde entre au Zoutpansberg il est dirigé par un grand chef militaire Vele Lambelo appelé Dimbanyika et Mambo. Ce clan issu de la lignée Ngonde semblait provenir de la plaine Karonga, sur les bords du lac Malawi, qu’il avait occupée au XVe siècle.

Nous verrons que l’ethnie Venda s’est scindée à plusieurs reprises donnant naissance à une confédération de tribus autonomes et sans profonde unité si ce n’est culturelle.

Fissiparité des chefferies Venda

Deux caractéristiques ont accentué les mouvements centrifuges dans l’ethnie :

  1. – Les problèmes de succession

Selon le droit coutumier, l’héritier du chef de la tribu doit obligatoirement être issu de l’épouse officielle. C’est elle qui sera la mère du prince héritier. Ce statut d’épouse officielle lui est conféré au moment de son mariage et non a posteriori. Dans cette société polygynique la femme officielle est souvent beaucoup plus jeune que les épouses secondaires, l’héritier étant, lui aussi beaucoup moins âgé que ses demi-frères. Pour des raisons de sécurité, la tradition est de garder secret l’endroit où le prince­héritier vit avec sa mère. Dès que l’épouse officielle est enceinte, elle est emmenée loin du Kraal royal et le nom et le sexe de l’enfant à naître ne seront révélés aux conseillers du Roi que par celui-ci et sur son lit de mort [7] A ce moment-là, la sœur aînée du monarque informera le Conseil (Khoro) [8] de l’identité du futur chef et de sa mère qui seront officiellement proclamés tels. Si l’épouse officielle ne peut porter d’enfant, une épouse secondaire en portera un à sa place mais ne deviendra pas pour autant épouse officielle.

Après l’épouse officielle, les épouses secondaires prennent rang selon l’ordre chronologique de leur mariage et si l’épouse officielle ou sa remplaçante n’ont pas d’héritier, ces épouses secondaires verront leurs enfants venir à la succession du chef selon l’ordre de primogéniture mâle. On comprend qu’une telle coutume soit susceptible d’engendrer des conflits au niveau de la passation des pouvoirs. Dans l’histoire Venda chaque succession fit problème.

  1. – Des sécessions multiples

Une autre faiblesse dans la structure politique de l’ethnie est la propension des différentes tribus à faire la sécession. Lors de disputes entre seigneur et vassal il était de pratique courante qu’un féal se retire de la juridiction de son suzerain tout en renonçant à ses droits féodaux. Le seigneur essayait souvent de se réconcilier avec son vassal et, quand il le pouvait, de l’y contraindre. Souvent les sécessionnistes eurent raison du pouvoir de leurs seigneurs ce qui ne fit qu’accroître les tendances centrifuges des différentes tribus dont l’unité était beaucoup plus culturelle que politique.

Au temps du Mfecane [9] les Venda formaient une confédération de tribus qui se querellaient souvent les unes les autres. La succession de Ramavhoya en 1836 et celle de son successeur Ravele (Ramabulana) en 1864 ne firent qu’affaiblir l’ethnie tout entière. En effet les prétendants déçus cherchèrent l’appui des fermiers Boers pour consolider leurs revendications. En 1859 alors que Ramapulana essayait d’évincer son frère Rawuna, il demanda l’aide de la République Boer de Lydenburg.

Comme les Boers avaient établi une République indépendante au Zoutpansberg sous la direction de A.H. Potgieter, les contacts étaient constants entre les chasseurs Néerlandais à la recherche de l’ivoire, très prisé dans cette région du Nord-Transvaal et les clans Venda qui avaient un intérêt évident à commercer avec les fermiers hollandais [10]. Les Boers de la colonie du Zoutpansberg chassaient l’éléphant et contribuèrent plus que tous autres à leur extermination. Il est intéressant de voir que les rapports n’étaient pas inamicaux entre les fermiers néerlandais du Sud Transvaal et les chasseurs impliqués dans le commerce de l’ivoire. En 1861 le Veldcornet Gerit van Rooyen se plaignait au commandant Paul Kruger lui faisant remarquer « sa mauvaise volonté d’aider les chasseurs d’éléphants du Nord malgré les conditions qui y règnent, les Nègres, les mouches et le climat malsain » [11] Une telle attitude fit que la colonie Boer sur Zoutpansberg fut évacuée en 1867.

En 1859. S. Schoeman, leader de la République autonome du Zoutpansberg, nommait un Portugais, Joao Albasini, au poste de Commissaire aux Affaires Indigènes pour les tribus de l’Est de Schoemansdal. Albasini était engagé dans le trafic d’armes et d’ivoire avec les Tsongas, ce qui provoqua les Venda. Les officiels de cette petite colonie Boer avaient tellement bravé l’ethnie que les fermes et la communauté se trouvèrent en danger. Paul Kruger alors commandant-général de la République sud-africaine arriva en force dans le Zoutpansberg mais, ne pouvant imposer une solution militaire par lui-même il dut demander de l’aide au chef Boer Pretorius qui ne put la lui fournir. Kruger se retira quand il vit que les habitants de Schœmansdal soutenaient leurs fonctionnaires contre les magistrats sensés les juger. Kurger ainsi que les habitants évacuèrent la colonie, Makhado, chef des Venda détruisit alors les bâtiments qui avaient abrité la colonie (1867).

C’est en 1845 que Potgieter avait pénétré au Zoutpansberg et rencontré les premières résistances armées de la part des Venda. On remarquera que les Boers étaient intéressés aux contacts avec les Venda afin de faire le commerce des peaux et de l’ivoire et d’obtenir des droits de chasse. Les autorités de la République semi-indépendante du Zoutpansberg revendiquaient les territoires occupés par les tribus (Venda) mais acceptaient leur présence comme futur réservoir de main­d’œuvre pour les fermes. [12] :

Au moment de la succession de Ramapulana, Makhado qui lui succéda en évinçant Davhana son frère aîné, représentait le clan des chasseurs de l’ethnie. Si les Blancs voyaient leur temps de chasse limité par la loi, il n’en allait pas de même des Venda qui chassaient toute l’année et recevaient des armes des Boers aussi bien que des Tsongas. Le Gouvernement du Transvaal (R.S.A.) revendiquait le territoire entre le Vaal et le Limpopo, à l’Ouest jusqu’au Kalahari et à l’Est jusqu’au Low Veld. Les chefferies africaines qui y étaient incluses n’avaient pas été conquises et de nombreux conflits armés éclataient entre les Boers et les Noirs qui leur refusaient le droit de s’installer. Les fermiers demandaient alors l’aide de Pretoria et le Volksraad donnait instruction au commandant général ex officio, commissaire en chef aux Affaires Indigènes, de recruter des commandos afin de subjuguer l’ethnie récalcitrante. Selon les lois de la jeune République, les Africains ne pouvaient posséder ni armes ni munitions, ni chevaux. Les fermiers blancs pouvaient avoir 4 familles noires dans leurs fermes pour utiliser leurs services [13].

Lors de la première occupation du Transvaal (1877-1881) l’Administration Britannique s’était intéressée au problème des Réserves et avait fait inclure dans la Convention de Prétoria des clauses à ce sujet pour créer une Commission chargée de démarquer les Réserves et apte à recevoir les terres achetées à titre privé par les Noirs. En effet, la République interdisant aux Noirs de posséder la terre, celle-ci était confiée aux Affaires Indigènes qui l’administrait dans un trust au nom des Africains. En fait, le Gouvernement du Transvaal fut incapable de résoudre le problème des Terres Africaines [14]. Il avait pourtant légiféré dans ce sens mais ne sut résoudre les conflits entre les fermiers toujours avides de terres et les tribus en passe d’être dépossédées. L’organisation de l’Administration des Indigènes était confiée au Président reconnu Chef-Suzerain de tous les Africains de la République. Il pouvait déposer un chef pour trahison, le déplacer, le relever de ses fonctions, le placer sous surveillance ou l’incarcérer. Ces pouvoirs devaient être exercés de concert avec le Conseil Exécutif et ne pouvaient faire l’objet d’une révision par une cour de justice.

Le Président avait droit de révision sur toutes les décisions de justice intéressant les Africains (Law 4 of 1885, article 13, 7 & 10). Ces pouvoirs judiciaires du Président furent abrogés par l’Act 29 de 1907 [15]. Les chefs nommés par le Gouvernement devaient exercer la juridiction de première instance dans les affaires civiles, en concurrence avec les juridictions de droit commun. Aucun Chef ne fut nommé avant la fondation de l’Union sud-africaine mais une clause de la loi 4 de 1885 spécifiait les pouvoirs des chefs existants.

Vers 1880, les Afrikaners commencèrent à réoccuper les environs des montagnes du Zoutpansberg. En 1881 Makhado, « le lion du Nord », avait voulu arrêter l’immigration boer et Kruger était venu le rassurer sur les intentions de la République. En 1892, le chef Malaboch, allié des Venda, et son frère Selhoma se révoltèrent contre le recensement et l’imposition exigés par la République. Makhado appuyait leur révolte mais il sut éviter les représailles des Boers et Joubert mena ses commandos et son armée dans le Blauwberg où il assiégea Malaboch avec la complicité de Tawitzala. En 1894 Joubert [16] écrasait Malaboch [17]. Comme le Zoutpansberg et le Blauwberg étaient en rébellion quasiment ouverte, Joubert en profita pour mâter les incartades de Makgoba et de la Reine des Lobhedu Mujaji. Ainsi Joubert, par ses incursions répétées contre les Venda et leurs alliés brisait la destinée de l’ethnie [18].

Seule la dynastie fondatrice (les descendants de Thobo-Ya-Ndou) restait indépendante repliée sur le Zoutpansberg. Suivant le même scénario que pour Malaboch, Joubert [19] attaqua les Venda parce qu’ils refusaient de payer l’impôt et d’être recensés. Mphephu avait succédé à son père Makhado mais avait dû évincer son frère aîné Mabemo. Le nouveau chef Venda essaya de regrouper toute l’ethnie dans les forêts du Zoutpansberg afin d’éviter l’emprise des Blancs. Les Venda étaient armés et disposaient de quantités de munitions. Joubert traversa la rivière Doorn qui formait frontière entre le Royaume et la République. Le 16 novembre 1898, l’armée Boer, forte de plus de 3.500 hommes, et ses alliés Swazi et Tsonga, encerclait l’armée Venda, la détruisait, confisquait le bétail du Kraal royal et poursuivait Mphephu dans les montagnes sans pour autant le capturer. Mphephu, et bon nombre de ses sujets, réussit à fuir et la British South Africa Company, administratrice de la Rhodésie, l’autorisa à venir s’installer dans la région de Nuanetsi, au delà du Limpopo, en pays Shona. Après la Guerre des Boers, le Gouvernement de l’Union autorisa Mphephu à revenir au Zoutpansberg. Beaucoup de ses sujets le suivirent au Sud de Limpopo mais nombre de Venda décidèrent de rester au-delà de ce fleuve. Le pays Venda avait été divisé en Réserves et de nombreuses terres avaient été attribuées aux fermiers Afrikaans. Mphephu mourut en 1924. La chefferie avait été attribuée à Senthumule pendant son absence. Lorsqu’il revint de son exil en Rhodésie il dut régner avec ses deux frères Khuthama et Senthumule quoique ceux-ci se vissent attribuer des Réserves plus réduites que celle rendue à leur frère, roi déchu. Les frères de Mphehu étaient reconnus chefs à parité avec l’ancien roi. En 1924 Mbulahene, fils de Mphephu, lui succédait sur le trône de la chefferie.

En 1903, la Commission Lagden [20] se réunit au Cap pour discuter des problèmes indigènes de la future Union Sud-Africaine.

La Commission encourageait la création de Conseils Exécutifs suivant les grandes lignes du Glen Grey Act. Pour ce qui est de la distribution des terres entre les Blancs et les Noirs, la Commission recommanda la fin de l’occupation illégale des terres par les Africains (squatters), l’interdiction pour ceux-ci de vivre dans les fermes si ce n’est comme travailleurs agricoles. La Commission Lagden recommandait aussi que :

– l’achat de terres par les Noirs soit limité à certaines régions définies par la loi.

– l’achat de terres conduisant à une propriété collective, tribale ou commune de la terre soit interdit.

Pour forcer les Africains à sortir de leurs réserves et travailler dans l’industrie, la Commission recommandait :

Le contrôle de toute occupation illégale et l’imposition d’une taxe sur les réserves selon le nombre de Noirs y habitant.

L’imposition d’un loyer pour les Indigènes vivant sur les Terres de la Couronne à la différence des Indigènes vivant dans leurs Réserves.

L’exécution des lois contre le vagabondage dans les municipalités et les Réserves.

L’élévation du niveau de vie pour les Indigènes.

L’amélioration de l’enseignement technique et manuel dans les écoles.

La protection du travailleur indigène dans sa santé, son confort et dans les transports en commun.

La publication de décrets ayant trait à des centres de travail où l’on trouverait toutes les facilités médicales pour ces travailleurs.

L’abolition des taxes sur les laissez-passer.

On remarquera que les propositions de cette Commission furent acceptées mais qu’il avait été bien précisé dans le Traité de Vereeniging que rien ne pourrait se faire avant l’introduction de l’autonomie pour le Transvaal qui était encore sous le gouvernement militaire des autorités britanniques.

Au début de la République du Transvaal celle-ci n’avait pas de Ministère chargé des Affaires Indigènes. Les problèmes indigènes relevaient du Commandant Général. Pour ce qui est des Maires locales, le landdrost (magistrat), était responsable de l’Administration. Après la restauration de la République du Transvaal en 1881, un Ministère séparé pour les Affaires Indigènes fut maintenu. L’idée directrice était qu’il y aurait des fonctionnaires différents pour s’occuper des Blancs et des Noirs. Des commissaires seraient nommés par le Volksraad dans les districts à majorité indigène alors que des Magistrats seraient nommés dans les districts blancs.

Au Transvaal, tout magistrat est ex officia, Commissaire aux Affaires Indigènes et a, comme tel, juridiction administrative et contrôle sur les Noirs de son district. Au Transvaal, tous les magistrats sont des fonctionnaires du Ministère de la Justice. Dans certains districts où la population africaine était particulièrement dense des Commissaires adjoints aux Affaires Indigènes étaient nommés. En fait, ces adjoints étaient particulièrement chargés du travail administratif avec les Africains. Leurs activités étaient administratives et judiciaires et ils étaient fonctionnaires du Ministère des Affaires Indigènes.

Le pays Venda fut donc divisé ainsi : Grott Spelonken fut le siège d’un Commissariat aux Affaires Indigènes. Ce district indigène comprenait les régions du Zoutpansberg Pietersburg et Letaba. Sibasa fut aussi le siège d’un Commissariat avec juridiction sur le Zoupansberg oriental. Louis Trichardt se vit aussi attribuer un Commissariat avec juridiction sur une partie du Zoutpansberg, Pilgrims Rest et Barbeton. Le pays Venda était donc divisé en 3 districts indigènes sous la direction de Commissaires relevant du Ministère de Pretoria.

Au niveau local, les chefs nommés et reconnus par l’Union forment l’entité administrative de base sous le Commissaire. C’est le Chef qui est responsable de la répartition des terres avec appel possible auprès du Commissaire.

Une lente évolution

En 1913 [21], le Gouvernement de l’Union décida d’officialiser la répartition des terres dans le Dominion. Certaines terres devaient être réservées aux Noirs. Jusqu’en 1913, les africains pouvaient librement acheter des terres aux Blancs hors de leurs Réserves. Cela fut interdit par cette loi, à moins que l’achat se fasse dans une région répertoriée à cet effet.

En 1920 [22], le « Natives Affairs Act » étendit à d’autres régions d’Afrique du Sud le principe des Conseils Locaux qui avaient si bien fonctionné au Ciskei et au Transkei. L’Act précisait que les Noirs devaient accepter de tels Conseils locaux. Les pouvoirs de ces Conseils consistent dans le contrôle des voies d’eau, de l’irrigation, des barrages et de la conservation du sol, de l’entretien des bains antiparasites, des routes, des clôtures et des pâturages communs [23]. Le pays Venda obtint un Conseil local en 1939 [24] dans le district de Letaba et, en 1948, pour les districts de Louis Trichardt [25], Sibasa [26] et Groot Spelonken [27]

L’Act de 1920 prévoyait aussi des conférences pour entendre le point de vue des Noirs mais de telles conférences tombèrent en désuétude devant la Representation of Natives Act de 1936. La loi de 1920 prévoyait aussi la création d’une Commission permanente chargée des Affaires Indigènes afin d’enquêter sur la législation possible concernant les Noirs de l’Union [28].

En 1927, afin de consolider la législation concernant les Noirs, le Gouvernement de l’Union décida de redéfinir les pouvoirs de l’Administration centrale par rapport aux Noirs. Selon l’article I du Bantu Administration Act, le Gouverneur – Général était chef suprême de tous les Africains de l’Union. Il pouvait définir la localisation des différentes tribus, déterminer leurs droits d’occupation du sol, nommer les chefs et les « Autorités Bantoues », publier des décrets sur le statut des personnes, des successions, le contrôle des townships et des régions réservées aux Noirs ; il pouvait aussi contrôler la tenue de meetings.

L’Union, sous la direction du Général Herzog, voulait en finir avec la représentation partielle des Noirs au Parlement du Cap. Le Parti National et le Parti sud-africain fusionnèrent pour fonder le Parti Uni. En 1936, le Gouvernement fit voter le « Natives Representation Act » qui prévoyait l’établissement d’une liste électorale séparée pour les trois membres de Parlement devant représenter les Africains du Cap et la création d’un Conseil Représentatif Indigène. Il est intéressant de voir que pour compenser les restrictions de vote concernant l’électorat noir, le Parlement fit voter le « Native Land & Trust Act » qui accroissait de 7,25 millions de morgen les terres attribuées aux Noirs [29]. Les Noirs voyaient leur représentation encore plus restreinte au Parlement du Cap mais on leur accordait un peu plus de terres comme maigre consolation.

On insista sur le fait que le « Conseil Représentatif Indigène » était constitué de 23 membres et présidé par le Secrétaire aux Affaires Indigènes. 12 membres africains étaient indirectement élus, 4 étaient nommés par le Gouverneur – Général et 6 commissaires en chef aux Affaires indigènes siégeaient ex-officio. Ce fut la dernière fois qu’un Gouvernement sud-africain acceptait une représentation africaine commune. Le Conseil se fit l’écho des doléances des Africains au sujet du problème des terres, de la ségrégation, des conditions urbaines, de l’état des réserves et du pouvoir du conseil lui-même. Le Conseil échoua complètement. En 1946, il s’ajourna sine die et en 1947 il rejetait les propositions que lui avait faites Smuts car celui-ci prônait une forme de développement séparé. En 1951, le Bantu Authorities Act abolissait le Conseil [30].

Vers le développement séparé

A partir de 1948, le Gouvernement nationaliste décida de s’embarquer dans une politique beaucoup plus dynamique vis-à-vis des Noirs. Une certaine autonomie leur fut accordée et, pour ce faire, le Gouvernement s’appuya avant tout sur les chefs et les forces traditionalistes des différentes ethnies.

Comme l’influence des chefs avait quelque peu souffert du fait que leur position était toujours inférieure à celle du Commissaire aux Affaires indigènes, Prétoria décida donc de revaloriser leur rôle et leurs différents pouvoirs. Selon le Bantu Authorities Act [31], de nouvelles institutions furent créées afin de remplacer les Conseils locaux.

Selon cette loi, une Autorité tribale [32] est composée d’un chef, de conseillers reconnus par la tribu et de toute autre personne nommée par le chef avec l’approbation des conseillers. Une Autorité communautaire pouvait être instituée pour plus de deux tribus sans chef reconnu. Dans ce cas, l’Autorité communautaire est composée de conseillers traditionnels et des membres élus par le responsable de la Communauté. Lorsqu’il n’y a pas de structure tribale, tous les membres de l’Autorité peuvent être élus par les adultes du sexe masculin.

La fonction de ces Autorités est de maintenir l’ordre et le respect de la loi, de s’assurer que les règlements sont exécutés, surtout ceux concernant la tenue de meetings, la santé publique, la levée de l’impôt, le service de l’état­ civil, l’occupation des sols, le contrôle de l’embauche, la prévention des épizooties. Les Autorités régionales [33] comprennent les chefs des Autorités tribales ou des Autorités communautaires de la région concernée ou un membre de l’Autorité déléguée par celle-ci.

Des membres peuvent être inclus dans l’Autorité régionale s’ils sont issus d’une Autorité tribale ou communautaire et cela avec l’accord de l’Autorité régionale. L’Autorité régionale a un Conseil exécutif présidé par un chef de haut rang et composé de membres nommés par l’Autorité elle-même.

Les Autorités régionales avaient, en 1951, reçu des fonctions spécifiques. Aujourd’hui, les Autorités régionales ne sont plus que les agents des Homelands et sont désormais contrôlées par les gouvernements de ces différentes administrations. A l’origine, l’Autorité régionale remplaçait les conseils locaux. Les Autorités régionales remplissaient aussi les fonctions des anciens Conseils de district. Les fonctions originelles de l’Autorité régionale étaient l’administration de l’éducation et de la santé, des ponts et chaussées, des barrages, du contrôle des épizooties et du reboisement.

En 1955, la Commission Tomlison [34] avait déposé son rapport qui précisait que l’ethnie Venda était spécifique et devait constituer une entité avec les locuteurs Tsonga (Bloc 3). Ce bloc comprenait le Groupe B habité principalement par les ethnies susnommées et la tribu Lobbedu. Un tel projet n’a pas eu de suite pour la création du homeland car, en 1959, l’ethnie Venda était appelée à devenir un homeland sans membres d’une autre culture en vertu de la Promotion of Bantu Self-Government, Act 46, of 1959. Cette loi reconnaissait comme différentes les ethnies Tsonga et Venda et reconnaissait à chacune le droit à l’autonomie. On remarquera que la tribu Lobhedu, très célèbre pour sa Reine de la Pluie, Modjaji, a été détachée du Venda en 1971 pour être intégrée au Homeland du Lebowa qui est 1e foyer Nationa1 Pedi (Sotho du Nord) [35].

L’année 1959 fut très importante pour les Venda car ils accédèrent aux Autorités régionales [36]. Les pouvoirs exécutifs de ces autorités étaient placés dans un Conseil exécutif composé d’un président, d’un vice-pésident et d’un membre de l’Autorité élu par ses pairs.

Après que la loi de 1959 eut reconnu l’ethnie Venda comme l’une des 8 devant être constituée en entité autonome, le pays Venda fut constitué en 1962 en Autorité territoriale [37].

Tout le pouvoir aux chefs

Dans sa volonté d’accorder une certaine autonomie aux homelands, Pretoria a bien pris soin de ne laisser l’initiative politique qu’aux chefs qui, en milieu rural, ont encore une influence sur les Venda tribalisés.

L’Autorité territoriale Venda devait être réorganisée en 1969 selon les Proclamations 140 et 142 de 1968 et les Proclamations 58, 95, 114 et 167 de 1969. L’Autorité territoriale comprenait 3 Autorités régionales, celle de Lobedu-Pedi étant attribuée au Lebowa. L’Autorité fut proclamée par les règlements 168 et 170 de 1969. Selon lui l’Autorité était constituée de tous les membres des Autorités Régionales constituantes. C’était donc une Assemblée de Chefs. Un président et un vice-président devaient être élu par les membres de l’Autorité. Le Conseil Exécutif était composé de 6 membres recevant chacun un portefeuille ministériel. Les Autorités Territoriales reprennent à leur compte les pouvoirs des Autorités Régionales mais en plus se voient attribuer la responsabilité des services sociaux, de la liquidation des retraites, du contrôle de la main-d’œuvre, des services de l’état­civil et de la levée de l’impôt. Le Chef Patrick Mpephu devint Chef-Conseiller de l’Autorité territoriale.

Frontières de couleur et frontière politique

En 1970, le Gouvernement de Prétoria fit voter le Bantu Homeland Citizenship Act qui accordait une nationalité à tous les Noirs d’Afrique du Sud et les rattachait aux différentes homelands selon des critères socio-linguistiques.

En 1971, le Homeland se vit accorder une Assemblée législative, première étape vers l’autonomie au sein de la République. En effet, le Bantu Homeland Constitution Act n° 21 of 1971 prévoyait qu’une Assemblée remplacerait les Authorités territoriales. La première partie de la loi prévoyait que certains pouvoirs resteraient du ressort de la République comme la législation sur la citoyenneté, l’application des lois aux citoyens du Homeland n’y résidant pas et l’établissement d’usines et d’entreprises. Restaient aussi de la compétence du Gouvernement central le contrôle de l’emploi, la nomination et la révocation des chefs, les programmes universitaires et scolaires, la langue de l’enseignement et les examens. Et, il va sans dire, l’indépendance, la défense, les affaires étrangères, le maintien de l’ordre, les télécommunications, l’im­migration des non-citoyens, la monnaie et les douanes. L’Assemblée législative pouvait contrôler les magistrats et les Commissaires aux Affaires bantoues.

Traditionalistes contre Modernistes

Nous avons vu que le Chef Patrick Mpephu [38] devint Chef du Conseil exécutif de l’Autorité territoriale puis du Homeland lorsque celui-ci atteignit le stade d’assemblée. Un certain mécontentement se fit sentir dans le homeland en 1971 lorsque le Premier Ministre John Vorster visita le Foyer National. En effet, les Venda les plus instruits s’opposaient à la façon de gouverner du Chef Mpephu. Mpephu est un traditionaliste particulièrement conservateur et un partisan enthousiaste de l’apartheid. Descendant direct du Grand Chef Thoho-ya-Ndou, Mpephu est né en 1925. Il a reçu son instruction aux écoles de Siloam et Tshakuma et, après cela, fut employé par la municipalité de Johannesbourg.

Il s’oppose politiquement à Baldwin Mudau qui est le type même du Noir urbain et moderniste. Baldwin Mudau est né au Witwatersrand. Self made man, il fut successivement assistant social et secrétaire du Centre social bantou de Johannesbourg, chargé de cours au collège universitaire du Nord à Turfloop et chercheur en Anthropologie sociale à l’Univer­sité du Witwatersrand. En 1961, alors qu’il était assistant social à Alexandria, township de Johannesbourg, Mudau fut renvoyé de son poste pour avoir pris part au boycott résultant des incidents dramatiques de Sharpeville. Mudau, après quelques mois comme chercheur à l’Université du Witwatersrand (Johannesbourg) devint l’un des responsables des relations publiques de la société Unilever. C’est alors qu’il fut contacté pour participer à la vie politique du homeland. Le homeland avait alors atteint le stade d’Autorité Territoriale. Des représentants du homeland le persuadèrent de travailler en liaison avec le Territoire Venda. Le projet ne réussit pas mais Mudau fonda un parti le « Venda Independance Party » et s’opposa au chef Mpephu aux élections de 1973 lorsque le territoire accéda à l’autonomie interne et au second stade de son développement constitutionnel.

En effet, en 1973, une constitution fut accordée au territoire ainsi que l’autonomie interne [39].

Cette constitution prévoyait que l’Assemblée législative comprendrait 60 membres [40] : 25 chefs de tribu pour lesquelles une Autorité tribale avait été instituée ; 2 chefs issus de l’Autorité Communautaire de Gwamasenga ; 15 membres désignés par les chefs en conseils ; 18 membres élus au suffrage universel direct majoritaire uninominal à un tour.

Ces premières élections du Homeland Venda sont très intéressantes car elles nous montrent comment la première consultation politique moderne de cette ethnie a pu se dérouler. La participation électorale fut de 72 %, ce qui est remarquable. Baldwin Mudau se fit le porte-parole des milieux modernistes avec « Venda Independance People’s Party (VIPP) ». De 1968 à 1972, Mudau fut le représentant de l’Autorité territoriale Venda dans les zones urbaines de la République. Il essaya de promouvoir l’établissement de fonds de commerce Venda sur le Territoire de l’Autorité en essayant d’inciter les Venda des villes à investir dans le Homeland. Mudau devait voir ses plans frustrés par la très officielle « Bantu In­vestment Corporation » qui favorisait systématiquement la promotion financière des Afrikaans du Nord-Transvaal. En 1972, Mudau fut remplacé comme représentant du Homeland dans les zones urbaines. C’est de cette frustration qu’est né le VIPP. On remarquera qu’en 1973 il n’y avait pas d’autre parti politique au Venda. Les chefs soutenaient les « leaders établis ».

Il y avait trois groupes de candidats : les « leaders établis » qui était une association de traditionalistes patronnée par les chefs (18 candidats), les candidats du VIPP et 9 indépendants. 6 candidats venaient de Prétoria ou du Witwatersrand : 4 d’entre eux soutenaient le VIPP et 7 candidats étaient des chefs subalternes et conseillers tribaux mais aucun ne soutenait le VIPP. Sur ces 7 candidats, 5 soutenaient les leaders établis. 27 des 45 candidats avaient des emplois « modernes » :

– 19 commerçants, hommes d’affaires, marchands ;

– 7 employés de bureau ;

– 1 instituteur.

14 de ces candidats soutenaient le VIPP, 7 les leaders établis et 6 les indépendants, 14 de ces candidats « modernes » sur 18 furent élus. Les 4 autres candidats élus étaient 2 chefs subalternes, 1 conseiller tribal et 1 fermier ; le VIPP obtient 10 élus ; les leaders établis 5 ; les indépendants 3.

On peut en déduire que le VIPP pouvait compter sur le soutien des intellectuels, des Venda urbanisés et des modernistes [41]. Au contraire, les leaders établis représentaient les forces traditionalistes et furent tous élus dans la circonscription où le Chef Mpephu réside (Dzanani). Le VIPP prit de court les chefs en faisant une campagne particulièrement dynamique avec affiches, tracts et distribution de Tshirts. Le VIPP obtint le soutien de 1/5e des chefs, cependant la plupart de ceux-ci apportèrent leur soutien aux leaders établis. On notera que la « Zion Quistian Church » fit de même.

Programmes politiques des différentes formations

Si les leaders établis acceptent et favorisent le statu quo, le VIPP [42] ne le tolère pas et ne se sert du développement séparé et de ses structures que pour essayer de le critiquer et de l’infléchir. A ce sujet, le VIPP critique le contrôle du flux de main-d’œuvre, l’interdiction de résidence permanente dans les zones blanches (aujourd’hui autorisée).

Le VIPP avait donc remporté les élections. Il avait obtenu 10 élus mais les indépendants décidèrent de soutenir son programme l’Assemblée, ce qui formait une coalition de 13 élus [43]. Mais, comme l’Assemblée consistait en majorité de membres siégeant ex-officio ou cooptés, Mpephu, quoiqu’ayant été battu aux élections législatives, se fit nommer chef­ministre par 42 voix contre 18 pour Mudau. Avec la répartition des sièges législatifs, les traditionalistes ont toujours la majorité sur les élus. Afin d’obtenir leur faveur, doit-on rappeler que Mpephu avait conduit 48 de ses collègues pour la visite de la réserve de chasse de Manyelethi et avait fourni à chacun d’entre eux un complet-veston de R 70 pièce. Cela, quelques heures avant l’élection au poste de chef-ministre [44]. Cela ne devait cependant pas suffire pour lui assurer la loyauté de l’aristocratie Venda. En effet, 11 jours après l’ouverture de la session parlementaire de la première assemblée, 15 membres appartenant à la coalition des chefs autour de Mpephu passaient à l’opposition. Le Chef-Ministre décida alors de clore la session parlementaire sous le prétexte que les parlementaires n’avaient pas compris la procédure de l’Assemblée, et le Commissaire Général pour les Venda, le Dr de Wet Nel, devait ajouter que des conférences leur seraient faites pour les mettre au courant.

Après les élections et l’accession de Mpephu au poste de Chef-Ministre, la politique interne du Homeland fut de plus en plus autoritaire avec la volonté constante du « Venda National Party » (parti des Chefs dirigé par Mpephu) d’essayer d’interdire le VIPP.

La question de l’indépendance

En 1977, Mpephu eut des discussions avec Prétoria afin d’obtenir l’indépendance pour son territoire. Il s’opposa violemment à Mudau qui ne pouvait accepter l’idée d’indépendance car il considérait le territoire comme non-viable économiquement. En octobre 1977, le Homeland Venda fut le théâtre de violents affrontements ; les bâtiments officiels furent attaqués et le Gouvernement du Homeland dut recourir à des mesures d’exception, jamais levées depuis, qui précisent que l’exécutif peut interdire toute réunion publique. Le fait d’intimider un écolier était aussi prévu car les émeutes s’étaient accompagnées d’une grève des cours de plusieurs mois [45].

Avec de telles mesures, le gouvernement du Homeland entamait des discussions sur l’indépendance du territoire [46]. Baldwin Mudau changea alors d’opinion quant à l’opportunité de l’accession de Venda à la souveraineté internationale. Il décida d’accepter le verdict des électeurs aux élections législatives de juillet 1978. Pour Mpephu, les « Venda sont assez développés pour accéder à la souveraineté et ils sont certains de recevoir l’aide de la République tant qu’ils se conduisent d’une fa­çon responsable… » [47].

Le Chef-Ministre profita aussi des pourparlers au sujet de l’indépendance pour changer la constitution et égaliser le nombre de chefs et le nombre de roturiers siégeant à l’Assemblée.

En juillet 1978, les Venda votèrent donc non pas pour l’indépendance car elle était acceptée par les deux partis représentés au Parlement mais pour savoir quelle serait la composition du gouvernement menant à cette souveraineté. Le résultat des élections fut un triomphe pour Mudau qui remporta 31 des 42 sièges. Le VIPP remporta tous les sièges dans 3 des 4 districts électoraux. A la proclamation des résultats, le chef Mpephu ne se démonta pas et fit nommer aux sièges cooptés des candidats malheureux du VNP comme E.R.B. Nesengani, ministre de l’Education battu aux élections et réintroduit à l’Assemblée par le biais des nominations. Un autre membre coopté fut P. Rambau qui ne pouvait être éligible à cause d’une peine de 6 mois de prison. [48]

Lorsque l’Assemblée se réunit pour choisir le Chef-Ministre, 12 membres de l’opposition parlementaire étaient sous les verrous grâce aux mesures d’exception. 18 autres membres élus de l’opposition refusèrent de venir siéger. Seul un transfuge vint à l’ouverture du Parlement pour rejoindre les rangs de la majorité. Le Ministre du Développement Plural refusa d’intervenir malgré les objurgations répétées de Mu­dau. Avant remporté 80 % des votes, le parti d’opposition VIPP était muselé par le pouvoir des chefs et des traditionalistes [49].

La récupération et la domestication de Baldwin Mudau

Le chef de l’opposition, Mudau, accepta une réconciliation avec Mpephu le tout avec la bénédiction du gouvernement sud-africain et l’habileté du nouveau ministre des Affaires Plurales, le Dr. Koornof [50].

Mudau acceptait clone l’indépendance du Homeland dictée à Mpephu par Pretoria. L’indépendance du Venda [51] eut lieu le 13 septembre 1979. Ce jour-là, une proclamation reprenant les précisions de l’Act No 107 de 1979 fut signée par le Président. Le territoire du Homeland cesse de faire partie de la République d’Afrique du Sud (Article 1). L’Assemblée de Venda devient souveraine et peut voter une constitution de son choix (Art. 3).

Sont citoyens Venda et perdent la nationalité sud-africaine (appendice B) :

– a) Tous les individus qui étaient citoyens du homeland avant l’indépendance.

– b) Tous les individus qui sont nés à l’extérieur du homeland mais de parents dont l’un au moins était citoyen de Venda au moment de sa naissance.

– c) Tous les individus qui ont résidé d’une façon légale et permanente pendant 5 ans dans le territoire.

– d) Tout individu, citoyen sud-africain, qui n’est pas citoyen d’un territoire de la République mais qui s’identifie linguistiquement au territoire Venda.

– e) Tout individu, citoyen d’Afrique du Sud, qui n’est pas citoyen de Venda mais qui peut s’identifier culturellement avec lui et présente des similarités avec les populations du homeland.

L’indépendance et le droit international

Perte de la citoyenneté sud-africaine dans un processus de dénationalisation :

Les Noirs ne sont pas citoyens de l’Afrique du Sud mais ils sont ses nationaux [52]. Tant que les Noirs sont nationaux de l’Afrique du Sud, ils peuvent continuer à revendiquer leurs droits civiques. A partir du moment où ils deviennent étrangers rien ne les relie plus juridiquement à la République.

Refus des avantages accordés aux Etrangers

Un Etat doit reconnaître aux étrangers un minimum de droits dont ceux-ci pourront jouir sur son territoire. Ce minimum de droits est celui couramment accepté dans les pays de « civilisation moderne ».

Un Etat viole ses obligations internationales s’il détient des étrangers sans jugement et s’il leur nie certains des Droits de l’Homme pour des questions de race. En Afrique du Sud, le gouvernement respecte scrupuleusement les Droits de l’Homme quant il s’agit de ressortissants d’Etat où la population est de race blanche. Il n’en va pas de même pour le Transkei, le Bophuthatswana, le Swaziland, le Lesotho et le Botswana, car les lois sud-africaines sont discriminatoires, perverses et pas uniquement vis-à-vis des Sud-Africains noirs [53]. L’Afrique du Sud n’accorde pas aux Noirs des homelands indépendants le traitement exigé par le droit international sur les conditions des étrangers. Ceci a entraîné la rupture des relations diplomatiques entre la République et le Transkei. L’Afrique du Sud a conféré aux ressortissants des homelands indépendants un statut privilégié mais ce statut ne saurait être comparé à celui des étrangers blancs qui séjournent dans la République. Les enfants des ressortissants de ces Etats nés après l’indépendance n’obtiendront pas le droit de rester dans les zones blanches comme leurs parents [54]. Il semble que les enfants qui seront nés après l’indépendance ne pourront rester dans les zones urbaines d’une façon légale et ne pourront profiter des baux emphytéotiques accordés par le gouvernement à leurs parents [55]. En fait, ces indépendances n’ont créé aucun changement dans l’amélioration de la condition des Noirs.

Auto-détermination et décolonisation

Les principes d’autodétermination et de décolonisation sont inscrits dans la Déclaration d’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux. La décolonisation doit mettre fin aux pratiques discriminatoires associées au colonialisme. L’indépendance des homelands n’abroge en rien la discrimination pratiquée en Afrique du Sud.

L’autodétermination implique le droit de tous les peuples à déterminer librement leur statut politique. Les peuples du Transkei, du Bophuthatswana et du Venda n’ont jamais eu le choix entre l’indépendance et le maintien de leurs territoires au sein de la République d’Afrique du Sud.

L’Organisation des Nations-Unies a condamné la balkanisation de l’Afrique du Sud. L’ONU veut le maintien de l’intégrité territoriale de la République [56]. L’autodétermination et la décolonisation doivent être accompagnées du respect des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Cela n’est pas non plus le cas.

Dénationalisation pour des causes raciales

Les différentes lois accordant l’indépendance aux homelands prévoient que les habitants de ces territoires cesseront d’être Sud-Africains [57]. Les critères rete­nus ne sont pas raciaux mais eth­no-culturels et en fait dénationa­lisent uniquement les Noirs habitant ces territoires et certainement pas les Blancs qui pourraient s’y trouver. Une telle procédure est violemment condamnée par les Instances internationales. Dans ses « Origines du Totalitarisme » Hanoah Arendt avait considéré comme une composante essentiel­le du totalitarisme la volonté d’un Etat de dénationaliser certains de ses nationaux [58].

Aucun Etat enfin n’a reconnu l’indépendance des homelands à part l’Afrique du Sud. Ces indépendances ont été violemment condamnées par l’Assemblée Générale de l’ONU et le Conseil de Sécurité. Les foyers nationaux ont certes un territoire défini, une population et un gouvernement qui a le contrôle dudit territoire, il n’empêche que la communauté internationale en refusant de reconnaître la souveraineté de ces Etats leur nie le droit d’entrer en relation avec d’autres Etats, l’un des éléments fondamentaux de la souveraineté. Nous en arrivons alors à la fiction juridique dénoncée par le Professeur Wiechers dans Mutatis Mutandis [59].

Par le biais de la politique des homelands, l’Afrique du Sud pourrait ainsi se débarrasser de tous ses citoyens de race noire et en faire des citoyens d’un nombre d’Etats clients aux frontières immédiates de la République et pouvoir leur nier ainsi toute participation à la vie politique de l’Etat sud-africain. Ainsi, l’Afrique du Sud se serait débarrassée de sa majorité noire. Un tel comportement a été violemment combattu aux Nations Unies [60].

L’argument économique

Nous avons vu combien l’indépendance du Venda est fondamentalement inacceptable à la Communauté internationale, essayons maintenant de voir quelles sont les facteurs pouvant mener Venda à l’indépendance et à la viabilité économique. Venda est incapable de se financer. Le très officiel magazine Progress faisait remarquer en 1978 [61] que sur R27M de dépenses pour le budget de 1977-1978, Venda n’avait contribué que pour R3M, les R24M autres provenant directement d’une subvention de Pretoria. Le magazine devait ajouter que la situation économique n’était en aucune manière prometteuse pour le Territoire. Deux fois plus de demandeurs d’emplois ayant trouvé du travail à l’extérieur du territoire qu’à l’intérieur : 50.916 par rapport à 25.360 à l’intérieur.

Ce magazine, publié par le Ministère sud-africain de l’Information, ajoutait même : « Venda ne peut se considérer comme économiquement viable, sa dépendance vis-à-vis de l’Afrique du Sud se maintiendra dans l’avenir. Venda sera le plus dépendant de tous les Etats jouxtant l’Afrique du Sud. Une telle situation affectera sa crédibilité pour ce qui est de sa reconnaissance » (internationale).

Quels sont les atouts de Venda ?

Le territoire comprend une plantation de thé d’un investissement de 4 millions de dollars américains. Cette affaire emploie 600 personnes et pourrait en employer 1.400 autres lorsqu’elle sera complètement développée [62].

Il y a environ 50.000 fermiers dans le territoire mais ceux-ci gardent trop de têtes de bétail [63], ce qui appauvrit les pâturages et provoque une terrible érosion des sols. Il y a 113.000 têtes de bétail qui paissent sur 70 % du territoire avec des résultats désastreux, 12 % de la terre est utilisée pour les cultures. Les 2/3 de ces 12% sont activement utilisés tandis que le restant comportant 71.000 ha est potentiellement utilisable.

En 1975-1976, il y avait au Venda 200 charrues mécaniques labourant 12.000 ha, les 60.000 autres étant labourés par des socs tirés par des bœufs ou des ânes. Les fruits subtropicaux sont cultivés ainsi que le sorghum et le mais. Venda est le plus grand producteur de mangues d’Afrique du Sud.

L’agriculture occupe encore 90 % de la population résidant dans le Foyer National. Les travailleurs migrants qui viennent travailler dans la République rapportent chez eux R 99 millions. La Venda Economic Cooperation s’intéresse aussi à implanter la culture du café dans ce territoire. Les montagnes du Zoutpansberg ont fait l’objet, depuis trente ans, d’un ambitieux projet de reboisement. Le Homeland peut compter sur l’industrie forestière comme source de revenus : 1973­1974 = R 95.326. Le gouvernement put utiliser pour R 3.725 de bois de construction. En 1976­1977, les revenus tirés de l’industrie forestière furent R 272.623 et en 1977-1978 de R 328.527.

Les plantations sont constituées de pins et d’eucalyptus. Les pins sont utilisés pour les poteaux de mines, la construction de maisons et la pâte à papier [64]. Les industries, par contre, sont à l’état embryonnaire et 28 mini-industries ont été créées par la Venda Development Corporation à Sibasa afin de donner des emplois aux habitants de la capitale. Dans ce parc industriel il y a une école de formation professionnelle. Les entreprises doivent appartenir aux Noirs mais seuls les Blancs ont les capitaux pour investir.

Le secteur minier semble plus prometteur. Il y a 4 mines en état de fonctionnement : 2 mines de graphite, une mine d’or et une mine de magnésite. Les revenus miniers sont de l’ordre de R500.000 par an. Les prospections minières ont révélé des dépôts d’hydroxyde et de sulphides de cuivre dans le Nord et le Nord-Ouest. Il y a des dépôts de cuivre prouvés à l’est de Sibasa. Au nord, il y a des dépôts de magnésite et de graphite en grande quantité. On a aussi trouvé des dépôts de charbon en très grandes quantités, Iscor est même intéressé. Cette société d’Etat de sidérurgie devra d’abord construire l’infrastructure, un chemin de fer devant relier Messinamopane à Masisi. Les réserves de charbon (coke) sont équivalentes à 1/6e des réserves charbonnières de toute l’Afrique du Sud ; ce qui est énorme. Avec une extraction d’1 million de tonnes par an, le Homeland pourrait avoir un revenu de R540.000 par an. Les prospections ont aussi révélé des gisements de vermiculite, d’apatiti, de phosphate, de corundum et de molybdène [65].

L’infrastructure de Venda est particulièrement pauvre. Il n’y a que 120 km de routes goudronnées. Les communications ferroviaires n’existent pas. En 1977, il y avait 338 téléphones à Venda et 5 bureaux de poste. La South African Broadcasting Corporation émet tous les jours en Venda (9 heures par jour). Cette chaîne de radio émet aussi en Ssonga (Shangaan).

Le Homeland doit importer la moitié de sa nourriture. 90 % des enfants en âge d’être scolarisés le sont dans le Foyer National [66]. Il y a 339 écoles primaires dans le Homeland et des centaines d’étudiants suivent des études supérieures dans ces universités sud-africaines pour Noirs que sont les universités du Nord, du Zululand et de Fort Hare. (200 sont inscrits à l’« Université d’Afrique du Sud » qui est un établissement par correspondance).

Le revenu per capita est de R288 par an et la situation démographique est effarante. 38,1 % des adultes du sexe masculin résident dans le Homeland, chaque adulte de ce sexe devant subvenir aux besoins de 3,7 enfants [67].

Devenu président de la nouvelle République de Venda qui subit l’ostracisme général, de l’ONU comme l’OUA, Mpephu, devenu Chef de l’Etat [68], d’un Etat-client et vassal de l’Afrique du Sud, s’est comparé à Moïse dans son discours inaugural. Il semble qu’il ne mènera pas loin son peuple et qu’au lieu de le conduire vers la Terre Promise, il l’a poussé, par égoïsme et myopie intellectuelle, vers l’aridité de l’isolement et de l’impasse politique.

N’est-il pas révélateur que le Commissaire-Général [69] pour les Venda se soit empressé de rassurer les journalistes sur le fait que Prétoria ne forçait pas le Homeland à choisir l’indépendance alors que personne ne l’avait insinué et n’est-il pas caractéristique qu’une revue aussi officielle qu’Informa [70] conclue son numéro sur le Homeland par ces mots. « En dernière analyse, on doit faire remarquer que, quoique Venda approche de son indépendance il reste de nombreuses carences : cependant, l’aspiration subjective de cette nation la poussait à être souveraine. On ne saurait sous­estimer ces aspirations qui ne sont pas déterminées par une quelconque viabilité mais par un besoin irrationnel à être indépendant. On ne doit pas supprimer la volonté de tout un peuple ».

Quelle indépendance ? [71] La volonté de tout un peuple ne s’était-elle pas clairement prononcée lors des élections législatives ?

Roulant en Mercedès 280 SE et habitant une maison de R122.000, le chef Mpephu pouvait résumer sa philosophie politique : « Nous ne pensons pas nous opposer à Prétoria en nous servant de la politique de développement séparé comme d’une plateforme pour pouvoir la critiquer. Nous sommes pour le développement séparé et rien d’autre. Certains leaders des homelands se considèrent comme opposés au développement séparé mais sont employés par le Gouvernement central et payés par celui-ci » [72].

Conservateur, traditionaliste et réactionnaire, Mpephu, à la suite du Gouvernement central a amené son pays à la souveraineté. Les nationalistes sud-africains avaient bien compris qu’en s’appuyant sur l’aristocratie tribale, ils arriveraient à leurs fins politiques. Deux semaines avant l’indépendance, suprême récompense pour un traditionaliste, Mpephu était élevé au titre de « Paramount­Chief » des Venda. Descendant direct de Thoho-Ya-Ndou, Mpephu a ignoré les aspirations politiques du peuple qu’il était sensé représenter.

Deux fois, les électeurs ont désavoué ses options politiques. Resté au pouvoir grâce à la sur-représentation des chefferies, Mpephu a joué le rôle qu’on attendait de lui. Comblé de faveurs par la République (salaire élevé, maison, titre), le chef des Venda n’a pas su être digne de la tradition qu’il représentait. Thoho-Ya Ndou avait choisi une terre fertile pour son peuple. Son successeur se sera contenté d’une indépendance factice (territoire enclavé, chômage, non viabilité économique) qui, loin d’apporter la liberté à son peuple, l’abandonne dans une communauté internationale qui re­jette son Etat et le met d’une façon irrémédiable en position de vassal vis-à-vis d’un suzerain tout­puissant. Il est alors ironique de penser que, par le biais de cette pseudo-souveraineté, Prétoria aura suscité un nationalisme noir qui ne peut que lui profiter car il consolide son grand dessein. Le développement séparé devient le procédé moderne de la domination sous le couvert des fictions juridiques. Par ambition personnelle, Mpephu aura rendu à Prétoria le plus grand des services. aux Affaires Indigènes étaient nommés. En fait, ces adjoints étaient particulièrement chargés du travail administratif avec les Africains. Leurs activités étaient administratives et judiciaires et ils étaient fonctionnaires du Minis­tère des Affaires Indigènes.

Le pays Venda [73] fut donc divi­sé ainsi : Grott Spelonken fut le siège d’un Commissariat aux Af­faires Indigènes. Ce district indi­gène comprenait les régions du Zoutpansberg Pietersburg et Letaba. Sibasa fut aussi le siège d’un Commissariat avec juridic­tion sur le Zoupansberg oriental. Louis Trichardt se vit aussi attri­buer un Commissariat avec juri­diction sur une partie du Zout­pansberg, Pilgrims Rest et Barbe­ton. Le pays Venda était donc divisé en 3 districts indigènes sous la direction de Commissai­res relevant du Ministère de Pre­toria.

Au niveau local, les chefs nom­més et reconnus par l’Union for­ment l’entité administrative de base sous le Commissaire. C’est le Chef qui est responsable de la ré­partition des terres avec appel possible auprès du Commissaire.

Une lente évolution

En 1913, le Gouvernement de l’Union décida d’officialiser la ré­partition des terres dans le Domi­nion. Certaines terres devaient être réservées aux Noirs. Jusqu’en 1913, les africains pouvaient li­brement acheter des terres aux Blancs hors de leurs Réserves. Ce­la fut interdit par cette loi, à moins que l’achat se fasse dans une région répertoriée à cet effet.

En 1920 [74], le « Natives Af­fairs Act » étendit à d’autres ré­gions d’Afrique du Sud le princi­pe des Conseils Locaux qui avaient si bien fonctionné au Cis­kei et au Transkei. L’Act préci­sait que les Noirs devaient accep­ter de tels Conseils locaux. Les pouvoirs de ces Conseils consis­tent dans le contrôle des voie : ; d’eau, de l’irrigation, des barrages et de la conservation du sol, de l’entretien des bains antiparasi­tes, des routes, des clôtures et des pâturages communs [75]. Le pays Venda obtint un Conseil local en 1939 [76] dans le district de Le­taba et, en 1948, pour les dis­tricts de Louis Trichardt [77], Si­basa [78] et Groot Spelonken [79]

L’Act de 1920 prévoyait aussi des conférences pour entendre le point de vue des Noirs mais de telles conférences tombèrent en désuétude devant la Representa­tion of Natives Act de 1936. La loi de 1920 prévoyait aussi la création d’une Commission per­manente chargée des Affaires In­digènes afin d’enquêter sur la lé­gislation possible concernant les Noirs de l’Union [80].

En 1927, afin de consolider la législation concernant les Noirs, le Gouvernement de l’Union dé­cida de redéfinir les pouvoirs de l’Administration centrale par rap­port aux Noirs. Selon l’article I du Bantu Administration Act, le Gouverneur – Général était chef suprême de tous les Africains de l’Union. Il pouvait définir la lo­calisation des différentes tribus, déterminer leurs droits d’occupa­tion du sol, nommer les chefs et les « Autorités Bantoues », pu­blier des décrets sur le statut des personnes, des successions, le contrôle des townships et des ré­gions réservées aux Noirs ; il pou­vait aussi contrôler la tenue de meetings.

L’Union, sous la direction du Général Herzog, voulait en finir avec la représentation partielle des Noirs au Parlement du Cap. Le Parti National et le Parti sud­-africain fusionnèrent pour fonder le Parti Uni. En 1936, le Gouver­nement fit voter le « Natives Re­presentation ACt » qui prévoyait l’établissement d’une liste électo­rale séparée pour les trois mem­bres de Parlement devant repré­senter les Africains du Cap et la création d’un Conseil Représenta­tif Indigène. Il est intéressant de voir que pour compenser les res­trictions de vote concernant l’élec­torat noir, le Parlement fit voter le« Native Land & Trust ACt » qui accroissait de 7,25 millions de morgen les terres attribuées aux Noirs [81]. Les Noirs voyaient leur représentation encore plus restreinte au Parlement du Cap mais on leur accordait un peu plus de terres comme maigre consola­tion.

On insista sur le fait que le « Conseil Représentatif Indigène » était constitué de 23 membres et présidé par le Secrétaire aux Affaires Indigènes. 12 membres africains étaient indirectement élus, 4 étaient nommés par le Gou­verneur – Général et 6 commis­saires en chef aux Affaires indigè­nes siégeaient ex-officio. Ce fut la dernière fois qu’un Gouverne­ment sud-africain acceptait une représentation africaine commu­ne. Le Conseil se fit l’écho des do­léances des Africains au sujet du problème des terres, de la ségréga­tion, des conditions urbaines, de l’état des réserves et du pouvoir du conseil lui-même. Le Conseil échoua complètement. En 1946, il s’ajourna sine die et en 1947 il rejetait les propositions que lui avait faites Smuts car celui-ci prô­nait une forme de développement séparé. En 1951, le Bantu Autho­rities Act abolissait le Conseil [82].

Vers le développement séparé

A partir de 1948, le Gouverne­ment nationaliste décida de s’embarquer dans une politique beau­coup plus dynamique vis-à-vis des Noirs. Une certaine autonomie leur fut accordée et, pour ce faire, le Gouvernement s’appuya avant tout sur les chefs et les forces tra­ditionalistes des différentes eth­nies.

Comme l’influence des chefs avait quelque peu souffert du fait que leur position était toujours inférieure à celle du Commissaire aux Affaires indigènes, Prétoria décida donc de revaloriser leur rô­le et leurs différents pouvoirs. Selon le Bantu Authorities Act [83], de nouvelles institutions fu­rent créées afin de remplacer les Conseils locaux.

Selon cette loi, une Autorité tribale [84] est composée d’un chef, de conseillers reconnus par la tribu et de toute autre person­ne nommée par le chef avec l’ap­probation des conseillers. Une Au­torité communautaire pouvait être instituée pour plus de deux tribus sans chef reconnu. Dans ce cas, l’Autorité communautaire est composée de conseillers tradition­nels et des membres élus par le responsable de la Communauté. Lorsqu’il n’y a pas de structure tribale, tous les membres de l’Au­torité peuvent être élus par les adultes du sexe masculin.

La fonction de ces Autorités est de maintenir l’ordre et le res­pect de la loi, de s’assurer que les règlements sont exécutés, surtout ceux concernant la tenue de meetings, la santé publique, la levée de l’impôt, le service de l’état­ civil, l’occupation des sols, le contrôle de l’embauche, la préven­tion des épizooties. Les Autorités régionales [85] comprennent les chefs des Autorités tribales ou des Autorités communautaires de la région concernée ou un mem­bre de l’Autorité déléguée par celle-ci.

Des membres peuvent être in­clus dans l’Autorité régionale s’ils sont issus d’une Autorité tribale ou communautaire et cela avec l’accord de l’Autorité régionale. L’Autorité régionale a un Conseil exécutif présidé par un chef de haut rang et composé de membres nommés par l’Autorité elle-même.

Les Autorités régionales avaient, en 1951, reçu des fonctions spé­cifiques. Aujourd’hui, les Autori­tés régionales ne sont plus que les agents des Homelands et sont désormais contrôlées par les gou­vernements de ces différentes administrations. A l’origine, l’Au­torité régionale remplaçait les conseils locaux. Les Autorités régionales remplissaient aussi les fonctions des anciens Conseils de district. . Les fonctions originelles de l’Autorité régionale étaient l’administration de l’éducation et de la santé, des ponts et chaus­sées, des barrages, du contrôle des épizooties et du reboisement.

En 1955, la Commission Tom­lison [86] avait déposé son rap­port qui précisait que l’ethnie Venda était spécifique et devait constituer une entité avec les lo­cuteurs Tsonga (Bloc 3). Ce bloc comprenait le Groupe B habité principalement par les ethnies susnommées et la tribu Lobbedu. Un tel projet n’a pas eu de suite pour la création du homeland car, en 1959, l’ethnie Venda était appelée à devenir un homeland sans membres d’une autre culture en vertu de la Promotion of Ban­tu Self-Government, Act 46, of 1959. Cette loi reconnaissait com­me différentes les ethnies Tsonga et Venda et reconnaissait à cha­cune le droit à l’autonomie. On remarquera que la tribu Lobhedu, très célèbre pour sa Reine de la Pluie, Modjaji, a été détachée du Venda en 1971 pour être intégrée au Homeland du Lebowa qui est 1e foyer Nationa1 Pedi (Sotho du Nord) [87].

L’année 1959 fut très impor­tante pour les Venda car ils accé­dèrent aux Autorités régionales [88]

Les pouvoirs exécutifs de ces autorités étaient placés dans un Conseil exécutif composé d’un président, d’un vice-pésident et d’un membre de l’Autorité élu par ses pairs.

Après que la loi de 1959 eut reconnu l’ethnie Venda comme l’une des 8 devant être constituée en entité autonome, le pays Ven­da fut constitué en 1962 en Au­torité territoriale [89].

Tout le pouvoir aux chefs

Dans sa volonté d’accorder une certaine autonomie aux ho­melands, Pretoria a bien pris soin de ne laisser l’initiative po­litique qu’aux chefs qui, en mi­lieu rural, ont encore une influen­ce sur les Venda tribalisés.

L’Autorité territoriale Venda devait être réorganisée en 1969 selon les Proclamations 140 et 142 de 1968 et les Proclamations 58, 95, 114 et 167 de 1969. L’Autorité territoriale comprenait 3 Autorités régionales, celle de Lobedu-Pedi étant attri­buée au Lebowa. L’Autorité fut proclamée par les règlements 168 et 170 de 1969. Selon lui l’Au­torité était constituée de tous les membres des Autorités Régiona­les constituantes. C’était donc une Assemblée de Chefs. Un président et un vice-président devaient être élu par les membres de l’Auto­rité. Le Conseil Exécutif était composé de 6 membres recevant chacun un portefeuille ministé­riel. Les Autorités Territoriales reprennent à leur compte les pou­voirs des Autorités Régionales mais en plus se voient attribuer la responsabilité des services so­ciaux, de la liquidation des re­traites, du contrôle de la main-­d’œuvre, des services de l’état­-civil et de la levée de l’impôt. Le Chef Patrick Mpephu devint Chef-Conseiller de l’Autorité ter­ritoriale.

Frontières de couleur et frontière politique

En 1970, le Gouvernement de Prétoria fit voter le Bantu Home­land Citizenship Act qui accordait une nationalité à tous les Noirs d’Afrique du Sud et les rattachait aux différentes homelands selon des critères socio-linguistiques.

En 1971, le Homeland Se vit accorder une Assemblée législati­ve, première étape vers l’autono­mie au sein de la République. En effet, le Bantu Homeland Consti­tution Act n° 21 of 1971 pré­voyait qu’une Assemblée rempla­cerait les Authorités territoriales. La première partie de la loi pré­voyait que certains pouvoirs res­teraient du ressort de la Républi­que comme la législation sur la ci­toyenneté, l’application des lois aux citoyens du Homeland n’y résidant pas et l’établissement d’usines et d’entreprises. Res­taient aussi de la compétence du Gouvernement central le contrôle de l’emploi, la nomination et la révocation des chefs, les program­mes universitaires et scolaires, la langue de l’enseignement et les examens. Et, il va sans dire, l’in­dépendance, la défense, les affai­res étrangères, le maintien de l’or­dre, les télécommunications, l’im­migration des non-citoyens, la monnaie et les douanes. L’Assem­blée législative pouvait contrôler les magistrats et les Commissai­res aux Affaires bantoues.

Traditionalistes contre Modernistes

Nous avons vu que le Chef Pa­trick Mpephu [90] devint Chef du Conseil exécutif de l’Autorité territoriale puis du Homeland lorsque celui-ci atteignit le stade d’assemblée. Un certain mécon­tentement se fit sentir dans le ho­meland en 1971 lorsque le Pre­mier Ministre John Vorster visi­ta le Foyer National. En effet, les Venda les plus instruits s’opposaient à la façon de gouverner du Chef Mpephu. Mpephu est un traditionaliste particulière­ment conservateur et un partisan enthousiaste de l’apartheid. Des­cendant direct du Grand Chef Thoho-ya-Ndou, Mpephu est né en 1925. Il a reçu son instruction aux écoles de Siloam et Tshaku­ma et, après cela, fut employé par la municipalité de Johannesbourg.

Il s’oppose politiquement à Baldwin Mudau qui est le type même du Noir urbain et moder­niste. Baldwin Mudau est né au Witwatersrand. Self made man, il fut successivement assistant social et secrétaire du Centre social ban­tou de Johannesbourg, chargé de cours au collège universitaire du Nord à Turfloop et chercheur en Anthropologie sociale à l’Univer­sité du Witwatersrand. En 1961, alors qu’il était assistant social à Alexandria, township de Johan­nesbourg, Mudau fut renvoyé de son poste pour avoir pris part au boycott résultant des incidents dramatiques de Sharpeville. Mu­dau, après quelques mois comme chercheur à l’Université du Wit­watersrand (Johannesbourg) de­vint l’un des responsables des relations publiques de la société Unilever. C’est alors qu’il fut contacté pour participer à la vie politique du homeland. Le home­land avait alors atteint le stade d’Autorité Territoriale. Des repré­sentants du homeland le persuadè­rent de travailler en liaison avec le Territoire Venda. Le projet ne réussit pas mais _ Mudau fonda un parti le « Venda Independance Party » et s’opposa au chef Mpe­phu aux élections de 1973 lors­que le territoire accéda à l’autono­mie interne et au second stade de son développement constitution­nel.

En effet, en 1973, une consti­tution fut accordée au territoire ainsi que l’autonomie interne [91].

Cette constitution prévoyait que l’Assemblée législative compren­drait 60 membres [92] : 25 chefs de tribu pour lesquelles une Au­torité tribale avait été instituée ; 2 chefs issus de l’Autorité Com­munautaire de Gwamasenga ; 15 membres désignés par les chefs en conseils ; 18 membres élus au suf­frage universel direct majoritaire uninominal à un tour.

Ces premières élections du Ho­meland Venda sont très intéres­santes car elles nous montrent comment la première consultation politique moderne de cette ethnie a pu se dérouler. La participation électorale fut de 72 %, ce qui est remarquable. Baldwin Mudau se fit le porte-parole des milieux modernistes avec « Venda Independance People’s Party (VIPP ». De 1968 à 1972, Mudau fut le représentant de l’Autorité territoriale Venda dans les zones urbai­nes de la République. Il essaya de promouvoir l’établissement de fonds de commerce Venda sur le Territoire de l’Autorité en essa­yant d’inciter les Venda des villes à investir dans le Homeland. Mu­dau devait voir ses plans frustrés par la très officielle « Bantu In­vestment Corporation » qui favo­risait systématiquement la promo­tion financière des Afrikaans du Nord-Transvaal. En 1972, Mu­dau fut remplacé comme représentant du Homeland dans les zo­nes urbaines. C’est de cette frus­tration qu’est né le VIPP. On re­marquera qu’en 1973 il n’y avait pas d’autre parti politique au Venda. Les chefs soutenaient les « leaders établis ».

Il y avait trois groupes de can­didats : les « leaders établis » qui était une association de traditio­nalistes patronnée par les chefs (18 candidats), les candidats du VIPP et 9 indépendants. 6 candi­dats venaient de Prétoria ou du Witwatersrand : 4 d’entre eux soutenaient le VIPP et 7 candi­dats étaient des chefs subalternes et conseillers tribaux mais aucun ne soutenait le VIPP. Sur ces 7 candidats, 5 soutenaient les lea­ders établis. 27 des 45 candidats avaient des emplois « modernes » :

– 19 commerçants, hommes d’affaires, marchands ;

– 7 employés de bureau ;

– 1 instituteur.

14 de ces candidats soutenaient le VIPP, 7 les leaders établis et 6 les indépendants, 14 de ces can­didats « modernes » sur 18 furent élus. Les 4 autres candidats élus étaient 2 chefs subalternes, 1 conseiller tribal et 1 fermier ; le VIPP obtient 10 élus ; les leaders établis 5 ; les indépendants 3.

On peut en déduire que le VIPP pouvait compter sur le soutien des intellectuels, des Ven­da urbanisés et des modernistes [93]. Au contraire, les leaders éta­blis représentaient les forces tra­ditionalistes et furent tous élus dans la circonscription où le Chef Mpephu réside (Dzanani). Le VIPP prit de court les chefs en faisant une campagne particulière­ment dynamique avec affiches, tracts et distribution de T-shirts. Le VIPP obtint le soutien de 1/5e des chefs, cependant la plupart de ceux-ci apportèrent leur soutien aux leaders établis. On notera que la « Zion Qu-istian Church » fit de même.

Programmes politiques des différentes formations

Si les leaders établis acceptent et favorisent le statu quo, le VIPP [94] ne le tolère pas et ne se sert du développement séparé et de ses structures que pour essayer de le critiquer et de l’in­fléchir. A ce sujet, le VIPP criti­que le contrôle du flux de main­-d’œuvre, l’interdiction de résiden­ce permanente dans les zones blanches (aujourd’hui autorisée).

Le VIPP avait donc remporté les élections. Il avait obtenu 10 élus mais les indépendants déci­dèrent de soutenir son program­me l’Assemblée, ce qui formait une coalition de 13 élus [95]. Mais, comme l’Assemblée consistait en majorité de membres siégeant ex­-officio ou cooptés, Mpephu, quoi­qu’ayant été battu aux élections législatives, se fit nommer chef ­ministre par 42 voix contre 18 pour Mudau. Avec la répartition des sièges législatifs, les traditio­nalistes ont toujours la majorité sur les élus. Afin d’obtenir leur faveur, doit-on rappeler que Mpe­phu avait conduit 48 de ses collè­gues pour la visite de la réserve de chasse de Manyelethi et avait fourni à chacun d’entre eux un complet-veston de R 70 pièce. Cela, quelques heures avant l’élec­tion au poste de chef-ministre [96], Cela ne devait cependant pas suffire pour lui assurer la loyauté de l’aristocratie Venda. En effet, 11 jours après l’ouvertu­re de la session parlementaire de la première assemblée, 15 mem­bres appartenant à la coalition des chefs autour de Mpephu pas­saient à l’opposition. Le Chef-Mi­nistre décida alors de clore la ses­sion parlementaire sous le prétex­te que les parlementaires n’avaient pas compris la procédure de l’As­semblée, et le Commissaire Géné­ral pour les Venda, le Dr de Wet Nel, devait ajouter que des confé­rences leur seraient faites pour les mettre au courant.

Après les élections et l’acces­sion de Mpephu au poste de Chef-Ministre, la politique interne du Homeland fut de plus en plus au­toritaire avec la volonté constante du « Venda National Party » (parti des Chefs dirigé par Mpephu) d’essayer d’interdire le VIPP.

La question de l’indépendance

En 1977, Mpephu eut des dis­cussions avec Prétoria afin d’obte­nir l’indépendance pour son terri­toire. Il s’opposa violemment à Mudau qui ne pouvait accepter l’idée d’indépendance car il consi­dérait le territoire comme non-viable économiquement. En octo­bre 1977, le Homeland Venda fut le théâtre de violents affronte­ments ; les bâtiments officiels furent attaqués et le Gouverne­ment du Homeland dut recourir à des mesures d’exception, jamais levées depuis, qui précisent que l’exécutif peut interdire toute réu­nion publique. Le fait d’intimider un écolier était aussi prévu car les émeutes s’étaient accompagnées d’une grève des cours de plusieurs mois [97].

Avec de telles mesures, le gou­vernement du Homeland entamait des discussions sur l’indépendan­ce du territoire [98]. Baldwin Mu­dau changea alors d’opinion quant à l’opportunité de l’accession de Venda à la souveraineté internationale. Il décida d’accepter le verdict des électeurs aux élections législatives de juillet 1978. Pour Mpephu, les « Venda sont assez développés pour accéder à la sou­veraineté et ils sont certains de recevoir l’aide de la République tant qu’ils se conduisent d’une fa­çon responsable… » [99].

Le Chef-Ministre profita aussi des pourparlers au sujet de l’in­dépendance pour changer la cons­titution et égaliser le nombre de chefs et le nombre de roturiers siégeant à l’Assemblée.

En juillet 1978, les Venda vo­tèrent donc non pas pour l’indé­pendance car elle était acceptée par les deux partis représentés au Parlement mais pour savoir quelle serait la composition du gou­vernement menant à cette souve­raineté. Le résultat des élections fut un triomphe pour Mudau qui remporta 31 des 42 sièges. Le VIPP remporta tous les sièges dans 3 des 4 districts électoraux. A la proclamation des résultats, le chef Mpephu ne se démonta pas et fit nommer aux sièges cooptés des candidats malheureux du VNP comme E.R.B. Nesengani, ministre de l’Education battu aux élections et réintroduit à l’Assem­blée par le biais des nominations. Un autre membre coopté fut P. Rambau qui ne pouvait être éligi­ble à cause d’une peine de 6 moisde

[1] Informa, Juin 1979, p. 3 – Information Service Republic of South Africa.

[2] Selon Benbo Venda, 1975, p. 9, la population de Venda est composée de 449.000 personnes de jure et 297.000 de facto. Cette publication gouvernementale spécialisée dans l’économie des différents homelands note que 68 % des locuteurs Venda habitent le homeland et que cela est un record par rapport à tous les autres Foyers nationaux d’Afrique du Sud.

 

[3] La bande de terre qui sépare le homeland du Limpopo, en fait une enclave en Afrique du Sud sans frontières internationales, a été justifiée par les autorités sud-africaines comme terrain de manœuvres pour l’année : Work in Progress University of the Witwatersrand, november 1978, n° 6, p. 4.

Cette bande de terre le long du Limpopo est virtuellement inhabitée : Rand Daily Mail, 28 avril 1973 &. The Star 27 avril 1973. Ceci est infirmé par Paul Bell qui spécifie que la bande de terre de 50 km de long et 10 de large a été établie après qu’ont été déplacé les populations Venda qui y habitaient et sa justification est non seulement militaire mais aussi politique puisqu’il y a de la part du Gouvernement de Prétoria volonté de contrôler les populations Venda des deux côtés de la frontière Afrique du Sud-Zimbabwé. Il est intéressant de noter que le Gouvernement de Venda, en accord avec le Gouvernement sud-africain, a accepté la nouvelle démarcation de la frontière, en deçà de l’originale, afin d’arrêter le flux de population (Venda) vers le sud et aussi pour empêcher les infiltrations terroristes vers l’Afrique du Sud. (Rand Daily Mail, 24 août 1977). Il faut préciser qu’il y a des locuteurs Venda dans l’extrême sud du Zimbabwé dans le district de Nuanetsi : Monica Wilson in Oxford History of South Africa, 1969, vol. 1, Oxford, p. 168. La bande de terre imposée par l’Afrique du Sud forme donc un no man’s land qui divise l’ethnie Venda et ne fait qu’élargir sa division de part et d’autre de cette double frontière.

[4] N. J. Van Warmelo : « The Copper Mines of Musina and the early History of the Zoutpansberg », Ethnological Publications, 8, Pretoria Government Printer, 1940 (130), p. 19.4)

[5] Monica Wilson The Oxford, History of South Africa, vol. 1, p. 169. Quelle est cette région aux grands lacs d’eau silencieuse ? La controverse a été étudiée par de nombreux auteurs qui proposent comme lieu d’origine de la migration les environs du lac Malawi : H.A. Stayt The Bavenda, Frank Casa &. Co Ltd, 1968, Londres, p. 14. Le chef Senthumule fut véhément dans son insistance sur les origines de son ethnie, affirmant qu’elle provenait du Nysaland (Malawi) dont il peut encore comprendre la langue. (E. A. Stayt, op. cit., p. 12 et Monica Wilson, op. cit., p. 175).

L’histoire Venda est très controversée, comme toute théorie historique en Afrique du Sud. A tel point que le très officiel Bureau for Economic Research Cooperation & Development, qui publie « Independent Venda », en collaboration avec le très gouvernemental Rand Afrikaans University, devait confier le chapitre historique de ce livre au secrétaire pour l’Education avec cette note : « Ce chapitre a été rédigé par Monsieur M. H. Nemudzivhadi car l’interprétation habituelle de l’histoire Venda n’est pas acceptable par le gouvernement Venda » (p. 17). Est-ce une manière de rendre plus crédible une publication prônant l’indépendance du Homeland ?

[6] On définit aujourd’hui ethnographiquement comme Venda les locuteurs Venda. Cette langue bantoue du Sud-Est est en même temps groupe et ensemble de langues selon la classification de Doke (60/3 Venda) « Doke’s Classification of Bantu Languages, par D. T. Cole In Contributions to the History of Bantu Linguistics Doke &. Cole Witwatersrand University Press, 1969, p. 89. On rappellera que le terme bantou est strictement linguistique et ne peut s’utiliser scientifiquement d’une autre manière. La langue Venda est proche du Shona (Karanga) parlé au Zimbabwé dans sa structure grammaticale et sa phonologie, mais son vocabulaire est beaucoup plus apparenté au Sotho qu’au Shona ; il y a aussi des mots apparentés au groupe Bantou de l’Est-Africain : G.P. Lestrade, « Some Nones on the Ethnie History of the Ba Venda & their Rrodesian Affinities », South African journal of Science, 24, 1927, p. 488. Ceci est confirmé par M. E. R. Mathivha qui considère cette langue comme un idiome intermédiaire entre les langues bantoues du Nord-Est et du Centre et celles d’Afrique Australe. Pour lui, le Venda semble avoir évolué du Tshiluba, Luganda, Shona, Chichewa et Shambala. Son système vocalique est similaire à celui du Swahili, du Luganda, du Chichewa et du Shona. Le système consonantique du Venda est plus ou moins similaire à ceux du Luganda, Swahili, Kikuyu et Shona, à l’exception des forme aspirées qui ne se retrouvent que dans certaines des langues bantoues et des consonnes sonores voisées qu’on ne trouve pas dans toutes les langues bantoues. La morphologie de beaucoup de mots de langues d’Afrique Centrale et Orientale se retrouve dans le morphème Venda. Les sons du Venda, ses aspects phonétiques et syntaxiques forment un maillon entre les langues au Nord et au Sud du Limpopo : MER Mathivha, Publication of the University of the North Sovenga, 1975, p. 1, séries C, n° 26.

[7] G. P. Lestrade : « Some notes on the political organizations of the Venda ­ speaking tribes », in Van Varmelo, Contributions towards Venda History, religion & tribal ritual, Government Printer, 1945, Pretoria, p. VIII, IX et XI.

[8] Le pouvoir du Grand Conseil (Khoro) a été analysé par H. A. Stayt, in The Bavenda, Frank Cass & Co, Ltd, 1968, Londres, pp. 216-217.

Le Khoro, ou conseil du chef, est une institution qui est composée des proches du monarque (par les liens du sang mais aussi par ceux des alliances politiques et familiales,). Les conseillers peuvent être remplacés par leurs fils si ceux-ci ont le même statut et le même prestige. Le conseil formule la politique et peut amender toute proposition venant du chef. On notera qu’au pays Venda si l’un des vassaux refuse les décisions du Khoro, il sortira de la juridiction de son seigneur et offrira ses services à un de ses rivaux : H. A. Stayt, The Bavenda, Frank Cass & Co, Ltd, 1968, Londres, p. 216-217

[9] Les Venda ne pratiquent la circoncision que depuis le début du XIXe siècle. Il semble que les Venda imitèrent le rituel des Sothos. Voyager en pays Sotho était dangereux pour un homme non circoncis Monica Wilson, in Oxford History of South Africa, 1969, vol. 1, p. 172. Une autre interprétation : Makhado, « Le lion du Nord », qui évinça son frère aîné Davhana, est considéré comme celui qui a introduit la circoncision chez les Venda, ayant appris ce rituel de la part des Sothos qu’il avait rencontrés dans les fermes appartenant aux Blancs : R. Wagner Zoutpansberg : Some Notes on the dynamics of a hunting frontier, Institute of Commonwealth Studies, 1976, vol. 6, p. 37.

[10] Patrick Videcoq : « L’occupation des terres et la constitution des fermes au Transvaal » (1835-1877), Cahiers d’Etudes Africaines, 58, XV-2, p. 239-257 (1975).

[11] Cité par R. Wagner, in Institute of Commonwealth Studies, 1976, vol. 6, p.33.

[12] Wagner : Zoutpansberg ; « Some No­tes on the Dynamics of a Hunting Fron­tier », Institute of Commonwealth Stu­dies, 1976, vol. 6, pp. 34-35.

[13] Oxford History of South Africa, 1969, Ed. L. Thompson & M. Wilson, vol. 1, pp. 435-436. Au milieu des années 1850, il y avait trois groupes de peuplement Afrikaans au nord du Vaal. La colonie de Pretorius qui avait Potchefstroom comme capitale au sud-ouest et dont le nom officiel était « République Sud-Africaine ». Au nord, la colonie du Zoutpansberg, qui avait pour chef S. Schoeman, héritier politique de A. H. Potgieter. A l’Est, la colonie de Lydenburg avec Ohrigstad pour capitale. Une seule institution était commune à ces différences Républiques : le Volksraad qui se réunissait à différents endroits pour débattre des problèmes communs. En 1860, après la rédaction d’une Constitution qui satisfaisait les trois Républiques, celles-ci s’unifiaient en une République sud-africaine avec un président (Pretorius) et Schoeman, commandant-général et, ex officio, commissaire en chef aux Affaires indigènes.

[14] E. H. Brookes, The History of Native Policy in South Africa Van Schaik, Pretoria, 1927, pp. 124-126

 

[15] H. Shepstone proposait l’introduction du droit coutumier africain pour gouverner les Noirs au lieu de leur imposer la « common law » anglaise. Pour ce faire, il proposait le vote d’une loi nommant le Gouverneur ou l’Administrateur Chef Suprême avec pouvoir de nommer des administrateurs du droit coutumier qui régiraient les Indigènes selon leurs us et coutumes, avec possibilité d’interjeter appel auprès du Chef Suprême. Une ordonnance fut promulguée en 1881 (n° 11, of 1881), créant l’Administrateur Chef Suprême et tous les magistrats (Landdroste), administrateurs du droit coutumier. Cette ordonnance fut reprise dans la loi n° 4 de 1885 de la République sud-africaine récemment restaurée. Le droit d’interjeter appel était conservé auprès du pouvoir exécutif, ce droit ne fut aboli que par la loi 29 de 1907 (Colonie du Transvaal) qui précisait que le droit d’appel était réservé à la Cour Suprême, seule juridiction d’appel.

[16] Johannes Meintjes : The Commandant General, Tafelberg Uitgewers, le Cap 1971, p. 132-133.

[17] La tribu Malaboch a joué un grand rôle dans l’histoire Venda en effet ce sont les alliés Malaboch qui ont aidé à mettre sur le trône Tshigebeti, second fils de Tshikalanga et futur Ramapulana.

[18] Ce n’est qu’en 1871 que la Société des Missions de Berlin Luthérienne fut autorisée à évangéliser l’ethnie. Le Nouveau Testament ne fut traduit et publié en Venda qu’en 1923 (C.M. Doke : Scriptures Translations into Bantu Languages in Doke & Cole Contributions to the History of Bantu Linguistics Witwatersrand University Presse, Johannesbourg 1969, p. 109 (65).

[19] Le général P.J. Joubert avait demandé la dissociation des fonctions de Com­mandant-Général de celles de Commissaire en chef aux Affaires Indigènes. En 1896, les deux activités furent séparées mais gardèrent le même titulaire malgré les protestations de Joubert qui s’était ravisé à ce sujet : J. Meintjes, The Commandant General Tafelberg Uitgewers, Le Cap, 1971, p. 135-136.

[20] Report of the South African Native Affairs Commission, 1903-1905 Para. 147 & 154

[21] Natives Land Act of 1913, n° 27.

[22] Natives Affairs Act n° 23 of 1920

[23] Hahlo & Kahn South Africa The Development of its Laws & Constitutions Stevens & Sons Ltd, Londres, 1965, p. 800-801.

[24] Proclamation n° 160, 1939, 24 juin 1939. Le Gouverneur-Général pouvait ainsi légiférer par voie de proclamation ce qui est un moyen d’établir des lois sans débats du Parlement. Une résolution des deux Chambres peut abroger une proclamation et toute proclamation prise en vertu de Native Administra­tion Act doit être passée devant les deux Chambres.

[25] Proclamation n° 47, 1948, 17 février 1948.

[26] Proclamation n° 24, 1948, 24 mars 1948.

[27] Proclamation n° 348, 1948, 15 novem­bre 1948.

[28] Government Notice, n° 2004 of 1920.

[29] Le morgen représente un peu moins d’un hectare.

[30] Act n° 68 of 1951.

[31] Bantu Authories Act, n° 68 of 1951.

 

[32] Muriel Horrell The African Reserves of South Africa S.A. Institute of Race Relations, Johannesbourg 1969, p. 9.

[33] Muriel Horrell The African Homelands of South Africa S.A. Institute of Race Relations, Johannesbourg 1973, p. 42.

[34] Summary of the Report of the Commission for the Socio-Economic development of the Bantu-Areas within the Union of South Africa (Tomlinson Commission) the Government Printer 1955, Pretoria, p. 180 & 181.

[35] Selon la Proclamation du 21 mai 1971 n° 119, l’Assemblée Législative Venda ne comprend pas l’Autorité Régionale Balodedhu-Pedi alors que l’Assemblée législative du Lebowa la comprend (Proclamation du 30 juin 1971 n° 156). La tribu Lobedu est restée semi-indépendante au XIXe siècle à cause des lieux où elle Se situe (région du district de Letaba, proche de Parc National Kruger et infestée de mouches Tsé-tsé). On doit ajouter que cette région est montagneuse et la végétation est avant tout composée d’épineux. Dans un tel contexte, on comprend que cette tribu n’ait pas été inquiétée par les raids Zoulous au temps de Shaka ni par les coups de main Ndebele menés par Mzilikari. On doit aussi ajouter que les pouvoirs de la Reine des Lobedu est respectée aussi bien par les ethnies Nguni que celles de langues Sotho, Venda ou Tsonga. Les pouvoirs magiques du monarque Lobedu sont très appréciés. En effet la Reine peut provoquer la pluie et les chefs viennent lui rendre hommage et lui payer tribut afin qu’elle exerce ses pouvoirs sur les éléments. Les chefs Lobedu devaient présenter une fille à la Reine pour obtenir ses faveurs magiques. La Reine ne gardait dans son kraal qu’un petit nombre de femmes qui lui étaient envoyées et les échangeait contre un lien d’allégeance aux chefs qu’elle avait pour liges. La Reine avait donc comme pouvoirs ceux de créer la richesse (la pluie) et ceux de créer des alliances grâce aux dons qu’elle faisait à ses féaux. Le royaume Lobedu était donc un Etat où le monarque utilisait ses pouvoirs (magique et politique) sans avoir à recourir à la force. Il put préserver l’indépendance de son Etat jusqu’à la fin du XIXe siècle (Basil Sansom in Hammond-Tooke The Bantuspeaking peuplez of Southern Africa Routledge & Kegan Paul 1974, Londres, p. 27-279). Pour le Royaume Lobedu et sa structure traditionnelle, on se reportera à Krige & Krige The realm of a Rain Queen, Londres 1943, International African Institute. La Constitution de l’Assem­blée Législative Lebowa prévoit qu’il y aura un représentant personnel de la Reine des Lobedu à l’Assemblée. Proclamations n° 224, 225 et 226 du 29 septembre 1972. Voir aussi Muriel Horrell : The African Homelands of South Africa, Institute of Race Relations, Johannesbourg, 1973, p. 59. Le pays Lobedu est intégré au Lebowa et a refusé son incorporation au Gazankulu, cf. Rand Daily Mail, 14 mai 1974. Selon la classification de Doke le parler Lovedu 60/2/6 est un dialecte du Nord-Sotho : D. Cole Doke’s Classification of Bantu Languages in Contributions to the History of Bantu Linguistics, Witwatersrand University Press, Johannesburg, 1969, p. 89.

[36] Les 4 Autorités Régionales étaient alors : Vhembe Proclamation R 1254 of 1969, Ramabulana Proclamation R 608 of 1969, Groot Spelonken Proclamation R 1159 et Bolobedu-Pedi Pro­clamation R 2140 of 1959.

[37] Autorité territoriale Venda Thoho-Ya­Ndou Proclamation R 1864 of 1962. Le nom fut changé en Autorité Territoriale Venda GN/837/1969. (Thoho-Ya-Ndou signifie Tête de l’éléphant et fut le titre du monarque de la principale dynastie). Les Chefs conseillers étaient payés environ R 3.600 par an (1969).

Les détenteurs d’un porte-feuille environ R 3.600 par an.

Les présidents des Autorités territoriales environ R 600 par an.

Les vice-présidents environ R 300 par an.

[38] Selon the Sunday Express, le Chef Mpephu a un niveau d’instruction équivalent à la quatrième. En anglais comme en Afrikaans, il doit se servir de raide d’un interprète car il ne maîtrise pas ces deux langues au-delà d’une conversation banale : Work in Progress, novembre 1978, n° 6, Studens, University the Witwatersrand Johannesbourg, p. 6. Lors des élections qui ont marqué la vie politique de Home1and, le Chef Mpephu s’est toujours appuyé sur les éléments les plus conservateurs et les plus partisans de la politique de développement séparé.

[39] Venda Declaration as self-Governing Territory & Constitution of Legislative Assemb1y, N. R. 12, 1973.

[40] Constitution de Venda, op. cit., part. III ; pour une bonne connaissance de Mudau et de son opposition : Social Review, décembre 1978, pp. 20-26 (Government Gazette). La constitution prévoit que le Conseil exécutif doit être présidé par un chef (Part. IV, the Cabinet). Sur les 5 membres du Conseil exécutif, 3 doivent être des chefs. Le Chef-Ministre est élu par l’Assemblée. Le Chef-Ministre nomme les membres de son cabinet. La langue Venda est reconnue comme langue officielle pour les débats parlementaires (Use of lan­guages) mais aussi comme langue officielle de Venda : Additional Official Language Part. VIII 31 (a) & (b) & Use of Languages 32 (1) & (2). Avant sa domestication, Mudau avait eu une phase radicale et curieusement Pan-Venda ; il déclarait encore en 1978 : « N’oubliez pas qu’un grand nombre de Venda vivent de l’autre côté de la frontière en Rhodésie et qu’il y a des déplacements continuels de part et d’autre de la frontière. Le Limpopo a fait de nous un peuple divisé. Il n’y a qu’une indépendance acceptable à mes yeux, l’unification avec un Zimbabwé noir, Sunday Express, 3 septembre 1978.

[41] Africa Institute, Bulletin n. 7, 1973, vol &, pp. 273, 274, 279 & 280 : « First Election in Vendaland », par W.J. Breytenbach.

[42] Au sujet de l’acceptation politique de l’apartheid de la part du VIPP, on se rapportera au discours fait par Baldwin Mudau à la Conférence de Droit International & Américain à Dallas, en juillet 1974. (Communication faite à l’auteur).

[43] Rand Daily Mail, 19 octobre 1973.

[44] Pour une description de cet incident : Work in Progress, november 1978, Johannesbourg, Université du Witwatersrand : Uhuru, p. 4 & Rand Daily Mail, 23 octobre 1973. Le soutien des chefs à Mpephu ne fut pas du tout automatique. De nombreux chefs soutenaient à l’origine le chef Frank Ramovha : Rand Daily Mail, 19 septembre 1973. Le collège des chefs avait choisi 9 supporters du VIPP sur 15 et le VIPP revendiquait le nombre de 20 supporters sur les 27 chefs. On peut comprendre que l’élection de Mpephu ne fut qu’une formalité. On verra aussi cet incident dans Social Review, décembre 1978, Issue n° 2, « Opposition in Vend » p.22.

[45] Proclamation N R. 276 du 19 octobre 1977 3 (6) & 4 f).

[46] The Star, 31 octobre 1978. Par la proclamation n° 80, 1978, la nouvelle Assemblée de Venda est composée de 25 chefs ex-officio, 2 chefs subalternes, 15 membres majoritaires cooptés par les chefs et 42 députés élus au suffrage universel direct uninominal à un tour (Schedule 2).

[47] Work in Progress, op. cit., p. 5

 

[48] Etaient détenus le 22 août 1978 selon la procédure des 90 jours : 9 parlementaires : Messieurs G.M. Ligege, O.A. Makhavha, JA. Budeli, D.Nevhulaudzi, SM. Mahwasane, H.T.Ndwamato, L.C.Nelwamondo, P.R. Ngwana, EM. Ramabulana. Tous ceux-ci furent remis en liberté avant janvier 1979

[49] La participation électorale aux élections législatives de juillet 1978 fut de plus de 70 96 des inscrits To the Point, 8 septembre 1978, p. 41. Le Premier Ministre sud-africain ne cacha pas sa satis­faction au sujet de la prochaine indépendance du homeland The Natal Mer­cury, 19 avril 1978.

[50] Sunday Express, 17 décembre 1978.

[51] Le 30 août 1979, le Gouvernement de Pretoria faisait de Patrick Mpephu, Chef-Ministre de homeland, un Chef-Suzerain (paramount-chief) des Venda comme symbole d’unité. Jamais ce titre n’avait été officiellement accordé à un chef Venda. Daily News, 30 août 1979.

[52] J, L. Brierly, Law of Nations (1963), p 278 & L. Oppenheimer, International Law (1955) (ed. E. Lautenpacht), Vol. 1. 350. Brierly, op. cit., p 280.

[53] Les ressortissants de Transkei (section 6 (3) du Status of Transkei Act 100 of 1976, section 6 (4) du Status of Bophuthatswana, Act 89 of 1977 & section 6 (3) du Status of Venda, Act 107 of 1979 prévoient que les ressortissants de ces trois Etats jouiront des mêmes droits et privilèges qu’au moment de l’indépendance. Ces droits sont révocables ad nutum, par la République.

[54] Droit de rester dans une zone urbaine selon section 10 du Black (Urban Areas) Consolidation Act 25 of 1945 et amené depuis a aussi section 2 du Black Laws Amendment Act 12 of 1978 amendant la section 12 de l’Act 25 de 1945.

[55] Section 1 (d) du Black Urban Areas Amendment Act 97 of 1978. On verra les explications données par les ministres Mulder et Koornof à ce sujet : House of Assembly Debates, col. 9234 (13 juin 1978) et celles du Dr Koornof The Star, 2 mars 1979, Résolution 1514 (XV).

[56] Résolution 2.923 E (XXVII) (1972), 3.411 D (XXX) (1975).

[57] Cf W. E. Olivier « Stateil.essness & Transkeian Nationality » (1976) 2 South Afncan Year book of International Law, 147, pp. 152-154.

[58] McDougall Laswell & Chen : « Nationality & Human Rights : the Protection of the Individual in extemal Arenas » (1974) Yale Law Journal 900-958. Voir aussi Mann « The present validity of Nazi Nationality Laws » (1973) 89 Law Quarterly Review, pp. 294-200.

[59] The New Constitutional Proposals in Mutandis University of the Witwatersrand, 1978, pp. 24-28.

[60] Résolution de l’Assemblée Générale 3411 D (XXX) (1975).

[61] Progress, August 1978, pl (A regular publication of the Bureau for National & International Communication) printed for the Govemment printer Perskor, Doornfonten.

[62] To the Point, 28 avril 1978, p. 53.

[63] Daily News, 27 août 1979, p. 15.

[64] Informa (Information Service of South Africa), juin 1979, p. 12.

[65] On estime les réserves de charbon à 140 millions de tonnes, celles de magnésite à 270.000 tonnes et celles de phosphates à 36 millions de tonnes. La mine de Malonga a produit 239 tonnes de graphite en 1977 (Financial Mail, 13 juillet 1979, p. 133).

[66] Venda a 102525 écoliers, 325 écoles primaires, 69 écoles secondaires. Il y a 19597 écoliers du secondaire et 2.935 enseignants.

[67] Selon le Rand Daily Mail du 24 août 1977, 70 % de la population adulte Venda est atteinte de maladies vénériennes apportées par les travailleurs migrants venant de Soweto. Iscor, la société d’Etat sud-africaine de sidérurgie, a obtenu des concessions et doit payer à l’Etat Venda un revenu de 3 % ; cela signifie que moins de 33 % de la valeur du charbon retiré sera payé au Homeland : Rand Daily Mail, 24 août 1977.

[68] Mpephu fut élu président par l’Assemblée nationale, par 52 voix contre 31, To The Point, 28 septembre 1979, p. 26.

[69] Daily News (Durban) 10 août 1979. Le Homeland n’est pas indépendant juridiquement de l’Afrique du Sud, la division d’appel de la Cour suprême de Bloemfontein sert de cour de cassation pour Venda.

[70] Informa, juin 1979, p. 28.

[71] Pour une approche scientifique du problème de la viabilité et suivant la politique de Prétoria, on se référera avec intérêt à : « The Independant Venda », Benso, Pretoria, 1979, 197 pp. On remarquera avec quel pessimisme l’indépendance du Homeland a été évoquée par The Post (Post, 12 septembre 1979, p. 5, Venda « independence », par Mathatha Tsedu).

[72] La constitution de Venda prévoit que le président est chef de l’Exécutif. Il est élu par l’Assemblée nationale : Republic of Venda Government Act, 1979, section 9. L’Assemblée nationale comprend 25 chefs nommés par les structures tribales, 2 chefs subalternes et 15 membres élus par les conseils régionaux. 42 députés sont élus au suffrage universel direct. Il y a trois députés qui sont nommés par le président / Constitution, section 25.

[73] Natives Land Act of 1913, no 27.

[74] Natives Affairs Act n° 23 of 1920

[75] (23) Hahlo & Kahn South Africa The Deve­lopment of its Laws & Constit1utions Stevens & Sons Ltd, Londres, 1965, p. 800-801.

[76] (24) Proclamation n° 160, 1939, 24 juin 1939. Le Gouverneur-Général pouvait ainsi légiférer par voie de proclamation ce qui est un moyen d’établir des lois sans débats du Parlement. Une résolu­tion des deux Chambres peut abroger une proclamation et toute proclamation prise en vertu de Native Administra­tion Act doit être passée devant les deux Chambres.

[77] Proclamation n° 47, 1948, 17 février 1948.

[78] (26) Proclamation no 24, 1948, 24 mars 1948.

[79] (27) Proclamation n° 348, 1948, 15 novem­bre 1948.

[80] (28) Government Notice, n° 2004 of 1920.

[81] (29) Le morgen représente un peu moins d’un hectare.

[82] (30) Act n° 68 of 1951.

[83] (31) Bantu Authories Act, n° 68 of 1951.

 

[84] Muriel Horrell The African Reserves of South Africa S.A. Institute of Race Relations, Johannesbourg 1969, p. 9.

[85] (33) Muriel Horrell The African Homelands of South Africa S.A. Institute of Race Relations, Johannesbourg 1973, p. 42.

[86] Summary of the Report of the Commis­sion for the Socio-Economic development of the Bantu-Areas within the Union of South Africa (Tomlinson Commis­sion) the Government Prin ter 1955, Pretoria, p. 180 & 181.

[87] Selon la Proclamation du 21 mai 1971 n° 119, l’Assemblée Législative Venda ne comprend pas l’Autorité Régionale Balodedhu-Pedi alors que l’Assemblée législative du Lebowa la comprend (Proclamation du 30 juin 1971 n° 156). La tribu Lobedu est restée semi-indé­pendante au XIXe siècle à cause des lieux où elle Se situe (région du district de Letaba, proche de Parc National Kruger et infestée de mouches Tsé-tsé). On doit ajouter que cette région est montagneuse et la végétation est avant tout composée d’épineux. Dans un tel contexte, on comprend que cette tribu n’ait pas été inquiétée par les raids Zoulous au temps de Shaka ni par les coups de main Ndebele menés par Mzi­likari. On doit aussi ajouter que les pouvoirs de la Reine des Lobedu est respectée aussi bien par les ethnies Nguni que celles de langues Sotho, Ven­da ou Tsonga. Les pouvoirs magiques du monarque Lobedu sont très appréciés. En effet la Reine peut provoquer la pluie et les chefs viennent lui rendent hommage et lui payer tribut afin qu’elle exerce ses pouvoirs sur les éléments. Les chefs Lobedu devaient présenter une fille à la Reine pour obtenir ses faveurs magiques. La Reine ne gardait dans son kraal qu’un petit nombre de femmes qui lui étaient envoyées et les échangeait contre un lien d’allégeance aux chefs qu’elle avait pour liges. La Reine avait donc comme pouvoirs ceux de créer la richesse (la pluie) et ceux de créer des alliances grâce aux dons qu’elle faisait à ses féaux. Le royau­me Lobedu était donc un Etat où le monarque utilisait ses pouvoirs (magi­que et politique) sans avoir à recourir à la force. Il put préserver l’indépendance de son Etat jusqu’à la fin du XIXe siècle (Basil Sansom in Hammond-Tooke The Bantu-speaking peuplez of Southern Africa Routledge & Kegan Paul 1974, Londres, p. 27-279). Pour le Royaume Lobedu et sa structu­re traditionnelle, on se reportera à Kri­ge & Krige The realm of a Rain Queen, Londres 1943, International African Institute. La Constitution de l’Assem­blée Législative _ Lebowa prévoit qu’il y aura un représentant personnel de la Reine des Lobedu à l’Assemblée. Pro­clamations n° 224, 225 et 226 du 29 septembre 1972. Voir aussi Muriel Hor­rell : The African Homelands of South Africa, Institute of Race Relations, Jo­hannesbourg, 1973, p. 59. Le pays Lo­bedu est intégré au Lebowa et a refusé son incorporation au Gazankulu, cf. Rand Daily Mail, 14 mai 1974. Selon la classification de Doke le parler Lovedu 60/2/6 est un dialecte du Nord-Sotho : D. Cole Doke’s Classifi­cation of Bantu Languages in Contribu­tions to the History of Bantu Linguis­tics, Witwatersrand University Press, Johannesburg, 1969, p. 89.

[88] Les 4 Autorités Régionales étaient alors : Vhembe Proclamation R 1254 of 1969, Ramabulana Proclamation R 608 of 1969, Groot Spelonken Procla­mation R 1159 et Bolobedu-Pedi Pro­clamation R 2140 of 1959.

[89] Autorité territoriale Venda Thoho-Ya­Ndou Proclamation R 1864 of 1962. Le nom fut changé en Autorité Territoriale Venda GN/837/1969. (Thoho-Ya-Ndou signifie Tête de l’éléphant et fut le titre du monarque de la principale dynastie). Les Chefs conseillers étaient payés envi­ron R 3.600 par an (1969).

Les détenteurs d’un porte-feuille environ R 3.600 par an.

Les présidents des Autorités territoriales environ R 600 par an.

Les vice-présidents environ R 300 par an.

[90] Selon the Sunday Express, le Chef Mpe­phu a un niveau d’instruction équiva­lent à la quatrième. En anglais comme en Afrikaans, il doit se servir de raide d’un interprète car il ne maîtrise pas ces deux langues au-delà d’une conver­sation banale : Work in Progress, no­vembre 1978, n° 6, Studens, University the Witwatersrand Johannesbourg, p. 6. Lors des élections qui ont marqué la vie politique de Home1and, le Chef Mpephu s’est toujours appuyé sur les éléments les plus conservateurs et les plus partisans de la politique de déve­loppement séparé.

[91] Venda Declaration as self-Governing Territory & Constitution of Legislative Assemb1y, N. R. 12, 1973.

[92] Constitution de Venda, op. cit., part. III ; pour une bonne connaissance de Mudau et de son opposition : Social Review, décembre 1978, pp. 20-26 (Government Gazette). La constitution pré­voit que le Conseil exécutif doit être présidé par un chef (Part. IV, the Ca­binet). Sur les 5 membres du Conseil exécutif, 3 doivent être des chefs. Le Chef-Ministre est élu par l’Assemblée. Le Chef-Ministre nomme les membres de son cabinet. La langue Venda est reconnue comme langue officielle pour les débats parlementaires (Use of lan­guages) mais aussi comme langue offi­cielle de Venda : Additional Official Language Part. VIII 31 (a) & (b) & Use of Languages 32 (1) & (2). Avant sa domestication, Mudau avait eu une phase radicale et curieusement Pan- Ven­da ; il déclarait encore en 1978 : « N’oubliez pas qu’un grand nombre de Venda vivent de l’autre côté de la fron­tière en Rhodésie et qu’il y a des dé­placements continuels de part et d’au­tre de la frontière. Le Limpopo a fait de nous un peuple divisé. Il n’y a qu’une indépendance acceptable à mes yeux, l’unification avec un Zimbabwé noir, Sunday Express, 3 septembre 1978.

[93] Africa Institute, Bulletin n. 7, 1973, vol &, pp. 273, 274, 279 & 280 : « First Election in Vendaland, par W.J. Breytenbach.

[94] Au sujet de l’acceptation politique de l’apartheid de la part du VIPP, on se rapportera au discours fait par Baldwin Mudau à la Conférence de Droit International & Américain à Dallas, en juillet 1974. (Communication faite à l’auteur).

[95] (43) Rand Daily Mail, 19 octobre 1973.

[96] (44) Pour une description de cet incident : Work in Progress, november 1978, Jo­hannesbourg, Université du Witwaters­rand : Uhuru, p. 4 & Rand Daily Mail, 23 octobre 1973. Le soutien des chefs à Mpephu ne fut pas du tout automatique. De nombreux chefs soutenaient à l’origine le chef Frank Ramovha : Rand Daily Mail, 19 septembre 1973. Le collège des chefs avait choisi 9 supporters du VIPP sur 15 et le VIPP revendi­quait le nombre de 20 supporters sur les 27chefs. On peut comprendre que l’élection de Mpephu ne fut qu’une formalité. On verra aussi cet incident dans Social Review, décembre 1978, Issue n° 2, « Opposition in Vend » p.22.

[97] (45) Proclamation N R. 276 du 19 octobre 1977 3 (6) & 4 f).

[98] (46) The Star, 31 octobre 1978. Par la pro­clamation n° 80, 1978, la nouvelle Assemblée de Venda est composée de 25 chefs ex-officio, 2 chefs subalternes, 15 membres majoritaires cooptés par les chefs et 42 députés élus au suffrage universel direct uninominal à un tour (Schedule 2).

[99] (47) Work in Progress, op. cit., p. 5