Art

LES ARTS PLASTIQUES SENEGALAIS CONTEMPORAINS : EVOLUTION ET TENDANCES (2ème partie)

Ethiopiques n°81

Littérature, philosophie et art

2ème semestre 2008

Les deux spécialités les plus couramment pratiquées au Sénégal sont la peinture et la sculpture. D’abord la peinture de type occidental, sur chevalet, avec huile, gouache, acrylique et sur toile ou papier. Cette peinture a été particulièrement prisée par les artistes sénégalais, au point que la proportion des artistes peintres est de loin la plus nombreuse dans la population des artistes sénégalais. Cette proportion est de l’ordre de 80 %. Les sculpteurs modernes représentent à peine 10 % de la population des artistes [2]. La sculpture moderne est elle-même peu développée et peu connue. Cette population s’élevait, en 1992 [3], à environ 400 artistes ; en tenant compte de son accroissement pendant les quinze dernières années et de la nombreuse légion étrangère sénégalaise, forte de plusieurs centaines d’artistes, établis depuis plusieurs décennies principalement en Europe occidentale (France, Allemagne, Belgique, Suisse, Autriche, Angleterre, Italie et Espagne) et aux Etats-Unis, cette population peut être évaluée maintenant entre 1000 et 1500 artistes plasticiens. Les enquêtes effectuées entre 1987-1992 avaient également révélé que 52 % de ces artistes étaient jeunes (20 à 40 ans) ; 294/400, soit 77 % étaient nés en zone urbaine ; 319/400, soit 84 % résidaient en ville ; 209/400, soit 53 % étaient wolof ; 47/400, soit 12 % étaient tukulër ; 351/400, soit 93 % étaient musulmans et 27/400, soit 7 % étaient catholiques ; 350/400 étaient des hommes et 28/400, soit 7% étaient des femmes. Ces chiffres ont sans doute évolué depuis lors, mais les proportions doivent être demeurées les mêmes.

  1. LA PEINTURE

Elle est la première forme d’art plastique pratiquée au Sénégal, le premier formateur, dans cette discipline, Iba Ndiaye (cf. supra), revenu au pays en 1959, ayant ouvert une section à l’école des arts où il initie un enseignement dans la discipline. Et dès cette époque, sa prépondérance sur les autres disciplines n’a cessé de s’affirmer, pour des raisons variées :

– elle est sans doute la spécialité la plus aisée à pratiquer ; aussi l’atelier de peinture du département art de l’école des Beaux-Arts a-t-il enregistré, à toutes les époques de son histoire, plus d’effectifs scolaires que celui de sculpture ; ses matériaux et matériels requièrent des investissements moins lourds ;

– la sculpture requiert des aptitudes physiques et un équipement qui ne sont pas à la portée de tous ; en outre, elle a toujours été vigoureusement condamnée par l’Islam, alors que l’interdiction de figuration semblait épargner la peinture, puisque dès la période coloniale, la peinture sur verre prospérait, notamment dans les villes sénégalaises ;

– dès la création de l’école des Beaux-Arts, la peinture a tiré profit du prestige des pionniers et des premiers maîtres tout puissants qu’étaient les peintres Iba Ndiaye, Papa Ibra Tall et Pierre Lods ;

– enfin, très tôt, les élèves peintres ont été familiarisés et ont pu maîtriser de nombreux modes et techniques d’expression picturale et graphique.

Jusqu’au début de la décennie 80, les peintres sénégalais utilisaient de préférence la toile et le papier importés ; avec le phénomène de la récupération, de nouvelles matières d’œuvre ont été essayées : le tissu, les étoffes tissées traditionnellement appelées rabbàl, le jute, les sacs de sisal, le bois, le papier autre que le canson, etc.

Souleymane Keïta, peintre, s’approvisionne en étoffes spéciales auprès des marchands locaux et Viyé Diba s’approvisionne, lui, en étoffes rabbàl auprès de tisserands traditionnels installés à Fatick. Alioune Badiane fait tisser ses rabbàl par des tisserands mankaañ et manjak, puis fait intervenir des couturières pour réaliser ses tentures, à cheval sur la tapisserie et la peinture. El Hadj Sy semble privilégier désormais le jute ; Nafissa Camara peint sur nattes. Abdoulaye Ndoye utilise de nos jours diverses variétés de papier : papier-coton, papier-harche, papier-fait-main, papier-calque et papier-chiné, mais aussi de la toile-coton, qu’il acquiert tous aux Etats-Unis d’Amérique ; il s’inscrit ainsi dans la dynamique biologique, en utilisant autant que possible des matériaux peu toxiques. De même aujourd’hui, sur la toile ou le papier ou le tissu servant de support ou de matière d’œuvre principale, les artistes peuvent fixer d’autres matériaux (morceaux de tissus, papier, cauris, clés, etc.) cousus ou collés dessus. De tels procédés leur permettent à la fois d’animer leurs peintures et de diversifier leur langage plastique. En même temps que cette peinture traditionnelle, d’autres formes de peinture sont pratiquées dans le pays :

– la peinture sur verre , à cheval sur la tradition et la modernité, parce que pratiquée tant par des artistes traditionnels et autodidactes que par de jeunes artistes sortis des écoles modernes d’art, est, sans contexte, le mode pictural le plus sénégalais et le plus populaire ;

– le batik , technique de teinture et de peinture de tissus, pratiquée par de nombreux artistes (Amadou Dieng, Aïssa Dione, Anne-Marie Diam, Vincent Secka, etc.) permet de réaliser non seulement des œuvres d’art (tableaux et teintures), mais également des vêtements, du linge de maison et du mobilier ;

– la peinture par collage ou par couture de tissus et de papier de Moustapha Paye et Madeleine Devès-Senghor ou par adjonction de cauris de Younouss Sèye s’impose désormais et fait des émules ;

– la peinture de sable , pratiquée par de nombreux jeunes artistes, notamment les sabléistes dakarois de DECASA, est très populaire et particulièrement recherchée par les touristes étrangers ;

– la peinture sur natte initiée par Nafissa Camara, les reliefs de papier et de tissus de Claire Baptista Ngom et la peinture sur toile de jute de El Hadj Sy sont des voies nouvelles pleines de promesse ;

– les arts graphiques , proches de la peinture, connaissent un développement prodigieux, grâce notamment à la vitalité du département de communication de l’ENA, mais également à l’éclosion de la presse nationale et à l’ouverture plus grande des maisons d’édition à l’illustration graphique, en particulier à la caricature. Les graphistes sénégalais, auxquels Mylène Houelle a consacré une exposition Bav’Art en décembre 1993 au Musée de l’IFAN-Ch.A.Diop, sont déjà nombreux : Mamadou Gaye, Alphonse Mendy dit T. T. Fons, Youssou Agne, Simon Kiba, Ousmane Ndiaye Dago, Abdou Aziz Kébé, Mansour Niang, Momar Ndiaye, Papa Gounia Diattara, Sada Dia, Demba Mbengue, Silmon Faye, Moussa Diop, Papa Mballo Kébé, etc.

Beaucoup de peintres sénégalais ont tenté de substituer des couleurs locales aux peintures importées ; ainsi, pour fabriquer des couleurs locales, des racines et des feuilles ont été essayées ; des pigments divers également ; Madeleine Devès Senghor se sert, elle, de la cola, qu’elle râpe avant de la mettre dans de l’eau dans laquelle elle la laisse oxyder ; en variant le temps d’oxydation, elle peut obtenir plusieurs nuances et plusieurs tonalités, comme elle procède également parfois à des mélanges de colas différentes (colas blanches et colas rouges) ; elle utilise également l’indigo. Abdoulaye Ndoye utilise de nos jours principalement du henné pour peindre. Et comme Madeleine Senghor, il met la poudre du henné dans de l’eau et fait varier la durée du séjour dans l’eau ; ce qui lui permet d’obtenir des nuances variées ; en combinant dans sa pratique ces couleurs avec d’autres comme le bleu de linge, la pierre noire, le crayon lithographique et les encres de Chine colorées, il obtient des tonalités subtiles et agréables. Comme Madeleine, il utilisait auparavant la cola et le jus de la noix de coco, qui peuvent également servir de liant. Les genres picturaux sont également variés et oscillent entre le réalisme le plus parfait, parfois le plus naïf, à l’abstraction la plus absolue, la figuration alternant avec la composition libre.

Dans la figuration, se côtoient le paysage (scènes historiques et scènes quotidiennes), les portraits et les natures-mortes, les animaux et les êtres mythiques ; dans cette figuration, la figuration naturaliste est pratiquée par des artistes comme Alpha Walid Diallo, Mamadou Gaye, Jacob Yacouba, Mouhamadou Dia, etc., alors que la figuration plus inventive est pratiquée par Iba Ndiaye, Papa Ibra Tall, Mamadou Wade, Amadou Ba, Khalifa Guèye, Mbor Faye, Cheikh Diouf, etc. Entre ces deux figurations pourrait être située la figuration des artistes de l’école de Dakar (cf. supra), chez lesquels pourraient être distinguées une figuration schématique et géométrique (lignes, traits, figures géométriques) et une figuration volumétrique. Deux types d’abstraction sont pratiquées : l’abstraction spontanée est le fait d’artistes tels El Hadj Sy, Souleymane Keïta, Viyé Diba, Séni Mbaye, Kré Mbaye, Serigne Ndiaye, Serigne Mbaye Camara, Mor Faye, etc. ; tandis que l’abstraction construite est pratiquée par Fodé Camara, Ibou Diouf, Serge Corréa, Djibril Ndiaye, Seyni Diagne Diop, etc.

1. Ibrahima KEBE.- Partage inégale, 1982, huile/contreplaqué, 45×75 cm

2. Ibrahima KEBE.- Regroupement, 1999, acrylique/toile, 140×90 cm

  1. LA SCULPTURE

La sculpture sénégalaise présente de nos jours trois visages, auxquels correspondent trois profils de professionnels.

6.1. La sculpture traditionnelle

Elle est toujours pratiquée par les artisans du bois, héritiers de la grande tradition sculpturale négro-africaine et que sont lawbe/maabo et forgerons. Cette sculpture taille essentiellement le bois. Mais l’islamisation ancienne des plus importantes ethnies du pays (Tukulër, Wolof, Soninke et Manding) ayant fait disparaître la statuaire rituelle, sauf dans quelques rares ethnies minoritaires et isolées (Joolaa, Bassari, Koñaji, etc.), cette sculpture traditionnelle produit désormais, d’une part, les outils des activités productives ordinaires (pêche, agriculture), les ustensiles domestiques (mortiers, pilons, cuvettes, louches, bancs, etc.) et les instruments de musique (tams-tams), encore indispensables dans le monde rural ; et, d’autre part, les imitations de l’art africain ancien, dans les styles d’Ifé, de Bénin, de Nok, de Sao, Ashanti, etc., dont l’ensemble constitue « l’art d’aéroport », destiné aux touristes occidentaux, amateurs d’art et de curiosités africaines ; ces imitations sont généralement des statues et des masques, des instruments de musique et des objets de parure servant de souvenirs.

Les populations qui se livrent encore à cette forme de sculpture sont nombreuses, en raison de la ruralité de la société sénégalaise (61 % de paysans) et de la persistance de la tradition, en particulier dans les villages ; dans les villes, ces sculpteurs sont sollicités par les populations pour confectionner des objets spécifiques (ustensiles domestiques et instruments de musique) que la quincaillerie moderne ne peut encore remplacer, mais aussi par les restaurateurs et les hôteliers, à qui ils fournissent des couverts, des tables, des bancs ou des chaises, des fauteuils, etc. ; et enfin par les antiquaires auxquels ils destinent leur production d’objets d’ « art d’aéroport », ou dont ils se font les faussaires, imitateurs des styles anciens.

Le caractère informel de l’activité et leur éparpillement empêchent tout recensement fiable de ces sculpteurs traditionnels.

6.2. La sculpture de pierre de mer ou basalte

Apparue récemment et pratiquée presque exclusivement à Dakar, elle revêt le même aspect informel que la sculpture traditionnelle, car ceux qui s’y adonnent, jeunes le plus souvent, ne sont pas organisés, n’ont pas de qualification et ne sont pas immatriculés ; marginaux, ils vivent et travaillent dans une semi clandestinité, concentrés le long de la corniche de Dakar, où ils trouvent le matériau en abondance.

Autodidactes en majorité ou formés sur le tas, anciens élèves de l’école des arts que le chômage chronique a reconvertis, ils taillent la pierre qu’ils extraient eux-mêmes de la carrière ; leurs outils sont des marteaux et des pics, des burins et des massues, des bistouris et des limes, des couteaux et des brindilles, etc. ; les sculptures zoomorphes et anthropomorphes qu’ils fabriquent (statues, masques, objets de parure, etc.) s’apparentent aux objets de l’« art d’aéroport », par leur grossièreté (formes et lignes approximatives, schématiques et exagérées) et par leur facture inachevée.

Lorsque ces objets sont achevés, ils sont « exposés », c’est-à-dire groupés ou rangés le long de la route qui côtoie la mer, à quelques mètres de leur lieu de travail (plein air), de manière à pouvoir continuer à travailler tout en les surveillant et en apercevant leurs clients éventuels, car c’est là que ceux-ci viennent les trouver pour acquérir leurs œuvres.

L’intérêt de cette forme de sculpture réside en ce qu’elle est à mi-chemin entre la sculpture traditionnelle et la sculpture moderne : comme la première, elle est informelle et ignorée par l’Etat ; ceux qui la pratiquent sont soit autodidactes, soit formés sur le tas ; mais comme la sculpture moderne, elle utilise des outils modernes, taille un matériau nouveau que taillent également quelques sculpteurs modernes et commercialise ses productions.

Cependant, malgré les difficultés et l’inorganisation, cette forme de sculpture tend à s’imposer dans les arts plastiques sénégalais contemporains comme spécialité spécifique à respecter et à prendre en compte ; car elle s’inscrit dans la durée et le nombre de ceux qui la pratiquent s’accroît, sans doute parce que le commerce prospère et que la clientèle (expatriés occidentaux et quelques Sénégalais) demeure fidèle.

6.3.La sculpture moderne

Elle est pratiquée par les jeunes formés dans les Beaux-Arts à Dakar ou à l’étranger. La population des sculpteurs modernes est nettement inférieure à celle des peintres. Ce retard de la sculpture moderne procède de raisons diverses.

L’Islam, religion majoritaire (95 %) dans le pays, condamne plus sévèrement la sculpture et ses objets, réalités concrètes, semblables aux idoles et aux fétiches que, dès les origines de l’Islam, le Prophète Mohamed a combattu et a fait détruire à la Kaaba de la Mecque. Depuis lors et partout, l’Islam a été violemment iconoclaste à l’égard des objets sculptés. Les populations sénégalaises musulmanes sont ainsi moins tolérantes à l’égard des statues et masques ; la sculpture traditionnelle leur fournissait exclusivement des objets utilitaires.

Au niveau de la formation, sans doute en raison des préjugés et des pesanteurs sociales, les étudiants des Beaux-Arts ne se sont pas rués vers le département de sculpture, qui est toujours demeuré marginal et peu équipé, voire négligé ; il a, du reste, été fermé pendant de nombreuses années ; quand il fonctionnait normalement, ses effectifs annuels dépassaient rarement 5 étudiants.

Toutes les raisons précédentes, conjuguées aux difficultés d’équipement (les outils modernes, les appareils et les machines ne peuvent être trouvés dans le pays et leurs coûts sont élevés) et d’approvisionnement, expliquent le faible développement du commerce des objets sculptés dans le pays, alors que les principaux acquéreurs (expatriés occidentaux) sont davantage intéressés par les statues et masques de l’art africain traditionnel, considéré plus authentique.

Cette sculpture moderne utilise trois principaux matériaux : le bois, la pierre et le métal ; en sorte qu’à côté des sculpteurs de bois, plus nombreux, il y a des sculpteurs de pierre et des sculpteurs de métaux. Parmi les sculpteurs de pierre, celui qui a acquis une notoriété nationale est Babacar Sédikh Traoré Diop, qui semble aujourd’hui privilégier la pierre.

Guibril André Diop et Papa Youssou Ndiaye travaillent exclusivement les métaux, sans aucune adjonction ; mais si Guibril semble un métalliste pur, Papa Youssou, lui, accole et soude généralement plusieurs métaux sur une même sculpture ; il fait de la récupération et des « installations ». Cependant depuis quelques années, Papa Youssou Ndiaye a disparu de la scène artistique. En sorte que le plus visible désormais dans le monde des arts plastiques sénégalais est Guibril André Diop, surnommé le maître du fer ; sculpteur métallique, un des rares sculpteurs métalliques du pays, il ne travaille en effet que le fer, sans mélange ni adjonction. A la différence de son défunt ami, Moustapha Dimé, il ne mélange pas les matériaux et ne pratique pas d’installation. C’est avec le fer, uniquement le fer, qu’il confectionne toutes les formes qu’il imagine et construit ses œuvres. Les formes filiformes suffisent généralement comme langage, par lequel il dit tout ce qu’il veut, en les combinant, en les alternant ou en les juxtaposant, en les enroulant (cf. Cosmos, sculpture métallique, 1992 ; Le Danseur, sculpture métallique, 2002 ; Instrument à cordes, s.m., 2003 ; La Guitare, s.m., 2004). Généralement, le matériau est utilisé tel qu’il a été acheté ou trouvé ; il n’est ni nettoyé, ni peint ; Guibril aime conserver au fer sa couleur naturelle, donc sa naturalité.

Deux autres artistes sénégalais travaillent les métaux, sans être véritablement sculpteurs, comme Guibril André Diop. Le premier, Issa Makhone Diop, bien que présent sur la scène artistique sénégalaise depuis fort longtemps, n’est pas, à proprement parler, sculpteur, mais fondeur, selon la technique de fonte à la cire perdue, inculquée par son père, Cheikh Makhone Diop, disparu au début des années 80. Issa Diop fond le bronze et réalise des statues, généralement anthropomorphes et, depuis quelques années, des objets-instruments de musique, notamment de jazz. Cette nouvelle orientation vers les instruments de musique traduit un renoncement à la figuration naturaliste et anthropomorphe.

Le second, Ndary Lô, ne sculpte pas et ne fond pas ; son matériau de prédilection est le fer à cheval ; il soude le fer et toute sa pratique artistique consiste à souder le fer à cheval ; parfois il adjoint quelques divers matériaux (poupées, tissus, os, etc.) ; mais l’essentiel, le corps ou squelette des personnages est fait avec le fer à cheval, parfois le fer à béton, depuis peu. L’art de Ndary Lô consiste à réaliser des statues géantes ou grandeur nature, représentant des hommes et des femmes, très souvent en mouvement et en marche (cf. Marcheurs, 2000-2001 ; Marcheur 3, 4 et 5, 2000-2001 ; Homme à la canne, 1997 ; L’Homme qui marche, 2000 ; La longue marche du changement, 2000-2001, Prix du Président Léopold Sédar Senghor de l’édition 2002 de la Biennale de Dakar), en activité (cf. Hommage à Abdou Aziz Sy, 1998 ; Prière, 1998 ; Yakaar, 1999), etc. Ces sculptures squelettiques semblaient ainsi dépendre, dans leur forme et allure générale, du matériau (fer à cheval et fer de béton) qu’utilisait l’artiste, comme s’il était incapable de créer le volume dans ses œuvres ; cependant, dans ses dernières œuvres, le volume apparaît bien net et la sculpture retrouve sa vraie signification, c’est-à-dire une œuvre à trois dimensions (cf. Echographie, I, II et III, 1998/99, L’Incompris, 1999, Xiif, 1999/2001).

Ousmane Sow occupe une place à part dans les arts plastiques sénégalais contemporains ; il est dit sculpteur, alors qu’il ne sculpte pas et ne taille pas ; il ne soude pas non plus ou pas véritablement. Et pourtant, il confectionne des statues, avec un matériau qu’il fabrique lui-même et qui est peu connu et dont il se refuse à livrer le secret de la composition. Cependant, les recherches effectuées permettent d’affirmer que ce matériau inventé par Ousmane Sow est un levain, dont la macération a commencé en 1987 ; il est conservé dans des fûts où il prend la forme et la couleur d’une huile de moteur rouillée, noire et gluante et diverses matières le composent, dont de la terre, des pierres écrasées et tamisées, des pigments, etc. L’artiste affirme poursuivre les recherches sur ce matériau pour le rendre plus résistant et plus durable.

Pour créer, muni de son matériau, Ousmane Sow passe par trois phases. Dans la première phase, il fabrique l’esquisse en fer du corps, c’est-à-dire confectionne le squelette à l’aide de grosses barres de fer, qu’il tond, soude ou attache pour suggérer la forme de la statue. Ensuite, il procède à l’enveloppement de cette esquisse en fer avec de la paille plastique, qu’il enroule solidement avec du fil de fer ; cette paille est elle-même un matériau spécial, fruit de longues recherches ; auparavant, il effectuait des bourrages des squelettes avec divers matériaux, dont des fibres végétales, qui présentaient l’inconvénient, en séchant, de se casser ; alors que la paille plastique brûlée et fondue est stable et consistante, mais surtout solide et dure. Cette paille est elle-même enveloppée par le levain, mélange complexe comprenant une vingtaine de produits.

L’artiste peut alors utiliser burins, ciseaux et outils divers pour marquer l’expressivité, imprimer des emplacements, des formes et des aspects aux visages ; ici le sculpteur taille et soude pour matérialiser tel aspect, telle posture ou telle attitude ; sa technique de création exclut donc le modelage. Le levain appliqué sur la paille devient une pâte compacte, qu’il peut tailler, ciseler, percer ou graver. Cette seconde phase est la plus importante dans son processus de création, car c’est là qu’il donne des formes définitives, sort des détails ou imprime les aspects saillants. Enfin, dans la dernière phase, l’artiste enveloppe le tout avec de la toile de jute, ou tout autre tissu ; mais il recourt de préférence à la toile de jute ; celle-ci peut être une pièce unique, qu’il trempe d’abord dans le mélange avant de recouvrir les formes avec ; ou alors, elle est découpée en différents morceaux correspondants aux différentes parties du corps qu’elle doit envelopper. Après avoir ainsi enveloppé toute la statue par la toile ou le tissu, l’artiste finalise parfois les formes en appliquant à nouveau, mais cette fois sur la toile, le levain ; à ce moment, il accentue ou exagère tel effet, telle forme ou tel détail.

L’œuvre sculpturale de Ousmane est constituée de plusieurs séries et pièces, dont les plus importantes sont :

– la série Nouba, réalisée entre 1984 et 1987, comprend douze sculptures ou groupes de sculptures et représente des guerriers et lutteurs animistes Nouba (ethnie du sud du Soudan) ;

– la série Masaï, réalisée entre 1988 et 1989 et constituée de six pièces, dont quelques-unes sont formées de deux sculptures, représentant deux femmes, quatre hommes, un enfant et deux buffles, de l’ethnie Masaï du nord du Kenya ;

– les pièces isolées : Gavroche (une pièce représentant un garçon et un homme), Marianne et les Révolutionnaires (trois pièces représentant une femme et deux hommes) et Toussaint Louverture et la vieille esclave (deux pièces figurant un homme et une femme), toutes réalisées en 1989 pour le Bicentenaire de la Révolution française (sur commande du Président français François Mitterrand) ;

– la série Zoulou, réalisée entre 1990 et 1991 et composée de sept personnages constituant la Scène de Chaka (la sculpture narrative apparaît pour la première fois avec cette œuvre) ;

– la série Peulh, réalisée entre 1993 et 1994, comprend cinq sculptures représentant des scènes familiales, quotidiennes et rituelles ;

– la série Little Big Horn, réalisée entre 1994 et 1999, comprend vingt trois personnages et huit chevaux, représentant des scènes de bataille ; la sculpture devient résolument narrative.

Toutes les œuvres de cet artiste sont des sculptures géantes, grandeur nature ou même au-delà ; la plus grande, Le Guerrier debout, de la série Masaï, atteint 2,80 mètres. Ainsi, dans la démarche de cet artiste, c’est au cours de la première phase, celle de l’esquisse ou du squelette, que sont conçus et réalisés les postures, le mouvement et l’allure, la station assise ou debout, le bras levé ou plié, les génuflexions, le corps incliné, une jambe en avant ou en arrière, la tête inclinée ou relevée, etc. ; tout cela est fait avec les barres et les fils de fer, dans le squelette. C’est ce que l’on peut voir dans les scènes suivantes de la série Little Big Horn.

Le pathétique de la scène du Cavalier désarçonné a été rendu dès la confection de l’armature en fer du cheval dont tout le corps bascule vers la droite, les deux pattes de devant et de derrière en l’air (déséquilibre), le long cou penché vers la terre et la gueule grande ouverte et posée sur le sol ; le soldat en équilibre instable sur le cheval ne se maintient sur sa monture que couché le long du flanc de l’animal. Ici, toute la scène, en chacun de ses éléments, est en mouvement.

Même la scène Soldats dos à dos comporte du mouvement, alors que leur station debout et leur attitude défensive tendent à exclure ce mouvement ; ici, c’est la posture qui est expressive : genoux en légère flexion, jambes écartées, le thorax comme reposant sur le bassin, dos contre dos, bras tendus devant ayant entre les mains un revolver ; bras et mains sont ainsi en activité ; la tête comme figée par l’imminence de l’action.

La scène Indien blessé ne devrait pas, dans le principe, comporter du mouvement et être véritablement expressive. Mais le tragique de la scène est matérialisé dès la conception et la réalisation de l’esquisse : genoux et pieds posés par terre, buste et thorax basculés par derrière, bras derrière la tête et mains posées sur terre touchant presque les pieds, …l’équilibre instable de l’Indien est corrigé par la posture des jambes-pieds-bras-mains, qui permet à la statue de se maintenir en équilibre, autonome, sans support ni appui ; le tragique réside ici dans l’allure du personnage et sa posture, avant que sa tête légèrement relevée et le regard de détresse ne l’achèvent.

Sur la scène La fin d’un parcours, deux soldats ennemis, chacun sur son cheval, semblent s’affronter, dans un face à face tragique et décisif ; mais les deux figures s’opposent en tous points ; tandis que celui de gauche semble déterminé à charger l’autre, debout sur son cheval en parfait équilibre et ruant vers l’autre cheval ; celui de gauche, lui, est en équilibre instable sur son cheval qui se cabre, le cou et la tête relevés, la gueule ouverte ; par sa posture instable sur le cheval, son corps penché en avant et la tête baissée et retenue par celle du cheval, ce soldat paraît bien mourant.

Toutes les autres scènes, simples ou complexes (cf. La charge de Two Moon, La Riposte de Chief Gall, La Mort de Custer, Le Clairon, etc.) sont tout aussi expressives et saisissantes.

Au cours de la seconde phase, l’artiste peut améliorer, compléter ou atténuer l’expressivité, car dans cette phase, muni de ses outils de tailleur, il peut toujours poursuivre, parfaire le travail antérieur, revenir sur des détails, sur des aspects, etc. ; là, il fignole l’expression des visages, des regards, des mines, des muscles, etc. ; il les fait parler. Le regard fixe de Sitting Bull, paupières mi-closes, fixant le soleil est un regard ferme et traduit la concentration du personnage, qui transparaît dans la mine du visage. La ferme détermination de Two Moon et de Chief Gall se lit à travers l’expression de leur visage, la tension des muscles du thorax et des bras. Ailleurs, c’est la peur et l’angoisse, la haine et la détresse, etc., qui se perçoivent sur les regards et les visages des protagonistes, mourants ou vainqueurs (cf. les scènes Cavalier désarçonné, Indien blessé ou La Fin d’un parcours, La mort de Custer, etc.).

Ousmane Sow a inventé de la sorte une technique propre grâce à laquelle la sculpture parle, devient véritablement narrative. Autrement dit, grâce à cette technique, le langage sculptural s’enrichit et se diversifie ; il devient véritablement expressif ; l’artiste peut ainsi dire, dans sa sculpture, tout ce qu’il veut. Donc sculpture narrative, grâce à laquelle il peut raconter des séquences de l’histoire, sans être véritablement une sculpture historique, comme chez Alpha Walid Diallo, chez qui la peinture historique était un autre moyen deréécrire l’histoire. _Etce qu’il a voulu diredanscettefresquehistorique,ce sont les sentiments de haine et de cruauté, de peur et d’angoisse, de détresse, etc. ; que suscite la guerre. Les Indiens ou, comme dit Salah Hassan [4], les natives, c’est-à-dire les autochtones ou indigènes, ont des expressions sereines et mystiques, tandis que celles des Américains montrent la peur et l’horreur face au constat de leur défaite.

Traditionnellement, la sculpture était pauvre et peu expressive ; d’où les caractères hiératique et statique qu’elle a toujours gardés, se contentant exclusivement de l’expression des formes, au point que des sculpteurs, spécialistes de la taille, ont affirmé que le grand sculpteur est celui qui est capable, seulement par la taille, de sortir toutes les formes voulues pour dire tout ce qu’il avait à dire. Ils accusaient ainsi les autres, ceux qui, pensaient-ils, ne savent pas tailler, de recourir à des procédés factices et fallacieux (adjonctions, collages, soudure, coloriage, etc.).

Au contraire, Ousmane Sow ne pratique ni adjonction, collage ou coloriage, ni installations. Par sa simplicité et l’unicité de la matière d’œuvre, sa sculpture rejoint la sculpture africaine traditionnelle ; mais elle en est différente, car la sculpture de Ousmane Sow est vivante, animée et comporte du mouvement ; c’est une sculpture dynamique, grâce certes à la technique, mais aussi et surtout au matériau qu’il a lui-même inventé et qu’il peut transformer, manipuler et utiliser, à l’état liquide ou solide, en fonction de ses besoins et de sa volonté. A cet égard, sa créativité peut se donner libre cours ; d’où ses possibilités presque infinies d’expression.

Les sculpteurs de bois sont les plus nombreux dans le corps des sculpteurs ; outre Moustapha Dimé, mentionné précédemment et décédé, les plus connus sont Djibril Ndiaye et Tafsir Momar Guèye, El Hadj Mansour Ciss et El Hadj Mboup, Bassirou Sarr, Mamady Seydi et Lamine Barro, etc. Parmi ces sculpteurs, Djibril Ndiaye est sans doute le plus ancien, puisque ayant achevé sa formation à l’école des arts en 1970 et ayant commencé à exercer son métier de sculpteur la même année ; il s’installe au village artisanal de Soumbedioune en 1973 et y ouvre un atelier personnel de sculpture ; il y travaille jusqu’en 1988.

Pendant cette première phase de sa carrière, comme ses confrères du village, il pratique presque exclusivement de la « sculpture alimentaire », en confectionnant des statues, des masques et des céramiques qu’il est assuré de pouvoir vendre en ce lieu très fréquenté par les touristes. Pour accroître ses revenus, il décide d’intégrer la sculpture à l’ameublement, à laquelle il avait été initié dès le centre de formation artisanale qu’il avait fréquenté (1962-1963) avant l’école des arts. Il se met alors à réaliser des meubles, tels les lits, les armoires, les fauteuils, les chaises, etc. Il travaille ainsi pendant quelques années, se fait connaître et gagne une nombreuse clientèle ; mais trop sollicité et submergé de travail, il se décide à arrêter la sculpture d’ameublement en 1987 et retourne à la sculpture en bas-relief et en ronde-bosse, en privilégiant le bas-relief et le thème du tapaat [5]. Ainsi, au début des années 90, sa production sculpturale est centrée sur le thème du tapaat, qui lui permet de s’écarter de la figuration de la période antérieure de Soumbedioune.

Désormais, dans sa pratique sculpturale, il assemble des matériaux divers, dont le support principal est le bois rouge makoré, qu’il acquiert en plateaux et en planches, et dont la qualité est meilleure que celle des autres bois disponibles sur place (dimb, bois fraqué, nim [6], etc.). Mais ces plateaux et planches étant plats et unis, Djibril Ndiaye intègre des matériaux de toute autre nature (métal, fil de fer, cordelettes et lanières et des variétés différentes de bois : ébène, bois blanc généralement) pour créer le relief ; il peut également créer le relief par la taille directe de certaines parties des plateaux et des planches en réalisant des creux (formes concaves), des élévations, de petites formes incurvées (convexes), etc. ; ainsi, toutes les formes de relief de ses tableaux ont été imaginées et réalisées par lui. Ces différentes formes ont toutes la particularité de ne pas être représentatives ; mais les Tapaat de Djibril Ndiaye sont bien identifiables et reconnaissables ; Tapaat I et II, Baay Jaggal, Caabi Lawbé, Grenier Dogon, Musor, etc., sont bien des réalités très connues dans le pays.

Ayant délibérément renoncé à la figuration anthropomorphe ou zoomorphe, Djibril glisse de plus en plus vers une sculpture semi-abstraite. La variété des adjonctions de toutes sortes dans ses œuvres crée non seulement le contraste et le relief mais encore l’animation et le mouvement, les creux et les vides, les nuances et les variations, etc. L’incrustation de morceaux d’ébène (bois plus dur) dans le makoré lui permet d’imprimer une tension à l’œuvre, comme si une poussée, émanant du bas du tableau et se dirigeant vers le haut, provoquait des éclatements de certains éléments et l’apparition d’ouvertures et d’excroissances, etc. Ainsi, dans une même œuvre de Djibril Ndiaye, on trouve à la fois plusieurs types de bois harmonieusement intégrés (makoré, ébène, dimb, bois fraqué, etc.) [7] et divers autres matériaux adjoints (métal, fils, cordelettes, lanières, etc.).

Ces différents bois qu’utilise Djibril Ndiaye sont généralement de qualité ; et les matériaux adjoints (bois, métal, lanières, cordelettes et ficelles) ne sont pas des matériaux de récupération, c’est-à-dire ramassés ; car il ne fait pas de la récupération ; même les matériaux adjoints sont achetés.

En sculptant sur ce nouveau thème, Djibril Ndiaye a réalisé, de 1987 à 1994, de nombreuses œuvres ; Baay Jaggal (1990) a été sélectionnée lors de la première édition du concours du Grand Prix du Président de la République pour les Arts ; Tapaat I (1990) a été présentée lors de l’exposition de la grande Arche à Paris (septembre 1990) ; Tapaat II (1991) a obtenu le Grand Prix du Président de la République pour les Arts lors de son édition de 1991. Si la production plastique de Djibril Ndiaye n’a pas été importante au plan quantitatif, pendant cette période, parce qu’il ne sculpte généralement que pendant les grandes vacances scolaires, par contre sa qualité est unanimement reconnue ; d’où les nombreux clients qu’il reçoit, Sénégalais certes, mais aussi Français, Américains et Européens. En outre, il s’efforce constamment de diversifier, dans sa production, les expressions plastiques. Ce que l’on peut découvrir dans les quelques exemples d’œuvres ci-dessous.

Dans Baay Jaggal, la pureté des formes paraît toute simple, ainsi que leur combinaison ou encastrement ; les reliefs sont nets et les coutures sont franches ; les formes sont concaves et convexes, mais peu nombreuses. Deux bois seulement sont utilisés dans cette œuvre, sans aucune autre adjonction, hormis les cordelettes servant à raccorder deux morceaux de makoré ; celui-ci est le matériau principal de la sculpture, dans laquelle sont incrustés 3 morceaux d’ébène aux formes très différentes : un gros morceau d’ébène au centre de l’œuvre mais vers le bas, un petit morceau juste au-dessus mais à gauche ; et un dernier petit morceau triangulaire tout en bas à gauche ; ces trois morceaux créent le contraste, formel et chromatique à la fois, dans l’œuvre. Le makoré et la surface de la sculpture sont animés par divers procédés : la couture de deux ou plusieurs morceaux ; la pratique des reliefs : rondes-bosses, formes concaves et convexes, l’encastrement des morceaux d’ébène dans le makoré ; les coutures, l’encastrement et les reliefs impriment à la sculpture une tension et une vibration qui animent une surface apparemment plate et figée.

En revanche, Caabi Lawbe est une œuvre complexe, tant au point de vue des matériaux mis en œuvre que des formes réalisées et combinées [8]. Dans l’ébauche de l’œuvre, le vide au milieu et sur toute la hauteur est destiné à recevoir une plaque métallique, constituée de morceaux rapiécés, cousus verticalement et horizontalement ; la largeur de la plaque est variable et se rétrécit vers le haut où la plaque est gondolée ; à droite de la plaque, le makoré présente une forme incurvée concave et une autre de même genre mais de l’autre côté de la plaque, c’est-à-dire vers le cadenas aménagé à gauche ; les morceaux de fer constituant la plaque centrale sont cousus grâce à des fils de fer et de cuivre ; tandis que les morceaux de makoré sont cousus par des cordelettes. D’autres plaques métalliques, de plus petites dimensions, sont aménagées un peu partout sur la sculpture : en haut à droite longitudinalement, en haut à gauche et en bas sous la poutrelle qui traverse la sculpture en largeur. Cette poutrelle, rattachée à la sculpture par 8 cordelettes, est en bois fraqué, ainsi que le petit morceau attaché longitudinalement en haut à gauche par 6 autres cordelettes.

La pommelle en haut à droite et le cadenas à gauche au milieu donnent l’illusion de porte et de fermeture. En bas de la poutrelle mais à gauche, un morceau d’ébène en pointe est encastré dans le makoré ; il crée là du relief, car il est bombé à côté d’une forme concave. L’artiste a réalisé beaucoup de reliefs dans cette œuvre : des rondes-bosses, des formes concaves et convexes, des coutures et des encastrements qui varient les reliefs ; toutes ces formes alternent ou se chevauchent. De même, différents matériaux sont utilisés et combinés dans la sculpture : le makoré, bois principal et support ; le bois fraqué : la poutrelle et le petit morceau en haut à gauche ; l’ébène, sous forme de morceau incrusté dans le makoré en bas à gauche ; les plaques métalliques, à différents endroits ; les fils de fer et de cuivre ; les cordes et les cordelettes ; les éléments de menuiserie (pommelle, cadenas et loquet). Tous ces matériaux, de qualité, n’ont pas été récupérés mais achetés.

La diversité matérielle correspond ou conduit ainsi à une diversification formelle, dans laquelle les variations (reliefs) sont introduites en abondance par l’artiste. Djibril Ndiaye se plaît à souligner que le matériau de base qu’il sculpte (planches et plateaux) étant plat, tous les reliefs qui apparaissent dans ses œuvres sont, d’une part, réalisés par lui ; ces différents éléments produisent d’autre part, une diversité chromatique sur les œuvres ; toutes choses qui permettent à l’artiste d’éliminer la platitude, la monotonie et l’uniformité dans des œuvres qui sont bien des bas-reliefs, c’est-à-dire des sculptures qui prennent l’allure de tableaux de peinture.

Toutes les autres sculptures de Djibril Ndiaye que nous avons pu observer pendant nos enquêtes semblent être des variations entre Baay Jaggal et Caabi Lawbe, et dans lesquelles les variations sont imprimées et/ou accentuées par l’abondance des coutures ou des incrustations, par des grattages ou par la confection de formes en haut-relief ou rondes-bosses, concaves ou convexes. Selon la simplicité ou la complication des assemblages et des organisations, les œuvres se différencient ; mais l’artiste joue également sur les dimensions des œuvres.

A partir de 1994, l’artiste initie une nouvelle expérience, en pratiquant, comme il le dit, de la sculpeinture. Dans cette nouvelle pratique, les œuvres qu’il réalise se présentent sous forme de tableaux de peinture, de tentures ou de rideaux ; il y combine du bois, des ficelles et des cordelettes, des morceaux de tissus, divers bouts de bois, etc., attachés et organisés verticalement, comme pour faire des paravents ; ces différents matériaux sont peints de couleurs vives ou sombres ; les bouts de bois y introduisent le volume (cf. Ardo 8, sculpture-peinture, 2001).Mais Djibril Ndiaye n’a pas renoncé pour autant à la sculpture, qu’il pratique parfois, en revenant aux hauts-reliefs et rondes-bosses, comme les statues.

Par contre, Tafsir Momar Guèye reste fidèle à la sculpture pure, c’est-à-dire à la taille ; autrement dit, Tafsir Momar Guèye ne varie pas et ne change pas. Depuis toujours, il ne fait que sculpter et ne pratique ni adjonction, ni récupération et ni installation. Lorsqu’il s’empare d’un bois, il le taille pas à pas jusqu’à obtenir la forme qu’il veut ; et il ne taille que le bois, celui qu’il acquiert localement, c’est-à-dire principalement l’ébène, le bois de veine et le dimb (variété locale de bois). Pour tailler ces bois, Tafsir n’utilise que peu d’outils, dont certains sont traditionnels. Tafsir ne dispose en effet que de ciseaux de menuisier, de quelques herminettes et de couteaux, de râpes et de papier sable. Il utilise la colle blanche pour boucher les trous sur le bois et la cire pour empêcher sa détérioration ; il patine avec du cirage de chaussures. Il ne dispose ainsi d’aucun équipement moderne (machines, scies, gouges, etc.).

Devant le tronc, Tafsir commence par reproduire sur le bois le dessin réalisé auparavant sur papier ; il utilise cette fois la craie ; puis il taille le bois pour sortir les grandes formes de la sculpture qu’il désire réaliser ; ensuite les petites formes et les détails ; il peut alors extraire la sculpture du bloc de bois [9]. C’est dans cette phase et les deux suivantes que se trouve, à son sens, la véritable création sculpturale, dont l’essence est l’invention des formes. Car, contrairement à la peinture, dont les expressions plastiques sont multiples (formes, couleurs, adjonctions, etc.), le seul véritable langage plastique de la sculpture est, à son sens, celui des formes.

Dans la seconde phase, ayant en main la sculpture sortie du bloc, il pénètre le bois jusqu’au fond et le taille jusqu’au cœur pour dégager les petites formes, pour réaliser des personnages, etc. Car Tafsir est convaincu que beaucoup de sculpteurs restent à la surface du bois et dépassent rarement l’écorce ; ce qui produit des formes approximatives et schématiques ; lui, préfère atteindre le cœur du bois, alors seulement il est possible de réaliser toutes les formes souhaitées. Dans cette taille des formes, la technique sculpturale de Tafsir, qui consiste à pénétrer profondément le bois, lui permet de confectionner des formes non cylindriques, mais rondes et aux contours non orthogonaux ; le géométrisme et le schématisme si caractéristiques d’une certaine sculpture africaine n’existent pas chez lui. Au contraire, toutes les formes de toutes ses sculptures sont arrondies, incurvées, en ronde-bosse, etc. ; la linéarité est éliminée ou atténuée par les formes incurvées ou rondes. Dans ces phases, il utilise principalement des herminettes, plus adaptées pour la taille des formes en ronde-bosse, incurvées, etc. Ensuite, il fignole les formes, avec de petits outils, tels les couteaux, les râpes, les ciseaux, etc. Cette troisième phase, qui achève les deux précédentes, clôt la sculpture des formes, en mettant l’accent sur les petites formes et les détails, qui doivent tous être sortis et parfaits.

La finition elle-même comporte plusieurs actions ou tâches : le grattage de toute la surface extérieure de la sculpture est destiné à la débarrasser des grosses aspérités et excroissances, comme des traces des outils sur le bois ; de sa bonne exécution dépendent le caractère lisse de la sculpture et la prégnance des formes. Ensuite, il procède au ponçage, en utilisant principalement les couteaux d’abord, puis le papier sable qui sert à achever le travail.

Lorsque le ponçage est achevé, il commence à boucher les trous et les fentes, naturels ou accidentels, des statues, en utilisant de la cire de bois mélangée à de la colle blanche ; un tel collage est indestructible et la cire étant extraite du bois, la partie collée ne dénote pas à la surface de la sculpture. Quand il doit coller deux morceaux de bois ou deux éléments d’une statue, il utilise le même procédé ; mais cette fois, la cire de bois mélangée à la colle et appliquée sur les parties des morceaux à accoler est brûlée avant l’accolage des deux parties.

Quand le corps et la surface de la sculpture lui semblent désormais suffisamment unis et lisses, et ne présentent ni faille ni aspérité et trou, il applique alors le cirage pour chaussures, généralement marron foncé, dont la teinte, identique à celle du bois, accentue et met en relief, par sa brillance, celle du bois. Ce cirage marron est le seul pigment qu’il applique sur ses sculptures, à l’exclusion de toutes autres couleurs ou tous autres moyens de patiner. Sa préférence pour le cirage s’explique par la qualité de celui-ci, qui pénètre le bois, le nourrit et le protège, tandis que le vernis appliqué au bois disparaît par grattage lorsqu’il est sec. Il lui répugne de peindre ou de patiner ses œuvres avec des couleurs (peintures), qui sont des moyens d’expression exclusifs du peintre.

Par contre, le sculpteur ne peut recourir qu’au langage des formes ; ce langage ne peut être manipulé avec adresse que lorsque le sculpteur maîtrise parfaitement la technique de taille du bois et lorsque, au lieu de s’arrêter à la surface du bois, il pénètre celui-ci jusqu’au cœur ; en entrant si profondément dans le bois, il peut créer des ouvertures, des creux et des vides dans le bois, et diversifier les formes ; en même temps, il peut « personnaliser » et différencier celles-ci, tant au point de vue de leurs dimensions qu’à celui de leur allure et aspect. Ces ouvertures, ces variations formelles, ces vides à l’intérieur des sculptures permettent d’imprimer à celles-ci le mouvement, la vie, la tension, et à la matière de respirer. En s’arrêtant à la surface du bois, sans dépasser le niveau de l’écorce, le sculpteur ne peut réaliser que des formes approximatives, parfois schématiques et dont les contours épousent sensiblement ceux de la forme cylindrique du tronc de bois à partir duquel la sculpture a été taillée. Cette technique de taille lui permet de ne pas recourir à des adjonctions ; ses sculptures sont faites d’une seule pièce et tous les éléments formels de chaque œuvre (membres, outils et autres objets figurés) sont extraits, grâce à la technique, du bloc de bois initial.

Jusqu’en 1986, Tafsir sculptait aussi bien des statues, des masques que des bas-reliefs ; mais depuis lors, il ne confectionne des masques et des bas-reliefs que sur commande ; désormais, il ne taille que des statues ; généralement anthropomorphes, elles représentent des personnes, hommes et femmes, enfants et vieillards, toujours en activité ; les personnages travaillent, cultivent les champs, sèment, puisent de l’eau, prennent un bain, etc. S’il les façonne toujours en activité, c’est parce qu’il considère que dans le Sénégal actuel, pays en développement, la lutte pour promouvoir le développement intégral de l’homme est un impératif qui s’impose à tous les Sénégalais ; c’est pourquoi, Tafsir représente toujours, dans ses œuvres, des personnages en train de travailler ou en activité.

De telles représentations d’hommes et de femmes en activité lui permettent d’imprimer le mouvement et la vie à ses œuvres ; aussi, aucune de celles-ci ne présente un statisme et un hiératisme, si fréquents dans la sculpture africaine ancienne et dans certains spécimens de la sculpture moderne. En sorte que les différents membres, supérieurs et inférieurs à la fois, sont rarement au même niveau, alignés et figés ; les bras sont souvent levés, en mouvement ou en activité, tenant tel ou tel objet, ou la main est prolongée par tel objet ou tel outil signifiant l’activité à laquelle se livre le personnage ; si celui-ci cultive son champ ou sème des graines, son corps se penche ou se courbe, adopte la position adaptée au travail en voie d’exécution ; les jambes sont souvent écartées, mais jamais au même alignement.

Mais le réalisme de Tafsir n’est pas un naturalisme qui reproduirait, ne varietur, les modèles humains imités [10]. Aussi, sur les œuvres, il représente rarement tous les traits et détails du visage ; celles sur le visage desquelles sont sculptés les yeux, le nez et la bouche sont des exceptions ; les mains sont généralement inexistantes ; les orteils ne sont pas taillés et parfois, ce sont les pieds eux-mêmes qui ne sont pas figurés. Dans ses œuvres, ce ne sont ni les visages ni leurs expressions qui sont signifiants et expressifs, mais les formes et leurs mouvements, la matière, etc. Tafsir affirme styliser ses personnages et simplifier les éléments et formes de leur corps, pour aboutir à des personnages presque abstraits. Son style n’est pas naturaliste ; c’est le naturalisme intégral que condamne l’Islam. Et pourtant, il s’agit bien d’un réalisme, mais abstrait et fantaisiste : Le Semeur (1992), La Teranga sénégalaise (1992), Lutte pour la Libération (1992), Le Progrès (1992), La Ménagère (1992), etc., sont bien des archétypes de la société sénégalaise, traditionnelle et moderne.

En simplifiant de cette manière les formes et traits de ces personnages, il élimine du même coup leur lourdeur et leur massivité ; pour cela, il est contraint de creuser la matière, de la pénétrer très profondément et de sortir toutes les formes souhaitées. Mais la simplification lui permet également de réaliser des formes légères et aériennes, sveltes et parfois filiformes. Quand le sculpteur prend l’habitude et la peine de pénétrer si profondément la matière, affirme-t-il, alors il peut être capable de produire de telles formes.

Outre l’unicité matérielle (les sculptures sont faites d’une seule matière), la sculpture de Tafsir se caractérise en effet par la légèreté des formes et leur liberté ; les formes des sculptures sont de dimensions moyennes, car Tafsir paraît ignorer le gigantisme et la massivité ; elles ne sont pas non plus grosses ou épaisses mais proportionnées et parfois petites ; d’où l’impression de fragilité qu’elles dégagent ; toutes ces formes sont libérées de la forme cylindrique du tronc de bois à partir duquel la sculpture a été taillée. Les formes sont aussi rondes ou arrondies, incurvées, etc. ; ce qui accroît leur liberté et élimine la linéarité dans la sculpture de Tafsir. Enfin, la sculpture de Tafsir est monochrome ; ses sculptures sont peintes ou cirées avec du cirage de même couleur que celle du bois ; la multiplicité et la variété des couleurs sont propres au peintre. Tafsir a horreur des mélanges et du polychromisme ; il considère que la sculpture peut être tout aussi expressive que la peinture, mais avec son langage propre.

Grâce à l’unité de la matière utilisée, au refus des mélanges et des adjonctions, mais également grâce au monochromisme, cette sculpture de Tafsir reflète une pureté des lignes et des formes, une allure générale élégante et racée.

CONCLUSION

N’ont été mentionnés ci-dessus que les artistes dont la production, la plastique et/ou l’œuvre ont participé au développement des arts plastiques sénégalais contemporains, par une contribution significative ; parce que tous les artistes sénégalais contemporains ne pouvaient y figurer. Du reste, parmi eux, certains ont disparu et sont morts, d’autres sont sans doute à l’étranger et ne se manifestent pas au plan national ; d’autres ne sont plus visibles parce qu’ils n’exposent plus ; d’autres ont abandonné, etc. Il n’était pas dans nos intentions de retracer toute l’histoire des arts plastiques sénégalais contemporains mais de faire voir, dans leur évolution, les changements et les ruptures décisifs, les innovations et orientations qui ont imprimé telle ou telle direction à cette évolution ou qui les ont tout simplement marqués. Loin de nous l’idée que ceux qui sont mentionnés sont meilleurs ou plus créatifs que les autres ; mais la fréquentation de artistes sénégalais, les recherches et enquêtes effectuées en leur sein et sur leur travail ont plutôt permis de déceler des artistes de talent, qui poursuivent leur petit bonhomme de chemin, avec détermination et confiance ; de véritables professionnels, qui pratiquent leur art, sans complexe.

Qu’une certaine critique internationale qualifie Ousmane Sow de « Rodin noir » ou Ndary Lô de « Giacometti sénégalais » semble, à tout le moins, une insulte ; car ces artistes créent et pratiquent leur art sans référence ni regard à l’Occident et à ses artistes. Que des œuvres de Ousmane Sow (cf. Gavroche, Marianne et les Révolutionnaires, Toussaint Louverture et la Vieille esclave) aient été commandées par le Chef de l’Etat François Mitterrand, pour le bicentenaire de la Révolution française en 1989 et se retrouvent dans des institutions muséales françaises (cf. Musée des Arts africains et Océaniens), est assez significatif ; de même que le séjour, pendant plus d’un mois, de l’Exposition Little Big Horn sur le Pont des Arts à Paris en 1999. Auparavant, les tapisseries des Manufactures sénégalaises des arts décoratifs, comme les œuvres de nombreux artistes sénégalais (cf. Iba Ndiaye, Souleymane Keïta, Viyé Diba, El Hadj Sy, Moussa Tine, etc.) figurent dans de prestigieuses collections à travers le monde. Moustapha Dimé et Ousmane Sow ont déjà été invités à la Biennale de Venise. Ce sont là autant de témoignages et de reconnaissance de la qualité de la production plastique des artistes sénégalais contemporains [11].

L’Ecole de Dakar et les efforts inlassables de Senghor pour faire advenir des arts plastiques sénégalais nouveaux n’auront pas été vains, car il existe aujourd’hui au Sénégal des personnalités créatrices fortes et des arts plastiques diversifiés et de qualité.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Dak’art 96, Dakar, 1996, 99 pages.

–  »  »  » Dak’art 98, Dakar, 1998, 116 pages.

–  »  »  » Dak’art 2000, Dakar 2000, 131 pages.

–  »  »  » Dak’art 2002, Dakar 2002, 160 pages.

–  »  »  » Dak’art 2004, Dakar, 2004, 179 pages.

–  »  »  » Dak’art 2006, Dakar, 2006, 415 pages.

Catalogue Exposition Picasso, Dakar, Musée Dynamique, 6 avril-6 mai 1972, non paginé.

Catalogue Rétrospective des Peintres de l’Ecole de Dakar, Dakar, Fondation Léopold Sédar Senghor, 2006, 40 p.

Catalogue Trajectoires, « Art contemporain du Sénégal », Dakar, Musée d’art africain de l’IFAN-CAD, Janvier 2007, Collection Bassam Chaïtou, 220 p.

GAUDIBERT, Pierre, Art africain contemporain, Paris, Editions Diagonales, 1991, 175 p.

PIVIN, Jean Loup, Ousmane Sow, Sculptures, Paris, Editions Revue Noire, 1995, 184 p.

SENGHOR, Léopold Sédar, Liberté I. Négritude et Humanisme, Paris, Seuil, 1964, 444 p.

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-« Le Mécénat de Senghor », in Ethiopiques, n° 59, 1997, p.76-84.

-« Art africain contemporain. Une Histoire plurielle », in Diogène, n° 184, 1998, p. 48-69.

-Arts plastiques et Etat au Sénégal, Dakar, IFAN-CAD, 1998, 167 p.

-L’Architecture sénégalaise contemporaine, Paris, L’Harmattan, 2000, 126 p.

-« La Guerre dans Guernica et dans Little Big Horn », Dakar, Ethiopiques, n° 71, 2003, p.181-200.

-L’Artisanat sénégalais, Dakar, Presses universi- taires de Dakar, 2004, 139 p.

-L’Esthétique de Senghor, Dakar, Editions Feu de Brousse, 2006, 263 p.

[1] IFAN-Cheikh Anta Diop, Université de Dakar

[2] Cf. notre thèse de doctorat d’Etat : Pratique et Théorie de la Création dans les Arts Plastiques sénégalais contemporains, chapitres 3 et 4.

[3] Ibid., p. 437-455.

[4] SALAH, Hassan, « Native to Native », in Catalogue : Ousmane Sow, le Soleil en Face, p.140-143.

[5] Le tapaat est, dans la société traditionnelle, une grande natte, confectionnée avec des lamelles de bambou, dont la longueur varie entre 10 et 15 m et la hauteur entre 1,50 et 2 m et que les populations utilisaient pour clôturer les concessions.

[6] Le nim est, comme le dimb, abondant dans le pays ; il est planté le long des rues des villes et son bois est utilisé aussi bien par les sculpteurs modernes que par les Lawbe et les ménagères pour la cuisine.

[7] Le matériau-support principal étant le makoré, tous les autres bois lui sont intégrés

[8] Nous avons eu l’avantage d’observer les différentes phases de conception et d’exécution de cette œuvre, en août et septembre 1992, pendant nos enquêtes.

[9] Parfois, il taille directement le bois sans dessin et les formes émergent au fur et à mesure qu’il travaille.

[10] Son réalisme n’est pas non plus zoomorphe ; nous n’avons découvert aucune représentation d’animaux dans ses sculptures.

[11] Une visite de l’exposition Trajectoires (mentionnée ci-dessus) de Bassam Chaïtou permet également de conforter ce point de vue.