Art

IBA NDIAYE DIADJI OU L’ESTHÉTIQUE AFRICAINE DE LA PLASTICITE

Ethiopiques n°81.

Littérature, philosophie et art

2ème semestre 2008

S’il y a un nom qui va rester dans l’histoire de l’esthétique et de la critique d’art en Afrique noire, ce sera certainement celui d’Iba Ndiaye Diadji. Il est titulaire d’une thèse d’État en Sorbonne sur la critique artistique et est auteur de plusieurs articles sur l’esthétique, l’art africain, les cultures, l’art et la science, la critique d’art, etc. Il a aussi animé plusieurs ateliers, séminaires, conférences sur les arts, l’esthétique, l’apport des nouvelles technologies, la renaissance africaine, la critique, à Paris, Montréal, Los Angeles, San Francisco, Ottawa, Tunis, Rabat, Ouagadougou, Conakry, Dakar… Mais le 10 novembre 2003 à Dakar, ce chantre de l’esthétique africaine de la plasticité nous quittait : « Le soleil s’est couché trop brutalement et […] l’oiseau de Minerve n’a pas pu déployer toute l’amplitude de son respectable vol » [2]. Mais son ambition de recherche et ses prises de position dans le domaine de la plasticité africaine feront de lui un chercheur exceptionnel.

Le concept de plasticité désigne, d’une part, « ce qui est susceptible de changer de forme », « ce qui est malléable » – l’argile est, par exemple, une matière « plastique » ; il désigne, d’autre part, « ce qui a le pouvoir de donner la forme », comme les arts plastiques. La plasticité désigne donc le caractère de ce qui est plastique, de ce qui peut-être modelé ; c’est-à-dire ce qui est susceptible de recevoir et/ou de donner de la forme. La plasticité caractérise la capacité à évoluer et à s’adapter. Les arts plastiques sont des arts dont le but principal est l’élaboration des formes.

Iba Ndiaye Diadji conçoit l’esthétique de la plasticité dans la mixité transversale de toutes les formes d’expressions artistiques. L’esthétique africaine de la plasticité doit se nourrir, dit-il, non seulement de l’art proprement dit, mais aussi de la science et de la technique. Dans cette étude, il s’agira d’examiner certaines idées fondamentales de l’esthétique d’Iba Ndiaye Diadji telles que l’africanité dans l’art africain, sa thèse sur la critique d’art en Afrique noire et pour finir son point de vue sur les artistes africains face au numérique.

  1. L’AFRICANITÉ DANS L’ART

Le discours d’Iba Ndiaye Diadji sur l’art africain nous rappelle, dans une certaine mesure, celui de Senghor et Engelbert sur l’art négro-africain. Il se résume, en effet, autour de trois axes : le sens de la composition (rigueur, ordre, équilibre), le rôle de la mixité et la personnalité du groupe [3]. En poésie, le sens de la composition s’exprime dans le « vers-librisme » qui produit des mots et des images à la cadence de la respiration humaine. En sculpture, on le retrouve dans la simplicité des formes que l’artiste a imprimé à son œuvre pour rendre plus vivant son signe plastique.

Dans l’art négro-africain, chaque œuvre porte inévitablement deux voire trois ou plusieurs aspects d’autres formes d’expression : d’où la mixité dans la création. On ne peut séparer catégoriquement l’oralité de la danse, la musique de la sculpture : on peut retrouver dans une peinture des emprunts aux techniques de la sculpture. Le poème est chanté et la danse transforme la musique.

Mais chaque groupe a sa personnalité. Au Sénégal, pour paraphraser Iba Ndiaye Diadji, quand on parle du wango, on sait immédiatement qu’on fait référence aux danses hautes des Haal pulaar, le ndaga nous mène aux déhanchements rythmés des danseuses du Saloum et le lëmbël nous oriente vers les femmes lawbe avec leurs danses sensuelles. Chaque groupe social accepte les œuvres d’art qui répondent à ses critères esthético-éthiques, et les diffuse ensuite au nom de tous. L’œuvre jugée positivement devient le patrimoine du groupe et sa seule signature est wolof, baoulé, yoruba, mandingue selon le cas. On retrouve cette personnalité du groupe jusque dans les instruments de musique car que ce soit le riti, le tama, la kora ou le jembe, tout peut être localisé. Mais ces différentes caractéristiques sont valables pour toutes les créations artistiques du monde. Car chaque peuple est attentif à la composition de ses œuvres d’art, à l’apport de techniques mixtes et à sa personnalité socioculturelle. Dans ce sens, et selon le mot d’Iba Ndiaye Diadji, cette variété des particularismes situe « positivement les arts africains dans le concert universel de l’Art et non plus dans celui étroit et réducteur de l’art gréco-latin » [4].

Toutefois, cela n’empêche pas le critique d’art sénégalais de penser que les artistes africains doivent rester eux-mêmes ; c’est-à-dire « artiste nègre et africain, artiste berbère et africain, artiste arabe et africain ». Même l’artiste qui revendique une citoyenneté mondiale doit savoir d’où il vient, qui il est, ce qu’il fait et où il va. Si c’est un Mandingue, on doit être sûr, en regardant uniquement ses œuvres, que ce n’est pas un artiste allemand ou polonais, on doit être convaincu qu’il est bien un artiste d’Afrique ou plutôt un artiste négro-africain ancré dans les valeurs de culture négro-africaine.

Il soutient aussi qu’on ne peut comprendre l’art africain si on se réfère uniquement à l’espace géographique de chaque pays ; c’est-à-dire au découpage de l’Afrique en zones artificielles héritées de la colonisation. Certaines analyses ne prennent pas en compte que le sculpteur agni n’est pas qu’ivoirien, que le musicien soninké est à la fois mauritanien, sénégalais et malien, que le danseur ndenguésé et son cousin Batéké partagent la même cosmogonie. On comprend dès lors pourquoi Iba Ndiaye Diadji s’indigne de voir que même le Conseil scientifique de la Biennale de Dak’Art sélectionne les artistes par rapport à leur aire géographique en les séparant par rapport à une division socioculturelle et esthétique du continent en cinq espaces : Nord, Sud, Ouest, Est, Centre. Or le découpage politico-administratif colonial ne saurait être repris par une Biennale qui se veut innovatrice [5].

Pour comprendre les arts africains, il nous faut mettre entre parenthèses les frontières héritées de la colonisation . On ne peut comprendre l’art congolais, l’art burundais ou l’art zambien si on ignore ce qu’est le bantu, si on méconnaît la parenté linguistique, artistique et culturelle des populations faisant plus de 150 millions d’âmes. L’espace culturel et artistique qui fait du Sénégal, de la Somalie et de l’Afrique du Sud des composantes de l’identité africaine dépasse de loin les frontières héritées de la colonisation [6].

Comment définir donc un artiste africain ? Qui est artiste africain et qui ne l’est pas ? À quoi reconnaît-on un artiste africain ? Doit-il forcément être noir, avoir des parents africains ou un passeport d’un pays africain ? Un artiste d’origine africaine qui est né et qui vit en Occident ou en Asie et qui ne connaît rien du continent africain, doit-il être défini par rapport à l’Afrique ?

La question du critère de sélection artistique a prédominé à la Biennale d’art africain contemporain de Dakar de 2002. Elle était d’autant plus cruciale que le comité de sélection se voit partagé par la candidature de Bruce Clarke. Son africanité semble parfois soulever quelques interrogations. En effet, né à Londres en 1959 de parents sud- africains, l’artiste vit en France où il n’est pas reconnu comme un artiste africain. Alors que sa candidature est retenue par Ousseynou Wade, secrétaire général de la Biennale de Dakar, le conseil d’administration refuse la participation de cet artiste à l’événement.

Que signifie donc être Africain ? Que sous-entend cette notion d’africanité ? Se demande Iba Ndiaye Diadji. L’Afrique est réduite à une carte d’identité et un acte de naissance qui ne sont pas ceux de Bruce Clarke. Mais ses combats pour l’Afrique lui ont valu les faveurs du comité de sélection qui décide d’ouvrir sa sélection à des artistes n’appartenant pas à l’Afrique et à sa diaspora. Bruce Clarke sera finalement invité à exposer son africanité à Dakar.

On voit ici toute la difficulté à définir ce que peut être la notion d’identité. Il faut, à mon avis, que le relativisme des cultures repose sur le fait que l’Autre a quelque chose à m’apprendre, que sa culture m’enrichit. Ce qui implique une posture plus générale : ma culture particulière étant locale et limitée, fait partie d’un ensemble beaucoup plus vaste : le monde. L’art n’est pas africain ni occidental mais universel. L’interdépendance des pays s’accroît et la culture se présente comme le meilleur moyen pour une compréhension entre les peuples. De ce fait, elle est au chevet de la mondialisation. L’Afrique suit le mouvement puisque de plus en plus d’artistes sont invités dans les grands événements internationaux, des artistes dont les œuvres semblent coller à ce qui est supposé être le must en matière de production artistique. En refusant ou acceptant la non africanité de sa création, l’artiste africain dénie sans doute son appartenance identitaire. Mais ce serait absurde de vouloir nier la présence d’une altérité, aussi infime soit-elle, dans son œuvre.

L’art contemporain se veut ainsi le modèle d’une mondialisation réussie, développée à partir des valeurs comme l’échange, la réciprocité, le respect. Le monde de l’art serait plus que jamais ouvert à tous les artistes. Aujourd’hui les artistes africains s’exportent de plus en plus. Leurs principales destinations sont l’Europe occidentale et les États-Unis. Leur volonté de sortir de leur isolement et leur désir d’insérer aux circuits internationaux font qu’ils sont de plus en plus confrontés à l’international. Ce qui leur confère une notoriété et leur permet d’accéder à un niveau de vie plus confortable. Certains comme Jean-Loup Pivin [7] pensent que cette ouverture à l’international va permettre à l’artiste d’élargir son angle de vision car elle lui permet de construire un nouveau regard sur l’art et sur ses pratiques mais aussi de sortir d’une certaine recherche artistique identitaire. Selon eux, l’échange doit permettre à l’artiste de construire un véritable parcours professionnel et d’élargir son réseau. Compte tenu de la domination culturelle de l’Europe, d’autres comme Iba Ndiaye Diadji [8] pensent que ce rapport est faussé puisque les artistes doivent s’aligner sur les critères artistiques de l’Occident. Ils voient donc cette ouverture à l’international comme une perte identitaire et une sorte de piège tendu par l’Occident.

En 1996, lors d’une séance des Rencontres et Échanges de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar, Iba Ndiaye Diadji, dans sa présentation qu’il faisait du peintre Iba Ndiaye, soulignait, à la surprise de toute l’assistance, qu’il n’y a pas d’artiste africain ni d’art africain. Ce qui lui apparaissait comme certitudes n’était que la source de « malentendus », de « confusions » et de « faux sens terribles ». Tout le monde parle de choses différentes, persuadé que c’est la même chose. On affirme en même temps la singulière ou plurielle identité dans la création artistique africaine et on s’interroge sur la pertinence des notions de contemporain et d’identité accolées à l’art africain. D’où les questions que se pose Iba Ndiaye Diadji :

«  Pourquoi cette sorte de convergences tacites autour du non être de l’art africain ou du moins autour de son impossible définition ? Pourquoi cette négation du caractère africain dans des œuvres d’Africains de Niamey vivant depuis trente ans à Londres ? Pourquoi ne pas dire les marques africaines dans des installations, dans des sculptures ou des peintures qui ont emprunté au modernisme leurs âmes ? » [9].

Pour davantage préciser le concept d’art africain ou négro-africain, Iba Ndiaye Diadji distingue bien les artistes africains de naissance, d’adoption ou de synthèse. Selon lui, l’identité de l’artiste ne renvoie ni au passeport ni au physique. Car on peut bien être noir et « être incapable de lire et de faire admirer le traitement du temps dans les bas-reliefs bantus, d’apprécier et de faire aimer la valeur mélodique d’un solo de kora chez Soundioulo Cissoko ou Lalo Kéba Dramé » [10]. L’africanité artistique ne peut donc dépendre, selon lui, de la géographie. Elle est plutôt fille de l’histoire : c’est la « marque indélébile », un « trait d’union » dans les arts africains qui existent depuis des millénaires. Mais avec la globalisation, les temps actuels sont des temps « d’impérialisme esthétique », selon le mot de Yves Michaud qui explique qu’aujourd’hui, les impérialismes esthétiques sont des « phénomènes de domination ». Si la mondialisation favorise les échanges et les rencontres entres les peuples, il n’en demeure pas moins qu’on assiste de plus en plus au développement des inégalités. Le secteur de l’art international est concentré en Occident : certains pays comme les États-Unis, l’Allemagne, la Grande Bretagne, la France, l’Italie et la Suisse jouent un rôle central dans l’exposition des artistes contemporains et sont, par conséquent, les lieux par excellence du marché de l’art. Ces pays laissent peu de place aux artistes des pays en voie de développement. C’est d’ailleurs ce qui a poussé Iba Ndiaye Diadji à affirmer, avec regret, que « les arts plastiques africains n’existent pas, qu’il n’y a plus d’africanité artistique » [11]. Selon lui, en effet, le pur Négro-africain n’existe plus ; l’esclavage et la colonisation l’ont transformé. Les progrès scientifiques et l’endoctrinement médiatique accentuent le processus de sa conversion.

Mais « Les Africains veulent-ils de leur art ? ». En d’autres termes, ce que produisent les écrivains et les artistes d’Afrique correspond-t-il bien au vouloir des Africains eux-mêmes ? C’est à cette question provocatrice qu’Iba Ndiaye Diadji tente de répondre dans l’article précité. On admet souvent que les premiers intéressés par une production de l’artiste sont les gens de sa société. Sous ce rapport, on peut penser que les Sénégalais qui ont vu naître et mourir le sculpteur Moustapha Dimé, comme les Burkinabé qui voient évoluer le peintre Ferdinand Nonkouni devraient être normalement ceux qui aiment et saisissent le mieux les productions de ces artistes.

Mais selon le critique d’art sénégalais, l’histoire récente des arts africains montre que les choses ne sont pas aussi simples qu’on pourrait le croire. Car si on remonte à la période coloniale, on se rend compte que les poètes, les romanciers africains, qui se voulaient les porte-parole de leur peuple, « n’étaient lus et appréciés que par ces élites dont ils critiquaient les mœurs sociales et politiques ». Après les indépendances, le dialogue de sourds continua entre les écrivains négro-africains et leurs peuples en majorité illettrés.

On a alors pensé qu’avec l’usage de l’image à travers la sculpture, la peinture et le cinéma, les Africains seraient intéressés à leurs arts. C’est ainsi que des écrivains comme Ousmane Sembene se sont appuyés sur cela pour porter à l’écran leurs romans [12]. Mais là encore, les faits sont réels : le public local préfère regarder le cinéma occidental (surtout américain) et asiatique : il suffit de voir les affiches des cinémas ou les programmes des télévisions pour s’en rendre compte. Et quand il regarde le cinéma africain, c’est avec une « curiosité amusée » ou une « indifférence totale ».

On sait aussi que pendant le Festival mondial des arts nègres de 1966 à Dakar, les œuvres qui ont séduit Malraux et Senghor répondaient beaucoup plus aux thèses de ces deux théoriciens qu’à l’appel du peuple africain. Selon Iba Ndiaye Diadji, l’opinion africaine ne retient aujourd’hui de ce Festival que « les musiques qui annonçaient l’événement » et la personnalité de Senghor et sa sensibilité artistique. Et parlant de la Biennale de l’art africain contemporain Dak’Art, il remarque le caractère quasi absent de l’art populaire.

Tout se passe, nous dit-il, comme si les Africains ne voulaient pas de leurs arts qui continuent de susciter les curiosités de l’Occident. Peu d’Africains fréquentent les galeries, les musées et les ateliers d’art. Pour illustrer ce propos, on peut citer l’exemple de la sculpture abstraite que l’artiste français Martial Guillot avait offerte en 2000 à la ville de Dakar. Les plaques de verre et d’acier ont été démontées et recyclées par les riverains qui n’avaient pas compris qu’il s’agissait d’une œuvre d’art supposée mettre en valeur leur quartier. Il ne reste aucune trace de ce geste de générosité.

Pour Iba Ndiaye Diadji, si les Africains ne veulent pas encore des œuvres de leurs artistes, c’est parce que la production s’adresse plus au public occidental qu’à eux-mêmes : les artistes se mettent beaucoup plus au goût des galeries de Paris, de Bruxelles, de Londres ou de Montréal qu’à celui du public africain. Tant que l’artiste africain ne se fabrique pas ses propres repères esthético-éthiques, il restera un simple jouet des circonstances et une machine à créer dans l’indifférence de son peuple. Cela ne signifie pas que l’artiste doit s’enfermer dans un environnement particulariste, mais pour Iba Ndiaye Diadji, il s’agit pour les arts plastiques

« de savoir méditer l’exemple de la musique africaine avec ses sonorités propres et son audience chaque fois plus accrue auprès du public local. Le secret de Youssou Ndour du Sénégal ou de Manu Dibango du Cameroun est d’avoir su puiser à pleines mains dans les greniers artistiques nègres d’hier et d’aujourd’hui, et de s’appuyer en même temps sur des outils de la modernité pour faire aimer le « mbalax » et le « soul makossa » » [13].

Les Africains peuvent donc aimer leurs arts à condition que leurs artistes restent eux-mêmes, c’est-à-dire en peignant et en sculptant leur quotidienneté dans ce qu’elle est et non dans ce que l’Occident et le marché international de l’art veulent faire croire qu’elle est. Il s’agit, pour les artistes, de savoir les options esthétiques qu’ils doivent prendre face au public africain. Le critique d’art sénégalais regrette que la réflexion sur les arts africains contemporains s’appuie davantage sur l’Europe que sur l’Afrique. C’est dans cette « diversion intellectuelle », écrit-il, que l’ethnologie coloniale avait réussi à enfermer Senghor et Césaire qui définissaient la Négritude non pas par rapport à elle-même mais par rapport à l’identité culturelle occidentale. C’est comme si les Africains se trouvaient dans l’impossibilité de faire autrement. Or il existe, selon lui, une africanité qui correspond au « repère de sa dignité d’être et une boussole de sa conscience en actes » [14], « une africanité vivante en chaque membre du groupe guidant ses faits et gestes » [15], « une africanité qui tire son énergie continue de ses aptitudes à être de son temps » [16]. Elle ne renvoie pas à une simple question de thématique ni à une affaire de technique dans les œuvres d’art ni à une façon de ressusciter un passé à jamais révolu comme le voulaient Senghor, Césaire, Cheikh Anta Diop. Elle est plutôt produite par l’expérience du groupe, par l’apprentissage de la vie interhumaine par delà le groupe. Ainsi, selon Iba Ndiaye Diadji, l’art africain qui n’existe plus et qui ne peut plus exister, c’est « l’ensemble des traits culturels, des visions et des pratiques esthétiques nègres non souillés par l’histoire. Personne ne peut les recréer tels qu’alors » [17]. Ce qui peut constituer l’africanité de chaque artiste africain, il faut le chercher dans la marque de sa personnalité propre.

Le peintre sénégalais Kalidou Kassé répond à son inspiration et cherche le matériau qui convient pour peindre « comme il le sent et veut le sentir ». Il sait d’où l’on vient, qui il est, ce qu’il fait et où il va. Le peintre sénégalais vivant en Autriche Amadou Sow « exprime dans chacune des ses œuvres, avec une vérité inégalée, le souffle millénaire de l’Afrique des savanes aux couleurs ocres, aux formes s’élevant toujours à l’appel du ciel » [18]. L’artiste africain doit connaître sa culture et ses origines.

L’engouement pour les arts africains et leur besoin de concurrencer les autres arts du monde sur le marché international mettent la notion d’identité au cœur de la problématique de la création artistique africaine. L’artiste africain se trouve dans une situation ambiguë : s’il crée avec des normes identitaires son art sera jugé primitif, mais il aura certainement plus de chance d’être exposé sur le plan international que s’il évolue dans la modernité.

Avec la mondialisation, on s’intéresse de plus en plus à l’origine identitaire de l’artiste, on s’intéresse plus à l’origine de l’artiste qu’à son appartenance à tel ou tel courant ou à ses tendances artistiques. On cherche à mettre des étiquettes identitaires sur les artistes pour montrer que le particularisme est encore présent. Même avec la mondialisation, l’Occident conserve encore un certain nombre de préjugés dans son rapport à l’Afrique. Il contribue à maintenir une forme de domination (définition de l’art africain et son émergence sur les marchés internationaux), laissant peu de place à l’expression des artistes africains, les enfermant dans une vision identitaire dont ils ne se réclament pas souvent.

Toutefois, un profond changement et une recomposition culturelle font que les diverses cultures nationales africaines croisent nécessairement les cultures occidentales. La question de l’altérité se pose avec plus d’acuité. Les nouvelles formes artistiques nées du brassage culturel aboutissent à une sorte de syncrétisme qui se retrouve dans la musique, la danse, les arts visuels. L’identité de l’artiste africain contemporain se construit dans ce brassage des cultures.

  1. POUR UNE CRITIQUE D’ART AFRICAIN

Le Petit Robert indique que c’est dans la seconde moitié du XVIe siècle qu’apparaît le terme criticus pour signifier l’« examen d’un principe, d’un fait en vue de porter sur lui un jugement d’appréciation, d’un point de vue esthétique ou philosophique ». Cette définition s’est imposée en français avec l’idée de jugement esthétique, et d’une habileté à juger les ouvrages de l’esprit. Aujourd’hui, le verbe critiquer signifie « faire l’examen (des ouvrages d’art ou d’esprit) pour en faire ressortir les qualités et les défauts ».

Malheureusement, nous dit Iba Ndiaye Diadji, des universitaires africains comme Locha Matéso se contentent de répéter sans discernement les observations de certains de leurs homologues occidentaux et ne prennent pas en compte cette définition. Ils s’interrogent sur la pertinence même du concept « critique, pour un continent sans écriture » et pensent que ce mot « renvoie avant tout à la tradition occidentale » [19]. De même que Matéso, Hountondji pense, lui aussi, qu’il est « difficile de concevoir une civilisation scientifique qui ne soit pas une civilisation écrite, difficile de concevoir une histoire des sciences, une tradition scientifique dans une société où le savoir ne se transmettait que sous forme orale » [20].

L’écriture grecque ou hébraïque, latine ou chinoise ne sont pas les seules formes de fixation de la mémoire. Le penser c’est avoir une vision très limitée des formes d’écriture et des modes de diffusion du savoir scientifique. Les chercheurs africains doivent prendre leurs distances à l’égard des repères de l’histoire occidentale et des clichés de l’ethnologie coloniale. Selon Iba Ndiaye Diadji, « Matéso et Hountondji sont restés prisonniers de grilles d’analyse étroites et rigides qui leur ont fait perdre de vue l’existence de civilisations africaines avec des modes fonctionnels de fixation de la mémoire » [21].

L’écriture n’est pas une simple fixation de la mémoire par des caractères latins, arabes, grecs ou hébreux, c’est aussi « un système cohérent de signes décidés par les âges d’une civilisation ». Ainsi, l’écriture égyptienne dans l’antiquité, les signes bambara dans l’Empire mandingue au XIIIe siècle, l’alphabet guèze au Ve siècle dans le royaume d’Axoum, actuelle Éthiopie, sont des exemples édifiants. Le Nigeria, le Cameroun et la Sierra Léone ont produit des écritures comme le nsibidi qui a été utilisé pour fixer des faits d’histoire. Le tifinar, écriture touaregs et les signes dogons ont permis également de véhiculer des choix artistiques et des modes de pensée philosophique et religieuse.

Mais revenons au mot critique. Iba Ndiaye Diadji nous fait savoir que chez les Wolof du Sénégal ce terme est désigné par « cettantal gi, critiquer par settantal ». Le terme seet désigne à la fois l’acte de critiquer et celui de voir. Ainsi donc, en wolof, critiquer c’est examiner par tous les sens tout ce qui est produit par l’esprit qui a appris à voir. En d’autres termes, c’est poser son regard sur une production de l’esprit pour bien la voir et la faire voir. Le Wolof distingue bien voir et regarder.

 

 

 

  1. Ablaye NDOYE.- Parchemin en noir et blanc I et II, 2005, papier, henné, bleu de linge et encre, 65×50.

Les cultures africaines offrent suffisamment d’exemples sur la vitalité du concept critique dans la création artistique. Elles ont des repères esthétiques et critiques, des façons très approfondies de questionner l’art et de le montrer. Il faut savoir lire l’Afrique par ses propres marques culturelles. Les réponses sur les sources du discours critique peuvent être identifiées si on sait regarder et voir leur fixation dans les valeurs culturelles africaines. Bien évidemment, pour qui s’appuie sur les canons esthétiques occidentaux, il ne sera jamais facile de comprendre que « la valse n’est pas le yaaba africain, que le ndaga n’est pas le boléro et qu’un masque vili n’est pas un morceau du Palais de Versailles » [22]. Jean Laude résume cette situation en ces termes :

« De quelles railleries ne devrions-nous pas être justiciables, lorsque nous interprétons les arts africains ! Maintes fois, l’aspect « terrifiant » de certains masques a été attribué au climat d’insécurité dans lequel vivaient les populations qui en usaient. C’est là, déterminer le sens d’une expression présumée en référence à des modèles dont le code et les systèmes de valeurs sont différents » [23]

Jean Laude perçoit donc parfaitement la faiblesse de la critique occidentale face aux arts africains. Il invite ainsi ses homologues occidentaux à être plus modestes lorsqu’ils veulent tout expliquer par analogie. Ceux qui définissent l’art africain traditionnel comme un art fonctionnel se défendent de parler des marques du discours critique. Or soutenir que l’art africain a des fonctions sociales et ne pas s’interroger sur la culture esthétique et technique de ceux qui font assumer ces fonctions, c’est ne pas se soucier de lire et de dire les faits artistiques tels qu’ils sont en Afrique. Car, pour créer, les artistes s’appuient certainement sur un répertoire de conventions et d’interdits. Il y a donc incontestablement un maître et un gardien de ce répertoire. On ne peut occulter le discours critique à la base de la définition des fonctions de l’art africain traditionnel. Chaque forme est destinée à quelque chose et sa fonction est non pas relatée en caractères arabes, guèze ou hébreu, mais dans des termes d’un répertoire enseignés par toute une civilisation.

L’anonymat de certains objets d’art africain traditionnel ne signifie nullementabsenced’uneindividualité dans la création,maisplutôtune reconnaissance des avis d’une critique gardienne des valeurs esthétiques et éthiques du groupe. C’est ainsi qu’une danse mandingue, une sculpture yoruba ou une musique peule dépassent le nom de l’artiste créateur et portent l’empreinte culturelle du groupe. Toutes ces productions nous permettent de voir que la critique est présente partout. Le choix des artistes a toujours été guidé par une réflexion esthétique « née dans un environnement civilisationnel précis et encouragée par une critique plasticienne, pour désigner ainsi les divers modes d’enseignements de cet art fonctionnel » [24].

Une abondante littérature a enfermé l’Afrique dans une civilisation de l’oralité. On entend souvent dire que « l’Afrique n’a pas connu l’écriture mais est riche de son oralité », « en Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Des slogans qui réduisent, selon Iba Ndiaye Diadji, la riche variété de la plasticité africaine au verbe. Alors que toutes les civilisations du monde ont dans leurs identités respectives « le verbe pour dire leurs rêves, la parole pour fixer leur éthique, l’oralité pour conduire leur quotidien » [25]. En Afrique, comme partout ailleurs, tous les vieillards ne sont pas des génies dont les propos doivent être conservés pour l’éternité. Les cultures africaines sont fondamentalement plasticiennes. Elles ne sont pas orales. L’esthétiquedela plasticité désigne

« le discours et la pratique artistique qui savent intégrer dans leurs champs d’action et créativité la vie dans ce qu’elle est : unique. En effet, il n’y a pas dans la vie, d’un côté l’oralité, de l’autre la danse, la musique, ou la sculpture. Les arts d’Afrique et leurs civilisations ont trop longuement souffert de cette division factice qui détachait en mille morceaux l’unicité de la culture. Les théoriciens de l’oralité portent une lourde responsabilité dans le dépeçage des valeurs de la plasticité. Consciemment ou pas, ils se sont fait les continuateurs zélés de l’idéologie coloniale qui en réduisant l’Afrique à un continent du verbe et de la palabre interminable, l’excluait de fait des domaines de la science et de la technique. La plasticité est donc l’être même des civilisations d’Afrique. C’est elle qui forge l’homme dans ses modes de pensée et d’être. Sans elle, il n’y a pas d’œuvre de l’esprit. C’est elle qui permet au Mandingue de garder sa personnalité esthétique, malgré les emprunts faits au Baoulé et au Wolof. C’est encore elle qui nourrit la science et la technique et apprend au jeune à répondre aux questions de la vie distinctement, sincèrement. Et c’est elle qui poursuit et enveloppe l’artiste dans chacune de ses esquisses, dans chacune de ses productions » [26].

Les sociétés africaines sont plasticiennes par les formes d’écriture de leur histoire, par leurs arts, par leurs sciences, par leurs techniques. C’est cette plasticité, nous dit Iba Ndiaye Diadji, qui fonde le discours critique en Afrique. La critique est inhérente à la production artistique : chaque œuvre renferme des enseignements sur les ressources de cette plasticité, de ces empreintes de la créativité africaine. Celui qui connaît et fréquente les valeurs des civilisations africaines, ne peut donc manquer de découvrir facilement la réalité du concept de critique en Afrique.

Parce qu’on pense que l’œuvre d’art africain traditionnel est avant tout un objet religieux ou rituel, qu’elle n’est pas un objet de plaisir artistique, on soutient qu’elle ne s’offre pas ou très peu à la critique. Par conséquent, le jugement esthétique, s’il existe, reste très limité. Dans la mesure où les règles de création ne sont pas connues par le grand public, la critique paraît, du même coup, vaine car il est impossible pour le profane de savoir si, oui ou non, l’œuvre produite est conforme aux critères de production. La différence entre l’esthétique africaine et l’esthétique occidentale est exprimée, nous dit Lucien Stephan, par l’emploi de « critique » au lieu d’« esthétique » [27]. Cette préférence est justifiée par la convenance entre la méthode employée par les fonctionnalistes et la notion occidentale de critique artistique. Ces derniers réunissent des évaluations sélectives, soit libres, soit suscitées.

Un ensemble d’objets étant donné, ils examinent les préférences des Africains [28], expliquent pourquoi ils préfèrent tel objet à tel autre. Ils leur demandent de les classer par ordre de préférence. L’enquêteur va tenir compte des accords ou des désaccords entre ces préférences. C’est dans les réponses que se révèlent les critères de choix exprimés. L’analyse commence avec l’interprétation et l’explication de ces critères par l’ethnologue. Leur ensemble constitue le canon, ou l’esthétique du style étudié [29].

La critique est l’activité qui juge des œuvres d’art singulières, affirme ou nie leur valeur, opérant sur elles des différenciations de valeur. Mais l’esthétique se distingue de la critique en ce qu’elle cherche les critères sur lesquels se fondent les jugements de valeur critiques. Elle ne prononce pas elle-même de tels jugements de valeur, mais les prend pour des données dont il faut chercher les principes ou les mentionne simplement à titre d’exemples. Elle est donc générale et plus abstraite que la critique.

Une fois posée cette distinction entre esthétique et critique, il est clair que ce qu’observent, interprètent et reconstituent les ethnologues s’apparente beaucoup plus à la critique qu’à l’esthétique.

« Toutes les sociétés sont plasticiennes » : la critique plasticienne, comme catégorie esthétique, est très liée à l’homme. Par l’art et la réflexion critique, l’oralité intègre une dimension culturelle. En Afrique, l’histoire des arts dévoile des enseignements sur des choses qu’on croyait enfouies. Ces enseignements se pratiquent dans le système éducatif où l’on découvre la force d’une organisation sociopolitique : « On apprend par la vie de tous les jours ce qui constitue les piliers de la culture et les mécanismes pour forger soi-même ses propres modes de réactions, face à toute question nouvelle » [30].

Cette école de la vie nous permet d’exprimer librement nos pensées, nos observations et nos critiques. William Fagg raconte l’histoire du sculpteur yoruba qui critiquait « – avec juste raison – le travail d’un autre, parce que la tête de ses statuettes était trop grosse par rapport au corps » [31]. Il y a là un fondement esthétique de la critique qui est faite sur la statuette et le « sculpteur-critique » propose des corrections « à partir de l’idée d’équilibre ». À côté des œuvres fidèles aux canons de la critique, l’artiste peut aussi exprimer son individualité, choisir ce qui répond à sa marque esthétique.

La variété des supports et du matériau dans la sculpture sont également des éléments importants dans la création puisqu’ils interviennent dans l’expressivité du signe plastique. De même, l’usage du bois ou de la pierre, du quartz ou du granit, du basalte « est une option technique » et l’habileté dans le travail de ces différents matériaux « est une preuve de la maîtrise de techniques, ayant permis de laisser à la postérité ces sculptures aux traits de visages expressifs » [32]. Il y a là la présence d’une critique qui est au fondement même de l’évolution de l’esthétique en Afrique. Cette critique est création, recherche plastique constante, fréquentation assidue des chemins de la création. Iba Ndiaye Diadji identifie trois acteurs de la critique d’art dans les sociétés africaines. Le premier, c’est d’abord le public :

« L’observateur qui fréquente assidûment des spectacles de danse sera témoin, plus d’une fois des reproches, des critiques (par le regard, par le geste et par le refus de continuer la danse) du danseur ou de la danseuse face au tambour-major lorsque la rythmique est faussée. Et souvent le public présent donne raison au danseur-critique par des murmures, voire des cris de désapprobation en direction de l’orchestre des percussions, obligé dans bien des cas de réajuster l’harmonie » [33].

Ce qui veut dire donc que le public est éduqué par les mêmes expériences qui permettent à l’artiste de créer et au critique d’apprécier. Mais ce n’est pas n’importe quel danseur ou observateur qui peut avoir cette oreille musicale pour faire corriger les fausses notes.

Le griot est le second acteur de cette critique. Il est à la fois poète, chanteur, musicien et grand danseur. De par son expérience, il a la capacité de mesurer le rythme en musique, de repérer un faux pas en danse, de déchiffrer le verbe, de maîtriser le poids des mots et la force des images. Sa critique « porte sur la connaissance précise du patrimoine, sur l’art de la parole, enfin sur la virtuosité musicale… » [34]. Elle repose donc sur des valeurs culturelles qui considèrent la plasticité comme un véhicule majeur pour la communication. Comme tout critique, il a un sens élevé de l’écoute et de l’observation.

Le troisième et dernier acteur de la critique plasticienne est le sorcier, féticheur ou guérisseur traditionnel. Il a des fonctions sociales et religieuses qui portent sur ses capacités d’artiste concepteur de symboles, et celles de critique exégète des non-dits de la Nature et des Dieux. Puisqu’il s’occupe de l’irrationnel, du spirituel et du sacré, on pourrait penser que son domaine d’intervention est complètement antinomique à celui du critique d’art, soucieux de repères concrets pour faire partager ses points de vue. Mais en réalité, son sens critique est « constamment en éveil pour que les lignes sculptées correspondent aux mesures de l’esprit qui doit habiter le morceau d’ivoire ou de bois choisi » [35].

Il a reçu une formation solide, une attention soutenue aux faits et aux gestes du groupe et aux relations entre l’homme et son environnement : ses observations, ses avis et ses conclusions sont donc suivis de tels supports concrets, que l’irrationnel s’installe facilement comme faisant partie du réel au quotidien. Comme le critique d’art, il a une fréquentation régulière des préoccupations (sociales, religieuses, politiques, esthétiques, économiques) de ses contemporains ; ce qui lui permet de pouvoir interpréter leurs fantasmes, leurs peines, leurs cauchemars, leur joie. Son autorité vient de l’approbation que suscitent ses critiques et conseils.

Que ce soit donc le griot ou le sorcier, il y a toujours à la base de leurs pratiques, nous dit Iba Ndiaye Diadji, une réflexion critique doublée de choix plastiques précis pour assurer une correcte communication avec l’autre. À côté de ces deux personnages, Iba Ndiaye Diadji évoque le cas du forgeron et du cordonnier qui ont en commun d’être artiste-créateur de formes : le premier pour les bijoux et les outils techniques, le second pour les formes de chaussures, amulettes ou autres outils en cuir. Tous les deux sont crédités de pouvoirs mystiques leur permettant de communiquer avec des forces supérieures pour créer des signes et interpréter leur sens.

Tous ces acteurs de la critique plasticienne (public, griot, sorcier, forgeron, cordonnier, etc.) « ont incontestablement par leurs questionnements et leurs réponses fait accepter des formes, des significations, parfois des doutes sur tel fait de la Nature ou telle création de l’esprit » [36].

  1. LES ARTISTES AFRICAINS A L’ERE DU NUMERIQUE

L’esthétique de la plasticité concerne aussi les arts numériques. Le critique d’art sénégalais scientise ainsi l’art africain : « La science en général et le numérique en particulier, dans la création artistique, ne sont donc pas que de banales conséquences des progrès de l’humanité. Ils annoncent plutôt l’avènement d’une ère qui bouscule bien des certitudes » [37]. Il reste convaincu que « l’ère technologique peut conforter les civilisations nègres dans la pertinence de leurs choix originels : placer l’homme au centre de l’univers comme seul pouvoir, pour transformer la nature » [38]. À travers ces propos, Iba Ndiaye Diadji invite donc les artistes africains à être au rendez-vous de ce XXIe siècle qui sera dominé par les nouvelles technologies.

La technologie et le numérique deviennent de plus en plus des supports de création. C’est en 1998, à travers la Biennale de Dakar, qu’on a commencé à sentir un intérêt pour l’outil numérique dans les arts africains. Et la Biennale des arts de Dakar a intégré depuis lors le développement de projets numériques. Cette Biennale accorde maintenant une place particulière aux arts numériques et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Elle offre en effet une proportion importante d’œuvres faisant appel à un certain niveau de technicité, depuis l’usage de la vidéo jusqu’à la création numérique. Elle s’est par ailleurs dotée d’un laboratoire des arts et technologies, Dakar_Lab, visant à mettre en relation informaticiens et artistes. Il y a un impact grandissant des nouvelles technologies dans la création contemporaine africaine. De plus en plus des artistes africains travaillent avec les outils numériques.

On appelle numérique toute image qui va être codifiée, c’est-à-dire lisible à l’aide d’un outil dit numérique. Pour la vidéo, il y a deux types de supports. Il y a évidemment la VHS, mais il y a aussi les caméras numériques. Dès lors, les œuvres ainsi réalisées peuvent prétendre au label d’art numérique. Les artistes sont porteurs de projets qu’ils vont développer. Avec le numérique, l’artiste peut faire de la projection mais il peut avoir également du son. Les arts numériques permettent de créer des alliances entre des plasticiens et des technologues, d’aller à la croisée des chemins artistiques, de susciter des envies de création.

Le terme d’art numérique contient un large éventail de créations, qui va des installations et sites Internet de nature artistique aux vidéos numériques. Mais compte tenu du manque de familiarité avec cette forme d’art en raison de l’insuffisance des ressources et du phénomène d’exclusion résultant de la fracture numérique, il convient d’étendre le champ de sa définition. Il s’applique plus largement aux pratiques pouvant allier numérique et art : conception assistée par ordinateur, vidéo, film, animation image par image, photographie numérique et expériences sur des logiciels ou du matériel de création numérique sont autant de possibilités utilisées dans l’art numérique en Afrique. Le terme est donc utilisé pour classer et définir les formes d’art (plastique, textuel, sonore, performance) qui nécessitent l’emploi d’un ordinateur ou des technologies numériques pour la production d’une œuvre. Mais quelles sont les modalités d’émergence d’un art africain centré sur l’Internet ? Quelles sont les formes d’exposition et de réception imaginées en Afrique ?

Depuis les années 1990, Internet bouscule les formes de création et de diffusion de l’art contemporain. Dans le même temps, le « travail artistique », plus collectif et interdisciplinaire, préfigure de nouveaux usages de l’Internet. Avec le Net art, on assiste à une création collective où artistes et informaticiens interviennent ensemble. Le suivi de l’œuvre, de la disposition et de l’exposition du Net art, permet de voir la constitution de projets à dimensions multiples – programmes, interfaces, images, dispositifs – dont les enjeux relationnels renouvellent les rapports entre art, technique et société. Il y a ainsi une multiplication des fragments du travail artistique.

Les arts numériques sont devenus un champ très fécond dans la création artistique africaine contemporaine. Les arts africains contemporains sont aujourd’hui entourés de toutes parts de l’autorité de la science et des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les artistes africains se tournent en effet de plus en plus vers un futur artistique construit par les nouvelles technologies.

S’il y a un tel engouement pour les arts numériques, c’est parce que les innovations technologiques sont aujourd’hui porteuses de progrès. Dorénavant pour se développer, les cultures doivent s’enrichir de leurs différences pour converger vers l’universel. Elles ne peuvent plus être séparées par des frontières étanches. Les hommes se communiquent leurs idées, leurs sentiments, leurs techniques par des moyens qui ignorent les distances et Internet devient un outil favorable pour les échanges culturels.

Les artistes utilisent de plus en plus Internet comme lieu virtuel d’exposition de leur art et comme mode de communication avec la communauté artistique internationale. C’est qu’Internet, comme les autres médias, presse et télévision, constitue aussi un réservoir d’images et d’informations disponibles. Il permet aux artistes internautes africains de développer de nouveaux réseaux artistiques et de produire des projets aussi bien dans leur conception que dans leur diffusion. De célèbres artistes ont fait du numérique un support et un outil de communication. La Sénégalaise Anta Germaine Gaye (avec la recherche d’effets à partir d’une tentative de domestication de l’électricité), le Marocain Mounir Fatmi (dans son installation Liaisons et Déplacement), son compatriote Hassan Darsi (avec la présentation d’un Cube fonctionnant à l’aide d’un dispositif électrique) et la Sud-Africaine Bernadette Searle (avec son installation Sans titre où l’éclairage fait scintiller les images), tous ont le mérite d’innover. L’œuvre aurait pu être signée d’un nom portugais, japonais, allemand ou chinois et l’œuvre aurait gardé le même aspect. Ces œuvres ne sont pas créées « pour un seul public, mais pour tous les hommes qui voient le symbole de la communication et des échanges transfrontières à travers ces câbles de plusieurs dimensions » [39]. On peut aussi citer les créations du Camerounais Goddy Leye avec ses productions de vidéos réalisées en home cinéma et aux effets spéciaux dus possibilités du montage numérique, du Sénégalais Sidy Seck avec ses computers obsolètes récupérés ou sa compatriote Fatou Kandé Senghor qui associe musique, voix, images numérisées, documentaires vidéos.

Il y a là des exemples édifiants sur les changements dans l’identité des arts africains. Iba Ndiaye Diadji, qui appelait d’ailleurs à une africanité des arts africains reconnaît que les artistes du continent ne peuvent pas faire autrement puisque l’art se conjugue de plus en plus avec la science. On ne peut leur reprocher de n’avoir pas puisé dans le fonds propre de leurs pays et de leurs cultures les formes et les contenus qu’ils ont mis dans leurs œuvres grâce aux nouvelles technologies. Personne ne peut dire que ce qu’ils ont créé n’est pas « leur être réel » ou « l’expression de leur désir de communiquer artistiquement ». La composition mixte en installation n’est pas une propriété exclusive de l’Occident. Selon Iba Ndiaye Diadji, les artistes africains doivent s’imprégner des arts numériques, non pas pour qu’ils deviennent des artistes numériques, mais pour qu’ils scientisent leur création. Pour être hommes et africains de leur temps. Et la critique d’art devra utiliser une conceptualisation appropriée. Car à l’heure « où les champs de la créativité s’élargissent autour du technologique, où les supports deviennent virtuels, où le discours classique est infirme pour nommer ce qui est », le critique d’art ne peut plus continuer de parler vrai avec les mots usés de Hegel, Kant, Nietzsche. En d’autres termes, l’art du numérique appelle une critique du numérique, une contemplation et une jouissance de l’électronique, un sublime technologique. Les arts numériques vont certainement obliger les Africains à repenser les comportements et les théories de l’art en ce sens qu’ils offrent de nouvelles formes de réception. Mais que l’on ne se trompe pas. Mettre l’Afrique à l’ère des nouvelles technologies « est une question fondamentalement politique. Moins les Etats africains consentiront à faire des investissements dans ce domaine, plus l’écart se creusera avec le monde moderne » [40].

Mais les artistes africains conserveront-ils leur africanité avec ce nouveau tournant de l’art ? L’arrivée du numérique ne résulte t-elle pas d’une nouvelle forme de colonisation de l’art et des territoires africains ? Peut-on poser la question d’une éventuelle africanité numérisée ?

Des manifestations comme la Biennale de Dakar posent d’importantes questions d’ordre culturel. Tout d’abord, il faut dire que les nouvelles technologies posent à l’art le défi de nouveaux outils et de nouveaux discours. Certaines critiques insistent sur l’aliénation culturelle qu’impliquerait l’usage d’outils incarnant la domination technologique occidentale. Mais au-delà de ces problèmes techniques, esthétiques ou identitaires, il faut aussi souligner que cette question des nouvelles technologies est posée sur un cadre où se conjuguent mondialisation et développement. Des expressions comme village global ou autoroutes de l’information montrent que l’information circule partout et que l’espace et le temps sont anéantis par la magie de l’électronique. Les nouvelles technologies font de nous des acteurs universels. Les pratiques artistiques africaines doivent donc évoluer vers de nouveaux territoires. Selon Iba Ndiaye Diadji, « l’art numérique africain par les Africains pour les Africains et pour l’Homme est bien du domaine du possible si la question culturelle en Afrique n’est pas réduite à une copie de ce qui se fait ailleurs, ou à un pur émerveillement face aux progrès des sciences et des technologies » [41]. La volonté de l’Afrique de développer ses infrastructures et de produire ses propres contenus est incontestablement légitime. Mais les effets de la mondialisation doivent « être réellement pris en charge, moins à partir du rappel de la présence quantifiée de l’Afrique dans le commerce mondial, que de la conscience de la place qui doit être la sienne dans le phénomène de la mondialisation » [42].

L’appel à des technologies avancées lors de cette biennale de Dakar ne fait qu’entraîner un résultat inverse de celui initialement recherché. Car plutôt que d’appréhender la place réelle de l’Afrique dans la mondialisation – et notamment dans le monde global de l’art -, on ne fait que réduire les artistes à de simples représentants de promotion des nouvelles technologies en Afrique.

Dak’Art est souvent considéré comme la vitrine de l’art contemporain sur le continent. Mais, compte tenu de son statut d’objet culturel gouvernemental et de l’action soutenue de l’État, en faveur des nouvelles technologies, on peut se demander si cette vitrine n’est pas réellement instrumentalisée pour servir d’autres fins qu’un simple rendez-vous des artistes plasticiens négro-africains. On peut en effet se poser la question de savoir si les artistes ne sont pas utilisés pour montrer que l’Afrique est à la hauteur du défi que posent la mondialisation et les nouvelles technologies. Or la question n’est pas de savoir si l’Afrique peut ou non relever ce défi, mais si la Biennale est le lieu le plus adapté pour relever le défi de la mondialisation des arts africains. L’autre aspect du problème qu’il faut savoir, c’est que si la Biennale favorise une création artistique réalisée avec l’usage de techniques onéreuses, elle ne fera qu’avantager les artistes de la diaspora pour lesquels l’accès à ces outils est plus facile que pour leurs homologues du continent.

Massamba Mbaye, dans son article « Iba Ndiaye Diadji. Le héraut d’une civilisation plasticienne » (2004 : in Cahier Critique n°59), affirme le « caractère pléonastique du concept « d’esthétique de la plasticité » et les « développements essentialistes » d’Iba Ndiaye Diadji. Selon lui, pour généreuses qu’elles soient, les positions du critique d’art sénégalais « procèdent pour beaucoup d’un « militantisme esthétique » ». Il cite un passage de Créer l’art des Africains : « L’art est fondamentalement éthique dans la mesure où, chez tout artiste véritable (sic), le plaisir d’exprimer le piment de ses entrailles ou les mélodies de son cœur pour offrir du plaisir à d’autres intimités humaines, est au-dessus de tout » [43]. Or pour Massamba Mbaye, « l’art ne se confond point à l’hédonisme ». Ce qui le pousse à conclure que l’esthétique d’Iba Ndiaye Diadji est une esthétique « de combat », un combat pour la reconnaissance de l’humaine dignité du Négro-africain.

Pour nous, la tâche première de l’esthétique africaine n’est pas de chercher une théorie mais d’élucider le concept d’art africain. Plus précisément, elle est de décrire les conditions sous lesquelles nous pouvons employer correctement ce concept. Et c’est exactement ce que fait Iba Ndiaye Diadji en décrivant l’art africain dans la mixité transversale de l’art proprement dit et dans toutes ses formes mais aussi de la science et de la technique.

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[1] Université de Rouen, département de Philosophie/ÉRAC

[2] MBAYE, Massamba, « Iba Ndiaye Diadji. Le héraut d’une civilisation plasticienne », in Cahier Critique n°59

[3] Cf. NDIAYE, Iba Diadji, L’impossible art africain, Dakar, Dëkkando, 2002.

[4] NDIAYE, Iba Diadji, p.31.

[5] Ibid., p.58-59.

[6] Voir à ce propos Cheikh anta DIOP, L’unité culturelle de l’Afrique Noire, Paris, Présence Africaine, 1960.

[7] Voir son article « Changer le regard sur l’Afrique », in Médianes, n°10, juillet 1998, p.10-12.

[8] Voir son ouvrage L’impossible art africain, op. cit.

[9] NDIAYE, Iba Diadji, p.11.

[10] Ibid., p.34.

[11] NDIAYE, Iba Diadji., p.43.

 

[12] On peut prendre comme exemple Xala, Le mandat et Guelwaar, des romans portés à l’écran par l’auteur lui-même devenu cinéaste.

[13] 12 NDIAYE, Iba Diadji, op. cit.

[14] NDIAYE, Iba Diadji, p.43.

[15] Ibid., p.43.

[16] Ibid., p.44.

[17] Ibid., p.45

[18] Ibid., p.29.

[19] MATESO, Locha cité par Iba Diadji NDIAYE, La critique d’art en Afrique. Repères esthétiques pour lire l’art africain, L’Harmattan, 2007, p. 18.

[20] HOUNTONDJI, Paulin-J., cité par Iba Diadji NDIAYE, op. cit. p.33.

[21] NDIAYE, Iba Diadji, op. cit., p.17.18.

[22] NDIAYE, Iba Diadji, p.19.

[23] LAUDE, Jean, Les arts d’Afrique noire, Paris, Librairie Générale française, 1966, p.251..

[24] NDIAYE, Iba Diadji, La critique d’art en Afrique. Repères esthétiques pour lire l’art africain, L’Harmattan, 2007, p.22.

[25] Ibid., p.22.

[26] NDIAYE, Iba Diadji, p.26.

[27] STEPHAN, Lucien, « La sculpture africaine, essai d’esthétique comparée », in L’art africain, Paris, Eds Mazenod, 1988, p.277.

[28] Voir, CROWLEY, Daniel J., 1973 et 1971 ; BASCOM, William, 1973.

[29] Voir THOMPSON, Robert Farris, « Yoruba artistic criticism », in The Traditional Artist in African societies, edited by Warren L. D’azevedo, Bloomington et Londres, 1973, p.18-61 ; FERNANDEZ, James W., « Principes of opposition and vitality in Fang aesthetics”, in Art and aesthetics in primitive societies, edited by Carol F. Jopling, New York, 1971, p. 356-373

[30] NDIAYE, Iba Diadji, Qui a besoin de la critique d’art en Afrique – et ailleurs, L’Harmattan, 2006, p.56.

[31] Cité par LAUDE, Jean, Les arts de l’Afrique noire, Librairie Générale Française, 1966, p.145.

 

[32] LAUDE, Jean, Les arts de l’Afrique noire.

[33] NDIAYE, Iba Diadji, Qui a besoin de la critique d’art en Afrique – et ailleurs, op.cit., p.60.

[34] KESTELOOT, Lilyan, cité par Iba Ndiaye Diadji, op. cit., p.62.

[35] NDIAYE, Iba Diadji, p. 64.

[36] NDIAYE, Iba Diadji., p.66.

[37] Impossible art africain, p. 95.

[38] Créer l’art des Africains p. 136.

[39] NDIAYE, Iba Diadji, L’impossible art africain, p.88.

[40] NDIAYE, Iba Diadji, L’impossible art africain, p. 96.

[41] NDIAYE, Iba Diadji, « Mutations disciplinaires dans les arts et les champs de créativité : le cas des arts africains », Actes du colloque ISEA, 2000.

[42] DIAW, Aminata, citée par Stéphane Eliard dans « DAK’ART 2004, vitrine des NTIC ? », article publié le 15/09/2004 sur Internet sur le lien http://www.africultures.com/index.a….

[43] 42 NDIAYE, Iba Diadji, Créer l’art des Africains, p. 113.