Notes de lecture

LE ZOUGLOU POUR ET CONTRE UNE CONSCIENCE DIALECTALE

LE ZOUGLOU POUR ET CONTRE UNE CONSCIENCE DIALECTALE : JEUX ET ENJEUX DES CHOIX LANGAGIERS DANS LA POÉSIE URBAINE DE CÔTE D’IVOIRE

 

Éthiopiquesn°90.

Littérature, philosophie et art

Penser et représenter l’ethnie, la région, la nation

1er semestre 2013

 

Marie-Clémence ADOM [1]

 

Sans doute parce que le mouvement naît à un moment de l’histoire où, face à la crise économique et politique, les Ivoiriens se posent la question des choix sur lesquels la nouvelle République indépendante a fondé son développement, le zouglou, musique urbaine de Côte d’Ivoire, porte en lui de façon viscérale la question de l’identité. Ou alors est-ce parce que la révolution urbaine qui a suivi les premières années des indépendances a favorisé un multiculturalisme de surface, qui n’est pas parvenu à niveler un ethnocentrisme qui est allé s’exacerbant, doublé d’une certaine forme de chauvinisme.

Parce que, vraisemblablement, il prospère en grande partie dans un climat de guerre civile larvée et de relatif isolement politique du pays (par rapport à l’ancienne puissance coloniale, mais aussi par rapport à des pays voisins accusés de participer à la déstabilisation), le zouglou inscrit au cœur de sa production, voire dans ses fondations, le triptyque ethnie, région, nation comme fondement de toute la capacité de création et d’intervention sociale du mouvement.

Si l’idée de nation n’est pas qu’une question de langue, il n’en demeure pas moins que ce dernier révèle et/ou pose la problématique de l’identité qui, dans le zouglou, se manifeste et se révèle principalement dans les choix langagiers et artistiques opérés par les artistes.

Encouragée et aidée en cela par un appareil médiatique qui inscrit ouvertement dans ses objectifs de promotion la négation de toute forme de régionalisme, d’où qu’elle provienne, la jeune génération zouglou énonce comme règle de départ que les chants ne doivent pas avoir d’ancrage identitaire ethnique ou régional. Les raisons invoquées pour justifier un tel choix tiennent, selon les praticiens, à l’échec du rayonnement des générations précédentes et à la volonté de s’inscrire dans l’optique d’une création nationale qui n’exclurait personne.

Ces options, même si elles peuvent paraître arbitraires et infondées, témoignent d’une réalité : celle d’un groupe qui, voulant se constituer en communauté homogène, s’attache à gommer la pluralité ethnique et culturelle qui est pourtant son marqueur premier (la Côte d’Ivoire est une constellation de soixante ethnies réparties dans cinq grands groupes).

Tel est donc le substrat sur lequel germe le zouglou. Il ressort que si cette option de départ est une conséquence de l’environnement dans lequel naît et prospère le genre, elle participe et relève aussi à la fois de son positionnement.

 

  1. PREMIERS PAS, PREMIÈRES LANGUES : ZOUGLOU ET NOUCHI /VS INSÉCURITÉ

Lorsqu’il naît à la cité universitaire de Yopougon [2], le zouglou retient l’attention autant par le contenu subversif de son discours que par la langue qui le sert. Outre le lexique, qui s’appuie sur des images empruntées et servies par le milieu universitaire, ces chansons, surtout quand le mouvement s’étendra à la rue pour devenir un phénomène national et populaire, vont progressivement intégrer en leur sein les formes du français parlé dans les quartiers défavorisés. Au fil du temps, le nouchi va s’imposer comme langue naturelle du zouglou avec qui il partage le même positionnement.

Il convient, pour comprendre ce rapport, de revisiter les contextes respectifs de leurs naissances, les milieux dans lesquels ces phénomènes ont pris corps.

Dans les années 70, se développe en Côte d’Ivoire ce qu’il était alors convenu d’appeler le français de Moussa. Révélé par le truchement de l’hebdomadaire d’information Ivoire Dimanche, il illustre la façon dont, s’appuyant sur leur langue maternelle, les non alphabétisés tentaient d’intégrer un système linguistique qui, par le commerce qu’ils entretiennent désormais avec des individus venus de divers horizons nationaux ou de la sous-région, s’impose à eux, dans le cadre particulier d’une nation en train de se construire.

Vers les années 80, apparaît une autre forme d’expression qui procède par intégration dans le discours, de bribes de mots récupérés et puisés dans les grands courants linguistiques nationaux, auxquels s’ajoutent des emprunts au français et à l’anglais. Graduellement, ce langage, d’abord appelé français populaire ivoirien (fpi), puis français populaire d’Abidjan (fpa), va s’enrichir. Construit à partir d’onomatopées, de métaphores ou de verlan, il se nourrit également d’actualité et de faits de société.

Vers la fin de la décennie, récupérée par les jeunes, il devient une langue cryptée, le nouchi, qui se distingue des formes précédentes par le fait que cette dernière, contrairement aux autres, ne s’est pas limitée à l’élaboration d’un réseau lexicographique dans lequel des usagers puiseraient en cas de besoin ou de défaillance du système officiel. En effet, on assiste de plus en plus aujourd’hui à l’établissement de « règles » plus ou moins permanentes et dont la combinaison permet de produire une infinité d’énoncés, sans qu’un seul mot de la langue française (mais aussi, bien souvent, des langues locales) y soit à sa place ou garde son intégrité lexicale, grammaticale, etc. L’extrême mobilité et la permanence d’une attitude de déconstruction / réorganisation systématique qui caractérisent ce parler seraient légitimées par l’historicité qui fonde ce mode d’expression.

 

Le nouchi, langue politique, langue poétique

 

Le mot nouchi tire son origine du nom composé « nou chi » (littéralement, les poils du nez), qui désigne la moustache en langue dioula, l’utilisation de cette lexie se faisant par référence aux brutes et autres individus qui, dans les films western, se caractérisaient par une extrême barbarie. Antihéros par excellence, ces personnages odieux et antipathiques étaient alors reconnaissables à la moustache qu’ils arboraient avec plus ou moins de panache. Le transfert en nouchi en fait l’élément de désignation de tous les petits caïds et autres bagarreurs de quartier. Par extension, le terme sera utilisé pour désigner le désœuvré, l’enfant de la rue, qui se livre à des larcins de plus ou moins grande importance. Un nouchi, c’est donc un enfant des bas-quartiers vivant dans la rue, un petit délinquant. Avec le temps, ce terme, qui désigne ces jeunes, leur identité, leur place dans le tissu social, va s’étendre pour désigner aussi leur expression, inhérente à l’environnement dans lequel ils évoluent. Ni français de Moussa (c’est celui de ceux qui, parce que n’ayant jamais été à l’école, n’ont de la langue française aucune connaissance théorique), ni français académique (le niveau intellectuel de ces jeunes ne le leur permet pas toujours), il est un amalgame de la langue conventionnelle et des multiples langues nationales de Côte d’Ivoire, doublées de néologismes et autres inventions syntaxiques.

D’emblée, il apparaît que ce langage révèle à la fois le décentrement de ces jeunes, la nécessité qu’ils ont de s’intégrer dans le système en place et de s’y faire admettre, à défaut de s’y faire reconnaître et accepter, et enfin l’impossibilité de cette alternative en l’état actuel des choses.

D’autre part, c’est un élément d’identification et de démarcation par rapport à l’autre versant de la société. Il affirme comme une volonté de son usager de se constituer en sujet ayant une emprise sur la langue qu’il pratique et, par elle, sur l’environnement dans lequel il évolue.

Une autre version affirme en effet que ce terme aurait été trouvé par ces mêmes petits pour marquer leur défiance vis-à-vis d’une société qui, après les avoir exclus, se méfie d’eux. Nouchi serait alors la contraction extrême de la phrase suivante : « nous chions sur vous », ou « nous chier », par laquelle ces jeunes clament haut leur mépris pour un système qui les opprime et que, en réaction, ils rejettent. Socio-langue ou socio-culture, le nouchi se pose en instrument de combat pour la reconquête, par ces jeunes, d’un pouvoir qui leur aurait été ravi par le cours des événements. Langue politique, au sens où elle contribue et constitue en elle-même un mode de gestion et d’organisation de la vie sociale, le nouchi se caractérise aujourd’hui par une élaboration croissante des procédés de création. Française, et pourtant fonctionnant par la déstructuration permanente de celle-ci, langue nationale sans l’être vraiment, langue multi-régionale… plus qu’un simple véhicule de la pensée, le nouchi est en fait une non langue régie par une rhétorique instinctive et pratique qui semble avoir pour visée fondamentale de soustraire le message à une certaine catégorie de personnes.

Le mot zouglou, lui, est un terme polysémique qui, selon la version la plus usitée, désigne un tas d’ordures en langue baoulé. L’expression aurait été reversée dans le milieu universitaire pour signifier l’état de promiscuité dans lequel vivaient les étudiants de la fin des années 80 : entassés les uns sur les autres à six ou sept dans des chambres prévues pour deux, dans des amphithéâtres surchargés et des cars de transport bondés, telles sont les difficultés récurrentes qui animent la vie en cité universitaire et que « Gboglo Koffi » [3], la chanson-manifeste du mouvement, révèlera au grand jour [4].

On découvre ainsi deux pratiques, différentes, mais marquées par la même problématique identitaire : zouglou et nouchi se réclament d’une marginalité, voulue ou de fait, et sont régis par un ensemble de sèmes communs, au rang desquels la volonté de se fédérer autour d’une langue qui n’est pas celle du « système » s’inscrit comme l’élément fondamental de la création.

Pour le zouglou, le nouchi se présente comme l’outil par excellence de la sécurité, tant qu’il permet, par le voile que jette la langue sur certains discours, de passer à travers les mailles de la censure d’État.

Pour le nouchi, les emprunts réalisés par le zouglou participent d’une sorte de démocratisation qui, si elle le sort des ghettos pour l’insérer dans une légitimité, l’oblige aussi sans cesse à revoir et à réajuster son lexique pour sauvegarder dans un anticonformisme dont il apparaît qu’elle est au moins tout aussi résolue que celle du zouglou.

En agissant ainsi, nouchi et zouglou tracent clairement une frontière entre un « eux » (le pouvoir et tous ceux qui sont dans le système), et un « nous » visiblement doté d’une personnalité et d’une culture citoyenne. En effet, le principe civique qui définit le citoyen se veut universel dans le sens où ce dernier est considéré comme un sujet de droit dont on ignore toute forme de particularisme ethnique ou culturel, au profit d’un communautarisme où prévaut l’idéologie de la liberté et de l’égalité. Toutefois, tout homme ayant aussi besoin d’exprimer librement son identité et son authenticité en tant que membre d’une culture spécifique, les citoyens demeurent en réalité des individus ayant des caractéristiques sociales et historiques qui les poussent à préserver, à transmettre et à valoriser leur culture particulière.

 

Entre rejet et réappropriation, la culture citoyenne selon le zouglou

 

Dans le zouglou autant que dans le nouchi, le groupe ethnique, en tant qu’il se caractérise par le partage d’une langue propre à un espace spécifiquement régional, se pose comme l’objet fondamental du rejet. Partant, on est en droit de penser que, reniant ce principe – la langue et le territoire qui, au-delà de l’aspect géographique, renferme l’idée de l’origine mythique et des pratiques culturelles d’un groupe donné –, l’artiste zouglou renie aussi son contenu, à savoir son folklore, dont ils sont les éléments fondateurs. A la vérité, il n’en est rien. La revendication d’un folklore présenté comme partie intégrante du patrimoine national s’avère être le terreau sur lequel tous les artistes zouglou, sans exception, affirment inscrire leurs productions.

Telle attitude porterait à croire que, récupérant le folklore, les artistes zouglou renient leurs premiers choix. Contre toute attente, alors même qu’il refuse tout marquage ethno-régionaliste, le zouglou semble ne pas pouvoir se construire en dehors de ce qui en réalité est le terreau d’où il a émergé.

L’histoire révèle, en effet, que le mouvement s’est construit en grande partie sur les cendres des artistes néo-oralistes autrefois invités des villages vers les villes pour animer les événements marquants de la vie sociale (mariages, baptêmes et surtout funérailles) [5]. Ce serait leur pratique et leur art qui insufflent au zouglou cette manière de chanter, la composition du groupe musical et le rapport au public. Aujourd’hui encore, le constat est révélateur : on observe, sur la grande majorité des albums, la présence presque systématique d’une section « folklore traditionnel » qui entreprend, soit de revisiter en les travestissant les œuvres de chanteurs néo-oralistes, auxquelles ils adjoignent de nouvelles paroles, soit de reprendre entièrement et en l’état des chansons traditionnelles. Ainsi donc, après avoir rejeté de leur univers les éléments qui permettent au folklore de s’exprimer, on retrouve les chanteurs zouglou recherchant dans le même univers culturel les éléments de leur expression. Un peu comme si, s’étant aperçu du vide culturel inhérent à leur identité, ceux-ci cherchaient à se donner une antiquité civilisationnelle.

Et même si, bien souvent, ces chansons traditionnelles sont le lieu où le chanteur zouglou trahit son origine géoculturelle, on se rend vite compte que la récupération se fait tous azimuts, et que, surtout, ces auteurs collectent çà et là des techniques et rythmes traditionnels de tous bords, pour peu qu’ils en aient une appréhension qui permette de l’intégrer en totalité ou en partie dans les productions zouglou. Ces œuvres se caractérisent ainsi par une esthétique de la récupération et du collage qui, parce qu’elle ouvre ces pratiques à des formes diverses et variées, enrichit la matière en lui donnant l’opacité qui fonde le discours littéraire.

Au-delà des particularités culturelles et ethniques qu’elle met en lumière, la convocation du folklore dans le zouglou vise plutôt à casser le monopole qu’une région pourrait exercer sur ce qu’elle considère comme relevant de son patrimoine propre. S’exprimant la plupart du temps dans des langues qui ne sont pas les leurs, ces chanteurs puisent les ressources de leur expression dans des ères culturelles dont ils ne sont pas forcément, modulant alors chaque héritage collectif en une série de variations qui, peu à peu, construisent leur citoyenneté, leur nationalité. Ces chansons empruntées au folklore expriment à chaque fois une « Ivoirité » particulière, dans laquelle chacun à son niveau se reconnaît et se retrouve. De là, sans doute, émane l’engouement populaire suscité par le mouvement.

Plus que les raisons qui conduisent à ces choix, ces pratiques mettent surtout en lumière une caractéristique fondamentale révélée par le traitement infligé aux différentes langues y mises en jeu. L’intérêt de l’analyse réside dans l’examen des modes d’entrée en action de ces langues dans le discours.

 

  1. CODE SWITCHING, VARIATIONS DIASTRATIQUES, PÉRÉGRINISME : PORTÉE DE L’ALTERNANCE CODIQUE DANS LE ZOUGLOU

Axelle Beth et Elsa Marpeau définissent le pérégrinisme, qu’elles rangent dans la classe des figures de mots, comme « un procédé qui fait appel à certains aspects d’une langue étrangère : mots partiellement ou totalement empruntés, formes syntaxiques importées (…), induisant une signification, c’est-à-dire un signifié et/ou une connotation différente » [6].

Dans le zouglou, eu égard à la façon dont se fait l’intégration des mots issus d’une langue étrangère différente du français considéré ici comme langue de base, le pérégrinisme serait à prendre comme l’équivalent syntaxique de la parataxe. Procédant par la juxtaposition d’éléments de lexique ou de phrases étrangères, ces derniers sont glissés dans le discours sans que n’y apparaisse aucun indice susceptible d’annoncer ce déplacement.

 

Extrait :

 

Si tu veux pas te faire coquer

Alors ne joue pas à l’âne

Zaibo Jay

Devant Marcory gasoil

Je croise une pétini go

La go est kpata [7]

Elle a le stai-lé [8]

Devant Marcory gasoil

Je croise une pétini go

La go est kpata dèh

Elle a le stai-lé

Petite sœur comment on fait

La go me dit

Qu’elle fait en vin mousseux

(…)

Voilà qu’on était dans les dafralis [9]

Je dis dans les kohoulis [10]

C’est là j’ai pris mon dahico [11]

Petite sœur comment on fait

Elle est djaouli [12]

Pour qu’on parte à l’hô-kro [13]

Arrivés à l’hô-kro o :

Je n’ai même pas lalé [14]

J’ai commencé à dja [15] e :

(…)

Je ne vois plus ma Sébago [16]

Je ne vois plus mon djôrôkô oro [17]

Je ne vois plus mon wano [18]

Je ne vois plus mon lalé [19] (Petit Denis, « Go Soiyé », Album et année inconnus) [20].

 

Si on peut considérer que l’emploi du mot étranger répond à un souci de clarté du message – le mot emprunté n’ayant pas dans la langue française d’équivalent susceptible de dénoter avec précision la réalité que l’on veut décrire – en revanche, la démultiplication de ces emprunts dans un même énoncé conduit à une opacité qui produit l’effet contraire. En effet, dans l’extrait ci-dessus cité, la prolifération des mots nouchi a pour effet immédiat de faire du texte un vaste rébus que, par ses pré-requis supposés, le public est censé déchiffrer s’il veut accéder au sens de l’énoncé.

Le brouillage est d’autant plus renforcé que la langue convoquée ici, le nouchi, se caractérise par une instabilité lexicale qui, eu égard à la rapidité avec laquelle se font la création et l’adjonction de sens toujours nouveaux, en réserve en quelque sorte l’accès à une élite. S’ajoute à cela le principe d’une polysémie contextuelle intrinsèque au nouchi et qui rend hasardeuse toute approche du sens par le lexique. Dans la chanson ci-dessus citée par exemple, le même vocable « lalé » sert à désigner l’acte sexuel (je n’ai même pas lalé = je n’ai même pas fait l’amour) et le téléphone portable, sans que rien ne permette de rapprocher les deux [je ne vois plus mon lalé]. Autre exemple, le mot « dja », qui habituellement désigne la mort, est employé dans ce contexte pour signifier un sommeil profond [21] [J’ai commencé à dja].

Poussé à l’extrême, le pérégrinisme donne naissance à ce que nous nommons ici le « code-switching ». En effet, s’il est loisible de constater que dans les débuts du mouvement, les emprunts, qui ne touchent pas qu’au nouchi, concernaient presque toujours des éléments de lexique isolé, de plus en plus, l’usage tend vers l’insertion de segments plus longs. Si, la plupart du temps, il s’agit de faire s’alterner le français et une autre langue nationale, il arrive aussi fréquemment que l’on observe à l’intérieur d’une seule et même unité syntaxique la juxtaposition de fragments empruntés à deux ou trois langues nationales.

En règle générale, ce sont les langues dioula, baoulé et bété qui sont ainsi adjointes au français, dans des constructions dont on observe qu’elles obéissent surtout aux règles syntaxiques du français.

Toutefois, selon l’origine des chanteurs, il peut arriver que l’on perçoive dans les chansons des bribes de langue moins véhiculaires que les premières citées.

On observe surtout que ce procédé, qui génère des énoncés hybrides en faisant s’alterner parties en langues et parties en français, s’étend au-delà de la dislocation matérielle de la phrase, à travers l’interpénétration de codes et catégories expressives, mettant ainsi en lumière un autre aspect de la fragmentation et de la production du sens dans le discours zouglou.

 

Variations diastratiques et surgissement de l’image dans le zouglou

 

Ici, il ne s’agit nullement, comme on vient de le voir avec le pérégrinisme ou le code-switching, de faire se succéder deux registres de langues qui, se substituant épisodiquement l’un à l’autre, entraînent le lecteur dans des univers linguistiques chaque fois différents. Il est bel et bien question de s’inscrire dans la logique d’un chevauchement qui implique la superposition de deux codes linguistiques évoluant parallèlement et de façon solidaire dans un seul et même énoncé. Pour expliciter notre pensée, nous procéderons par une brève explication de l’extrait suivant [22] :

 

On passe des concours

Où les admis sont connus

On nous fait payer dossier

On nous fait payer l’argent

Souvent même tu dois payer

Parce que tu as échoué

A la place des emplois

C’est que des licenciements

Arrêtez de nous former

Sinon on sera musclés

Faites très attention

Parce que palabre qui est là

On sait quand ça commence

On sait pas quand ça finit (Espoir 2000, « Bilan 1 : Abidjan », Bilan, 1999).

 

Face à un tel énoncé, trois attitudes s’offrent au récepteur.

Soit (première attitude), il décide d’aborder le texte du point de vue strict des relations qu’entretiennent entre eux les mots de la phrase (co-texte). Il en arrive alors à conclure que du point de vue du sens global de l’énoncé, il n’existe ici aucune valeur ajoutée, aucun écart constaté, au regard de ce qui, dans la langue courante, caractérise l’organisation lexicale et syntaxique. Pris à part, dans chaque système langagier, c’est-à-dire dans leurs univers linguistiques propres, ces mots et expressions ne sont porteurs d’aucune valeur en dehors de celle naturellement dévolue à tout mot de la langue : transmettre une information qui soit immédiatement ou le plus rapidement possible perceptible et décodable. Rien à signaler donc, a priori. Toutefois, l’idée du discours supposant l’existence de rapports syntagmatiques entre ses différents constituants, l’on est bien obligé de convenir que l’analyse ici aboutit à une impasse, dans la mesure où, au plan de la cohérence, la logique qui conduit à faire du développement physique induit par l’adjectif « musclé », la conséquence d’un processus de formation intellectuelle suggérée dans la chanson par le verbe « former », est pour le moins surprenante et incongrue, eu égard à l’argumentation qui se déploie dans la chanson. L’analyse s’achèverait ainsi sur une incertitude, laquelle serait quelque part la marque d’un échec.

Soit (deuxième attitude), s’inscrivant dans la ligne définie plus haut, le récepteur aborde le texte en ayant à l’esprit que, sans nécessairement attendre du dehors les moyens de son éclairage, le discours qui se tient ici appelle nécessairement l’initiative d’un sujet qui s’engage et engage dans son énoncé, un usage particulier de la langue vécue comme une actualisation de son historicité et attestée dans le texte par des traces linguistiques. Ce faisant, il fait valoir que dans cet énoncé, l’emploi qui est fait de certains éléments de lexique ne relève pas du code du français, mais bel et bien, contre toute apparence, du nouchi. Dans le lexique du nouchi en effet, existe du verbe « former » une acception qui, en l’adjectivant, en fait l’équivalent de « musclé », l’un et l’autre désignant alors un développement musculaire poussé.

Cette acception est si répandue dans le milieu nouchi que l’emploi qui en est fait dans l’énoncé ci-dessus ne saurait laisser supposer l’existence d’un quelconque écart. Sous cet angle, cet énoncé ne présenterait donc aucune anomalie, ni dans le fond, ni dans sa forme, quoique ici encore, on observe, à l’analyse, que pris isolément, dans la logique interne de chaque système linguistique, cet énoncé manifeste une rupture de la cohérence, liée à la cohabitation des éléments incriminés dans leur rapport aux autres mots de la phrase. D’une part, la règle qui conduit à donner au verbe « former » le sens d’un développement particulier des muscles lui fait rejoindre la définition de l’adjectif « musclé ». L’un et l’autre devenant alors synonymes, cet emploi supprime tout écart. D’autre part, dans le contexte de cette utilisation, la logique de raisonnement qui pousse dans le même énoncé à rattacher ce champ notionnel à celui inféré plus haut dans la chanson pose problème, au regard de la cohésion du discours. De même, lorsqu’on se situe dans le contexte du français, le raisonnement qui conduit à faire du développement musculaire le corrélat de la formation intellectuelle laisse perplexe.

Troisièmement enfin, confronté à cette double impasse, d’une part, et au regard du contexte sous-jacent à la production de cet énoncé, lequel englobe aussi les relations transphrastiques qui s’y nouent, d’autre part, le récepteur reconnaît que dans cet extrait, mots français et mots nouchi cohabitent et se télescopent dans les phrases pour construire le discours, entendu ici comme ensemble cohésif et cohérent qui mène au sens. Partant, pour accéder au sens total de l’énoncé, et même au-delà, parvenir à la signifiance, il est indispensable de se situer et de le situer à la fois dans la logique de fonctionnement des deux systèmes linguistiques convoqués. C’est ici le lieu de souligner qu’il ne saurait être question pour le récepteur d’aborder le texte en se situant, alternativement, dans un registre puis dans l’autre. En effet, autant se situer du seul point de vue de la langue française pourrait l’entraîner à conclure (à tort) qu’il n’y a dans cet énoncé aucune matière au surgissement d’une quelconque image poétique, autant l’envisager du seul point de vue du nouchi pourrait mener à induire en faux le contenu profond de ce discours. Adoptant ce point de vue, le récepteur découvre alors que l’auteur s’appuie ici simultanément sur deux univers linguistiques, pour faire fonctionner le verbe former à la fois dans son acception courante en français et dans le sens que lui donne le nouchi.

En effet, si dans la langue courante, et au regard du contexte de son emploi, le verbe « former » appelle l’idée du développement (souvent intellectuel), dans la logique nouchi, où il intervient généralement sous la forme du participe passé, le mot sous-entend l’idée d’un développement musculaire au-dessus de la normale. Introduisant donc ce mot (verbe ou participe) dans un rapport de cause à effet avec l’adjectif « musclé », qui, lui, touche à la constitution physique, le chanteur joue sur les deux sens du verbe. On voit alors que le verbe « former » appelle ici autant l’idée d’un accroissement des facultés intellectuelles que celle du développement des capacités physiques. Si cette « qualité » (la musculature) se pose comme le fruit d’un mode de vie appelant généralement l’idée de l’activité sportive (haltérophilie et arts martiaux surtout), dans les milieux défavorisés, dont celui du nouchi, surtout à ses débuts, le vocable porte aussi en lui le sous-entendu d’un contexte social caractérisé par la prévalence de la force, en réaction à l’adversité ambiante. Dans la logique de l’auteur, le dysfonctionnement de l’un pourrait aboutir à un endurcissement rendu par l’adjectif « musclé » en tant qu’il peut être un signe extérieur de force et/ou de violence physique. Comme souligné plus haut, dans le système du nouchi, le lien entre les vocables « former » et « musclés » est tellement étroit qu’un tel emploi ne laisse apparaître aucun écart par rapport à la logique de fonctionnement de cette langue. Ce n’est donc pas le fait d’employer le verbe « former » pour signifier le développement musculaire qui en fait une image.

De ce point de vue, l’image naît ici non de l’écart (inexistant entre ces deux emplois si on se situe dans le contexte du nouchi qui est sous- jacent à l’énoncé de cette phrase) elle naît du décalage induit par la superposition des deux systèmes linguistiques : le sens induit par le verbe « former » dans le code du français et celui induit par ce même verbe dans le nouchi, les deux sens s’associant ici pour être ramenés et rattachés à celui induit par le participe « musclés ».

Il apparaît alors que, découlant de la cohabitation et de l’organisation des mots, en rapport avec leurs sens premiers, l’on assiste ici, et dans de nombreuses autres occurrences, à des manipulations lexico-sémantiques qui, parce qu’elles génèrent certaine opacité du discours en contexte, ouvrent la voie à une réflexion sur une possible dimension poétique de ces énoncés. Et elle prend appui sur la fusion, au sens jakobsonien du terme, de deux systèmes linguistiques : le code du français et celui du nouchi.

De même que, dans la théorie jakobsonienne, c’est la projection de l’axe des paradigmes sur celui des syntagmes qui, provoquant l’affaiblissement du système conventionnel de la langue, génère ce qu’il nomme la fonction poétique, de même ici, c’est la projection d’un univers linguistique sur un autre qui, parce qu’il accroît l’opacité du discours, fait surgir l’image.

Au-delà de l’effet de surprise consécutif à son surgissement, l’image qui naît de ce dépaysement lexical génère la saturation qui fonde la nature littéraire des énoncés. De fait, ces emplois génèrent une polysémie qui, intrinsèque au lexique dans toute langue, aurait pu être considérée comme naturelle et peu pertinente au plan de la poéticité. Celle-ci n’apparaît ici qu’à la condition que soit réalisée dans le texte la fusion (au sens jakobsonien) entre ces deux plans, entre ces deux langues et/ou registres de langues. Induite par ces variations diastratiques, la déterritorialisation s’avère être le préalable et le point de départ, non à l’existence ou au surgissement, mais bien à la visibilité, c’est-à-dire à l’appréhension même de l’image dans le zouglou : parce que la fusion des univers linguistiques tend à produire des effets de sens, elle incline la nature littéraire de ces énoncés vers la poésie.

Ces choix, qui révèlent et génèrent fondamentalement une insécurité qui n’est pas seulement celle des langues nationales, obéissent tous à un même principe : entrer dans un système pour le déconstruire en lui opposant d’autres formes. C’est ce que, sous une autre forme, révèle le traitement des stéréotypes sociaux mis en avant dans ces chansons.

 

  1. LES STÉRÉOTYPES SOCIAUX DANS LE ZOUGLOU, LES MIROIRS DE LA DÉ/RE-CONSTRUCTION IDENTITAIRE

Le stéréotype, comme toute structure mentale, se manifeste d’abord et avant tout par la répétition et la mise en avant de certains traits (toujours les mêmes) attachés à des personnes de groupes. Sa répétition (dans le passé) permet ensuite de le prévoir et décoder comme par anticipation et in absentia, la réalité décrite ici n’ayant « besoin ni de justification, ni de démonstration, ni d’apologétique » [23] en théorie, la certitude contenue dans cette vérité d’expérience dispense le locuteur de détails superflus.

Dès les premières chansons zouglou, des phototypes ethniques et tribaux sont régulièrement mis en avant dans des productions qui s’attachent à stigmatiser, souvent de manière caricaturale, les représentants de certains groupes ethniques. Ainsi en est-il, par exemple, du stéréotype du bété, solidaire, hargneux, sanguin, mais aussi grand danseur, ou encore du baoulé qui serait avare et mauvais payeur ou porté sur l’alcool. Lancé au détour d’un couplet, le préjugé entend prolonger et confirmer une idée déjà reçue et inscrite dans les esprits.

On observe cependant que, dans les chansons qui y font allusion, ces jugements de valeurs, idées reçues font l’objet d’une destruction systématique qui aboutit à disqualifier ce qu’un mythe, une tradition ou une mémoire collective avaient fait accepter comme évident et avéré.

C’est, par exemple, ce que l’on peut observer dans la chanson « Solidarité » qui met en exergue le stéréotype de la solidarité et de la bagarre qui serait un trait de caractère des bété, peuple de l’ouest forestier en Côte d’Ivoire.

 

Extrait :

 

Vous savez en Côte d’Ivoire

Les plus solidaires ce sont les Bété

Vous savez ce qui me plaît chez Bété

Il voit pas palabre de son ami pour passer

Ton palabre c’est mon palabre

(…)

Palabre de Séry c’est palabre de Digbeu

Palabre de Digbeu c’est palabre de Séry (Magic System, « Solidarité », Poisson d’avril, 2001).

 

La suite de la chanson révèle que la logique de ce fonctionnement est vite rompue (corrompue) par l’attitude d’un des amis, qui fait fonctionner le stéréotype, l’opposé de sa vocation qui est, entre autres, d’éclairer un mythe, une croyance. En effet, dans la chanson citée ici, la chute du récit contredit les affirmations précédemment énoncées, démontrant que la solidarité pré-annoncée ne va pas jusqu’à son terme : celui qui décide de voler au secours de son ami recule devant le danger que représente un lion. Face à la conjoncture du moment, la réaction de l’individu dément le préjugé qui lui était attribué. En effet, la reculade de Digbeu devant la nature du danger court-circuite tous les présupposés induits par les premières déclarations, montrant ainsi que sur ce point, lesdits préjugés ne sont pas justifiés jusqu’au bout.

En limitant le domaine d’application de cette prétendue vérité, ce récit l’invalide au moins en partie. Au regard de la circonstance présente, la prétendue solidarité qui entre Bété ne connaîtrait pas de limites se doit donc d’être corrigée, car il est évident qu’elle ne fonctionne pas en toutes circonstances.

Un autre exemple pourrait être souligné à travers l’une des premières chansons zouglou à mettre ouvertement « sur le tapis » la problématique des stéréotypes ethniques. Intitulée « tribalisme » [24], la chanson passe en revue une série de phototypes à chaque fois contrebalancés par le regard que les populations ciblées portent sur elles-mêmes et sur les autres.

 

Extrait :

 

Ah oui hein !

Tribalisme là

C’est pas bon dèh

Qui fait ça ? (…)

Baoulé [25] dit que Agni [26] est saoulard

Agni dit que Baoulé est saoulard

Entre les deux là qui boit fort ? (…)

Bété dit que Gouro fait palabre

Gouro dit que Bété fait palabre

Entre les deux là qui est palabreur ? (…)

Ah oui hein !

Tribalisme là

C’est pas bon dèh !

Qui fait ça ?

« Hein !

Faut pas fâcher hein

Nous s’amuser (Les potes de la rue, « Tribalisme », Zouglou dégagement, 1992).

 

Les interrogations qui ponctuent chaque double affirmation, en même temps qu’elles introduisent le doute sur le caractère absolu des prétendues vérités énoncées, fonctionnent surtout comme une invitation à relativiser les idées reçues et autres images et jugements préétablis.

Ainsi, chaque fois qu’il met en avant un stéréotype, l’interprète zouglou s’attache lui-même à le casser dans ce qu’il peut avoir d’absolu, pour l’intégrer dans une procédure de relativisation. Tout fonctionne alors comme si ces chanteurs cherchaient à infirmer toutes les conventions et tout ce qu’il peut y avoir de faux dans ce qu’un système de valeurs aurait préétabli, pour essayer de construire quelque chose de plus vrai et de plus conforme à la pratique quotidienne.

Ce que le zouglou donne à voir dans ces cas-là, c’est un regard correctif et nuancé qui veut reconstruire des images et des relations plus authentiques, plus vraies. La morale implicite qui sous-tend le message sonne comme une rectification, un recentrement de tous les extrêmes qui peuvent exister dans les préjugés et les stéréotypes.

Parce qu’elle marque une volonté de rupture par rapport à une certaine histoire, la déconstruction introduite par le zouglou dans les représentations stéréotypiques vise à refaire l’histoire, à reconstruire l’habitus social, en détruisant ce qui reste des us et coutumes, des croyances révélatrices des résistances mentales d’une culture ou d’une tradition considérée comme en état de sclérose.

En mitigeant ou détruisant les stéréotypes sociaux, conscients ou inconscients, le zouglou tente de reconstruire une communauté de vie où les choses sont présentées telles qu’elles le sont vraiment, sans excès ni exagération.

Par cette attitude hautement idéologique, qui réaffirme la volonté d’intervention sociale de ce mouvement, le zouglou procède à une remise en mouvement de l’histoire.

Annonciateur d’une société nouvelle, le discours qui se tient alors révèle de nouveaux idéaux, une nouvelle conscience nationale qui dit ce qu’elle croit être l’identité réelle de l’Ivoirien, au-delà de toutes les images de surface.

 

CONCLUSION

Nés et évoluant dans un contexte de pluri-culturalité et de crise sociétale, le zouglou et le nouchi se positionnent en tant que support d’une manière d’être, de penser et d’agir, bref, d’une culture qui opère par la destruction de sociotypes, en convoquant dans le subconscient du public d’autres critères et valeurs pour l’appréhension d’une individualité autour de laquelle celui-ci se trouve fédéré. Par cela, l’un et l’autre procèdent d’une forme de reconstruction identitaire qui fonde l’existence de la nation sur le refus de s’inscrire dans une aire linguistique spécifique. _ Parce qu’elles se posent comme des armes de combat qui visent, non pas à favoriser la communication, mais à la déconstruire, ces pratiques ont longtemps été perçues comme des langages de l’entropie. S’il est vrai que les choix du nouchi sont une réaction à une certaine insécurité sociale et linguistique, force est de reconnaître que le zouglou qui utilise cette langue, par le fait qu’il inscrit dans son projet créatif le rejet catégorique de la culture individuelle et la revendication tout aussi affirmée du patrimoine culturel commun, concourt à la construction d’une nation ivoirienne véritable, au-delà de tout ce qui a pu exister dans les volontés politiques avouées ou non.

Les choix linguistiques opérés dans le zouglou, le traitement, le sort qui est fait aux marqueurs sociaux, la violence qui ressort de la déconstruction ainsi opérée illustrent en réalité le parcours d’une nation en train de se construire entre multi et trans-culturalité.

Au-delà des clivages politiques, il est indéniable que ces pratiques invitent à l’édification d’une identité citoyenne et littéraire. Au-delà de la charge subversive trop souvent mise en avant, ces productions disent en réalité notre histoire : celle d’une Côte d’Ivoire qui migre résolument de la multiculturalité vers une transculturalité dont il apparaît que c’est elle qui, au-delà de toutes les récupérations politiciennes, fonde l’Ivoirité vraie.

Dans cette quête identitaire et nationaliste, la vraie révolution, en quoi le zouglou serait vraiment subversif, tient au parcours par lequel l’ethnie sort de la marge pour intégrer le centre. Parcours qui alors témoignerait d’un retournement spectaculaire, par le renversement de la marge :

 

– linguistique d’abord ;

– sociale ensuite, par le fait que la fortune et l’audience du mouvement sort les auteurs de leurs ghettos initiaux pour les réinstaller au cœur du processus économique, du processus politique : le chanteur principal d’un des groupes emblématiques du mouvement vient d’être nommé ambassadeur de bonne volonté de l’Unesco (20 avril 2012), du processus littéraire et culturel : ce mouvement autrefois marginal est aujourd’hui brandi en étendard de la musique et de l’identité ivoiriennes. Et ce n’est pas là le moindre de ses succès.

 

DISCOGRAPHIE

Espoir 2000, « Bilan 1 : Abidjan », Bilan, 1999.

-« Ivoirien », Eléphant d’Afrique, 1997.

Fitini, « Miyanwé », On s’en fout, 2004.

Les Parents du Campus, « Gboglo Koffi », Ambiance zougloutique, Emi Jat, 1991.

Les Potes De La Rue, « Tribalisme », Zouglou dégagement, 1992.

Les Salopards, « Sans Papiers », Génération Sacrifiée, 1998.

Magic System, « Gagnoa chez Houphouët », Poisson d’avril, 2001.

– « Solidarité », Poisson d’Avril, 2001.

Petit Denis, « Go Soiyé », Album et année inconnue.

– « Jet Seul », Flôcô 1, 2004.

Sans (100) Façons, « Mon Zouglou », Oh là là, 2009.

 

BIBLIOGRAPHIE

AMOSSY, Ruth, HERSCHBERG-PIERROT Anne, Stéréotypes et clichés, Paris, Nathan, 2004.

AZOUMAYE, Jean-Claude, « Stéréotype », Dictionnaire International de Terminologies Littéraires (DITL en ligne), http://www.ditl.info/art/liste_term… (dernière consultation effectuée le 22 août 2007).

BETH, Axelle et MARPEAU, Elsa, Figures de style, Paris, Eds. Librio, 2005.

CHELEBOURG, Christian, L’imaginaire littéraire, des archétypes à la poétique du sujet, Paris, Nathan/HER, 2000.

SORO, Solo, « Zouglou et nouchi, les deux fleurons pervertis de la culture urbaine », Africultures n° 56, juillet – septembre 2003, p. 121-129.

TABOADA-LEONETTI, Isabelle, « Citoyenneté, nationalité et stratégies d’appartenance », in Pluralité des cultures et dynamiques identitaires, p. 90-120, Paris, L’Harmattan, 2010, (sous la direction de Costa-Lascoux Jacqueline).

THIBAULT, André, Gallicismes et théorie de l’emprunt linguistique, Paris, L’Harmattan, 2009.

THIEMELE, Boa Ramsès, L’Ivoirité, entre culture et politique, Paris, L’Harmattan, 2005.

TOURÉ, Saliou (dir.), L’Ivoirité ou l’esprit du nouveau contrat social du président Bédié, Actes du forum Curdiphe du 20 au 23 mars 1996, Abidjan, Puci, 1996.

 

 

[1] Université Houphouet-Boigny Cocody/Abidjan, Côte d’Ivoire

 

[2] Située dans une banlieue au nord de la ville d’Abidjan.

 

[3] Les Parents du Campus, « Gboglo Koffi », Ambiance zougloutique, Emi Jat, 1991.

 

[4] Une autre version dit tenir l’expression du bété zou glou, qui signifierait enterrez- nous, anéantissez-nous, le sous-entendu ici étant qu’ayant perdu tous ses rêves, et face au vide de l’horizon qui s’offre à elle, il ne reste plus à la jeunesse ivoirienne qu’à attendre une mort qu’elle espère la plus digne possible.

 

[5] Suite à la révolution urbaine soulignée plus haut, on assiste comme à un déplacement du village dans les villes. Aux plans culturels et artistiques, la permanence des valeurs et modes de vie de la campagne demeurent et se manifestent à travers l’organisation de veillées funèbres et autres cérémonies de baptêmes traditionnels et mariages en plein air, dans des espaces publics où l’on voit se produire des artistes traditionnels, eux-mêmes exilés en ville ou venus spécialement pour l’occasion. Elevés dans ce substrat culturel, les jeunes désœuvrés apprennent sur le tas et sur le dos de ces poètes traditionnels que, crise économique aidant, ils remplaceront peu à peu.

 

[6] BETH, Axelle et MARPEAU, Elsa, Figures de style, Paris, Eds Librio, 2005, p. 21.

 

[7] Kpata = bien habillé, vêtu avec goût (nouchi).

 

[8] Mis pour style, mais avec la prononciation anglaise.

 

[9] Dafralis = beuverie, action de boire à l’excès (dafra= boire, s’ennivrer).

 

[10] Idem.

 

[11] Dahico = ivresse (nouchi).

 

[12] Djaouli = d’accord (nouchi).

 

[13] Mis pour l’hôtel (nouchi) ; formé à partir de la première syllabe du mot, auquel on a adjoint la particule kro, qui, dans les langues agni et baoulé, désigne le village ou, de manière plus générique, un regroupement communautaire.

 

[14] Laler désigne l’acte sexuel.

 

[15] Dans ce contexte = dormir.

 

[16] Marque de chaussures.

 

[17] Djôrôkô oro = chaîne en or (de [dʒɔrɔkɔ] qui, à quelques variantes près, désigne la chaîne dans de nombreuses langues de Côte d’Ivoire, et de oro = or en espagnol).

 

[18] Wano désigne le pantalon jean. Le mot est formé à partir du chiffre anglais one, en référence à la marque 501 de Levi’s, créée dans les années 80.

 

[19] Ici, désigne le téléphone. Pour plus de détails, voir glossaire à la fin du volume 1.

 

[20] Dans cet extrait, nous avons mis en gras tous les vocables (mots et groupes de mots ne relevant pas du français).

 

[21] En tenant compte du contexte de son utilisation, on peut arguer que le mot désigne ici un état de sommeil profond, proche de la mort, état d’inconscience avancé. Etat par ailleurs assez bien rendu dans la chanson par l’ellipse de la séquence remplie par le moment où le chanteur entre dans la chambre avec sa partenaire – juste avant qu’il ne s’endorme – et celui où il est réveillé par le service de l’hôtel pour se rendre compte, à son réveil, que sa partenaire d’une nuit a disparu, emportant avec elle un certain nombre de ses effets.

 

[22] C’est nous qui soulignons.

 

[23] AZOUMAYE, Jean Claude, « Stéréotype », Dictionnaire International de Terminologies Littéraires (DITL en ligne), http://www.ditl.info/art/liste_term….

 

[24] Les potes de la rue, « Tribalisme », Zouglou dégagement, 1992.

 

[25] Groupe ethnique du centre de la Côte d’Ivoire.

 

[26] Groupe ethnique de l’est de la Côte d’Ivoire : avec le précédent, ils appartiennent au groupe akan.