Notes

LA REVOLUTION STRUCTURALE JEAN-MARIE BENOIST

Ethiopiques numéro 9

revue socialiste

de culture négro-africaine, 1977

L’ordre dit, la révolution chante : mais c’est à la condition de la définir comme désordre, si l’on en croit la formule de Michel Foucault, l’un des « papes » du structuralisme, lors de sa leçon inaugurale au Collège de France : « Si cela vous chante plus que cela ne vous dit, c’est que c’est du structuralisme ».

C’est ce chant nouveau que prétend nous faire entendre Jean-Marie Benoist, agrégé de philosophie, ancien élève de l’Ecole Normale supérieure, dans « La Révolution Structurale », paru chez Grasset, en 1975.

L’auteur, qui prend ses distances dès le titre de son ouvrage avec le structuralisme, définit dès l’abord son « programme » comme suit : « Ce livre entendra mesurer ce qu’on doit au structuralisme comme porteur d’une rupture dans le savoir ; développer les enjeux idéologiques de la structure davantage que ses apports scientifiques, dans la mesure où par l’avènement de l’épistème structurale, le concept même de science tel que l’avaient entendu le XIXe siècle et une bonne partie du XXe se trouve radicalement contesté au profit d’une critique de la rationalité positiviste… ».

Autrement dit, l’auteur, et nous le suivons, ne retient que la rupture, et non le discours sur la rupture ; mais il explique la rupture, par la description historique de l’aporie, de l’impasse qui l’a rendue inévitable. Il entend bien faire comprendre que « la structure, instrument heuristique, méthode de lecture, système de relation dénotant un équilibre précaire peut à tout instant devenir une configuration relationnelle objectivée ». Et il ajoute : « Ce processus, analogue en ses effets au fétichisme du marchandisme, analysé par Marx, traduit une régression de l’intelligence structurale vers un essentialisme de type platonicien… ». Il est injuste, à notre avis, d’accuser d’essentialisme un philosophe pour qui l’idée n’était, précisément, qu’opératoire ; comprenons que ce n’est pas Platon qui est ici en cause, mais l’idée scholastique de Platon qu’un certain Occident a forgée, et a imposée. Au fond, tous les Normaliens sont comme Paul Nizan : ils ont eu vingt ans, et ils ne laisseront personne dire que c’est le plus âge de la vie.

En conclusion, l’intérêt de livres comme ceux de Jean-Marie Benoist est d’affirmer :

– que le structuralisme est la première réponse européenne (ou latine ?) et cohérente au positivisme ;

– qu’il ne saurait y avoir de structuralisme, mais une révolution structurale.

Nous dirons, quant à nous, que le structuralisme peut être un discours esthétique sur la structure ; mais qu’il peut être aussi (et en ce sens il n’est qu’une idéologie comme une autre) tout autre discours à but pragmatique, et que toute sa séduction ne vient que de son chant, ce qui est beaucoup dans la vie des hommes.