Poésie

LA NUIT DE ZULFIKAR ALI BHUTTHO

Ethiopiques n° 43

revue trimestrielle

de culture négro-africaine

4e trimestre 1985 volume III n°4

Ce déferlement étoilé

de la nuit du Sindh !

Mais pourquoi tant de feux

ici, là, et non ailleurs ?

Pourquoi si crues, si blanches

si denses, si riches,

ces étoiles, là,

ces crissements d’argent

qui déchiraient le sombre,

le drame, cette nuit des temps ?

Sur Mohen Jodharo

huit mille ans de nuits

et d’étoiles connues,

rassemblées, là, pour ravir

mon œil de cyclope,

mon œil d’étrangère,

avide et assassinée de beauté,

morte, tuée par crimes d’étoiles,

par poignards d’étoiles,

dans la nuit du Sindh,

à côté de Zulfikar

qui devait mourir

sous un autre ciel,

une nuit indigne de lui.

Cette nuit du Sindh

et le chant du chanteur Sindhi,

et la chaleur qui poisse sa voix,

mais le filet acide qui monte,

monte et vrille la nuit,

la nuit de Zulfikar,

et la ronde des chanteurs,

fous de nuit et d’étoiles,

ivres de cette nuit

au cœur de huit mille ans !

O le chant, le chant,

l’âge du chant,

parle moi d’hier aujourd’hui

que j’oublie demain !

Demain je pars mourir aux foules,

vivre aux foules,

hurler à mes frères à folle voix,

la folle nuit du Sindh

qui est sage de tant d’années !

Demain je parlerai de poussière,

je crierai de poussière,

et même la honte des routes m’écoutera !

Demain des milliers,

demain des millions

aux heures de ma voix !

J’aurai l’airain,

j’aurai le fer

et les étoiles du Sindh !

Je suis lié Sindhi

et de huit mille ans !

Qui m’a assassiné,

pendu, écartelé ?

Qui a cru briser ma voix,

ma fière voix d’homme du Sindh ?

Gorges profondes du chant profond,

pays violent de tant d’amonts.

Septembre 1983