Cultures et Civilisations

IMAGE ET UNITE DANS L’OEUVRE POETIQUE DE LEOPOLD SEDAR SENGHOR

Ethiopiques n° 25

révue socialiste

de culture négro- africaine

janvier 1981

PREAMBULE

Lorsqu’il écrivait :

« Ah ! mourir à l’enfance, que meure le poème se désintègre la syntaxe, que s’abîment tous les mots qui ne sont pas essentiels.

Le poids du rythme suffit, pas besoin de mots-ciment pour bâtir sur le roc la cité de demain ».

Le poète aurait pu ajouter le poids du rythme et des images, car l’image est bien plus qu’un ornement stylistique ou un tour expressif ; elle joue, comme nous allons le voir, un rôle architectonique. En elle, s’exprime l’unité cosmique, en elle, se noue l’unité de l’œuvre, et les poèmes ne sont plus perles qu’on enfile au fil du temps, au fil du discours, mais assemblées de miroirs un à un se réfractant, miroirs-gigogne, miroirs devenus diamants par la seule conjonction de leurs regards.

IMAGE HIEROGLYPHIQUE

Alors que l’intellect se plaît à séparer, à classer et à différencier, l’imagination au contraire rapproche et unifie.

« J’ai tendu des cordes de clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse » [1], écrit Rimbaud dans les Illuminations » Cette phrase, chaque poète pourrait la reprendre à son compte. Par le biais de l’image, en effet, le poète unifie le cosmos et relie les réalités les plus éloignées.

C’est ainsi que L.S. Senghor relie constamment la femme à la terre et aux éléments, si bien que celle-ci redevient, dans sa poésie, la grande déesse-mère, source de fécondité et de vie, celle que les Sérères appellent Koumba-Tam. Ce qui me paraît important, au-delà même du retour à un archétype fondamental, c’est le fait qu’il y a union, identification, osmose entre le personnage féminin et la terre, le paysage. Osmose si profonde qu’au fond, on se demande parfois si le poète évoque la femme africaine ou seulement l’Afrique. Où la réalité ? Où la métamorphose dans ces vers du poème : « Femme noire » :

« Femme nue, femme noire

Vêtue de ta couleur qui est vie,

de ta forme qui est beauté !

J’ai grandi à ton ombre ;

la douceur de tes mains bandait mes yeux.

Et voilà qu’au cœur de l’Eté

et de Midi, je te découvre,

Terre promise, du haut

d’un haut col calciné

Et ta beauté me foudroie en plein cœur,

comme l’éclair d’un aigle ». [2]

ou bien dans ceux-ci, extraits de « Nocturnes » :

« Ma tête sur le sable de ton

sein, mes yeux dans tes

yeux d’Outre-mer »  [3]

ou bien encore dans ceux-ci, toujours extrait de « Nocturnes » :

« Mon refuge dans ce visage perdu, ô plus mélodieux qu’un masque pongwé !

Dans ce pays d’eaux et de tanns, et d’îles flottant sur les terres.

Et je rebâtirai la demeure fongible au bord de cette courbe exquise

Du sourire énigme qu’aiguisent les lèvres bleu-noir des palétuviers ». [4]

L’ambiguïté est indéniable, et gageons que cette ambiguïté, le poète l’a voulue. Parlant, en effet, de la poésie négro-africaine traditionnelle, le poète insiste sur la multivalence des images et des symboles, et il cite Alassane Ndaw :

« Il n’y a pas adéquation parfaite entre le signifiant et le signifié, et c’est dans cet écart que prend naissance, que s’installe le secret. La fonction fondamentale de la parole est de cacher. Cacher n’est pas une fin en soi et contient, implique le fait de révéler ». [5]

En fait, comme le dit Alassane Ndaw, « cacher n’est pas une fin en soi » et ce n’est pas par goût du mystère uniquement que le poète se plaît dans l’ambiguïté. A la différence du « Sphinx sans secret » [6] d’Oscar Wilde, il semble bien qu’il ait, lui, un secret réel.

Ce secret, il nous l’explique dans « Dialogue sur la poésie francophone » :

« Pour le Négro-Africain, la réalité d’un être, voire d’une chose est toujours complexe puisqu’elle est un nœud de rapports avec les réalités des autres êtres, des autres choses » [7]

Le secret n’est donc pas uniquement le fait de la parole ; il fait partie intégrante du réel. Si la parole poétique relie, on comprend, à lire ces quelques lignes, qu’elle n’invente pas, qu’elle ne forge pas de rapports purement imaginaires et subjectifs. Elle ne fait qu’exprimer, révéler les analogies qui tissent la trame de l’univers. C’est là que réside la différence entre image senghorienne et image surréaliste, comme le poète l’a lui-même maintes fois souligné. Citons par exemple ces lignes extraites de Liberté I :

Du « Cadre sensible » à l’au-delà

« La distinction est à faire, ici, entre le surréalisme européen, qui est uniquement empirique et le surréalisme négro-africain, qui est métaphysique, qui est surnaturalisme. André Breton écrit dans Signe Ascendant : « L’analogie poétique a ceci de commun avec l’analogie mystique qu’elle transgresse les lois de la déduction pour faire appréhender à l’esprit l’interdépendance de deux objets de pensée situés sur des plans différents, entre lesquels le fonctionnement logique de l’esprit n’est apte à jeter aucun pont et s’oppose à priori à ce que toute espèce de pont soit jeté. L’analogie poétique diffère foncièrement de l’analogie mystique en ce qu’elle ne présuppose nullement, à travers la trame du monde visible, un univers invisible qui tend à se manifester. Elle est tout empirique dans sa démarche. Seul, en effet, l’empirisme pouvant lui assurer la totale liberté nécessaire au bond qu’elle doit fournir ». Mais l’analogie poétique négro-africaine refuse cette opposition de s’enfermer dans une contradiction. Elle est d’abord sensuelle, profondément enracinée dans la subjectivité, elle transcende cependant « le cadre sensible , pour trouver son sens et sa finalité dans le monde de l’au-delà ». [8]

Si j’ai aussi longuement cité ce texte, c’est qu’il me paraît capital pour qui veut comprendre l’esthétique de L.S. Senghor. Il convient de souligner la référence à l’analogie mystique. Le doute cartésien et la remise en question par E. Kant de l’objectivité de notre pensée sont encore présents à la mémoire de notre siècle et, à moins qu’il ne retrouve le chemin de la connaissance directe ou intuitive, un Occidental aura du mal à admettre qu’on puisse faire fi des barrières qui, pour lui, mettent une séparation radicale entre le domaine de l’objectivité et celui de la subjectivité. Pourtant, si nous revenons quelques siècles en arrière et que nous ouvrons par exemple un livre d’alchimie ou d’hermétisme, nous découvrons l’omniprésence de l’analogie utilisée comme principe de compréhension de l’univers et de la situation de l’homme dans cet univers. Nos prédécesseurs avaient un sens profond de l’unité cosmique primordiale et, pour eux, comme pour le Négro-Africain, l’analogie n’était pas qu’un vecteur, un médiateur de cette unité, mais son expression. L’Occidental du 20e siècle vit dans le monde de la diaspora, dans un monde d’objets sans âme et sans lien ; le mystique d’autrefois vivait, comme l’Africain, dans un monde de Forces vivantes, forces qui se définissaient par les rapports qu’elles entretenaient avec d’autres forces.

Mais il n’y a pas que cela. L.S. Senghor insiste sur le « cadre sensible », sur l’aspect sensuel de l’image. André Breton suivait, lui, une démarche purement cérébrale. La démarche de l’Africain est beaucoup plus ancrée au contraire dans le domaine du sensible et dans les prolongements affectifs, émotifs de l’expérience du sensible. Ainsi, pour L. S. Senghor l’image sera d’abord l’expression d’un contact sensuel avec le monde, puis l’expression des liens mystiques qui sous-tendent l’univers et la relation de l’homme à l’univers, les deux phases étant d’ailleurs indissolublement liées. L’Africain ne mettant pas en doute la réalité de ses perceptions sensorielles et intuitives, ce qu’il voit, ce qu’il sent et ce qu’il est, révèle ce qui est.

Reprenons, par exemple, l’analogie, si fréquente dans la poésie senghorienne, entre la femme et la terre. Le point de départ sensible, ou sensuel, est généralement visible. Ainsi, dans l’exemple que nous avons déjà cité, il y a une analogie perçue visuellement par le poète entre la ligne des palétuviers au bord des bolongs et la ligne des sourcils ou des cils :

« Et je rebâtirai la demeure fongible au bord de cette courbe exquise

Du sourire énigme qu’aiguisent les lèvres bleu-noir des palétuviers » [9]

Souvent les rondeurs féminines appellent des collines :

« Grâces pour la jeune fille nubile au ventre de douceur n’deïssane ! à la croupe de colline à la poitrine de fruits de rônier »  [10]

« Seins de rizières mûres et de collines d’acacias sous le vent d’est ». [11]

« Or je remonterai le ventre doux des dunes et les cuisses rutilantes du jour

jusqu’aux gorges enténébrées ’où tuer d’un coup bref lé faon rayé du rêve » [12]

L’aspect à la fois sensible et sensuel est évident et on pourrait multiplier les exemples. Mais ces images ne traduisent pas qu’une vision à la fois esthétique et érotique ; elles expriment aussi le lien qui unit la féminité à la terre, aux paysages, lien qui n’est pas que visible, sensible, mais qui est aussi ontologique. Car la terre est femme, matrice des moissons, et la femme est la terre féconde et profonde, « terre profonde ouverte au noir semeur » [13]

On aurait tort, cependant, d’imaginer que le rôle de l’analogie se borne à établir des relations de type horizontal entre divers plans du réel. L’analogie, du moins dans la poésie senghorienne, ne se cantonne pas dans le rôle de « pont », qui lui est assigné par André Breton dans le texte que cite L. S. Senghor. Reprenons en effet, le personnage de la femme. Comme le montre Roger Godard, dans son étude « L’Exil et le sens du sacré dans l’œuvre de Saint John Perse et de L. S. Senghor », la femme est liée à tout un complexe de significations : terre, mer, nuit, humidité ; mère, amante et plus rarement fille ; fécondité créatrice de la parole, fécondité créatrice de la terre… Bien souvent ces différentes significations se trouvent imbriquées dans un même poème. C’est le cas, par exemple, dans « L’Absente » [14] , comme le signale très justement Armand Guibert :

« L’Absente »

« Cette Absente, à propos de laquelle on évoque la figure dominante de l’Absent dans « Etoile secrète », du poète kabyle Jean Amrouche (1937), est chargée d’une symbolique quadruple ; il est en effet possible de voir en elle : la Victoire politique, à la fois proche et à la longue échéance ; la Femme aimée, décrite physiquement avec ses charmes et ses joyaux ; la Négritude, proclamée comme une force mystique ; et enfin la Poésie, forme suprême de la culture » [15]

« L’Absente » n’est pas un hapax. Dans « Elégie de minuit », on retrouve un triple lien entre la féminité, la terre et la fécondité créatrice de la poésie :

« Je charrie dans mon sang un fleuve de semences à féconder toutes les plaines de Byzance

Et les collines, les collines austères.

Je suis l’Amant et la locomotive au piston bien huilé.

Douceur de ses lèvres de fraises, densité de son corps de pierre, douceur de son secret de pêche

Son corps, terre profonde ouverte au noir semeur »

Dans « l’Elégie pour la reine de Saba », l’amante noire est manifestement le symbole de l’Afrique et de la négritude, d’où, d’ailleurs, l’allusion à la promesse faite à Sira Badral, princesse guelwar de la lignée ancestrale :

« Il me faut chanter ta beauté pour apaiser l’angoisse, vers la Colline

Entrer au Royaume d’Enfance pour accomplir la promesse à Sira Badral

Comme Mohamed El Habib le Terrouzien, célébrant Diombeutt Mbodj dans sa splendeur d’ébène

Ainsi Moïse la nuit nubienne, et Miriam se fâcha contre elle, et Dieu de lui jeter la lèpre blanche

Moi je te chante, comme le roi blond Salomon, faisant danser dansant les cordes légères de ma kora

Et à l’Orient se lève l’aube de diamant d’une ère nouvelle

Car tu es noire, et tu es belle »  [16]

La femme blanche, l’épouse du poète, est au contraire liée à un ensemble de significations et de connotations qui ont rapport avec la France :

« Mon désir est de mieux apprendre ton pays de t’apprendre » [17]

C’est pourquoi apparaissent avec elle toute une végétation européenne : les sapins, les blés, les cyclamens…, tout un monde d’objets également : plats d’étain, vases de cristal, plats d’argent… qui sont pour ainsi dire des émanations, des images d’elle. Cette femme est, elle aussi, liée à des paysages : à la mer, image maternelle, comme le souligne Roger Godard dans l’étude déjà mentionnée, aux fleurs, émanations les plus subtiles, les plus immatérielles de la fécondité de la terre. Il y aurait, en effet, toute une étude comparative à faire des métaphores et des connotations qui accompagnent la femme blanche et la femme noire dans la poésie de L. S. Senghor. On y découvrirait que cette dernière est davantage liée à la terre maternelle et nourricière, à la liberté sauvage et à la force primaire de l’animal, alors que l’épouse du poète est liée à des éléments plus raffinés, plus immatériels. Ce qui n’empêche pas qu’il y ait des poèmes d’un langage très courtois, très précieux, très raffiné, qui exaltent la femme noire dans un rôle moins conventionnel, moins attendu, de dame, dame des cours d’amour. Le meilleur exemple en est sans doute le poème « Je ne sais » [18]L’Européenne est parfois reliée à l’animalité, mais c’est beaucoup plus rare.

Le Noir, c’est Antée…

On comprend que le poète se soit insurgé contre une vision raciste du Noir ou de la Noire, en qui certains blancs se sont trop souvent complus à ne voir que des bêtes superbes. D’où l’accent mis par lui sur le cérémonial africain de la courtoisie. Il n’en reste pas moins qu’il a exalté, magnifié l’animalité de la femme noire, animalité qui est en somme un signe de force, de vigueur, une richesse. Le Noir, c’est Antée, le géant qui reprend force chaque fois que son corps, ses pieds reprennent contact avec la terre. Bref, tout en montrant l’autre facette de l’image, le poète s’est plu à mettre en lumière l’aspect positif de l’enracinement au cœur des forces primitives. Si l’image de l’Européenne semble plus éthérée, c’est aussi, sans doute, par discrétion. On trouvera peu d’images vraiment érotiques, vraiment sensuelles dans les poèmes inspirés par l’épouse du poète. Les autres poèmes d’amour sont d’un caractère beaucoup plus onirique, par conséquent, l’auteur a pu s’y exprimer avec davantage de liberté et les images, les évocations érotiques sont nombreuses. Or le langage privilégié de l’érotisme est le langage de l’animalité, ce qui permet de comprendre l’abondance des connotations empruntées à l’animalité, à l’intérieur des poèmes consacrées à la femme noire. D’autre part, le caractère onirique étant plus accusé, les images archétypales de la fécondité nourricière, de la terre grasse et généreuse seront aussi plus abondantes, plus appuyées.

Quoiqu’il en soit, la femme, surtout la femme africaine et dans une moindre mesure l’Européenne, est toujours liée, dans la poésie senghorienne, à tout un ensemble de thèmes ; elle est image aux significations multiples. C’est un arbre dont les racines plongent au cœur du limon primordial et dont la tête se perd dans les hautes sphères de l’amour et de la poésie. Elle est liée à tous les règnes :

Au règne minéral :

« Mon humide au lit de rubis, ma Noire au secret de diamant » [19]

Au règne végétal :

« tes lèvres fleurant les forêts de sapin » [20]

Au règne animal :

« parmi les gazelles des sables…

Elles vous fixent étonnées, comme la jeune fille du Ferlo, tu te souviens [21]

Buste peul flancs, collines plus mélodieuses que les bronzes saïtes »  [22]

« Elle fuit elle fuit par les blancs pays plats, lorsque j’épaule patiemment

Dans un désir vertigineux.

Prend-elle la brousse des jeux

Passion des épines et fourrés. Lors je la forcerai à la chaîne des heures

Humant le halètement doux de ses flancs d’ombre mouchetés

Et sous le Grand-Midi stupide, je lui tordrai les bras de verre.

Le râle jubilant de l’antilope m’enivrera, vin de palme nouveau

Et je boirai long longuement le sang fauve qui remonte à son cœur

Le sang lait qui flue à sa bouche, les senteurs de terre mouillée » [23]

Au passage, on aura remarqué la référence à l’archétype maternel : « Le sang lait ».

Ce sont, certes, des métaphores qui servent à exprimer les multiples aspects de la féminité. Mais, en même temps, la féminité, la femme est image, signe de tous ces aspects divers du monde. Il y a, en effet, réversibilité. Elle est, comme on le voit, un signe polyvalent, un signe unificateur. Elle est l’astre autour duquel gravitent un million d’images, de reflets, elle est le cœur d’un lotus rayonnant aux mille pétales ; elle est le miroir inépuisable dans lequel mille aspects divers du monde trouvent leur sens et leur justification. Elle est l’image-mère dont tant d’autres dérivent.

L’appel de l’Egypte

Maintes fois, L. S. Senghor s’est réclamé de l’Egypte :

« Je marcherai par la terre nord-orientale, par l’Egypte des temples et des pyramides

Mais je vous laisse Pharaon qui m’a assis à sa droite et mon arrière grand-père aux oreilles rouges » [24]

Sans le savoir peut-être, il a retrouvé, dans ses poèmes, la valeur du langage sacral des Egyptiens, la valeur des hiéroglyphes. Si l’on en croit R. A. Schwaller de Lubicz, en effet, les hiéroglyphes doivent faire l’objet d’une exégèse multidimensionnelle :

« Pour comprendre les sens d’un hiéroglyphe, il faut chercher les qualités et les fonctions de la chose représentée ; si un signe est composé, il faut faire la synthèse de ses parties dans leur sens vivant. (…)

« Ainsi, les hiéroglyphes ne sont pas, au réel, des métaphores.

« Ils expriment directement ce qu’ils veulent dire, mais le sens reste aussi profond, aussi complexe que pourrait l’être l’enseignement d’un objet (chaise, fleur, vautour), si l’on concevait tous les sens qui s’y rattachent. Mais par routine et par paresse, nous évitons cette pensée analogique, et désignons l’objet par un mot qui n’exprime pour nous qu’une seule notion figée ».

Ce texte s’applique évidemment à l’image, à l’objet représenté par le signe hiéroglyphique. Avec la poésie, nous sommes en face d’un langage de type légèrement différent, où les signes ne sont pas des objets que l’on dessine, mais des mots que l’on profère. Cette différence mise à part, il me semble que le mot « femme » joue tout à fait le rôle assigné au hiéroglyphe par R.A. Schwalter de Lubicz. C’est, à mon avis, un mot à lire, à interpréter comme un hiéroglyphe, un mot aux multiples sens, aux multiples résonances. Je dirais même que c’est un des nombreux mots-hiéroghyphes de la poésie senghorienne. Dans une étude précédente intitulée « Le jeu de la présence et de l’absence dans Lettres d’hivernage », j’ai insisté sur la multitude des connotations, des résonances qui, au fil des pages, se greffaient, se cristallisaient autour du mot « bleu ». Irisations subtiles qu’il fallait lire en filigrane, chaque fois que revenait le mot « bleu ». C’était aussi un mot-hiéroglyphe, un mot magique, une porte ouverte sur mille appels, une fenêtre ouverte sur la magie des correspondances. On pourrait en dire autant des autres mots-clefs de la poésie senghorienne : la nuit par exemple.

Cela doit nous inviter à considérer l’œuvre d’art dans son unité, à percevoir les réfractions de lumière qui s’opèrent d’un poème à l’autre, d’une image à l’autre. Il y a en effet, des thèmes symphoniques qui reviennent, des leitmotiv en quelque sorte, portés par le courant de ces mots-hiéroglyphes, de ces mots « enceints d’images », pour reprendre une expression senghorienne. Mots qui jouent le rôle de centres de cette constellation que constitue le cosmos, et qui constituent également des pôles d’unification, d’organisation, au sein de cet autre univers qu’est une œuvre d’art, par delà une éventuelle discontinuité apparente.

Ces mots-hiéroglyphes ne sont pas des mots abstraits, privés de leur signification originelle pour n’être que des masques, non ; ils jouissent pleinement de leurs droits, ils ont bel et bien leur sens. La femme est bien femme, femme de chair et de sang, pulpe odorante des grenades, mais, en même temps, elle est l’Afrique, la poésie, la Négritude, la terre maternelle et féconde. La nuit est bien la nuit, la nuit hantée d’étoiles et de songes, mais, en même temps, elle est femme, amante, mère, nourrice :

« Nuit et Nuit claire blonde, que les Serpents avaient promise

A Nyilane la douce, Nuit calme et Nuit palmes, ma douce Nuit ma nuit nounou

Nuit alizéenne élyséenne Nuit joalienne, Nuit qui me rends à la candeur de mon enfance [25]

Nuit Nuit, tu as été en les nuits sombres l’Amie qui cause avec l’Ami et peuple l’insomnie

L’Amie qui trouve la solution, qui s’incline et console.

Nuit amie en ces nuits, je dis ma Blonde qui consoles, soutiens le combattant au plus bas de la pente

O Nuit ma Nuit et Nuit non nuit !… » [26]

Versets qui rappellent celui de l’Elégie des Circoncis :

« Nuits chères Nuits amies, et Nuits d’enfance, parmi les tanns parmi les bois ». [27]

Nuit de l’enfance, mais aussi nuit complémentaire de la mort, primordiale d’où nous naissons, où nous finissons. Sans doute est-ce pour cela, et pas seulement pour une simple analogie de couleur, que la nuit est devenue pour le poète le symbole par excellence de la Négritude :

« Nuit qui fonds toutes mes contradictions, toutes contradictions dans l’unité première de ta négritude ». [28]

Les mots « nuit », « femme », « bleu » ne sont donc pas que des métaphores ; comme les hiéroglyphes, ils ont un sens premier, un sens direct, mais ils sont, en même temps, riches de « tous les sens qui s’y rattachent ».

Le cygne de Baudelaire

On pourrait, sans doute, trouver, dans la poésie française de l’hexagone, des exemples de mots hiéroglyphes. Je pense au cygne de Baudelaire. Il n’en reste pas moins qu’il y a, ce me semble, une utilisation plus évidente peut être du mot hiéroglyphe à l’intérieur de la poésie senghorienne. Un rapprochement avec la poésie traditionnelle du Sénégal s’impose. Il suffit, en, effet, de se référer à l’un des poèmes gymniques sérères cités par L.S. Senghor, dans « Dialogue sur la poésie francophone » : « Mon assemblée ne sera point solitaire

Car j’ai puissance de chants de festin,

Moi, le lion de Lat-Dior,

L’aimé des hommes, (champion de) Koumba ».

Le commentaire qu’il en donne répond exactement aux impératifs formulés par R.A. Schwaller de Lubicz en ce qui concerne l’exégèse des hiéroglyphes égyptiens :

« Une suite d’images analogiques, et pas un seul mot abstrait. Et s’il y a, dans le poème, un mot de logique, « car », c’est une exception qui confirme la règle. Mais quel est le thème du poème ? Vous le devinez, c’est la puissance de la Parole poétique, mais aussi le plaisir de l’oreille et du cœur qu’elle procure, mais encore l’idée que la règle des règles est de « plaire », pour parler comme Molière. Et ce mythe, très ancien en Afrique, du Dieu-Soleil-Lion, symbole de la puissance, est vécu par le poète, qui est – ou se fait du clan du Lion. Mais le Dieu que voilà n’est pas seulement signe et sens de puissance ; il l’est de beauté et de plaisir en même temps, comme la parole poétique. D’où l’on peut se demander si le Lion est symbole de la Parole ou celle-ci de celui-là ». [29]

Le mot « lion » n’est donc pas seulement une métaphore ; il y a réversibilité et polysémie, multivalence, et aucune des notions suggérées n’exclut l’autre ; au contraire, toutes sont valables en même temps.

Si la poésie négro-afrcaine a si bien gardé le sens du mot-hiéroglyphe, on peut se demander, compte tenu des liens historiques et ethniques qui unissent l’Afrique noire à l’Egypte, si nous ne sommes pas en présence d’une survivance de l’héritage égyptien. Pour en savoir davantage, il faudrait, évidemment, se livrer à une étude beaucoup plus poussée de la littérature traditionnelle africaine, ce qui dépasserait les ambitions de mon propos actuel. Notons, toutefois, qu’il peut y avoir, là, une piste de recherches intéressante tant du point de vue de l’analyse littéraire que du point de vue de la recherche historique.

Qui s’étonnera encore qu’une femme, je veux dire Hélène « la belle Hélène », ait pu mettre en marche toute l’armée des héros grecs, de Patrocle à Ulysse, d’Agamemnon à Achille, en voyant jusqu’où peut nous mener une analyse du thème de la femme en poésie ?

Mais revenons à l’image, image que j’appellerai « image hiéroglyphique », compte tenu de l’analyse qui précède. Notre image hiéroglyphite ou notre mot-hiéroglyphe est donc un condensé de significations qui exprime l’unité profonde du cosmos à travers ses divers aspects et qui donne une certaine forme, une certaine organisation à l’œuvre, même si cette dernière a l’apparence discontinue, rhapsodique d’un recueil de poèmes. Nous allons voir que ce n’est pas, là, la seule manière, pour l’image, de jouer un rôle organisateur.

TRANSITION

En la séparation aussi réside l’unité, car la séparation est ce qui donne ordre :

« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l’abîme, un vent de Dieu tournoyait sur les eaux.

Dieu dit : « Que la lumière soit », et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière et les ténèbres. (…)

Dieu dit : « Qu’il y ait un firmament au milieu des eaux et il sépare les eaux d’avec les eaux », et il en fut ainsi. Dieu fit le firmament, qui sépara les eaux d’avec les eaux et Dieu appela le firmament « Ciel ».

(…) Dieu dit : « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit (…) » Dieu les plaça au firmament du ciel pour éclairer la terre, pour commander au jour et à la nuit, pour séparer la lumière et les ténèbres, et Dieu vit que cela était bon » [30]

Un monde qui n’aurait d’unité que ces foyers rayonnants que sont les mots ou images-hiéroglyphes, risquerait fort de céder au vertige baroque d’un tournoiement incessant. Prolongé à l’infini, le jeu des miroirs a quelque chose d’angoissant. D’où l’apparition de ces grandes lignes de forces que sont les antithèses et les homologies d’oppositions. Ce sont elles qui scellent l’acte de création et en constituent une étape fondamentale.

L’HOMOLOGIE D’OPPOSITIONS ET LA TRANSPOSITION DE REGISTRE

L’image poétique est surtout connue pour sa valeur esthétique et pour sa puissance d’expression, voire de création. Mais ce ne sont pas, là, ses seules valeurs. Dans une étude précédente (« Le jeu de la présence et de l’absence dans Lettres d’hivernage »,j’ai déjà souligné l’emploi que le poète fait des images du passage de la nuit au jour, de la saison chaude à la saison fraîche.

La transposition de registre consiste, comme son nom l’indique, à utiliser l’image le jeu des analogies et des correspondances, pour transférer un problème ou une situation difficile dans un registre différent, où la possibilité d’une solution apparaisse aisément. L’avènement de cette solution au niveau du plan de la métaphore permet d’annoncer ou d’espérer la possibilité de trouver un dénouement heureux au problème initial. Dans le recueil « Lettres d’hivernage », c’est le passage de la nuit au jour, de la saison chaude à la saison fraîche, qui annonçait la fin de la séparation. Notons que le passage de la saison chaude à la saison fraîche était lié dans la réalité, et pas seulement au plan de la métaphore, au retour de la femme du poète.

Semblable utilisation de l’image suppose que nous nous trouvions en présence, non pas d’une image isolée, mais bien d’un système d’images. L’analogie dans ce cas ne se fait pas seulement de terme à terme, mais de structure à structure. C’est ce que Claude Lévi-Strauss appelle une « homologie d’oppositions ». La nuit correspond à la difficile période de la séparation ; le jour et sa lumière (ou plus exactement l’aube) correspondent au renouveau, à l’espoir et, par conséquent, à la certitude du retour prochain. C’est l’analogie de terme à terme. L’opposition entre le jour et la nuit correspond à l’opposition entre la tristesse de la séparation et la joie des retrouvailles ; c’est là que se trouve l’homologie d’oppositions. Nous voyons que dans l’exemple choisi l’analogie de type structural se double d’une analogie au niveau des termes, analogie que l’on peut qualifier de sémantique.

A la limite on peut imaginer des cas où l’homologie d’oppositions ne s’appellerait pas sur une analogie sémantique stricte, mais il est bien évident que le système obtenu serait alors beaucoup moins convaincant, beaucoup moins efficace par conséquent.

La structure qui vient d’être dégagée pourra se représenter sous forme de schéma :

 

Termes en opposition

plan initial         séparation         retrouvailles

plan métaphorique I     nuit       aube

plan métaphorique II    saison chaude  saison fraîche

Nous avons, là, une redondance. La structure se conçoit aisément avec l’utilisation d’un seul plan métaphorique. Notons, d’ailleurs, l’étroite proximité qui unit les deux plans : leur contenu sémantique est presque identique. On parlera donc de dédoublement de plan plutôt que de parallélisme de deux plans différents.

Il convient, maintenant, de voir si cette utilisation de l’homologie d’oppositions est un phénomène isolé dans l’œuvre poétique de L.S. Senghor, ou si nous la retrouvons dans d’autres recueils.

C’est dans « Hosties noires » que nous la retrouvons avec le plus de force et la plus grande fréquence. Le premier poème où elle soit présente s’intitule « A l’appel de la race de Saba ». Et l’opposition métaphorique s’établit, comme dans l’exemple précédent, entre le jour et la nuit. La nuit réelle devient, en effet, très vite la nuit de l’angoisse, la nuit où s’éveillent les hantises du poète, la nuit de la souffrance et de la mort.

« Mère, sois bénie !

J’entends ta voix quand je suis livré au silence sournois de cette nuit d’Europe

Prisonnier de mes draps blancs et froids bien tirés, de toutes les angoisses qui m’embarrassent inextricablement

Quand fond sur moi, milan soudain, l’aigre panique des feuilles jaunes

Ou celle des guerriers noirs au tonnerre de la tornade des tanks

Et tombe leur chef avec un grand cri, dans une grande giration de tout le corps ». [31]

A cette nuit, le poète oppose la vision lumineuse et triomphante de l’aube :

« J’ai vu – dans le sommeil léger, de quelle aube gazouillée ? – le jour de la libération.

C’était un jour pavoisé de lumière claquante, comme de drapeaux et d’oriflammes aux hautes couleurs.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mère, sois bénie ! . . . . . .

. . . . .. et salue dans le soir rouge de ta vieillesse

L’ AUBE TRANSPARENTE D’UN JOUR NOUVEAU » [32]

 

La signification accordée à chaque terme de l’opposition est très voisine de celle que nous avons déjà trouvée dans « Lettres d’hivernage ». La valeur accordée au jour et à la nuit est assez conventionnelle. Notons, toutefois, que la nuit n’est pas d’emblée la nuit de la tristesse et de l’angoisse ; c’est, d’abord, la nuit réelle. Nous ne sommes pas dans le symbolisme pur et simple. L’image n’est pas dépourvue de signification propre ; elle a, au contraire, une double valeur : une valeur personnelle concrète et une valeur symbolique. On peut faire la même remarque à propos de l’aube (« dans le sommeil léger de quelle aube gazouillée »).

La même opposition entre le jour et la nuit se retrouve encore dans le poème « Camp 1940 » :

« Lumineuse, ta voix a éclaté dans la nuit de notre prison » [33] dans « Aux soldats négro-américains » :

« A ceux qui avaient oublié le plus que d’un sourire oblique

Qui ne connaissaient plus que la saveur salée des larmes et l’irritante odeur du sang

Vous apportez le printemps de la Paix et l’espoir au bout de l’attente.

Et leur nuit se remplit d’une douceur de lait, les champs bleus du ciel se couvent de fleurs, le silence chante suavement.

Vous leur apportez le soleil. L’air palpite de murmures liquides et de pépiements cristallins et de battements soyeux d’ailes ». [34]

L’aube et le printemps

C’est à la fois un lever d’aube et un lever de printemps. Le plan métaphorique se trouve à nouveau dédoublé. Notons que cette fois, nous ne sommes plus à proprement parler dans le domaine de l’espoir, nous sommes dans le domaine de l’affirmation. Nous arrivons à la fin de la guerre et à la libération. Par conséquent, la métaphore ne joue plus le rôle d’une promesse de salut, d’un viatique dans l’attente des jours meilleurs ; elle exprime, cette fois, un salut bien réel. Ici, c’est le sens métaphorique qui est premier (et pour le jour et pour la nuit) ; puis ce sens métaphorique s’incarne dans une superbe évocation d’aube printanière.

Dans les deux derniers exemples cités, l’homologie d’oppositions joue essentiellement un rôle expressif ; elle permet d’incarner, dans la densité du concret, du quotidien, une idée ou un sentiment et de lui donner, ainsi, l’évidence, la vigueur propre aux réalités tangibles.

Néanmoins, ce que le poète a attendu, on le sent, ce n’est pas seulement la fin de la guerre, les uniformes que l’on plie, les fusils que l’on range ; c’est aussi la fin d’un monde de haine, d’injustice et d’oppression. Par conséquent, le rôle que j’ai assigné à l’homologie d’oppositions subsiste néanmoins au niveau de l’ensemble du recueil.

Car, exactement comme dans « Lettres d’Hivernage », les métaphores du jour et de la nuit n’apparaissent pas seulement ça et là, au fil des poèmes, elles constituent une trame qui sous-tend l’ensemble du recueil et qui lui donne forme. Parlant des « Châtiments » de Victor Hugo, Pierre Albouy déclare que cette œuvre est un « voyage au bout d’une nuit derrière laquelle il y a le jour ». [35] La même formule pourrait s’appliquer à « Hosties noires », à cela près que la nuit hugolienne est une nuit de sabbat, le grotesque mêlé à l’épouvante et à la fange ; la nuit senghorienne, une nuit tantôt d’apocalypse (« Chant de printemps »), tantôt de veillée funèbre. NI caricature, ni humour noir ; seule une plainte tragique.

Après la valeur de messagère d’espoir, puis la valeur expressive, nous découvrons une autre valeur de l’homologie d’oppositions : son rôle architectonique. Il est des recueils de poèmes qui sont simplement une succession de pièces sans lien très serré qui les unisse. Il en est d’autres au contraire dans lesquels on sent nettement la présence d’une structure qui donne forme à l’ensemble et érige le recueil au rang d’œuvre d’art, plutôt que de collection d’œuvres d’art. Certains recueils sont comparables à une exposition centrée autour d’un thème précis ; d’autres, au contraire, ressemble à l’antre cosmopolite d’un antiquaire ou d’un brocanteur, ce qui ne veut pas dire qu’ils soient nécessairement inférieurs : un poème peut très bien se suffire à lui-même, tel un bijou.

Certes, la structure d’ « Hosties noires » est, d’abord, temporelle ; de 1939 à 1945 (si l’on excepte le poème liminaire qui est daté de 1940, mais qui, comme son nom l’indique, est un poème à part, l’équivalent d’un prologue de théâtre ou d’une préface de roman). Nous passons donc du début à la fin de la période troublée, et ce passage s’exprime, comme dans « Lettres d’Hivernage », à l’intérieur de la métaphore du passage de la nuit au jour. La structure temporelle abstraite s’incarne dans la métaphore.

Le transfert ne s’opère pas seulement en faveur des métaphores de l’obscurité et de la lumière. Il s’opère aussi au profit du registre végétal. Les soldats qui meurent sont feuilles fauchées par le vent :

« Quand fond sur moi, milan soudain, l’aigre panique des feuilles jaunes

Ou celle des guerriers noirs au tonnerre de la tornade des tanks ». [36]

Au jardin du Luxembourg, les jonchées de feuilles mortes de l’automne évoquent, pour le poète, sa désillusion et la jonchée des cadavres sur les champs de bataille :

« Vaincus mes rêves désespérément mes camarades, se peut-il ?

Les voici qui tombent comme les feuilles avec les feuilles, vieillis blessés à mort piétinés, tout sanglants de sang

Que l’on ramasse pour quelle fosse commune ? » [37] _ Morts ramassés à la pelle, comme les feuilles mortes au jardin, morts ratissés, entassés comme feuilles à l’entrée de l’hiver. Et voici que les feuilles deviennent des cadavres, les cadavres deviennent feuilles :

« Je vois tomber les feuilles dans les faux abris, dans les fosses, dans les tranchées ». [38]

La métaphore végétale exprime la multitude des morts qui s’amoncellent, mais ce n’est pas, là, sa seule fonction. Le végétal, en effet, meurt et renaît, la terre est un réservoir de possibilités virtuelles infinies. Après l’automne du Luxembourg, il y aura le printemps, avril, le renouveau. C’est ainsi que, dans le poème « Assassinats », la superposition progressive des images empruntées au thème végétal finit par triompher de la mort et par imposer l’idée, la certitude de lendemains différents. Après l’image des dieux couchés, des fleurs fauchées, voici que la fin du poème nous fait assister à la poussée irrépressible de toute une forêt :

« Vous êtes la pullulance sacrée des clairs jardins paradisiaques

Et la forêt incoercible, victorieuse du feu et de la foudre ». [39]

L’homologie d’oppositions entre la vie et la mort du végétal et celles de l’homme est apparue très tôt dans les textes. Aux Egyptiens déjà de l’Egypte pharaonique, elle permettait d’affirmer le triomphe de la vie sur la mort :

« (Tantôt) je vis, (tantôt) je meurs) (oui) je suis Osiris !

De toi je suis sorti) (Esprit de la végétation),

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

(Tantôt) je vis, (tantôt) je meurs.

L’orge, c’est moi,

(et) je ne péris pas ! » [40]

Si nous faisons allusion à l’Egypte, c’est qu’ « Hosties noires » nous paraît, en effet, un texte osirien, non seulement à cause de l’alternance mort-renaissance, mais aussi parce qu’on y trouve exprimées deux idées complémentaires : celles de la rédemption et du sacrifice.

Sacrifice qui est comparé, assimilé aux sacrifices des cultes agraires :

« Est-ce sa faute si Dieu lui a demandé les prémices de ses moissons

Les plus beaux épis et les plus beaux corps élus patiemment parmi mille peuples ? » [41]

Le Christ et Osiris

A l’homologie d’oppositions qui unit la vie et la mort de l’homme à celles du végétal, s’en greffe une autre qui oppose la mort et la résurrection triomphante du Christ rédempteur. Les deux registres métaphoriques sont, d’ailleurs, plus proches qu’on pourrait le croire au premier abord. Si l’on en croit l’égyptologue Cheikh Anta Diop, Osiris et le Christ sont « identifiables point par point ». Osiris est le dieu du blé qui meurt et qui renaît, il est aussi le dieu rédempteur qui ouvre à tous les hommes le chemin de la vie après la mort. Le Christ d’ « Hosties noires » (l’Afrique crucifiée) est bel et bien un Christ osirien, un Christ qui s’est retrempé aux sources des cultes agraires. Consciemment ou non, le poète a retrouvé, grâce sans doute aux influences paysannes qu’il a reçues en pays sérère, la figure du Christ primitif.

Par conséquent, nous parlerons encore de redoublement métaphorique plutôt que de dualité.

En résumé, nous trouvons donc, à l’intérieur du recueil « Hosties noires », quatre séries d’oppositions métaphoriques que nous pouvons regrouper deux à deux :

  1. I) l’opposition nuit-aube,

l’opposition automne printemps, qui est un doublet de la précédente,

  1. II) – l’opposition mort-renaissance végétale, l’opposition passion résurrection.

La plus importante de ces homologies d’oppositions, c’est bien évidemment la dernière. C’est elle qui a donné son nom au recueil : « Hosties noires ». L’hostie (du latin « hostia » : la victime offerte en sacrifice expiatoire), c’est bien le Christ crucifié, le Christ qui offre en sacrifice sa vie et sa souffrance pour racheter les péchés du monde. L’Afrique souffrante est donc assimilée au Christ.

« Seigneur, au pied de cette croix – et ce n’est plus

Toi l’arbre de douleur, mais au-dessus de l’Ancien et du Nouveau Monde [42] l’ Afrique crucifiée

Et son bras droit s’étend sur mon pays, et son côté gauche ombre l’Amérique ». [43]

« L’arbre de douleur », c’est la croix du Christ. Une allusion à l’Amérique, à Haïti, aux quatre cents ans de traite nous indique que le cadre de la seule Deuxième Guerre mondiale n’est qu’un moment dans une très longue histoire. C’est de plusieurs siècles de « passion » (au sens christique) et de servitude que veut parler le poète. On ne s’étonnera donc pas si j’ai relevé dans le recueil quatre séries d’homologies d’oppositions : aux grands maux, les grands remèdes.

Je l’ai déjà signalé dans mon ouvrage « Léopold Sédar Senghor ou la poésie du Royaume d’enfance », la passion christique est le foyer central vers lequel convergent tous les poèmes, toutes les images du recueil. A travers l’analyse que je viens de faire, on comprend mieux le mécanisme de cette convergence. Les oppositions nuit – aube, automne-printemps, mort-renaissance végétale sont au fond des aspects d’une seule grande antithèse qui oppose la passion et la résurrection du Christ. C’est d’elle que provient réellement le souffle messianique qui anime le recueil.

La dialectique de la mort et de la rédemption épouse la succession des poèmes. Un peu comme c’est le cas pour les « Châtiments » de Victor Hugo, la première moitié du recueil est une sorte de descente aux enfers ; dans la deuxième partie, au contraire, les notes d’espoir et de lumière, clairsemées au début, se font plus nombreuses et finissent par prédominer. Le développement des homologies d’oppositions suit donc l’ordre du recueil. La démarche n’est pas parfaitement rigoureuse néanmoins. Les deux premiers poèmes (qui font suite au poème liminaire) ne s’y insèrent pas tout à fait. Ils appartiennent à la période qui précède la Deuxième Guerre mondiale et sont en liaison avec les évènements précurseurs : « A l’appel de la race de Saba » est à lier avec la situation de l’Ethiopie, conquise en 1936 par les Italiens et également avec les drames qui commencent à éclater en Europe : guerre d’Espagne, déportation massive des Juifs, triomphe du fascisme, mais également triomphe du Front populaire en France. Une situation par conséquent pleine de gravité, mais porteuse d’espoirs. Voilà pourquoi le poème s’achève sur un chant de triomphe. Le deuxième poème, « Méditerranée », est d’un caractère beaucoup plus personnel, plus individuel. On y trouve, certes, une allusion à la guerre d’Espagne (Alméria), mais il s’agit essentiellement de la rencontre de deux hommes, deux frères de race, tous deux loin de leur patrie et qui échangent des souvenirs et l’amour du pays. Ce que L. S. Senghor a voulu évoquer dans ce poème, au-delà de l’anecdote, c’est le caractère essentiel que revêtent parfois certaines minutes. Cet homme sans doute ne l’a-t-il jamais revu, sans doute ne l’avait-il jamais vu auparavant. Et pourtant. Et pourtant, dans cet instant unique et qui n’aura pas de prolongement réel, il s’est passé quelque chose de très important ; une rencontre que le poète a tenu à commémorer. D’où ce poème qui surprend un peu dans le contexte, mais qui est à rapprocher des différents poèmes d’éloge contenus dans le recueil.

Nox et Lux

Remarquons, cependant, que le cheminement dialectique est beaucoup moins net que dans les « Châtiments » de Victor Hugo. Le dernier poème, « Prière de Paix », ne présente plus les accents triomphaux que l’on trouvait dans « A l’appel de la race de Saba ». On sent que les meurtrissures et les plaies de la guerre sont encore fraîches au cœur du poète. Il garde encore, dans ses yeux, la vision d’un monde ravagé par la haine. « Les châtiments » se terminent au contraire sur la prédiction triomphale de la victoire de la lumière sur les ténèbres. « Lux » [44] titre du (dernier poème) chasse « Nox » [45] (titre du premier poème) :

« Temps futurs ! vision sublime ! Les peuples sont hors de l’abîme.

………………………..

Oh ! voyez ! la nuit se dissipe ,

Au fond des cieux un point scintille.

Regardez, il grandit, il brille,

Il approche, énorme et vermeil.

O République universelle,

Tu n’es encore que l’étincelle,

Demain tu seras le soleil !

Et laissant l’Ether pur luire à travers ses branches,

Le jour apparaîtra plein de colombes blanches,

Plein d’étoiles la nuit ».

Dans le recueil « Hosties noires », les homologies d’oppositions ont un rôle très important et également très divers : un rôle que j’appellerais sémantique, car il concerne le message de l’œuvre ; c’est le rôle de résolution des contraires ; un rôle architectonique ; un rôle sur le plan de la technique de l’écriture : les oppositions de clair-obscur sont aussi importantes dans la littérature que dans la peinture ; elles donnent du relief et de l’expressivité à l’œuvre, que l’on sent, alors, traversée de grandes lignes de force et animée d’un intense mouvement dramatique.

Dans les autres recueils de L.S. Senghor, les homologies d’oppositions sont encore très fréquentes. Ce qui se comprend aisément, l’antithèse est une des catégories essentielles du fonctionnement mental de l’être humain. Néanmoins, elles ne sont pas investies du rôle puissant qu’elles occupent dans « Lettres d’hivernage » et « Hosties noires ». Cela provient du fait que ces recueils ne présentent pas la même unité, mais sont plus simplement des collections de poèmes divers d’inspiration et de forme.

L’antithèse mort-renaissance végétale se retrouve dans deux poèmes du recueil « Ethiopiques » : « New-York » et « L’Absente ». Dans « New-York », l’image du végétal est annoncée dès la première partie du poème, par les expressions « trottoirs chauves » et « quinze jours sans un puits ni pâturage ». Ces expressions sont métaphoriques, elles traduisent l’aridité de la ville pétrifiée dans le minerai, ville sans âme, donc sans vie, sans manifestation de vie. Lorsque le poète [46] veut, ensuite, dans une deuxième partie, antithétique de la première, montrer l’explosion de la vie dans le quartier noir de Harlem, il suffit de proclamer le jaillissement d’une végétation nouvelle :

« Harlem Harlem ! voici ce que j’ai vu Harlem Harlem ! une brise verte de blés sourdre des pavés labourés par les pieds nus de danseurs Dans » [47]

Au thème de la résurrection végétale, s’ajoutent des images de fête, de liesse populaire ; mais l’image forte, l’image-matrice qui permet de passer de la mort à la vie ou plus exactement de la non-vie à la vie, c’est l’image de l’explosion végétale. Notons, au passage, qu’il y a là, l’évocation d’un rite agraire : la danse destinée à éveiller les puissances de vie, de fécondité endormies dans la terre, rite que le poète a peut-être vu pratiqué en pays sérère et qu’il connaît bien en tous cas, de par sa culture gréco-latine.

Dans le poème « L’Absente », le thème de la renaissance végétale est lié avec celui de l’eau. L’attente de l’eau correspond à l’attente de l’inspiration et peut-être aussi du renouveau politique.

On aurait tort de considérer la transposition de registre comme un travestissement. En réalité, il y a simultanéité, parallélisme des divers registres. Ainsi, dans « l’Absente », ce sont trois thèmes qui sont développés simultanément, conjointement, et qui s’épaulent les uns les autres, comme pourraient le faire les différentes masses vocales composant un chœur. Dans un chœur, les voix se mêlent ; dans le poème également, les thèmes se chevauchent et s’imbriquent. C’est ainsi que la voix du poète « germe », puis « mûrit » :

« Qu’elle germe dans la mémoire de l’Absente qui règne sur mes horizons de verre

Mûrisse dans la vôtre ô jeunes filles, comme la farine futile pour nourrir tout un peuple » [48]

Teddungal

 

Les mêmes images se retrouvent, dans une moindre mesure, à l’intérieur du poème « Teddungal », qui, à une traversée de désert, le « Dyêri », en saison sèche, oppose le pays et couvert de moissons de l’hivernage :

« Le lac Baïdé faisait nos pieds plus frais, et maigres nous marchions par le Pays-haut du Dyêri.

Et soufflaient les passions une tornade fauve aux piquants des gommiers. Où la tendresse du vert au Printemps ?

Yeux et narines rompus par Vent d’Est, nos gorges comme des citernes sonnaient creux à l’appel immense de la poitrine ….

.. .. .. .. .. .. .. ..

Ce fut un grand déchirement des apparences, et les hommes restitués à leur noblesse, les choses à leur vérité.

Vert et vert Wâlo et Fouta, pagne fleuri de lacs et de moissons.

De longs troupeaux coulaient, ruisseaux de lait dans la vallée ». [49]

Là encore, le thème végétal est à prendre dans son sens réel, concret, mais aussi dans un sens métaphorique.

Les images du passage de la nuit au jour se retrouvent dans quelques poèmes de « Nocturnes » : « Une main de lumière », « Je t’ai accompagnée », « Chant de l’initié », et également dans un poème d’ « Ethiopiques » : « L’homme et la bête ». Elles constituent, elles aussi, un registre métaphorique dans lequel l’auteur aime particulièrement à puiser. On le voit, les deux registres fondamentaux auxquels L.S. Senghor emprunte les termes devant servir de métaphores dans le cadre d’une homologie d’oppositions, ont trait aux grandes lois cosmiques. C’est dire à quel point sa poésie est une poésie enracinée dans la nature et proche encore des éléments. L’enfance africaine « parmi les tanns, parmi les bois » aura été déterminante ; c’est elle qui continue à fournir au poète ses thèmes métaphoriques de prédilection. Il suffit d’ouvrir les deux derniers recueils : « Lettres d’Hivernage » et « Elégies majeures », pour se rendre compte que l’enfant sérère, l’enfant contemplatif, habite toujours en l’homme de soixante-dix ans et que ce que le poète écrivait en 1954, dans la postface à « Ethiopiques » est toujours vrai :

« Et puisqu’il faut m’expliquer sur mes poèmes, je confesserai encore que presque tous les êtres et choses qu’ils évoquent sont de mon canton : quelques villages sérères perdus parmi les tanns, les bois, les bolongs et les champs ». [50]

Si l’homologie d’oppositions et l’antithèse sont aussi fréquentes dans sa poésie, c’est, sans doute, en raison même de leur fréquence naturelle. Le cosmos nous offre la présence constante des contraires, leur succession rythmique, à tel point, d’ailleurs, que la plupart des cosmogonies font allusion à la dualité essentielle de l’univers. Ressemblance, différence, thèse, antithèse sont aussi les catégories fondamentales de fonctionnement de l’esprit humain. « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ».

Parlant du recueil « Hosties noires », j’ai insisté sur le rôle architectonique qu’y jouent les différentes homologies d’oppositions. Ce rôle, on le retrouve au niveau des poèmes isolés. « New-York », par exemple, est bâti rigoureusement en trois parties : thèse, antithèse, synthèse. Même lorsque la composition ne présente pas une progression dialectique aussi rigoureuse, les grandes lignes de force du poème sont néanmoins les différents moments d’exposition du système métaphorique. C’est lui qui sert de « patron dynamique » [51] à l’ensemble des images et des thèmes qui seront évoqués au cours du poème.

En résumé on peut dire que l’image, au lieu d’être employée isolément, entre souvent en composition dans un système d’images. Sa valeur individuelle se double alors de celle qu’elle reçoit du fait de sa participation à un système. Les systèmes métaphoriques n’ont pas qu’une valeur sémantique pure ; ils ont aussi une valeur architectonique, ils constituent en quelque sorte l’architecture thématique de l’œuvre, qu’il s’agisse d’un poème isolé ou d’un recueil entier. En plus de cela, ils ont un rôle sécurisant, un rôle de conciliation et de médiation. L’image, qui nous paraît souvent le lieu de la plus grande liberté, de la plus grande invention, se plie en fait bien souvent aux lois habituelles du fonctionnement mental. En la poésie même, on peut trouver la marque d’un certain « esprit de géométrie ».

EPILOGUE

Ainsi, le voit-on, l’analogie, qu’elle soit d’ordre uniquement sémantique ou qu’elle soit d’ordre structural, contribue puissamment à l’unité de l’œuvre. Cette unité traduit, à tous les niveaux, l’unité profonde du cosmos. L’antithèse même n’est que l’autre face de cette unité et l’homologie d’oppositions ne fait que répéter, refléter la bipolarité fondamentale de l’univers, qui, comme le Dieu des Chrétiens, est trois en un : thèse, antithèse, synthèse ou résultante des contraires, trois mouvements qui consacrent l’unité du cosmos à travers ses divers aspects. L’œuvre poétique naît de cette vision d’un cosmos profondément un, et elle traduit cette unité par le biais de l’analogie. Il est vrai que l’auteur proclame assez sa propre division :

« Ah ! ne suis-je pas assez divisé ? » [52]

Division qui provient de son métissage culturel, de son appartenance aux deux mondes de l’Afrique et de l’Occident. On aura peut-être du mal, dans ces conditions, à admettre que son univers soit néanmoins un univers un. Et pourtant, c’est la vérité. Univers un primordial, qui se scinde, et c’est l’apparition de la tension bipolaire ; mais cette tension bipolaire est le facteur qui finit par recréer l’unité. De la confrontation des deux cultures, en naît une nouvelle, qui ne sera pas exactement la répétition de la première, ni celle de la deuxième, mais leur somme, le résultat de leur commune maturation. La découverte de l’art nègre aura enrichi la culture occidentale d’une dimension nouvelle, il en est de même pour la culture africaine, appelée à se redéfinir, à se ressourcer en elle-même et en même temps à se dépasser. Sans doute, cela ne va-t-il pas sans luttes, sans déchirements, et c’est une œuvre difficile et instable, mais l’instabilité est le propre de la vie et L.S. Senghor l’admet parfaitement, sans que cela anéantisse pour autant sa confiance :

« Cet équilibre que vous admirez est un équilibre instable, difficile à maintenir. Il faut, chaque jour, repartir à zéro… En effet, cet équilibre est sans cesse rompu. Il faut, non seulement le rétablir, mais encore le perfectionner.

Je ne m’en plains pas. Ce sont ces ruptures et ces efforts qui, chaque jour, vous font avancer d’un pas, qui font la grandeur de l’homme ». [53]

On comprend pourquoi l’antithèse des forces cosmiques revient si souvent dans sa poésie. L’univers nous offre l’image de l’équilibre gagné sur la lutte des forces contraires, il est l’image de la synthèse réalisée ou à réaliser à l’intérieur du Moi. L’œuvre d’art en est la projection, la concrétisation sur « l’écran de la matière ». [54]

 

[1] Rimbaud : « Illuminations » p. 271 (éd. Garnier).

[2] « Femme noire » in « Chants d’ombre », p. 14.

[3] « Lasse ma tête mienne-ci » in Nocturnes, p. 182.

[4] « Pourquoi fuir sur les voiliers migrateurs ? » in Nocturnes, p. 186.

[5] cité dans Dialogue sur la poésie francophone (Seuil), p. 106.

[6] nouvelle d’Oscar Wilde, in Le fantôme des Canterville

[7] p. 106.

[8] Liberté I – p. 164 (Langage et poésie négro-africaine)

[9] « Lasse ma tête mienne-ci » in Nocturnes, p. 182.

[10] « Messages » in Ethiopiques, p. 105.

[11] « Chaka » in Ethiopiques, p. 119.

[12] « Ecoutez les abois » in Nocturnes, p. 195.

[13] « Elégie de minuit » in Nocturnes, p. 197.

[14] « Léopold Sédar Senghor », p. 68.

[15] « Elégie de minuit » in Nocturnes, p. 197.

[16] Elégie pour la reine de Saba in Elégies p. 64. .

[17] Comme rosée du soir, in Epîtres à la Princesse, p ; 135.

[18] in Ethiopiques, p. 147.

[19] Chaka, in Ethiopiques, p. 129. ]

« Tes oreilles d’orfèvrerie, tes poignets de cristal »[[ Epîtres à la Princesse, p. 137. (20).

[20] ibidem, p. 135.

[21] Lettres d’hivernage, p. 240.

[22] ibidem, p. 234.

[23] Elle fuit, elle fuit, in Nocturnes, p. 194.

[24] Que m’accompagnent kôras et balafongs, in Chants d’ombre, p. 33.

[25] Le miracle égyptien. p. 20-21. .

[26] Elégie des Alizés, in Elégies majeures, p. 15.

[27] Nocturnes, p. 200.

[28] . Que m’accompagnent kôras et balafongs, in Chants d’ombre, p. 35.

[29] Dialogue sur la poésie francophone , à Elégies majeures, p.107.

[30] Genèse I (édition de la Bible de Jérusalem).

[31] A l’appel de la race de Saba – Hosties noires – p. 55.

[32] ) ibid. p. 58, 60 (Points – Seuil).

[33] « Camp 1940 (Au guélowar) p. 70 (Points – Seuil).

[34] « Aux soldats négro-américains, p. 87 (Points – Seuil).

[35] Préface aux « Châtiments »- édition de la Pléiade, p. 39.

[36] A l’appel de la race de Saba – Hosties noires – p. 55.

[37] Luxembourg 1939 – Hosties noires – p. 63.

[38] ibid. p. 64.

[39] « Assassinats » – Hosties noires – p. 75 (Points – Seuil).

[40] Textes des Sarcophages IV, 330 (cité par Max Guilmot dans « Le message spirituel de l’Egypte ancienne, p. 101, Hachette 1970).

[41] « Chant de printemps » – Hosties noires – p. 85 (Points – Seuil).

[42] Notes africaines (IFAN), n. de janvier avril 1975, p. 37.

[43] « Prière de paix I » – Hosties noires – p. 90 (Points – Seuil).

[44] Mot latin signifiant la « lumière ».

[45] mot latin qui signifie la nuit.

[46] V. Hugo, « Châtiments », édition de la Pléiade, p. 216 Sq.

[47] « New-York » in Etbiopiques, p. 114.

[48] « L’absente » in Ethiopiques, p. III (Points – Seuil).

[49] « Teddungal » in Ethiopiques, p. 106 107.

[50] Postface à Ethiopiques, p.158

[51] L’expression est de P. Claudel et s’applique en fait au rythme. Mais je la considère comme particulièrement appropriée pour exprimer le rôle d’organisation et en même temps d’élément dynamique, d’élément moteur joué par les systèmes d’images

[52] Poème liminaire, in Hosties noires, p. 55.

[53] Réponse à Armand Guibert dans « Léopold Sédar Senghor » (Présence Africaine), .p. 144.

[54] Babacar Khane : « Le Yoga de la parole », p. 7.