DU SOUFFLE DE L’AÏEUL, POUR AIME CESAIRE
Ethiopiques numéro 62
revue négro-africaine
de littérature et de philosophie
1er semestre 1999
Du Souffle – miracle de l’Aïeul S’animent des cités naguère endormies
De l’énergie solaire des sols insulaires
Saillantes effigies dans la mémoire du temps !
Du souffle – miracle de l’Aïeul
La terre est lourde d’incandescents mots
Mots-rafales !
Mots – éclairs – court – circuités !
Mots – coulées – de – lave des volcans en réveil !
Eclats météorites des temps orageux
Cendres nues d’ardentes braises
Lueurs des envolées versatiles
Lumineuses essences des paroles
Transmises de bouche à oreille
Conduits sonores des limpides ondes
Nocturnes vibrations d’éléments
Dans l’agrégat de choses organiques
Alliage de syllabes en rutilants versets
O mélodieuses soudure de formes !
O harmonie des contraires !
Mariage antithétique de messages raccommodés
Symbiose – dispersion de souffles
Jaillissement de forces mystiques
Fécondes germes universelles d’immobile – attraction
Fluides trames au fil du temps
Re-écriture du monde en flambées de syntaxes
En déferlement de pans de pensées
En déluge de fraternité
En déluge d’amour
En colère de ras-de-marée
En folie-en-furie
En folie-feu-de-brousse
En réelles saignées des plaies écartelées
En crie de soif de liberté des peuples- damnés
En cataracte d’accents d’intensité
Doux élans de souffle
De fécondes chocs
De syncopes
Rythme bondissant de sang d’esprit de chair
Flux-reflux des tracés asymétriques
Acte- prodige de re-création
Commerce antagoniste de mort – re – naissance
Eternel jeu de recommencement
Limon de boue miasmique
Inépuisables correspondances de rêves
De révélations du Verbe
Substances élancées des matières grises
Lamelles de mémoire en feu enfouies en la terre Enchanteur – vertige du vide cosmique
Mouvement sans haleine sans frein
Elan vertical que sous-tend un souffle d’éternité Vertigineuse danse de la vie jusqu’à la transe
Jusqu’à l’extase toujours recommencée
O élévation !
O Eblouissant Soleil de Convergence ! Sceau !
Moëlle du Secret – Savoir !
Irradiante Flamme !
Le voile d’énigme est consumé
Des signes sillonnent le ciel dans l’allégorie des étoiles
Des espaces prophétiques renaissent en tourbillons
En trous d’air d’ombre de lumière de son
En paroles – sel
En paroles – suaves
Tumultueux mouvement de la vie
Dans la forme vive du Verbe
Au rythme du désir de la volonté de geste de l’effort
Par – dessus vallées forêts collines montagnes
Par – dessus fleuves continents mers airs éthers
Affranchi de son poids d’images
Comme l’aigle comme la colombe
En souple mouvance en souffles bénéfiques
De Quatre-Vingts Hivernages
L’Esprit de l’Aïeul plane libre : Aimé Césaire !