André Cools
Développement et sociétés

DESARMEMENT ET DEVELOPPEMENT

Ethiopiques n°15

Revue socialiste

de culture négro-africaine 1978

 

Depuis la fin de la dernière guerre, la paix dans notre région du monde est basée sur ce que l’on appelle « l’équilibre de la terreur ». Or ces termes, d’usage courant, sont de nature à créer une fausse illusion de stabilité et de sécurité. Qui dit « équilibre » suggère une image ferme, quasiment immobile, relativement rassurante.

Force est de constater que la réalité se situe à l’opposé de cette vision statique des choses. Nous sommes bien obligés de reconnaître que, jusqu’à présent, l’équilibre de la terreur signifie en fait l’escalade constante de la terreur réciproque.

Au cours de ces 25 dernières années, la course aux armements se développe d’une façon hallucinante, en dépit de tous les efforts entrepris pour la contrôler et pour la freiner. Cette course aux armements se caractérise à la fois par le perfectionnement des instruments de destruction et par son extension géographique.

Le nombre de pays, entraînés de gré ou de force dans ce tourbillon, ne cesse de s’accroître. De plus, les pays les plus avancés sur les plans industriel et technologique n’ont jamais consenti, en temps de paix, un effort militaire aussi important et aussi soutenu.

Certains se demandent sans doute pourquoi le Président du Parti Socialiste belge évoque des problèmes relatifs au développement et au désarmement, alors que son pays d’ancienne industrialisation joue un rôle mineur dans le domaine militaire.

J’aimerais insister sur trois raisons.

Tout d’abord, la Belgique, petit pays, ne peut évidemment pas être soupçonnée de visées expansionnistes ; aussi, les quelques tentatives de solution que nous avancerons sont évidemment exemptes de quelque machiavélisme que ce soit.

De plus, confrontés que nous sommes sur le plan intérieur aux problèmes posés par la coexistence de deux communautés nationales, les Belges ont été contraints – afin de survivre comme Etat belge – au pragmatisme, au réalisme et à la négociation permanente.

Enfin, mon pays, terre d’entre-deux, point de contact entre deux grands types de civilisation, la romane et la germanique, a servi de champ de bataille à l’Europe. Depuis près de 2.000 ans, mon peuple a vécu dans sa chair et dans son sang les volontés expansionnistes des autres. Mon peuple veut la paix.

 

Le coût de la course aux armements

La disproportion dans la répartition des ressources consacrées à la défense et au développement économique a été soulignée à maintes reprises.

Deux chiffres suffisent à la démonstration. Je les trouve dans les remarquables articles que Franck Barnaby, directeur du S.I.P.R.I. a publiés dans la revue de l’Internationale Socialiste à la fin de l’année dernière.

L’ensemble des dépenses militaires de tous les pays du monde s’élève entre 350 et 400 milliards de dollars par an.

L’ensemble de l’aide économique officielle accordée aux pays pauvres en voie de développement ne dépasse guère les 15 milliards de dollars.

Ainsi, le monde dépense 25 fois plus pour la course aux armements que pour l’assistance au développement économique des pays pauvres.

En 1975, les dépenses militaires ont donc absorbé, dans le monde, davantage de moyens financiers et de ressources matérielles que l’ensemble de l’effort consenti pour l’éducation et près du double des moyens consacrés à la santé.

Le coût de l’effort de défense nous est souvent présenté comme le prix de la prime d’assurance à payer pour se garantir contre les accidents. Mais, ne risquons-nous pas, à force de chercher à nous protéger contre la foudre et le vol, de négliger un peu trop les risques d’incendie ?

Comment, dans de telles conditions, assurer à long terme le maintien de la paix si les inégalités entre pays industrialisés et pays en voie de développement ne cessent de s’approfondir.

Chez les principaux protagonistes de la course aux armements, plus de la moitié des meilleurs esprits, chercheurs, savants, spécialistes, techniciens, consacrent la somme de leurs connaissances, de leur intelligence et leur imagination à la recherche et au perfectionnement d’armes de destruction nouvel1es. Plus de la moitié des meilleurs scientifiques américains et russes sont engagés dans la recherche et le développement des moyens destinés à reculer les limites de l’horreur, de la précision, de l’efficacité pour annihiler l’adversaire.

La question de l’avenir de l’humanité se trouve ainsi posée dans des termes inédits.

Une telle constatation souligne à suffisance la responsabilité primordiale des grandes puissances dans les décisions fondamentales dont dépend le sort du futur.

Dans ce sens, nous souhaitons vivement que les négociations qui viennent d’être reprises la semaine dernière entre Américains et Russes puissent aplanir les dernières difficultés bloquant la conclusion des accords relatifs au S.A. L.T.

De même, c’est avec soulagement que nous avons pris connaissance de la décision du Président des Etats-Unis qui renonce à la production immédiate de la bombe à neutrons. Et nous espérons que l’Union Soviétique, ainsi que toutes les autres nations qui pourraient être tentées de mener à bien des recherches en ce domaine, tireront les conclusions qui conviennent de l’attitude adoptée par le gouvernement des Etats-Unis. Une désescalade dans la terreur devrait pouvoir s’amorcer à cette occasion, faute de quoi une dernière chance historique aura été ratée.

 

Crise économique et désarmement

La crise économique profonde traversée par les pays industrialisés met en évidence le poids du fardeau que représente l’effort de défense pour ces pays. A un moment où, dans la plupart des pays occidentaux, l’état des finances publiques est plus que précaire, au moment où des sacrifices considérables sont demandés à l’ensemble de la population et en premier lieu aux classes laborieuses, au moment où le chômage pose un problème d’autant plus angoissant qu’il frappe plus durement les groupes d’âges les plus dynamiques car pour les plus jeunes, l’effort demandé pour l’accroissement des dépenses militaires est particulièrement inopportun.

Certes, le niveau de la défense doit en premier lieu être déterminé en fonction de l’évaluation de la menace potentielle que représente la croissance de l’effort militaire de l’adversaire éventuel. Mais il ne faudrait pas, pour reprendre la formule utilisée récemment par Henri Simonet, que, sous prétexte de défense, on accroisse le poids du bouclier jusqu’au point où il risque d’écraser, celui-là même qu’il prétend protéger.

Une distinction s’impose ici. Il est évident que l’impact de l’effort de défense d’un pays déterminé, sur les plans économique et budgétaire, dépend de sa qualité d’exportateur ou d’importateur d’armements.

Cette dernière situation est précisément le cas pour la plupart des pays petits et moyens européens, dont la situation de dépendance économique vis-à-vis de leur commerce extérieur, accroît, sensiblement leur vulnérabilité économique. Leur capacité de relance économique est singulièrement déterminée par leur capacité d’exportation de produits achevés et finis qui doit leur permettre d’importer les matières premières dont la transformation constitue pour eux la principale ressource économique.

L’accroissement des dépenses militaires pour ces pays représente dès lors un fardeau d’autant plus considérable qu’il réduit sérieusement leurs moyens de lutte contre la crise par une politique concertée de relance.

Mais même dans les pays européens plus importants comme le Royaume Uni ou la France, qui disposent d’une industrie nationale d’armement et d’équipement militaire, les Socialistes peuvent se poser la question, que le rapport du Labour Party sur la défense formule comme suit (je cite) :

« Le danger le plus réel pour notre société ne provient-il pas en fait des niveaux excessivement élevés de dépenses de défense qui gaspillent des ressources précieuses et retardent ainsi le rétablissement de l’économie ? Ils détournent ainsi des moyens d’investissements du type d’industries qui produisent des biens socialement désirables. [1]

D’une façon plus frappante encore, le rapport cite la phrase célèbre de Robin Cook :

« Nos missiles nucléaires sont déjà en train de tuer des êtres humains, parce que nous gaspillons nos ressources à la fabrication des missiles, alors qu’elles pourraient être investies en vue d’assurer l’approvisionnement du monde en produits alimentaires. »

Un niveau élevé de dépenses militaires peut effectivement constituer un sérieux handicap économique. Sans vouloir un seul instant prétendre que cet aspect particulier constitue la seule explication de la croissance « miraculeusement » rapide du Japon, on ne peut oublier cependant que ce pays n’a pas eu à supporter le genre d’effort qui a certainement contribué à retarder la progression économique de la Grande Bretagne. De même, le redressement économique spectaculaire de l’Allemagne fédérale, après la dernière guerre mondiale, s’est effectué au cours des premières années et jusqu’à la fin des années cinquante, à un moment où les dépenses militaires allemandes restaient encore relativement modestes.

Les décisions concernant le niveau des dépenses de défense ne se prennent pas exclusivement sur le plan militaire et politique. Elles concernent une forme de répartition des ressources disponibles tant en ce qui concerne le potentiel humain et la main d’œuvre qualifiée, qu’en ce qui concerne l’effort de recherches technologiques et scientifiques. Ces ressources sont prélevées sur les deniers publics.

Elles ont donc leur répercussion directe sur le niveau des taxations et des impôts. Et comme les niveaux de dépenses sociales, de fonctionnement des administrations et de la consommation publique sont largement incompressibles ; les dépenses militaires entrent en compétition directe avec les investissements publics. C’est assez dire qu’elles influencent directement les capacités de relance économique par les pouvoirs publics.

Dans la mesure où le produit des industries d’armements est stocké sur place, non utilisé, et amorti par suite du vieillissement accéléré de ce type de bien, les salaires payés à la main d’œuvre occupée dans ces industries risquent d’avoir une influence inflatoire sur l’économie. D’où, entre autres, l’intérêt pour le pays producteur de promouvoir ses exportations qui en permet la production de masse, réduisant ainsi, par des économies d’échelle, le coût de cette production.

En conclusion, l’observateur impartial de l’économie ne peut manquer d’être frappé par le fait que la tentative de baser la relance de l’économie sur le développement des industries d’armement ne peut être valable que pour les seuls pays, capables d’exporter une partie importante de leur production militaire et au détriment des capacités de développement économique des pays qui sont importateurs d’armes. Nous y reviendrons plus loin.

 

Désarmement et chômage

Le problème prioritaire, posé par la crise actuelle aux socialistes des pays industrialisés, reste incontestablement celui du chômage, avec plus de 7 millions de chômeurs en Europe occidentale et des taux de chômage moyens de 6 % de la population active civile, le droit au travail, surtout pour les jeunes et les femmes, devient la question cruciale. Les perspectives pessimistes d’un chômage croissant viennent aggraver l’inquiétude des classes laborieuses.

Le système économique actuel s’efforce d’accréditer l’idée que le plein emploi des années 60, où le taux de chômage se situait aux environs de 3 % de la population active, appartient irrémédiablement au passé. Le taux de chômage actuel serait une fatalité économique inéluctable due aux progrès scientifiques et techniques, à l’accroissement de la productivité.

Dès lors, l’appel sous les drapeaux d’un nombre croissant de jeunes et le développement des industries d’armement pourraient être présentés comme des palliatifs à la remise au travail des chômeurs.

Il est évident qu’une telle approche reste fondamentalement et totalement inacceptable pour les socialistes.

L’allongement de la durée du service militaire, le recrutement de volontaires n’auraient aucun effet sur le volume total de la production et l’élévation des dépenses publiques en découlant aggraverait en permanence des déficits budgétaires tout en renforçant l’inflation.

Reconstruire la prospérité apparente de la partie industrialisée du monde sur le développement des productions d’armes sur la relance de la course aux armements et sur la mobilisation permanente des jeunes, est une aberration indigne d’une politique industrielle rationnelle, alors que tant de besoins vitaux collectifs et individuels, restent insatisfaits parce que, provisoirement, non solvables.

Au contraire, l’objectif permanent, d’un point de vue socialiste, ne peut être que de réorienter progressivement vers des utilisations civiles les secteurs industriels militaires. Il est évident que la reconversion des industries d’armement vers des productions nouvelles, permettant le reclassement des ouvriers de ces secteurs, pose de sérieux problèmes. Mais il est tout aussi clair que la politique industrielle à mener par les gouvernements devra viser, grâce à la planification démocratique et avec la collaboration des travailleurs intéressés, à la satisfaction des besoins réels, plutôt qu’à ceux artificiellement créés par le complexe militaire-industriel et soutenus par les lobbies militaires.

Tout ceci suppose un renforcement du contrôle parlementaire et syndical sur l’ensemble des problèmes relatifs à la défense, sans mettre en cause le maintien indispensable de certains secrets à caractère exclusivement technique ou militaire, mais en rompant cependant le monopole des informations globales dont peuvent se prévaloir les états-majors. Nos opinions publiques ont le droit de savoir et de comprendre à quoi servent les sacrifices qu’on leur impose.

 

Le commerce international des armes

Si la crise de la croissance économique a sérieusement ralenti la progression des échanges commerciaux mondiaux, elle n’a certainement pas touché le développement du commerce international des armes et, plus particulièrement, celui à destination des pays du Tiers-Monde. Selon le rapport annuel du « Stockholm International Peace Research Institute » de 1977, la valeur des importations de matériel et d’armes militaires des pays du Tiers-Monde a plus que doublé entre 1972 et 1976, pour atteindre près de 7,3 milliards de dollars au cours de cette dernière année. Tout se passe comme si les pays industrialisés, incapables d’aider ces pays à se nourrir, à se guérir de maladies infectieuses et à s’instruire sont par contre à même que de leur fournir les moyens de plus en plus perfectionnés de s’entre-tuer.

L’intérêt de ces exportations pour les pays producteurs d’armements a déjà été mentionné ci-dessus.

A côté des aspects purement économiques, il est évident que l’aide militaire est un moyen privilégié, utilisé par les puissances dominantes pour renforcer leur influence dans un certain nombre de pays.

Les Etats-Unis, l’Union Soviétique, le Royaume-Uni et la France sont de loin les principaux exportateurs de systèmes d’armes importants. A eux quatre, ils fournissent 90 % des armes militaires vendues au Tiers-Monde.

Au total, quelques 110 pays, dont 78 appartenant au Tiers-Monde, passent annuellement des commandes d’armes portant sur un montant total de 20 milliards de dollars (rappelons une fois de plus à titre de comparaison que le total de l’aide officielle au développement se situe au maximum aux environs de 15 milliards de dollars).

Si le commerce des armes et l’aide militaire gratuite n’existaient pas, la course aux armements sophistiqués se limiterait à une demi-douzaine de pays industrialisés. Actuellement, cette course s’est étendue au monde entier.

Il n’est peut-être pas encore tout à fait trop tard, mais il est certainement plus que temps pour tenter de relancer un certain contrôle international sur les ventes d’armes.

Ici, une fois de plus, les grands devraient donner l’exemple. A ce sujet, non plus, les idées que j’ai à proposer n’ont rien d’original. Il s’agirait de se mettre d’accord sur un certain nombre de critères acceptables pour tous, et de fixer un code de bonne conduite. Nos camarades suédois ont fait à ce sujet et à de multiples reprises des propositions intéressantes, mais sans succès jusqu’ici.

La prochaine réunion de la Conférence extraordinaire des Nations Unies pourrait être l’occasion de reprendre ces initiatives. Elles visent essentiellement à contrôler, à limiter, voire à interdire les livraisons d’armes aux pays situés dans les régions conflictuelles chaudes du monde, d’éviter de créer de nouveaux foyers de conflits, d’obtenir les garanties nécessaires de non-réexportation de livraisons à des pays autres que le destinataire original, d’éviter les ventes d’armes qui pourraient être utilisées par les régimes dictatoriaux bafouant les droits fondamentaux de l’homme à des fins de répression interne, à refuser toute garantie d’état pour la bonne fin de paiements d’armements achetés par les pays du Tiers-Monde et dépassant manifestement leurs besoins de sécurité fixés de commun accord.

Personne ne sait si ces courses aux armements conduisent ou non à la guerre, mais il est certain que l’existence d’arsenaux considérables augmente le niveau de la violence lorsque le conflit éclate ».

Elles détournent certainement une partie précieuse des ressources de ces pays de leur objectif prioritaire par excellence, celui de leur développement social et économique ;

 

La prolifération des armes nucléaires

C’est brièvement que je traiterai du problème de la prolifération des armes nucléaires ; un exposé spécifique lui a été consacré.

Néanmoins, il me semble important de souligner que ce danger est lié à la crise de l’énergie. C’est en effet depuis 73 que nous assistons à une prolifération des centrales nucléaires.

Par voie de conséquence, la fabrication d’explosifs nucléaires est devenue désormais possible comme sous-produit de programmes d’énergie nucléaire destinés aux besoins civils. Cette production secondaire offre en outre l’avantage d’être relativement peu coûteuse. Ainsi commence l’ère du plutonium, matière première des centrales nucléaires qui produisent de l’électricité.

Une fois encore la solution à cet angoissant problème se trouve dans l’instauration d’un contrôle international efficace.

Devant la gravité de la situation ainsi créée, il conviendra sans doute de réexaminer attentivement cette question tout en veillant à ce que, sous prétexte de contrôle, ne se reconstitue un véritable monopole de quelques super puissances, s’assurant seul le droit d’exportation de centrales nucléaires au détriment des autres membres du club de Londres.

 

Le désarmement

La crise cubaine de 62 a suivi de leçon et a permis l’amorce des négociations sur la limitation des armements . Les Etats-Unis et l’U.R.S.S. ont alors entrepris une politique de contrôle des armements afin de permettre à leur compétition de se poursuivre sans risque de cataclysme nucléaire ; ce sont les accords sur une liaison directe entre la Maison Blanche et le Kremlin, le Traité de Moscou d’août 1963 interdisant les essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère, la démilitarisation de l’espace, -des fonds marins, l’accord sur la prévention du risque de guerre nucléaire.

Ayons le courage de le reconnaître : ces accords ont pour objectif principal de permettre la poursuite d’une course aux armements qui soit financièrement supportable par les économies des deux grands.

L’équilibre de la terreur et les négociations militaires entre russes et américains qui en sont les corollaires, assurent la paix par la peur.

Pour le moment se négocie à Moscou un second accord Salt. Nous pouvons nous en réjouir. Nous devons néanmoins garder à l’esprit que la limitation quantitative des armements stratégiques à laquelle les négociations Salt conduiront, n’est rendu possible que par une amélioration qualitative des vecteurs et des têtes nucléaires. Ainsi, l’accord permettra de multiplier les ogives et laissera le champ libre au développement des nouveaux systèmes d’arme. Salt II n’arrêtera pas la compétition stratégique actuelle. La logique de ces négociations a toujours été de laisser la voie libre à la percée technologique dans les domaines essentiels et de prendre en compte les programmes de développement des armements. Répétons-le, l’objectif actuel n’est pas la limitation des armements, mais l’organisation d’une égalité globale des forces stratégiques.

Dans des domaines moins spécifiquement militaires, la conférence de Belgrade devait mettre en œuvre les dispositions adoptées en août 1975, ici même à Helsinki. Vous le savez, les problèmes à traiter en Yougoslavie touchaient à la coopération et à la sécurité en Europe. Malgré les promesses de nouveaux progrès pour le rendez-vous pris à Madrid en 1990, il ne faut pas se cacher l’échec de cette confrontation Est-Ouest.

La conférence s’est terminée dans la désillusion pour les Occidentaux. Sans doute nos objectifs étaient-ils trop ambitieux et les gouvernements ouest européens ont-ils eu tort, malgré la pertinence de leurs arguments ; d’espérer que les Soviétiques reconnaissent publiquement leurs atteintes aux Droits de l’Homme et fassent ainsi la part belle à Jimmy Carter.

Il reste deux domaines où nous pourrons avoir une action efficace.

Tout d’abord l’Assemblée des Nations Unies tiendra en mai-juin 1978 une session extraordinaire entièrement consacrée au désarmement.

L’Internationale pourrait lancer un appel solennel à la réussite de cette réunion ; les pays du monde entier prendraient ainsi conscience de l’importance que nous attachons aux problèmes de désarmement.

Je souhaite que l’Internationale soutienne la résolution belge sur le désarmement régional. Toutes les voies qui mènent au désarmement général et complet méritent d’être explorées.

Depuis quatre ans se déroulent à Vienne des pourparlers sur la réduction des forces en Europe.

Les résultats en sont décevants. Le seul accord réalisé jusqu’à présent concerne la méthode à utiliser pour changer les chiffres sur les effectifs des forces terrestres.

Une fois ces données acquises, on peut s’interroger sur l’efficacité qu’elles représentent dans l’objectif d’une politique du désarmement. Aujourd’hui, il est évident que le nombre de soldats n’est plus l’élément déterminant du rapport des forces. En outre, on discute sans faire entrer en ligne de compte certaines forces importantes, les françaises notamment. Enfin, chaque négociation Est-Ouest est précédée par une concertation au sein des états-majors des blocs respectifs ; les militaires ont ainsi la possibilité d’empêcher tout projet politique qui ne tiendrait pas compte de leur point de vue.

Il faut en finir avec ces négociations qui s’enlisent sans fin au niveau des experts. Nous devons changer Vienne, symbole, d’un échec, il nous faut insuffler une autre dynamique de la paix. Les risques que court le genre humain sont trop grands, il nous faut inventer de nouveaux forums de discussions.

Là est l’occasion pour l’Internationale Socialiste de faire avancer la détente et la paix en mettant en avant des idées nouvelles que les grandes puissances ne pourront pas éviter de rencontrer sans faire face à la réprobation du monde entier.

 

[1] Sense about Defense – The Report of the Labour Party Defense Study Group – Quartet Books – 1977 – p. 7 and 9

 

-DESARMEMENT ET DEVELOPPEMENT

-AUTOGESTION EN MILIEU RURAL NEGRO-AFRICAIN