« ARABIES » par Jacques Berque (STOCK)
Ethiopiques n°17
revue socialiste
de culture négro-africaine
janvier 1979
Dans cet ouvrage, profession de foi plus que biographie, Jacques Berque, dont on connaît l’intelligence féconde et la culture impressionnante, la vigueur et l’originalité, nous révèle ses pensées sur le monde arabe, si complexe malgré sa constante référence à l’unité, et si passionnant dans son double effort pour la renaissance de ses grandeurs passées et pour son insertion dans la modernité.
Ce livre, présenté avec talent et délicatesse par Mirèse Akar, journaliste libanaise, déborde d’idées éblouissantes ou déconcertantes, toutes marquées du sceau d’un homme de cœur, doublé d’un savant qui n’a jamais hésité à revivifier ou à bouleverser les enseignements reçus de l’histoire sociale de l’Islam.
La pensée de Jacques Berque rejoint, sur bien des points, celle de Léopold Sédar Senghor, en ce qu’elle tend vers cet universalisme qui lui fait écrire ; « La vérité est plurale ou n’est pas parce que la planète est plurale ou ne sera pas » : appel permanent à la synthèse des grandes valeurs de civilisation, dans le respect de la diversité fécondante des civilisations partielles.
Mirèse Akar termine ainsi la présentation de « Arabies » : « Et parce que les Arabes vivent une époque complexe et heurtée, il m’a paru nécessaire de porter sur la place publique les précieuses remarques de quelqu’un qui observe, dans l’espace et dans le temps, avec la complicité mais aussi l’attention sans complaisance de celui qui aime vraiment »…
Après avoir évoqué son enfance algérienne, et rappelé que « l’Islam fut une part de notre vérité historique, interrompue aux sombres époques de la Méditerranée », Jacques Berque se trouve « rapporté à ce temps de séparation et d’unité », qui est le sien, et qui lui inspire, tout au long de sa réflexion, « ce recours à une antiquité méditerranéenne qui est ce qu’il y a de plus profond en lui », car il y puise, à volonté, « le classique et le populaire », cette « sensualité », cette « ambivalence », et ce « mélange induit plutôt que direct avec l’arabo-berbère », qui lui permettent de se sentir et de se dire « le dernier Français d’Algérie, ou le premier Arabo-Latin de la Méditerranée ».
Son enfance et la première partie de sa vie d’homme, vécues au Maghreb, renforceront ces sentiments, non dans le sens d’une « hybridation qui a quelque chose de sinistre (mais d’une) synthèse pluraliste et consciente (qui) traduit un élan du monde vers lui-même ».
C’est ce qui fait la force imperturbable de J. Berque, et lui permet une analyse lucide des grands problèmes du monde contemporain.
Sur la question de savoir ce que les pays d’Orient apporteraient encore à ceux d’Occident, J. Berque répond : leur colère, car « si les nations industrielles ne rencontraient pas devant elles cette colère, aujourd’hui parvenue au seuil d’alarme, la tyrannie serait encore plus grande dans le monde. Nous sombrerions dans une uniformité annonciatrice de la fin des civilisations. Il faut donc remercier les cultures tricontinentales de leur refus, et regretter plutôt qu’elles soient, malgré certaines effervescences, si complaisantes à l’imitation des autres. Vont-elles, avec nous, céder à l’entropie généralisée ? On doit le redouter. Pourquoi ? Parce qu’elles croient qu’il existe déjà une civilisation industrielle, ce qui n’est pas le cas. Ce que nous appelons ainsi n’est que la projection des foyers d’origine. Or il y en a deux : l’Europe occidentale avec son prolongement américain, et l’U.R.S.S. C’est pourquoi nous voyons les Arabes s’abandonner successivement ou simultanément aux modèles libéraux et socialistes, au point qu’ils se détournent généralement de leurs propres richesses »… « Laissez-moi, ajoute J. Berque, revenir à l’un de mes propos favoris : il n’y a pas de pays sous-développés, il n’y a que des pays sous-analysés, des pays inconscients de leurs potentialités, notamment humaines, des pays sous-aimés par leurs propres fils ».
Qui ne reconnaît là un des problèmes majeurs auxquels sont confrontés les Africains, et que ne cesse d’évoquer, depuis le début de sa carrière politique, le président Senghor ?
Le danger est grand. L’attitude de certains Arabes, comme celle de certains Africains, est la résultante d’une histoire contemporaine commune sur bien des points. En effet, note J. Berque, « qu’on le veuille ou non, l’Empire colonial (français) fut l’œuvre de notre IIIe République, c’est-à-dire qu’il a coïncidé avec un progrès de notre démocratie »…
Une démocratie de bourgeois, certes, et J. Berque n’incrimine pas ces démocrates, mais une attitude générale de l’Occident, fondée sur un axiome très simple : seul existe le modèle occidental, qu’il soit français, anglais, allemand ou soviétique. Le seul salut pour les peuples colonisés, c’est de s’y conformer, soit par la voie bourgeoise, soit par la voie socialiste. Dans l’une comme dans l’autre hypothèses, « l’identité passe aux oubliettes », en tant que « primitive » ou que « réactionnaire »…
Qui ne voit, là encore, l’un des problèmes de l’Afrique, et qui n’entend l’objurgation de Léopold Sédar Senghor aux Africains de « penser par eux-mêmes et pour eux-mêmes », et de fonder un socialisme tenant compte de l’identité africaine ? C’est par ces mots, précisément, que J. Berque conclut cette partie de sa méditation : « Bref, il fallait, au Tiers-Monde, non pas accepter, mais inventer des langages pour et par lui-même, et c’est cela même qui s’appelle décolonisation. »
Voici donc posé le problème des dangers des évolutions modernistes constatées dans la jeunesse intellectuelle arabe, et, plus largement, afro-asiatique. Il faut, pour en juger, revenir à l’impérialisme d’hier et d’aujourd’hui, sans pessimisme.
« L’impérialisme, laissez-moi le répéter, dit J. Berque, c’est la projection en rapports de force unilatéraux de la révolution scientifique et technique. Cette projection a échoué, logiquement, dans les empires classiques (anglais, français, hollandais et autres) à résoudre les problèmes qu’elle avait elle-même créés. Elle échoue encore davantage à répondre aux vœux de la nouveauté qu’elle a elle-même en partie suscitée. A ce moment arrive à maturité une jeunesse afro-asiatique, qui estime à juste titre pouvoir faire l’économie de la dépendance. Elle se considère en mesure de recevoir ou d’approprier le progrès pour son peuple, sans pour autant s’aliéner »…
Pourquoi ? Parce que « les peuples afro-asiatiques s’avisent alors que la modernité qu’on leur propose modernité unilatérale et défigurée, certes – comporte une rançon léonine : l’abandon total ou partiel de la personne. Ils refusent l’abandon, et font ce qu’il faut pour se moderniser sans se renoncer ».
S’agissant plus particulièrement des Arabes, J. Berque ajoute : « Je crois donc que la tâche des intellectuels arabes, selon la diversité de leurs appartenances, consiste à inventer un socialisme qui leur soit propre. Sans quoi l’Islam se réinventera lui-même contre eux »… « Naturellement, ajoute J. Berque, la métaphysique ne joue aucun rôle dans la présente analyse. Je me borne à constater qu’en tant que spécificité culturelle ou que structure, l’Islam a sur le socialisme des supériorités évidentes, ne serait-ce que par son large support de masses, supériorité que le socialisme ou la démocratie avancée devraient compenser par un effort accru de créativité ». En effet, l’Islam « apparaît aux masses comme une caution de leur identité, ce que le socialisme n’a pas toujours su faire », qu’il s’agisse du socialisme nassérien, algérien, ou du Baas, quels que soient leurs mérites propres. Si les Arabes choisissent le socialisme, « qu’ils en fassent vraiment un socialisme de l’avenir » et, « s’ils choisissent l’Islam, qu’ils offrent de l’Islam une modernité véritable, plutôt que le retour à de prétendus âges d’or ».
Parlant encore de l’Islam « rendu à ses problèmes et aux problèmes de tous », J. Berque s’interroge : « Il y a beaucoup, en Islam, comme en toutes les autres religions, à reprocher aux professionnels de la transmission, en l’espèce aux ulémas du taqlîd (« adoption systématique du précédent »). Beaucoup de difficultés, beaucoup d’apparentes apories de l’Islam moderne sont dues non pas à la religion, mais à la corporation non sacerdotale, c’est vrai, mais corporative tout de même, avec des aspects de classe qui l’enseigne et l’administre et en fait l’auxiliaire de certains intérêts sociaux. Je respecte au contraire les vrais ulémas, ceux qui pratiquent « l’effort catégorique », ou iyithâd, et c’est même sur le débat qui règne entre eux et les masses croyantes que porte l’essentiel de mon interrogatoire ».
Jacques Berque, cependant, précise en quoi l’Islam « est le grand interlocuteur de sa vie » :
« Un Islam sans la croix, un Islam auquel je sais gré, au contraire, d’avoir secoué le péché originel, et de transmettre, dans une invincible jeunesse, un frémissement premier et plénier. Appréhension du global, insensible à toutes les divisions du travail, émergence obstinée du fondamental, dans l’existant, chaleur mêlées, goût de la vie qui ne s’abandonne jamais à l’hédonisme, et Sens de l’Absolu qui ne déchoit jamais en refoulement : tel je vois l’Islam. Et je le vois ainsi non pas en tant que penseur religieux, bien sûr, mais qu’homme de sciences sociales et que compagnon de route ».
En cela, J. Berque, sociologue, anthropologue, historien, se veut « quelqu’un qui essaye d’avoir des choses et des êtres, des situations aussi, une compréhension intégrale, comme dans l’amour ou dans la lutte qui vous font embrasser le tout de l’adversaire ou de l’aimé. Vous tentez des prises multiples. Le risque serait de perdre le fil de la synthèse à venir, je ne dis pas fusion, ni confusion, car alors s’abolirait la double personne. Et bien, j’espère n’avoir pas renoncé à ma personne en exaltant celle des Arabes et de l’Islam ».
Mais que sont les Arabes, pour J. Berque ? D’abord, ils « valent mieux que ce qu’ils font, et font mieux qu’ils ne disent, n’en déplaise au pessimisme, toujours latent sous leur bravade »… Ensuite, « sont Arabes tous ceux qui se croient arabes », et « les Arabes, c’est la force de résistance, d’espoir, de lutte contre l’injustice qui depuis un siècle et plus agite la rive sud de la Méditerranée, s’opposant aux égoïsmes rentrés de la rive nord : remise en cause contre remise en choses. A ce titre, fondamentalement une alliée de la démocratie et du socialisme ».
Si le sentiment de l’unité arabe mène le professeur Jacques Berque au constat de la diversité, la réciproque est aussi vraie pour lui, bien qu’il soit rare, comme l’objecte Mirèse Aka, « qu’une identité politique coïncide avec une identité culturelle ou ethnique, ou une identité tout court ». Jacques Berque le concède : « Combien n’est-il pas difficile, dans le monde actuel, de maintenir ou de développer une identité collective, compte tenu de tous les courants qui l’assaillent par le dedans et par le contour ! », comme en témoignent les idéologies qui se partagent le monde, qui « ne peuvent jouer à l’intérieur des entités nationales qu’à la faveur des réalités internes des nations ». De plus, « les contours nationaux du Tiers-Monde sont composites et artificiels », comme le montrent surabondamment de multiples conflits déclarés ou latents. Mais ce n’est pas tout, et la tâche du socialisme est vaste et délicate : « Si l’Internationale ouvrière a jusqu’ici échoué à instaurer des solidarités effectives de nation à nation, c’est que la classe, sur quoi elle insistait, non sans métaphysique militaire, se donnait comme un démembrement (ou une substitution) des sociétés globales, ce qui est contradictoire en soi. Le sentiment prolétarien, en revanche, l’aspiration socialiste, l’ardeur à transformer, à sauver, bref l’esprit de gauche, tant qu’ils restent micro-sociologiques, n’ont pas cette faiblesse et jouent puissamment à travers toutes les frontières »…
A propos des hommes d’exception, des « guides », J. Berque dira : « L’avantage des Arabes dans l’histoire contemporaine, c’est justement de pouvoir assumer la modernité la plus complexe sans se départir de l’héritage des Anciens. Mais un héritage, cela vous pousse ou cela vous inhibe… Constantin Zuhayr l’a bien vu, quand il oppose l’histoire motrice à l’histoire fardeau. Il y a, chez les Arabes, à la fois l’une et l’autre.
« Adossés à un passé grandiose au double et inégal contrefort – celui de la Révélation et celui de la poésie bédouine – ils ne s’en détachent pas volontiers. Ces peuples, on ne saurait encore les dire cultivés. Mais culturés, ils le sont fâcheusement »… d’où leur rejet de toute politique obscurantiste. « Les Arabes ont (…) pour eux cette fraîcheur ou cette chaleur (ce qui est pareil) qui se manifeste par des colères encore intactes et des enjouements immédiats, le repli vers le passé et le bondissement vers l’avenir. Cela pour le positif. Quant au négatif, c’est l’inverse et la rançon du privilège. Leur faculté de récapitulation, d’immédiateté, d’enthousiasme, brouille les niveaux de la réalité et de l’imaginaire. Le projet se mélange au rêve. Voyez, par exemple, depuis 1948, les vicissitudes de problème palestinien : que de fois n’a-t-on pas vu sévir cette confusion le plan qui fait prendre l’éloquence pour l’intention et l’intention pour la réalisation ! D’où une cruelle inefficacité, ou les efficacités par trop déformantes. Mais ce n’est que l’envers de gourmandes synthèses et d’une capacité indéfinie de résistance au fait accompli. En définitive, le bon droit qui est aussi le bon rêve, va-t-il l’emporter ? Tout se passe comme s’ils le croyaient, et l’on peut appeler aussi cela acharnement au principe, idéalisme incarné ».
Parlant plus généralement des hommes, en dehors du monde arabe, J. Berque note qu’il a eu le privilège de fréquenter deux grands leaders en Afrique subsaharienne, « deux humanistes, qui ont sans doute emprunté des voies divergentes, mais tous deux pour la plus grande gloire de l’Afrique : « N’Krumah (…) et Senghor dont j’admire la merveilleuse ouverture aux transculturations de demain ».
Quant aux théoriciens capables d’expliciter le monde arabe d’aujourd’hui, le jugement porté sur eux par J. Berque est nuancé :
« La pratique des Arabes est en avance sur leur théorie. Pourquoi ? Parce que, jusqu’ici, leur réflexion s’est laissée entraîner en deux sens qui n’ont que rarement fait leur jonction. Si je tiens en si grand honneur des gens comme Taha Hussein, c’est parce qu’ils ont synthétisé ces deux aspirations, la première étant l’aspiration islamique que nous pourrions appeler grossièrement « mémorante » (Cf. le dhikr) c’est-à-dire l’action de situer l’avenir dans le souvenir ; la seconde convoquant les Arabes à la modernité, en minimisant l’appel du passé, voire de l’identité »… « L’intelligentsia a joué et constitue de jouer puissamment son rôle, mais surtout dans le second sens. Aussi est-elle plus significative de la mutation que des permanences ».
Au demeurant, ce sont les masses qui importent le plus : « Ma préoccupation à moi est celle des masses, et non de l’exception, ni même des minorités. Les masses, dont le sens historique doit toujours se disputer contre le bruit et les ténèbres, dirons-nous qu’elles ont un destin moins fort que les génies ? Le génie fulmine par sa vie, ses paroles et sa mort. La masse, qui ne meurt jamais, forme et accomplit le sens »…
Une autre idée très senghorienne de J. Berque : « … Je ne crois pas utile, dans un dialogue entre civilisations, d’infléchir l’une vers l’autre, au temporel ou au spirituel, les identités en cause. C’est dans l’exaltation des différences qu’on a le plus de chances de se comprendre avec l’autre »…, car il s’agit bien, en définitive, de « la construction d’un monde plural ».
Jacques Becque en vient alors, tout naturellement, au problème culturel, dont Léopold Sédar Senghor fait le point de départ et la finalité du développement économique lui-même :
« De l’indépendance formelle, à laquelle on s’avisait soudain de donner un sens, je veux dire un contenu économique et social, on en vient maintenant à s’interroger sur la dynamique sociale elle-même : en quoi, comment peut-elle devenir créatrice ? Voilà le vrai problème, qu’on qualifie de culturel. Sa solution (conditionne) tout le reste »…
Et tout se ramène au thème de l’identité :
« Les triomphes apparents du nationalisme masquent (aux cultures tricontinentales) le problème principal, qui est, pour elles comme pour nous, de rétablir les personnes individuelles et collectives dans un projet universel ».
Il ne s’agit donc nullement, pour les Arabes, de renoncer à leur culture religieuse et même poétique. En effet, dit J. Berque, « je regarde (…) aussi du côté de la poésie, car c’est peut-être là qu’on peut trouver le plus de raisons d’espérer. C’est à coup sûr, je pense, chez quelques poètes arabes actuels que le monde arabe est arrivé à un niveau d’expression mondial sans renoncer à lui-même : bel exemple à suivre, et difficile, il faudra y mettre le prix ».
Jacques Berque ne se propose pas de chercher pour les Arabes « une solution », mais seulement d’expliquer leur recherche, et, au mieux, de leur proposer des hypothèses de travail :
« L’impérialisme, c’était l’expansion de la révolution scientifique et technique détournée en échange inégal. Si l’inégalité – qui ne se réduit, bien sûr, nullement à l’économique – les peuples la refusent de plus en plus violemment, on ne voit pas qu’ils se refusent l’ère technologique. En quoi ils font bien : il s’agit seulement, cette ère-là, d’en faire une civilisation, ce que, jusqu’ici, ni eux ni nous n’avons su faire ».
C’est la société de consommation qui est ainsi mise en cause, et J. Berque ajoute… « il est un seul moyen de réagir contre la société de consommation, c’est de la rendre juste. Lutter contre la pollution, ce devrait être dépolluer l’ordre social, en corriger les « rapports », comme aurait dit Marx. Tous les rapports, et pas seulement ceux de la production. Voilà qui réclame une très grande rigueur »…
Il faut, dit encore J. Berque, réinviter la coexistence :
« Qu’est-ce qui accable l’Orient ? Une pernicieuse combinaison du majoritaire et du minoritaire, le duel stérile de l’unité accapareuse et du pluralisme truqué. Une telle configuration porte la première à l’oppression des autres et les autres à la sécession. L’Orient de demain rétablira, je veux le croire, l’unitaire dans le plural en assainissant l’un et l’autre ».
Un autre espoir exprimé : « Il est évident que les mutations qui s’accélèrent, non seulement n’occultent pas l’identité de base, mais, au contraire, la font revivre ».
Les conditions de réalisation de ces espoirs sont, pour ce qui concerne en particulier les Arabes :
« Deux actions, deux programmes. D’une part, affranchir l’Islam du traditionalisme, du triomphalisme, de l’approblématisme. Lui proposer dans la modernité non des abandons mais des structures d’accueil. D’autre part, engager le socialisme dans les chemins de la spécificité, de l’authenticité. Pour autant que l’un et l’autre avancent dans cette recherche, ils déploieront entre eux un champ pertinent de conflit ; demain peut-être de synthèse… Tant que ce double effort est refusé, ou éludé, comment voulez-vous qu’il y ait débat ? Dites plutôt dispute de surdités et de conformisme, tronçonnement de l’homme arabe en deux moignons : celui de l’authenticité sans avenir, et celui du modernisme sans racines »…
L’ouvrage du Professeur Berque s’achève sur une autre vision que Léopold Sédar Senghor a souvent développée :
« Dire qu’entre la latinité, c’est-à-dire aussi l’héllénisme, et l’Islam méditerranéen, nous devons forger une synthèse, est-ce là une irréalisable utopie ? Utopie, je veux bien. Mais irréalisable non pas ! Ce qui depuis un siècle monte autour de la mer commune, et s’aime et se bat, et se cherche en l’autre, et par contre lui, peut nous mener, si nous y travaillons, à des Andalousies nouvelles ».
-L’ABEILLE ET L’ARCHITECTE par François Mitterrand 402 pages, Flammarion
-LEON BLUM par Jean Lacouture (Edition du Seuil 1977)
-YEHUDI MENUHIM : VOYAGE INACHEVE, Autobiographie – Seuil 1977