ANTINEA
Ethiopiques numéro 26
revue socialiste
de culture négro-africaine
avril 1981
Elle disait la bonne aventure par les ruines des sanctuaires
elle rythmait le sabbat majeur des prêtres aux yeux éthiopiques
le souffle atlante battait le ressac des visages d’au-delà
l’âcre beauté la gorge haute de la fière Néfertiti
Antinéa porte-citadelle de l’Afrique des refus
Elle allumait les étoiles profondes des ciels du Hoggar
elle enfantait chaque siècle dans la clameur des bûchers
les tessons de vierge les boucliers de héros le nombril numide
Carthage et Saba reines de croisades rebelles vassales guerrières
fuyant le chaos et le baiser des dieux
Antinéa femme-fétiche de l’Afrique des empires
Elle pilait les prières athées dans la fronde des vouloirs
elle coulait la geste des moissons souterraines
elle filait les oracles et tissait les reins
elle moulait l’esprit des sarcophages de vins noirs
elle fécondait les hommes bleus les filles de soufre et d’éther
l’eau de ses prunelles comme une lessive d’anges
Antinéa femme-continent des chevauchées nubiennes
Elle fleurissait les monts de saisons d’espoir
nymphe des vastes solitudes pâture sauvage des prophètes
désert énigmatique des sanglots purs
elle paissait les fureurs de la passion atlante
les récoltes d’amours ruisselaient ses greniers
crépitaient ses autels au zénith des étreintes en courroux
par troupeaux de miracles ses silences et son orgueil
Antinéa falaise amazone de l’Afrique secrète
Elle bordait les aisselles de pénombre de musc et de sourire
l’océan serpent fauve caverne cyclope des amours de Cléopâtre
fracas d’épopées ultimes pierre précieuse des larmes du Nil
totem hurleur courbant chaque masque d’ossement
salut victorieux du sphinx inaltérable
sursaut des crépuscules d’aubes glabres et de conciliabules
sommeil invaincu des armes de pharaon l’obole des seins d’ébène
la chute rétractile des siècles sur les remparts de l’Atlantide
flamme végétale tempête embrasement de chair païenne
Antinéa perle d’éternité sur la crête du sable mouvant