Notes

ICI ET MAINTENANT FRANÇOIS MITTERAND Fayard (304 pages)

Ethiopiques n° 25

révue socialiste

de culture négro- africaine

janvier 1981

Le dernier livre de François Mitterrand, « Ici et maintenant  », adopte un titre, « hic et nunc », déjà repris, comme antienne, dans le chant que le parti socialiste français a chanté lors de son congrès de Nantes, en 1977. A cette époque, une grande espérance, pour les élections de 1978, habitait « le peuple de gauche ». Depuis, il y a eu la rupture de l’union de la gauche… Et, cependant, l’espoir est demeuré chez François Mitterrand. C’est ainsi que j’interprète le choix du titre de son livre.

« Ici et maintenant » montre un François Mitterrand au mieux de sa forme littéraire, politique et intellectuelle. L’auteur écrit, en effet, dans une langue admirable, maîtrisant son style, pliant les mots à sa volonté, à son humeur, à sa sensibilité, à son ironie, à sa causticité, à sa pugnacité.

Sur le plan politique, François Mitterrand, conversant avec Guy Claisse, aborde, pratiquement, tous les problèmes intérieurs avec lesquels la France est confrontée et aussi extérieurs : propre personnalité du parti socialiste français, stratégie et tactiques du parti communiste, l’Etat français sous Valéry Giscard d’Estaing (« l’Etat­Giscard »), les syndicats, la petite et moyenne entreprise, l’autogestion, une nouvelle agriculture, lA condition féminine, l’éducation et la culture, l’écologie, etc… François Mitterrand, sur toutes ces questions, apporte des réponses socialistes. La manière d’aborder la foi dans le progrès et la nécessité de le maîtriser vont dans le même sens. En politique interna­tionale, la question du désarmement tient, naturellement, une place de choix, le rôle de l’Europe, l’élargissement du Marché commun, la coopération nord-sud, la réforme du système monétaire internationale, des problèmes brûlants, tels que l’Mghanistan, le conflit Irak-Iran, la Pologne, font l’objet d’un examen minutieux, sans complaisance aucune, et de propositions concrètes, à la lumière de l’option socialiste.

L’ouvrage de François Mitterrand montre que les socialistes français n’ont pas perdu l’espoir, puisqu’ils étudient, en permanence, les grandes questions de l’heure et de l’avenir, font les propositions concrètes. Ils ont un projet de société. L’on ne manque pas, à ce sujet, d’être frappé par l’aisance avec laquelle François Mitterrand aborde les sujets aussi bien techniques ou rébarbatifs que politiques. De même, il répond, avec franchise, à toutes les questions-pièges qui lui sont tendues. Guy Claisse cherche-t-il à mettre l’accent sur les clivages du parti socialiste que François Mitterrand dit, sans fard, son opinion avec toujours le souci de sauvegarder l’unité de son parti. Cherche-t-on à accréditer une image de lui, forgée par ses adversaires de tous bords, qu’il redresse les choses et passe, à son tour, à l’offensive, en posant des questions qui, souvent, demeurent sans réponse, ce qui est une manière de répondre. L ’homme reste brillant tout au long de l’ouvrage, dense, sérieux.

François Mitterrand a incontestablement les dimensions d’un homme d’Etat. Cela, on le savait déjà. « Ici et maintenant » le confirme encore une fois. S’y ajoutent des qualités de cœur, que, pour des raisons partisanes, on cherche à occulter ; « Je vais à mes amis quand ils sont dans la peine ». Et aussi de réalisme tout en cherchant à voir et à aller plus loin ; « Il est d’autres réponses que la nôtre à l’interrogation de l’homme sur lui-même. Mais faire ce qu’on peut là où l’on est, je ne connais pas d’autre morale. Et ne pas s’arrêter de chercher à comprendre ». Un homme.