Notes de lectures

Sada Weindé NDIAYE, Un pont de lumière sur le fleuve, Dakar, N.E.A, 1999.

Ethiopiques n°72.

Littérature, philosophie, art

1er semestre 2004

Ce roman de Sada Weindé Ndiaye a remporté le Grand Prix du Chef de l’Etat en 1999.

Plus qu’un roman d’amour entre Paulèle et Salif Maïram Gaye, cette œuvre, dont chaque mot, chaque phrase, a été longuement pensée et soupesée, fait état d’une atmosphère, de l’art de vivre hal pulaar. Salif Maïram Gaye, l’enfant chéri des Wolos et des Safalas, qui se partagent le fleuve, respire la joie de vivre et jouit d’une popularité exceptionnelle. Les plaisanteries salaces, qu’il lance aux uns et aux autres, font la réputation des « Tioubalos », pêcheurs pulaar. Commerçant ambulant, sillonnant le fleuve, il œuvre pour la rénovation de Wouro-Walo, son pays, tout en prenant la défense des ouvriers de l’usine Soenor qui « dégage des volutes de fumée, déplace les limites du village et exhale une odeur écoeurante ». Il plaint ces ouvriers qui gagnent des salaires « à peine meilleurs que l’aumône d’un pauvre à un miséreux ».

Mais en fait, le personnage principal du roman est le fleuve, poumon des échanges commerciaux, lieu de rencontre des deux populations riveraines. Cette entente cordiale a soudain été rompue par le coup de feu qui fit passer Salif Maïram Gaye, l’ami des jeunes et des femmes, de vie à trépas. Les suspicions se portèrent aussitôt sur Bahi Ahmed, le riche Safala, prétendant à la main de Paulèle, revenu d’Italie et dont l’accueil par les siens fut digne d’un prince des mille et une nuits. La prise en otage de Bahi Ahmed par les Wolos provoque une révolte à Tamchott, le pays des Safalas. A son tour, Paulèle est enlevée qui provique un déclenchement : enlèvement de bétail, de personnes, incendies volontaires se succèdent.

Bahi Ahmet, libéré, subit l’attentat de Samba Gaye, le frère de Salif qui veut ainsi se venger de la mort de son frère. Heureusement il rate sa cible. Le roman se termine sur une note optimiste : les deux peuples se retrouvent et entonnent des chants en signe de réconciliation.

Cette histoire romancée rappelle les douloureux événements survenus en 1989 entre les riverains du fleuve Sénégal que sont les Maures et les Sénégalais.

Le mot wolo fait référence aux Wolof et Safalas rappelle étrangement Safalbés qui en pulaar signifient les Maures.

Sada Weindé Ndiaye s’est révélé dans ce roman un orfèvre du verbe, un maître dans la restitution de la pensée et de la civilisation pulaar. Le style d’une profonde limpidité et d’une fraîcheur à nulle autre pareille se veut la parure de ce roman exceptionnel à tous égards.

Je n’en veux pour preuve que cette belle phrase décrivant la mort : « Salif Maïram Gaye était une source de vie, à présent figé dans le cristal des mémoires douloureuses ».

Cette œuvre d’un écrivain arrivé au zénith de son art mérite de trouver une place de choix dans la bibliothèque de toutes les personnes qui se nourrissent de Belles Lettres.