Critique d’art

PRESENTATION DE LOUIS BASSENE

Ethiopiques n°88.

Littérature, philosophie et art

1er semestre 2012.

Espaces publics africains, crises et mutations

PRESENTATION DE LOUIS BASSENE

Il y a trente ans Louis Bassène intégrait le monde des arts plastiques sénégalais, nanti de son diplôme de l’Ecole nationale des Beaux-arts, mention Très Bien. C’était en 1982. _ Auparavant, il avait fréquenté le Conservatoire de Musique, de Danse et d’Art Dramatique, de 1971 à 1978 et en était sorti avec une deuxième médaille de Solfège. _ Artiste atypique par sa formation comme dans sa pratique, Louis Bassène est un créateur polyvalent. Il totalise une dizaine d’années de formation artistique qui en a fait d’abord un musicien, puis un peintre issu du Département Communication de l’Ecole Nationale des Beaux-arts (1978-1982), cas rare dans les arts plastiques sénégalais contemporains. Et dans sa pratique artistique, il est polyvalent, par la diversité des techniques utilisées ; certes, il a été d’abord graphiste et illustrateur, ensuite et en même temps peintre et dessinateur scientifique. Cette polyvalence technique fonde la diversité et la richesse de l’œuvre plastique de Louis Bassène et explique également sa constance dans la création artistique et sa présence permanente dans la vie artistique au Sénégal comme à l’étranger. Louis Bassène expose en effet depuis 1980, de manière régulière, à l’Ecole Nationale des Beaux-arts d’abord, puis à la Galerie Nationale, dans les Instituts culturels, etc. ; il participe en outre aux différents salons nationaux des artistes plasticiens sénégalais et aux éditions de la Biennale de l’Art Africain Contemporain de Dakar. Il marque enfin sa présence dans des événements internationaux comme les éditions et les étapes de l’exposition itinérante d’art sénégalais contemporain à l’étranger, l’exposition « Le Sénégal au cœur de Paris », ou « L’Exposition d’Art contemporain sénégalais en Arabie saoudite, etc.

Dans le travail de Louis Bassène, on perçoit d’emblée, d’une part, la présence de la culture joola, présence parfois discrète, comme dans Gafoulong, ou Femmes du sud ; d’autre part, la diversité des techniques de création, en particulier la technique de la récupération, dont la finalité est double dans son art : en récupérant des objets usagés, abandonnés ou jetés, il leur redonne vie et par la même occasion, il sauvegarde des éléments de la culture ancienne, en voie de disparition.

D’abord la culture joola, qu’il paraît connaître parfaitement, dans ses différents aspects religieux, social, économique, politique, etc. Et quand il affirme que « mon environnement social immédiat est ma source d’inspiration », il s’agit de sa société, dans ses rapports sociaux, dans son organisation et sa composition, dans les différents statuts et rôles de ses membres, etc. ; il s’agit aussi de sa religion, qui organise la société et la vie, détermine les relations entre le visible et l’invisible, les rapports entre les morts et les vivants, le statut de l’homme, qui ne disparaît pas irrévocablement par la mort, mais change d’étape.

Plusieurs œuvres de cette exposition représentent divinités, esprits et ancêtres morts : Alaemit, Afouga, Eou, Achinachine, Ayaoul, Ambito, etc. Mais la représentation que Louis Bassène fait de ces dieux et esprits n’est jamais réaliste, parfaite ; elle est suggestive et indicative : un signe ou un objet quelque part sur la toile suffit. Cependant la culture banjal n’est pas omniprésente dans l’art de Louis Bassène ; car il peint également la modernité et l’événementiel, il peint la vie : Camp de Thiaroye, Le Bateau le Joola, Immigration clandestine, La Croix rouge, Le Rameau, Union monétaire Africaine, etc. Diversité thématique donc, correspondant à et servie à merveille par une diversité technique. Celle-ci est telle que Louis Bassène utilise généralement dans la plupart de ses œuvres plusieurs techniques, au-delà de deux. Parce qu’il a appris à maîtriser très tôt les techniques de création, d’abord les techniques traditionnelles (le graphisme et les diverses techniques de peinture à l’huile, à l’acrylique, à la gouache, etc.), puis le grattage, le collage, la couture, la détrempe, etc., techniques qu’il utilise beaucoup désormais.

De même qu’il n’est pas obnubilé par sa culture traditionnelle, de même il n’est prisonnier d’aucune technique. Il utilise en effet indifféremment les techniques, révélant ainsi sa maîtrise de toutes les techniques qu’il emploie. Une telle maîtrise des techniques, associée à une connaissance parfaite de sa culture traditionnelle et au service de celle-ci, permet à Louis Bassène de créer ces œuvres subtiles, dans lesquelles figuration et abstraction se combinent ou alternent. La figuration ne tend pas chez Louis Bassène à une représentation absolument ressemblante, mais elle est indicative.

Et dans certaines œuvres, l’abstraction semble prendre le pas et occuper toute la surface de la toile, comme dans Gafoulong ou Parcours initiatique ; puis un ou quelques objets, récupérés et collés ou cousus dans un coin, représentent une réalité. Comme beaucoup de grands créateurs, Louis Bassène a compris qu’un signe, un symbole, une trace ou un objet quelconque suffisent à représenter une chose ou une réalité. L’expression se contente de peu, comme Le Dauphin, à l’image de Pablo Picasso, qui, à l’aide d’une selle et d’un guidon de vélo, a créé Tête de Taureau.

Dakar le 05 mars 2012

[1] Université Ch. A Diop de Dakar, IFAN